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Classe de différenciation

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Les 100 premiers clusters de différenciations dans les 42 sous-types de leucocytes humains. Les points en bleue signifient absence de CD

Les classes de différenciation ou clusters de différenciation (CD) sont des glycoprotéines membranaires classées selon une nomenclature utilisée pour l'identification et l'immunophénotypage de cellules du système immunitaire, et jouant un rôle de marqueurs de coanticorps[1],[2]. En termes de physiologie, les protéines de ces CD peuvent agir de nombreuses façons, souvent comme des récepteurs , molécules d'adhésion , enzymes ou des ligands importants pour la cellule. Une cascade de signaux est généralement initiée, modifiant le comportement de la cellule. Certaines protéines CD ne jouent pas de rôle dans la signalisation cellulaire, mais ont d'autres fonctions, telles que l'adhésion cellulaire.Plus de 1000 protéines sont présentes sur une ou des cellules du système immunitaire[3] , Le Human leukocyte differentiation antigen a identifié plus de 400 molécules de cluster de différenciation[4].

Les leucocytes présentent à leur surface des molécules essentielles pour détecter les changements environnementaux dangereux et pour assurer l’adhésion cellulaire ainsi que la communication entre les cellules, aussi bien au sein du système immunitaire qu’avec le stroma. Celles-ci incluent des récepteurs, des transporteurs, des canaux, des protéines d’adhésion cellulaire et des enzymes. La complexité des protéines exprimées à la surface cellulaire, également appelée le surfaceome, est illustrée par le fait qu’environ 26 % des gènes humains codent des protéines transmembranaires (~5 500) [5]. Cependant, des évaluations récentes in silico prévoient que 2 886 protéines sont effectivement exprimées à la membrane cellulaire externe, c’est-à-dire à la surface de la cellule [6]. Des preuves expérimentales existent pour environ 1 492 protéines dans plusieurs tissus [7] et 1 015 protéines exprimées dans un ou plusieurs types de cellules immunitaires et de tissus lymphoïdes [8].

Au cours des quatre dernières décennies, un vaste éventail de molécules de surface cellulaire a été découvert grâce à la production d’anticorps monoclonaux [9]. Ces anticorps, associés au développement de l’analyse cytométrique en flux multicolore [10], ont été essentiels pour déterminer leur expression et leur fonction. Les ateliers sur les antigènes de différenciation des leucocytes humains (HLDA) ont permis la caractérisation et la désignation officielle de plus de 400 molécules de surface [11],[12], connues sous le nom de molécules CD.

L'utilisation de cette nomenclature étant relativement récente, les marqueurs ainsi qualifiés sont aussi connus sous leurs anciens synonymes, qu'ils tendent à supplanter. Par exemple CD16b est aussi connu sous les noms de Fc gamma RIIIb (FcγRIIIb), glycoprotéine membranaire liée au glycosylphosphatidylinositol ou encore 50-65kD[13],[14].

La liste des molécules CD humaines s'actualise chaque jour avec la recherche.

Nomenclature

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Historiquement la nomenclature CD a été proposée et établie par le 1er groupe de travail et conférence internationale sur les antigènes des leucocytes humains, en réunion à Paris en 1982. Ce système cherchait à classifier de nombreux anticorps monoclonaux, produits par différents laboratoires du monde entier, vis-à-vis de divers antigènes de molécules de surface de leucocytes. Depuis lors, l'usage s'est étendu à divers autres types de cellules, et plus de 250 groupes et sous-groupes CD ont été identifiés. Les groupes de travail HLDA assignent chaque CD sur base de la même réactivité à un antigène humain sur au moins deux anticorps monoclonaux ; l'indicateur provisoire « w » (comme dans « CDw186 ») est parfois donné à un groupe médiocrement caractérisé ou n'étant représenté que par un seul anticorps monoclonal.

Actuellement, il existe d’importantes lacunes dans nos connaissances concernant les profils d’expression des molécules CD, principalement en raison des divergences dans la conception des études d’expression et des changements majeurs de la technologie de cytométrie en flux au cours des 30 dernières années [15]. Par conséquent, des interprétations excessives dans les tableaux récapitulatifs ont souvent conduit à des informations trompeuses et source de confusion.

Pour corriger ces erreurs d’interprétation et combler les lacunes de nos connaissances, en 2019 le Human Cell Differentiation Molecules organisation HCDM a lancé le projet CD Maps, un programme de recherche multi-institutionnel visant à générer une carte à haute résolution de la surface cellulaire des cellules immunitaires humaines à l’aide de protocoles normalisés de cytométrie en flux multicolore.

Les données ont été obtenues dans quatre laboratoires experts en cytométrie en flux afin d’assurer la reproductibilité, et ont été intégrées dans une ressource en ligne librement accessible. Le profilage d’expression des marqueurs CD à travers les sous-populations de cellules immunitaires a révélé des modifications dynamiques des niveaux d’expression et suggère une diversité supplémentaire parmi les cellules immunitaires pour certains marqueurs exprimés seulement par une fraction de ces populations définies. Ces observations pourraient s’avérer cruciales pour le développement de thérapies ciblant les réponses immunitaires dysrégulées ou les cellules malignes.

Utilisations

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Les molécules CD sont couramment utilisées comme marqueurs cellulaires, permettant d’identifier la présence et les proportions de populations leucocytaires spécifiques et de sous-populations lymphocytaires, ainsi que leur isolement, à l’aide de combinaisons d’anticorps marqués par des fluorochromes et de la cytométrie en flux. L’analyse des molécules CD, appelée immunophénotypage, est un élément fondamental du diagnostic, de la classification et du suivi des hémopathies malignes et des immunodéficiences, ainsi que de la surveillance des troubles du système immunitaire, tels que les maladies auto-immunes. Plus récemment, des anticorps monoclonaux reconnaissant des molécules CD se sont révélés être des outils précieux dans le traitement du cancer, comme les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire [16], et des maladies auto-immunes [17]. Le développement et l’évaluation de ces thérapies reposent sur une connaissance précise de l’expression et de la fonction de la molécule cible — une nécessité tragiquement illustrée par la catastrophe de l’essai clinique de phase I TGN1412, impliquant un superagoniste anti-CD28 [18],[19].

On symbolise par un « + » ou un « − » la présence ou l'absence d'un marqueur sur une population, par exemple « CD34+CD31− » signifie que la population exprime le CD34, mais pas le CD31..Les CD les plus connus et utilisés sont les CD3, CD4 et CD8, qui permettent de déterminer la formule lymphocytaire, essentielle pour surveiller l'évolution d'une infection à VIH. Certains CD sont tellement identifiés aux cellules qui les portent que ces populations n'ont pas d'autres noms. On parle ainsi de cellules T « CD4 » ou « CD8 ». De la même manière, certain CD sont synonymes d'un type cellulaire : parler des cellules CD3+ revient à parler des lymphocytes T. Ces marqueurs spécifiques ne sont pas la norme, et de nombreux CD sont partagés par des types cellulaires très différents.

Certaines molécules identifiées par un CD sont essentielles à la fonction des cellules (activation, migration, adhésion, etc.), mais pour d'autres leur fonction reste inconnue. Il existe de même des isoformes de certains CD, ce qui complique encore les classifications possibles. Enfin, la présence d'un marqueur CD à la surface d'une cellule ne détermine pas sa fonction, même si ce marqueur est connu par ailleurs pour posséder une activité précise.

Il est difficile, même pour le spécialiste, de déterminer quelles sont les molécules qui interagissent entre elles. C'est un des défauts de la dénomination en CD : il n'aide pas l'intuition. Comment deviner que le ligand du CD27 est le CD70, et que les CD80 et CD86 sont des ligands de CD28 et CD152 ? C'est pourquoi certain CD sont couramment appelés « ligand de CDXX ». C'est par exemple le cas du CD40-ligand, qui porte le nom standard de CD154. De même que pour les noms standards des cytokines et des chimiokines, certains noms d'usage demeurent, malgré la clusterisation des anticorps correspondants, par exemple TRAIL (CD253) ou CTLA-4 (CD152).

Enfin, certain marqueurs sont désignés du nom du clone antigénique monoclonal qui les reconnait. C'est par exemple le cas du marqueur B220 (CD45R chez la souris) ou du DX5 (CD49b chez la souris), comme ce fut longtemps le cas pour OKT3 (CD3 humain).

  • Kalina T, Fišer K, Pérez-Andrés M, Kuzílková D, Cuenca M, Bartol SJW, Blanco E, Engel P and van Zelm MC (2019) CD Maps—Dynamic Profiling of CD1–CD100 Surface Expression on Human Leukocyte and Lymphocyte Subsets. Front. Immunol. 10:2434. https://doi.org/10.3389/fimmu.2019.02434

Références

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  1. « Identification des cellules immunitaires », sur ens-lyon.fr (consulté le ).
  2. « Panel de marqueurs CD », sur anticorps-enligne.fr (consulté le )
  3. (en) M. Carmen Díaz-Ramos, Pablo Engel et Ricardo Bastos, « Towards a comprehensive human cell-surface immunome database », Immunology Letters, vol. 134, no 2,‎ , p. 183–187 (DOI 10.1016/j.imlet.2010.09.016, lire en ligne, consulté le )
  4. Georgina Clark, Hannes Stockinger, Robert Balderas et Menno C van Zelm, « Nomenclature of CD molecules from the Tenth Human Leucocyte Differentiation Antigen Workshop », Clinical & Translational Immunology, vol. 5, no 1,‎ , e57 (ISSN 2050-0068, PMID 26900471, PMCID PMC4735060, DOI 10.1038/cti.2015.38, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Linn Fagerberg, Kalle Jonasson, Gunnar von Heijne et Mathias Uhlén, « Prediction of the human membrane proteome », PROTEOMICS, vol. 10, no 6,‎ , p. 1141–1149 (ISSN 1615-9861, DOI 10.1002/pmic.200900258, lire en ligne, consulté le )
  6. Damaris Bausch-Fluck, Ulrich Goldmann, Sebastian Müller et Marc van Oostrum, « The in silico human surfaceome », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 115, no 46,‎ , E10988–E10997 (PMID 30373828, PMCID 6243280, DOI 10.1073/pnas.1808790115, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Damaris Bausch-Fluck, Andreas Hofmann, Thomas Bock et Andreas P. Frei, « A Mass Spectrometric-Derived Cell Surface Protein Atlas », PLOS ONE, vol. 10, no 4,‎ , e0121314 (ISSN 1932-6203, PMID 25894527, PMCID 4404347, DOI 10.1371/journal.pone.0121314, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) M. Carmen Díaz-Ramos, Pablo Engel et Ricardo Bastos, « Towards a comprehensive human cell-surface immunome database », Immunology Letters, vol. 134, no 2,‎ , p. 183–187 (DOI 10.1016/j.imlet.2010.09.016, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) G. KöHler et C. Milstein, « Continuous cultures of fused cells secreting antibody of predefined specificity », Nature, vol. 256, no 5517,‎ , p. 495–497 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/256495a0, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) M. H. Julius, T. Masuda et L. A. Herzenberg, « Demonstration That Antigen-Binding Cells Are Precursors of Antibody-Producing Cells After Purification with a Fluorescence-Activated Cell Sorter », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 69, no 7,‎ , p. 1934–1938 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 4114858, PMCID 426835, DOI 10.1073/pnas.69.7.1934, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Georgina Clark, Hannes Stockinger, Robert Balderas et Menno C van Zelm, « Nomenclature of CD molecules from the Tenth Human Leucocyte Differentiation Antigen Workshop », Clinical & Translational Immunology, vol. 5, no 1,‎ (ISSN 2050-0068 et 2050-0068, PMID 26900471, PMCID 4735060, DOI 10.1038/cti.2015.38, lire en ligne, consulté le )
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  13. CD16b sur Genatlas
  14. (en) Pablo Engel, Laurence Boumsell, Robert Balderas et Armand Bensussan, « CD Nomenclature 2015: Human Leukocyte Differentiation Antigen Workshops as a Driving Force in Immunology », The Journal of Immunology, vol. 195, no 10,‎ , p. 4555–4563 (ISSN 0022-1767 et 1550-6606, DOI 10.4049/jimmunol.1502033, lire en ligne, consulté le )
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Liens externes

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