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Tablette de Chamalières

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Tablette de Chamalières
Tablette de défixion gauloise en plomb, source des Roches, musée Bargoin.
Tablette de défixion gauloise en plomb, source des Roches, musée Bargoin.
Type Tablette de défixion
Dimensions 4 x 6 cm
Matériau Plomb
Période Ier siècle
Culture
Date de découverte
Lieu de découverte Source des Roches, Chamalières
Coordonnées 45° 46′ 21″ nord, 3° 04′ 21″ est
Conservation Musée Bargoin
Géolocalisation sur la carte : France

La tablette de Chamalières, ou inscription de Chamalières ou plomb de Chamalières, est une tablette de plomb de six centimètres sur quatre, découverte en à Chamalières (Puy-de-Dôme), lors des fouilles de la source des Roches. Le texte est écrit en langue gauloise avec des lettres cursives latines. C'est l'un des plus longs textes en gaulois, d'une importance capitale pour la compréhension de cette langue. Il s'agit d'un texte de caractère magique, appartenant à la catégorie des tablettes de défixion ; il invoque le dieu celtique Maponos. Il est exposé, avec le matériel de la source des Roches, au sous-sol du musée Bargoin, à Clermont-Ferrand.

Dénomination[modifier | modifier le code]

La tablette de Chamalières est également appelée plomb de Chamalières[1],[2] mais cette première appellation est la plus répandue.

La tablette[modifier | modifier le code]

Circonstance de la découverte[modifier | modifier le code]

Entre et a lieu la fouille de sauvetage du sanctuaire de la source des Roches à Chamalières dans la banlieue de Clermont-Ferrand. Ce haut lieu religieux de la cité des Arvernes est essentiellement connu pour avoir livré une quantité inégalée d'ex-votos de guérison en bois. La tablette de défixion a été découverte le au milieu d'un amas de ces ex-votos[3].

Description de la tablette[modifier | modifier le code]

Datée de la période julio-claudienne par son environnement archéologique, la tablette est un petit rectangle de plomb de 6 × 4 cm, elle est dotée d'une anse en queue-d'aronde. Les deux faces sont soigneusement polies bien que le texte n'en occupe qu'une seule. Tout porte à croire que le support a été soigneusement préparé.

Le texte compte douze lignes, écrites en cursive latine. Les lettres sont néanmoins de petite taille, de 1 à 2 millimètres, ce qui permet à ce texte d'être l'un des plus longs que l'on connaisse en langue gauloise, bien que la surface utilisable soit limitée. Ce texte compte en effet 60 mots, écrits à l'aide de 336 caractères. On constate par ailleurs qu'un intervalle plus important sépare les deux premières lignes du reste du corps du texte[1].

Objets similaires[modifier | modifier le code]

Il existe d'autres objets du même ordre qui ont été retrouvés en fouille. Parmi ceux-là, les plus connus sont :

  • le plomb du Larzac, découvert en à L'Hospitalet-du-Larzac, sur l'ancien territoire des Rutènes ;
  • la tablette d'Eyguières, écrite en caractères grecs, probablement en raison de sa proximité avec Massilia, mais à la lecture délicate, du fait de l'enchevêtrement des lettres. Elle a été découverte sur le territoire des Salyens ;
  • les lamelles de plomb d'Amélie-les-Bains, découvertes en au nombre de 6, et aujourd'hui perdues[4] ;
  • le plomb de Lezoux, qu'il ne faut pas confondre avec le plat de Lezoux, a été retrouvé, comme le plomb de Chamalières, en territoire arverne. Ce n'est pas une tablette de défixion, il s'apparente davantage à une amulette.

On peut joindre à cette liste d'autres artefacts comme les tablettes de Rom, de Mondragon, des Martres-de-Veyre et de Monastère-sous-Rodez.

Plus récemment, six tablettes de défixion en plomb ont été découvertes lors d'une fouille préventive au Mans. Au moins l'une d'entre elles porte des inscriptions, de lecture difficile.

Le texte[modifier | modifier le code]

Restitution par Robert Marichal du texte de la tablette de Chamalières
Restitution par Robert Marichal.

L'inscription de Chamalières a fait l'objet dès 1976 de premières tentatives de transcriptions, traductions et commentaires linguistiques par Michel Lejeune et Robert Marichal[5], Léon Fleuriot[6]. De nouvelles transcriptions et traductions ont été proposées[7], en français par Jean-Paul Savignac[8] et surtout Pierre-Yves Lambert[9],[10],[11],[12] , en anglais par Karl Horst Schmidt[13], Patrick L. Henry[14], John T. Koch[15], Bernard Mees[16], Garrett S. Olmsted[17].

La fin du texte reste mal comprise, et la traduction n'en est pas assurée. Pour les uns, l’auteur voue aux divinités infernales des personnages aux noms romains ou romanisés[5] ; pour d’autres, il s’agirait d’une invocation à une source bénéfique pour un changement dans un contexte de guerre[6],[13], ou une tentative de ramener du côté des Gaulois le dieu Maponos à l’occasion de conflits[9] ou encore, soit une incantation[14] soit une défixion garantissant un serment[12].


Par exemple Fleuriot traduit le début du texte par

« J’allie l’immortel divin Maponos Arverne par cet écrit magiquement fort »

Lambert propose en 1979

« Je soumets à la Bonne Force des Dieux et des Ande‑dii Maponos Qui‑Donne‑satisfaction pour que tu dises pour nous et pour eux, les formules magiques des enfers »

et en 1994

« J’invoque Maponos arveriiatis par la force des dieux d’en‑bas ; que tu les [...] et que tu les tortures [toi], par la magie des [dieux] infernaux »

.

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

En , le groupe de folk metal suisse Eluveitie reprend le texte dans son morceau Dessumiis Luge (album Evocation I - The Arcane Dominion) et quelques années plus tard les deux premières lignes pour Spirit[18].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Lejeune 1984.
  2. Lambert 1979, p. 150.
  3. Romeuf 2007, p. 85.
  4. Olivier Rimbault, « Les lamelles de plomb gravées d'Amélie-les-Bains-Palalda (66110), inscrites *L-97 (R.I.G.) : un cas d'école pour l'étude des langues rares de l'Antiquité », dans Mireille Courrént (dir.), Ghislaine Jay-Robert (dir.) et Thierry Eloi (dir.), Transports, Mélanges offerts à Joël Thomas, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, coll. « Études », , 575 p. (ISBN 978-2-35412-169-3, lire en ligne), p. 187–211.
  5. a et b Lejeune et Marichal 1976.
  6. a et b Fleuriot 1976.
  7. Transcriptions, traductions et interprétations commentées par Kris Hugues dans sa vidéo The Tablet of Chamalières in depth (2023).
  8. Savignac 2000.
  9. a et b Lambert 1979.
  10. Lambert 2002.
  11. Lambert 2003.
  12. a et b Lambert 2018.
  13. a et b Schmidt 1981.
  14. a et b Henry 1984.
  15. Koch 2003.
  16. Mees 2009.
  17. Olmsted 2019.
  18. Le Toxicomélomane, « Eluveitie : Evocation II - Pantheon », sur Valkyries Webzine, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Olmsted 2019] Garrett Olmsted, The Gods of the Celts and the Indo-Europeans, Clynchdale, (1re éd. 1994) (lire en ligne Inscription nécessaire)
  • [Delamarre 2018] Xavier Delamarre (préf. Pierre-Yves Lambert), Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux-celtique continental, Arles, Errance, , 3e éd. (1re éd. 2001), 440 p. (ISBN 978-2-87772-631-3).
  • [Lambert 2018] Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise : description linguistique, commentaire d'inscriptions choisies, Arles, Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 3e éd. (1re éd. 1994), 250 p. (ISBN 978-2-87772-633-7).
  • [Mees 2009] (en) Bernard Mees, Celtic Curses, Woodbridge, The Boydell Press, , VIII-229 p. (ISBN 978-1-84383-457-1)
  • [Romeuf 2007] Anne-Marie Romeuf, « La découverte de la tablette de plomb inscrite de Chamalières : Présentation de la fouille », dans Pierre-Yves Lambert (dir.) et Georges-Jean Pinault (dir.), Gaulois et celtique continental (actes du colloque international tenu à l'Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand,  – ), Genève, Droz, coll. « Hautes études du monde gréco-romain » (no 39), , X-503 p. (ISBN 978-2-600-01337-6), p. 85–98 [lire en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Lambert 2003] Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise : description linguistique, commentaire d'inscriptions choisies, Paris, Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 2e éd. (1re éd. 1994), 248 p. (ISBN 2-87772-224-4). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Koch 2003] (en) John T. Koch, chap. I § 1-2 « Two Gaulish Religious Inscriptions : § 1.The Tablet of Chamalières », dans John T. Koch (dir.) et John Carey (collab.), The Celtic Heroic Age : Literary Sources for Ancient Celtic Europe & Early Ireland & Wales, Aberystwyth, Celtic Studies Publications, coll. « Celtic Studies Publications » (no 1), , 4e éd., X-433 p. (ISBN 1-891271-09-1), p. 1–3 [lire en ligne].
  • [Lambert 2002] Pierre-Yves Lambert, Recueil des inscriptions gauloises, vol. II.2 : Textes gallo-latins sur instrumentum, Paris, CNRS Éditions, coll. « Supplément à Gallia » (no XLV), (ISBN 2-271-05844-9), p. 269–280.
  • [Kruta 2000] Venceslas Kruta, Les Celtes : Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 1005 p. (ISBN 2-221-05690-6).
  • [Savignac 2000] Jean-Paul Savignac, Merde à César, Éditions de la Différence, , 188 p. (ISBN 978-2729113230), p. 78-83
  • [Eska 1997] Joseph Eska, « Allophony, Chamalières eđđic, and related matter », Zeitschrift für celtische Philologie, nos 49-50,‎ , p. 170-178
  • [Lambert 1996] Pierre-Yves Lambert, « Grands textes magiques : Chamalières, Larzac », dans Wolfgang Meid (dir.) et Peter P. Anreiter (dir.), Die grösseren altkeltischen Sprachdenkmäler (actes du colloque d'Innsbruck,  – ), Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft, coll. « Innsbrucker Beiträge zur Kulturwissenschaft » (no 95), , 265 p. (ISBN 3-85124-176-2), p. 51–85.
  • [Olmsted 1994] (en) Garrett S. Olmsted, The Gods of the Celts and the Indo-Europeans, Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft der Universitäts Innsbruck, coll. « Innsbrucker Beiträge zur Kulturwissenschaft / Sonderheft » (no 92), , VI-493 p. (ISBN 3-85124-173-8).
  • [Kowal 1987] Béla Kowal, « Beobachtungen zur Inschrift von Chamalières », Indogermanische Forschungen, vol. XCII,‎ , p. 243-255
  • [Henry 1984] (en) Patrick L. Henry, « Interpreting the Gaulish inscription of Chamalières », Études celtiques, vol. 21, no 1,‎ , p. 141–150 (DOI 10.3406/ecelt.1984.1761, lire en ligne, consulté le ).
  • [Lejeune 1984] Michel Lejeune, « Deux inscriptions magiques gauloises : plomb de Chamalières; plomb du Larzac », Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, vol. 128, no 4,‎ , p. 703–713 (DOI 10.3406/crai.1984.14218, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Schmidt 1981] (en) K. H. Schmidt, « The Gaulish Inscription of Chamalières », The Bulletin of the Board of Celtic Studies, vol. XXIX,‎ , p. 256–268.
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  • [Lambert 1979] Pierre-Yves Lambert, « La tablette gauloise de Chamalières », Études celtiques, vol. XVI,‎ , p. 141–169 (DOI 10.3406/ecelt.1979.1623, lire en ligne Accès libre). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Fleuriot 1979] Léon Fleuriot, « Note additionnelle sur l'inscription de Chamalières », Études celtiques, vol. 16, no 1,‎ , p. 135–139 (DOI 10.3406/ecelt.1979.1622, lire en ligne, consulté le ).
  • [Lejeune et Marichal 1976] Michel Lejeune et Robert Marichal, « Textes gaulois et gallo-romains en cursive latine. 2 : Chamalières », Études celtiques, vol. XV-1,‎ , p. 156–168 (DOI 10.3406/ecelt.1976.1569, lire en ligne).
  • [Fleuriot 1976] Léon Fleuriot, « Le vocabulaire de l'inscription gauloise de Chamalières », Études celtiques, vol. XV-1,‎ , p. 173–190 (DOI 10.3406/ecelt.1976.1570, lire en ligne Accès libre).
  • [Poursat 1973] Jean-Claude Poursat, « Circonscription d'Auvergne », Gallia, vol. 31, no 2,‎ , p. 439–444 (lire en ligne Accès libre, consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]