Pierre Phalèse (maison d'édition)

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Pierre Phalèse
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Enfant
Petrus Phalesius le jeune (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Genre artistique

Pierre Phalèse (nom francisé ; latinisé Petrus Phalesius et, à l'origine, en néerlandais Vander Phaliesen), né à Louvain vers 1510 et mort dans la même ville vers 1575, est un imprimeur-libraire en musique.

Il est le premier d'une lignée d'imprimeurs-libraires de musique des Pays-Bas méridionaux, les Phalèse, successivement établie à Louvain et à Anvers entre 1545 et 1674, qui a été active durant trois générations.

Biographies et productions[modifier | modifier le code]

Page de titre des Manipulus e messe musicus de Giovanni Rovetta (Anvers, hér. de Pierre Phalèse, 1648). (Paris, BNF).

Pierre Phalèse le Vieux[modifier | modifier le code]

Pierre Phalèse était le fils d'Augustin vander Phaliesen, un brasseur, et de Marguerite van Poddeghem. Peut-être était-il un proche parent d'Arnold vander Phaliesen (qui était peintre à Louvain en 1499) et d'Antoine vander Phalisen (un organiste, décédé le ).

En 1541, Phalèse devint libraire attitré de l'université de Louvain. En 1545, il débuta comme libraire dans sa ville natale. En peu de temps, il créa un atelier, qui en 1575, avait déjà publié 189 livres de musique. De ses presses sortirent, entre 1545 et 1552, plusieurs livres savants, quelques-uns publiés conjointement par lui et un autre libraire-imprimeur de Louvain, Martin de Raymaker (Rotarius). Si, au début de sa carrière, il sous-traitait ses ouvrages à d'autres imprimeurs, à compter de 1553, il commença à les imprimer lui-même avec des caractères de haute qualité, à l'instar de Tielman Susato d'Anvers.

Au cours de ces années, Phalèse publia aussi cinq livres de chansons réduites en tablature de luth, imprimés pour lui par Jacob Baethen, Servaas Sassen et Reynier Velpen, car il n'était, à cette époque, qu'un libraire et non un imprimeur. Les cinq livres ont toutefois tous été imprimés avec les mêmes caractères utilisés par Phalèse, depuis 1553, pour le second volume du Hortus musarum et d'autres ouvrages pour luth. Un autre remarquable ouvrage de cette époque est Selectissima... in guiterna ludenda carmina (Louvain, 1570) : un recueil qui contient aussi des instructions en latin pour guitare ; de la même année datent les 115 pièces pour cistre du Hortulus cytharæ. Il publiait principalement des livres de chansons et de danceries (danses).

Phalèse sollicita et obtint, le , un privilège lui permettant d'imprimer des ouvrages musicaux à partir de caractères mobiles en une seule impression. Après une première série de publications consacrées au répertoire de tablature de luth, Phalèse publia plusieurs livres de chansons et de motets de compositeurs des anciens Pays-Bas, parmi lesquels Jacob Clemens non Papa, Thomas Créquillon, Orlando di Lasso ou Cyprien de Rore figurent en bonne place. Certaines pièces instrumentales ont sans doute été empruntées au répertoire sorti des presses parisiennes, espagnoles et allemandes.

Si la grande majorité des productions de Phalèse est consacrée à la musique sacrée − messes, motets et magnificats −, il publia aussi des recueils de chansons françaises, des madrigaux italiens, des chansons néerlandaises et des pièces instrumentales. Il empruntait beaucoup à de nombreux compositeurs et n'hésitait pas à reprendre des pièces déjà publiées ailleurs.

Dès 1560, cependant, il manifestait une approche plus audacieuse et plus internationale. En 1561, il publia le Cantuale juxta usum... ecclesiæ Amstelredamensis, destiné aux chœurs des églises amstelodamoises, imprimé en une seule opération en notation gothique par neumes, procédé qu’il réutilisa en 1563 pour les Psalmi... cum hymnis. En 1563, Phalèse commença à publier une nouvelle série de livres de luth intitulés Theatrum Musicum. La même année, il publia de Francisco Guerrero les harmonisations à huit voix du Magnificat en utilisant une fonte de caractères de grand corps, adaptée aux livres de chœur de format in-folio et semblable à celles utilisées à Paris par Pierre Attaingnant ou Nicolas Du Chemin pour des livres similaires. Entre autres nombreux ouvrages, Phalèse publia également plusieurs livres de Roland de Lassus et de Cyprien de Rore.

En 1570, il entama un partenariat avec Jean Bellère, imprimeur anversois, ce qui lui permit d'atteindre une clientèle plus vaste. Ce partenariat fut continué par Pierre Phalèse le Jeune jusqu'à la mort de Bellère en 1595. Bellère était un imprimeur-libraire qui entretenait d'importantes relations internationales ; il participa sans doute au financement de publications auxquelles il assurait une meilleure distribution, même à Anvers. Phalèse demeurait de toute façon actif comme imprimeur. Bellère était originaire de Liège, et il se peut que ce fut par l'intermédiaire de cette relation que le compositeur liégeois Jean de Castro agît comme conseiller musical de Phalèse en 1574 et en 1575, fournissant les dernières compositions françaises et italiennes pour publication.

Une page du Septiesme livres des chansons à quatre parties... de 1570.

Outre les caractères gothiques et ceux utilisés pour les grands livres de chœur, Phalèse possédait également un caractère de musique de corps moyen, utilisé pour les livres de chansons ou de motets de format in-quarto (également utilisé par Jean Bogard à Douai) et des caractères de tablature de luth. Ses caractères sont tous de bonne facture, hormis peut-être la tablature qui n'est pas aussi élégante que ses équivalents parisiens. Les éditions de Phalèse sont propres et précises, avec des textes soigneusement placés sous la portée ; il fut le premier imprimeur des anciens Pays-Bas à imprimer des livres de luth dans lesquels les deux parties sont disposées de telle sorte que les joueurs assis autour d'une table puissent jouer du même livre. Lorsqu'en 1570, Phalèse visita Anvers pour être examiné par le prototypographe du roi Philippe II, Christophe Plantin déclara que l'imprimeur était « expert dans l'art de l'impression de la musique », dont il s'occupait en toute exclusivité, et qu'il maîtrisait bien le latin, le français et le néerlandais. Un ouvrage exceptionnel pour cette période est un recueil de 1572, entièrement consacré à la chanson néerlandaise : Een duytsch musyck boeck.

Les trois fils de Pierre le Vieux, Corneille, Jacob et Pierre le Jeune, avaient tous eu un rapport plus ou moins fort avec l'édition musicale. En 1562, on voit Pierre le Vieux signer un contrat d'apprentissage chez l'imprimeur-libraire anversois Jan de Laet, aussi spécialisé en édition musicale, pour son fils Jacob[1], mais celui-ci s'inscrivant le à l'université de Louvain, il faut croire que celui-ci ne fut pas mené à terme. Le même jour, Pierre le Jeune s'inscrivit à la même université, et lui non plus ne semble pas avoir terminé ses études. C'est lui qui reprendra la firme paternelle (voir la section suivante). Quant à Corneille, le fils aîné, il reçut un grade de la faculté des Arts en . Il mit son nom sur un volume de Roland de Lassus, la première partie de la Patrocinium musices (une réimpression de l'édition de Munich de 1573), mais il ne poursuivit pas ses activités d'imprimeur.

Plusieurs ouvrages furent encore publiés au nom de Pierre le Vieux entre 1574 et 1576. Phalèse mourut donc sans doute à Louvain vers 1576, laissant son atelier à Pierre le Jeune (peut-être brièvement associé avec Corneille), mais la date précise de son décès n'est pas connue.

Pierre Phalèse le Jeune[modifier | modifier le code]

Page de titre des Harmonia celeste (Anvers, Pierre Phalèse le Jeune, 1605).

Pierre Phalèse, le Jeune, naquit à Louvain vers 1545 et mourut à Anvers le . Son nom apparaît en 1563 dans le matricule de l'université de Louvain. Il reprit l'atelier après la mort de son père : les trois volumes du Patrocinium musices (1577-1578) furent ses premières publications, à l'adresse de Petrum Phalesium juniorem.

Il déménagea à Anvers, où il fut inscrit à la guilde de Saint-Luc en 1581. Il se maria en 1582 avec Elisabeth Wisschavens et s'établit, la même année, dans la Cammerstrate, à l'enseigne du Lion rouge (De Rode Leeuw). Il y vécut jusqu'en 1608, quand il s’établit au Coperen Pot (Le pot en cuivre) après quoi il rebaptisa la maison Le roi David (Koning David). Phalèse poursuivit l’association avec Jean Bellère jusqu'à la mort de ce dernier en 1595. Il utilisa le même matériel typographique que son père, et continua à imprimer des chansons, des motets et d'autres pièces de musique sacrée, ainsi que de la musique pour luth.

Phalèse publia plusieurs volumes de madrigaux italiens, y compris quatre collections très appréciées :

Cette collection et d'autres reflètent la popularité de la musique italienne aux Pays-Bas à cette époque. En outre, Phalèse publia de nombreux livres de madrigaux, dont chacun fut consacré à un seul compositeur italien : Agazzari, Anerio, Croce, Frescobaldi, Marenzio, Monteverdi, Mosto, Pallavicino, Rossi et Vecchi. Les Balletti a cinque voci (1596) de Giovanni Giacomo Gastoldi furent réimprimés sept fois entre 1601 et 1631. En outre, Phalèse fit sortir de ses presses de la musique sacrée et profane de deux compositeurs anglais vivant à Anvers : Richard Dering et Peter Philips.

Parmi les œuvres pour luth publiées par Phalèse, le Pratum musicum du luthiste Emanuel Adriaenssen (1584), qui comprend des arrangements de madrigaux et de chansons ainsi que quelques chansons néerlandaises (ou flamandes), tient une place importante.

Les héritières de Pierre Phalèse : Magdalena et Maria[modifier | modifier le code]

Cantiones natalitiæ de Joannes Berckelaers (Anvers, hér. de Pierre Phalèse, 1670).

Magdalena Phalèse, née à Anvers, fut baptisée le et mourut dans sa ville natale le . Magdalena était la fille de Pierre Phalèse le Jeune. En 1629, après la mort de son père, elle et sa sœur Maria (née à Anvers, y baptisée le et y décédée vers 1674), s'étant affiliées à la guilde de Saint-Luc comme « Filles Phalèse », continuèrent à diriger l'entreprise familiale pour les 45 années suivantes, publiant 180 volumes de madrigaux, de messes et de motets.

Si la proportion entre madrigaux et musique sacrée n'était plus aussi favorable au premier genre, appartenant à la musique profane, qu'elle le fut à l’époque où Phalèse le Jeune gérait l'entreprise, les compositeurs étaient en grande majorité des italiens ; nombreuses étaient les réimpressions de collections initialement publiées à Venise par Gardane, Vincenti et Magni.

En 1652, après la mort de Magdalena Phalèse, fut établie la liste détaillée des actifs, qui donne une idée de l'importance de l'entreprise. L'entreprise possédait plus de 375 kg de caractères de musique et disposait d’un stock évalué à plus de 3 000 florins. Les salaires des ouvriers qualifiés et autres dépenses de juin 1652 jusqu’en juillet 1653 s’élevaient à plus de 1 000 florins. Le document énumère aussi les dettes en suspens, dont certaines ont été déclarées irrécouvrables, et mentionne les liens commerciaux entre l'atelier Phalèse et ses homologues italiens.

Bien que Maria Phalèse continuât à gérer l'entreprise encore vingt ans de plus après la mort de sa sœur, la maison Phalèse ne put plus retrouver la gloire d’antan ; avec le déclin d'Anvers à la fin du XVIe siècle et la montée d'Amsterdam au cours du XVIIe siècle, l’importance de l'impression musicale, comme d'ailleurs celle des autres aspects commerciaux et culturels, s'accrut aux Pays-Bas septentrionaux.

Bibliographie et sources[modifier | modifier le code]

Sur le contexte[modifier | modifier le code]

  • Susan Bain, Music Printing in the Low Countries in the Sixteenth Century, Ph.D. diss., université de Cambridge, 1974.
  • Suzanne Clercx-Lejeune, « Les éditions musicales anversoises du XVIe siècle », Gedenkboek der Plantin-Dagen, 1555-1955, Anvers, 1956, p. 264-375.
  • Laurent Guillo, « Les caractères de musique utilisé des origines à environ 1650 dans les anciens Pays-Bas », Music Printing in Antwerp and Europe in the 16th Century : Colloquium Proceedings 23-25.08.1995 (réd. Eugeen Schreurs et Henri Vanhulst), Leuven et Peer, Alamire Foundation, 1997, p. 183-235.
  • Henri Vanhulst, « La diffusion des éditions de musique polyphonique dans les anciens Pays-Bas à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle », Musique et société : hommages à Robert Wangermée (réd. Henri Vanhulst et Malou Haine), Bruxelles, Éditions de l'Université, 1988, p. 27-51.
  • Henri Vanhulst, « Suppliers and clients of Christopher Plantin, distributor of polyphonic music in Antwerp (1566-1578) », Musicology and archival research / Musicologie et recherches en archives / Musicologie en Archiefonderzoek [Actes du colloque de Bruxelles, 22-] (réd. Barbara Haggh, Frank Daelemans et André Vanrie), Archives et bibliothèques de Belgique / Archief- en Bibliotheekwezen in Belgie 46, 1994, p. 558-604.
  • Henri Vanhulst, « Les éditions de musique polyphonique et les traités musicaux mentionnés dans les inventaires dressés en 1569 dans les Pays-Bas espagnols sur ordre du duc d'Albe », Revue belge de musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap 31, 1977, p. 60-71.
  • Hendrik Désiré L. Vervliet, Sixteenth Century Printing Types of the Low Countries, Amsterdam, 1968.

Sur la maison Phalèse[modifier | modifier le code]

  • Susan Bain et Henri Vanhulst, « Phalèse », The New Grove Dictionary of Music and Musicians, vol. 19 (réd. Stanley Sadie et John Tyrrell), 2001.
  • Alphonse Goovaerts, De muziekdrukkers Phalesius en Bellerus te Leuven en te Antwerpen 1546-1674, Anvers, 1882.
  • Henri Vanhulst, Les Phalèse : éditeurs et imprimeurs de musique à Louvain, Mémoire de l'université libre de Bruxelles, 1984.
  • Henri Vanhulst, Catalogue des éditions de musique publiées à Louvain par Pierre Phalèse et ses fils (1545-1578), Bruxelles, Palais des Académies, 1990 (ISBN 2-8031-0079-7).
  • Henri Vanhulst, « Le contrat d'apprentissage conclu en 1562 entre Pierre Phalèse et Jean Laet », From Ciconia to Sweelinck : donum natalicium Willem Elders, Chloe beihefte zum Daphnis 21, 1994, p. 255-259.
  • Henri Vanhulst, « Tielman Susato et Pierre Phalèse face à la censure », Miscellanea in memoriam Pierre Cockshaw (1938-2008) : aspects de la vie culturelle dans les Pays-Bas méridionaux (XIVe – XVIIIe siècles), Bruxelles, 2009, p. 559-569.
  • Anne Tatnall Gross, « The firm of Phalèse : a modest venture ». Music Printing in Antwerp and Europe in the 16th Century : Colloquium Proceedings 23-25.08.1995 (réd. Eugeen Schreurs et Henri Vanhulst), Leuven et Peer, Alamire Foundation, 1997, p. 269-278.
  • Petrus Phalesius en het stelelijk muziekleven in de Vlaamse Renaissancestad Leuven, [actes du colloque de Leuven, - ], ed. Nele Gabriëls et Eugeen Schreurs. Leuven : Alamire, 2005.

Sur des œuvres particulières[modifier | modifier le code]

  • Bernard Huys, « Acquisitions du fonds musical de la KBR », Cinq années d'acquisitions 1969-1973, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 1975, p. 223-224.
  • Rudolf Rasch. « The Livre septième, International Musicological Society Congress Reports 14, Bologna, 1987, vol. 1, p. 306-318.
  • Henri Vanhulst, « Un succès de l'édition musicale : le Septiesme livre des chansons à quatre parties (1560-1661/63) », Revue belge de musicologie 32-33, 1978-1979, p. 97-120.
  • Henri Vanhulst, « Édition comparative des instructions pour le luth, le cistre et la guitare publiées à Louvain par Pierre Phalèse (1545-1570), Revue belge de musicologie 34-35, 1980-1981, p. 81-105.
  • Henri Vanhulst, « L'instruction pour le cistre parue dans la version anversoise de l'Hortulus citharæ (1582), Revue belge de musicologie 36-38, 1982-1984, p. 65-87.
  • Henri Vanhulst, « Lassus et ses éditeurs : remarques à propos de deux lettres peu connues », Revue belge de musicologie 39-40, 1985-1986, p. 80-100.
  • Henri Vanhulst, « A Fragment of a lost lutebook printed by Phalèse (Louvain, c. 1575), Tijdschrift van de Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis 40, 1990, p. 57-80.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le contrat d'apprentissage est connu et transcrit dans VANHULST, 1994.
  2. Voir la description bibliographique dans HUYS, 1975, p. 223-224 : « Le Louvaniste Pierre Phalèse, typographe musical réputé, a publié plusieurs éditions du "Septiesme livre des chansons". Celle de 1564, à laquelle appartient le présent contratenor, était inconnue jusqu'ici et par conséquent ignorée du RISM. » Contient 24 chansons anonymes et 51 chansons des compositeurs Benedictus Appenzeller, Braquet, Cabillau, Pierre Cadéac, Jacobus Clemens non Papa, Thomas Créquillon, Goddart, Nicolas Gombert, Roland de Lassus, Petit Jean (de Lattre), Roger Pathie, Pierre Sandrin, Tielman Susato.

Liens externes[modifier | modifier le code]