Chemin de fer militaire

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Les chemins de fer militaires sont une application des trains et voies ferrées au monde militaire. Ils peuvent prendre plusieurs formes, qui dépendent des besoins et des époques.

En raison de l'importance stratégique des voies de circulation que sont les voies ferrées, tant par leur capacité de transport que par leur tracé en site propre, les chemins de fer ont, dès leur création, fait l'objet d'une attention particulière de la part des forces armées. Les chemins de fer sont donc des agencements stratégiques et tactiques de la plus haute importance. Ils peuvent être utilisés par exemple pour concentrer en quelques heures, sur un point menacé ou important de la frontière, des divisions ou masses nécessaires à réfréner l'avance ennemie. Elles sont des lignes d’approvisionnements des bases d’opérations, et, quand c’est possible, de la partie de la ligne d’opérations située entre la base et l’armée.

Historique[modifier | modifier le code]

Les débuts du chemin de fer militaire[modifier | modifier le code]

Chemin de fer britannique pendant le siège de Sébastopol (1854-1855)
Compagnie ferroviaire et téléphone de campagne de l'armée allemande (1910)

Guerre de Sécession[modifier | modifier le code]

Première guerre totale de l'ère moderne[1],[2], la Guerre de Sécession mit en lumière le rôle déterminant que l'économie de guerre et la technologie moderne seront appelées à jouer dans les conflits à venir - et plus particulièrement le chemin de fer dans les domaines de la logistique et du transport de troupes. Elle fut le premier conflit qui vit l'usage intensif du chemin de fer à des fins militaires, préfigurant le rôle clé qu'il sera appelé par la suite à jouer dans la Guerre franco-prussienne de 1870, la Guerre des Boers et surtout la Première Guerre mondiale[3].

Les chemins de fer militaires avant 1914[modifier | modifier le code]

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Une locomotive du British War Department Light Railways.

Durant le premier conflit mondial, côté français le chemin de fer se voit imposer par l'armée un trafic considérable. La voie de 60 jouera un rôle important pour acheminer au plus près des fronts les troupes ainsi que le matériel d'artillerie et ses munitions. Pendant cette période, l'extension maximale de la voie de 60 sera estimée à plus de 3 000 km.

Comme pour le matériel ferroviaire à voie normale, les corps expéditionnaires britanniques et américains arriveront avec leur propre matériel ferroviaire à voie de 60, de construction anglaise et américaine.

Pour le parc traction à voie de 60, la firme Baldwin construisit 495 locomotives à vapeur du type 230 T et 131 T avec une vingtaine de 030 T type saddle tank, ainsi que 600 locotracteurs à moteur essence. Pour sa part Alco produisit 100 locomotives à vapeur du type 131 T.

La construction d’une partie du matériel Péchot (locomotives et wagons) fut également sous-traité à la Baldwin Locomotive Works aux États-Unis.

Entre-deux-guerres[modifier | modifier le code]

Le train a joué un rôle stratégique dans plusieurs « guerres ferroviaires » :

  • Guerre civile russe
  • Guerre sino-soviétique de 1929
  • Guerre sino-japonaise.

Les transports[modifier | modifier le code]

Train transportant des blindés
Transport de matériel militaire en Russie.

Le chemin de fer a été utilisé dans son application courante de moyen de transport dès les années 1850. Il sert au transport des troupes et du matériel sans adaptation particulière, bien qu'il existe des wagons adaptés aux transport de blindés, gérés par les régiments du train. Certaines gares[Où ?] sont équipées d'un « quai militaire », destiné à charger le matériel militaire sur les wagons. La gare de Metz construite en 1905 par les autorités allemandes comprenait des quais militaires en vue de l'offensive d'août 1914 selon le Plan Schlieffen.

En France, l'organisation des transports ferroviaires en temps de guerre était sous la responsabilité conjointe du Ministère des transports et du Ministère de la guerre qui mettait également ses moyens, dont le 5e régiment du génie, à la disposition du Ministère des transports. Ces dispositions mises en place sous le Second Empire[4] tendaient à unifier les conditions de transports. En mai 1887, l’exploitation de la ligne Chartres - Orléans est confiée à un détachement permanent de sapeurs des chemins de fer pour parfaire l’instruction des cadres et sapeurs en matière d’exploitation de ligne et de traction[5].

Le chemin de fer représentait un moyen essentiel dans les plans de mobilisation de la défense nationale dans le cadre d'une armée de conscription. Le plan de mobilisation était, jusqu'en 1981, sous la responsabilité du Ministre des Transports[réf. souhaitée].

En France, les trains de permissionnaires ramenaient les conscrits chez eux lors des permissions et assuraient le retour aux casernes à la fin de celles-ci. Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1917, un train de permissionnaires venant du front italien déraille à Saint-Michel-de-Maurienne en Savoie faisant entre 425 (bilan officiel) et 800 victimes selon les sources. Cette catastrophe ferroviaire fut l'une des plus grandes catastrophes ferroviaires de tous les temps[6],[7].

Dans le monde[modifier | modifier le code]

Suisse[modifier | modifier le code]

L'armée suisse peut réquisitionner des trains, et a possédé par le passé son propre matériel roulant (chemin de fer militaire), par exemple durant la Première Guerre mondiale.

Vraisemblablement, les premiers convois militaires en Suisse commencent à circuler en été 1849[8]. En Suisse romande le premier transport de troupe par chemin de fer s'effectue le 4 juillet 1856. Il s'agit d'une école de recrues d'artillerie se déplaçant de Morges à Lausanne. Le convoi est composé de deux locomotives, d'une voiture pour les officiers, de 12 wagons plats pour les canonniers et le matériel, de 17 wagons couverts pour les chevaux et leurs accompagnants ainsi que de deux wagons-freins[8]. Le 16 août 1856, le Département militaire adopte les premières « Prescriptions pour le transport des troupes par les chemins de fer suisses », élaborées par le haut-commissaire à la guerre de la Confédération[9].

En 1870 est créé le premier état-major du Service militaire des chemins de fer (SMC). Rattaché à l’état-major général, il a pour mission la coordination des cinq compagnies ferroviaires privées de l’époque[8].

L'organisation militaire voit en 1874 la création de 8 groupes du génie, parmi lesquels sont rattachées les premières compagnies de chemin de fer, formées de cheminots et de personnel externe. Leur mission est de renforcer les entreprises ferroviaires civiles afin d'assurer l'entretien et l'exploitation de l'infrastructure ferroviaire[8].

Au passage à l'Armée 61, la mission du Service militaire des chemins de fer n'a que peu évolué, il s'agit dans un premier temps d'assurer les transports de mobilisation de l'armée et, dans un second temps, d’effectuer les transports de troupes et de matériel de l'armée. En temps de guerre, toutes les entreprises de transport publiques sur rail, sur route et sur l'eau voient leurs directions militarisées et centralisées[8].

France[modifier | modifier le code]

Espagne[modifier | modifier le code]

L'Espagne utilise le locotracteur/locomotive de manœuvre Henschel DH 500 Ca, particulièrement pour la traction en convoi (transport) de char d'assaut sur wagon plat, ainsi qu'une voiture de chemin de fer 12100 comme véhicule de transport de troupes. Pour les longues distances, l'armée de terre utilise des locomotives du trafic marchandises de la Renfe[10].

Russie[modifier | modifier le code]

L'artillerie sur voie ferrée[modifier | modifier le code]

Un 12 inch Railway Howitzer Mk II en soutien des troupes australiennes dans le saillant d'Ypres en .

Artillerie lourde[modifier | modifier le code]

L'artillerie sur voie ferrée a été créée afin d'utiliser des canons de gros calibre à une époque où les solutions sur route ne permettent pas de transporter des masses importantes. Les canons sur rail permettaient de tirer des calibres importants. L'artillerie lourde sur voie ferrée a majoritairement été employée en 1914-1918 et 1939-1945.

Les premiers locotracteurs Diesel ont été mis au point pour cette application[réf. souhaitée], car produisant bien moins de fumée que les locomotives à vapeur et donc plus discret à l'approche du front. En France, les Compagnie des forges et aciéries de la marine et d'Homécourt à Saint-Chamond ont ainsi produit deux séries : des locomotives à deux bogies moteur, type BB, et des locotracteurs à deux essieux, tous deux basés sur le système Crochat.

Les trains blindés[modifier | modifier le code]

Les trains blindés sont conçus pour assurer des fonctions de commandement, soutien et protection sur des voies ferrées en zone de conflit. Armés le plus souvent, ils peuvent être incorporés aux trains classiques ou bien l'ensemble du train peut être lui-même blindé et devenir une arme à part entière, contrôlant la voie et ses alentours et assurant sa sécurité, ou se comportant comme une pièce d'artillerie mobile[11].

Certains trains blindés complets peuvent transporter des troupes et des blindés, destinés à combattre ou poursuivre les assaillants[12], ou des wagons transportant le matériel destiné à réparer un éventuel sabotage de la voie.

Chemins de fer de campagne[modifier | modifier le code]

Wagon du système modulaire Péchot
Chemin de fer militaire allemand à voie de 60 de l'Argonne, vers 1915

Étudiés en Europe à partir de 1870, les chemins de fer de campagne ont été conçus pour la logistique des armées en temps de guerre, aussi bien sur le terrain que dans les places fortes, à une époque où les camions n'existent pas encore.

Ces trains à voie étroite, entièrement modulaires, furent prévus pour porter du matériel, des passagers ou de l'armement ; certains portant même des canons sur voie ferrée (voir L'artillerie sur voie ferrée). La voie est découpée en coupons transportables et son installation peut se faire plus rapidement qu'une ligne classique, afin de réagir aux conséquences des actions d'une campagne militaire.

En France[modifier | modifier le code]

En France fut étudié le système Péchot à voie de 60 centimètres d'écartement. La ligne Maginot fut également équipée en voie de 60 à partir de sa construction en 1920, notamment grâce à des tracteurs électriques.

Autres chemins de fer de campagne[modifier | modifier le code]

Plusieurs systèmes similaires furent étudiés par l'armée allemande, à voie de 60, 70 et 75 centimètres d'écartement, et employés sur tous les fronts, et par les États-Unis, avec les wagons Pershing à voie de 60.

Génie ferroviaire[modifier | modifier le code]

Le génie militaire est parfois consacré au domaine ferroviaire. Il s'agit alors de remettre en état ou exploiter les capacités de transport d'une ligne de chemin de fer sur une zone de conflits ou en cas de catastrophe majeure. Le génie ferroviaire n'a rien à voir avec les régiments du train, qui désignent la logistique militaire.

En France, le génie ferroviaire dépendait principalement du 5e régiment du génie. Dissout le 10 juin 2010, ses missions ont été reprises par le 19e régiment du génie stationné à Besançon.

Sources[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) The US Civil War, the First Modern War
  2. « La guerre de Sécession est l'exemple le plus achevé du nouveau type de guerre moderne - au sens industriel du terme -, même si elle a eu un faible impact de ce côté-ci de l'Atlantique, les militaires européens l'ayant disqualifiée en raison de son caractère spécifique de "guerre civile". » Brian Holden Reid, L'âge industriel. Guerre de Crimée, guerre de Sécession, unité allemande : 1854-1871 - note de l'éditeur.
  3. Keir Alexander Lieber, p. 46 et suivantes
  4. Décrets impériaux de 1856 et suivantes
  5. Les chemins de fer et l'armee après 1870, Cercle Généalogique des Cheminots, 2008
  6. Article souvenir du Dauphiné libéré (1900-1930)
  7. [PDF] Memorialgenweb - La catastrophe ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne
  8. a b c d et e Michel Christinat, « Le Service militaire des chemins de fer », Revue militaire suisse, vol. 440,‎ (lire en ligne).
  9. Vincent Quartier, « Le service militaire des chemins de fer (SMC) », Revue militaire suisse, vol. 134,‎ (lire en ligne).
  10. https://www.outono.net/elentir/2020/10/28/el-transporte-de-unidades-acorazadas-del-ejercito-espanol-mediante-trenes-de-renfe/
  11. P. Malmassari, Les trains blindés…
  12. Voir la séquence de l'attaque du train blindé dans le film de René Clément, La Bataille du rail (1946)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alfred-Auguste, Baron Ernouf, Histoire des chemins de fer français pendant la guerre franco-prussienne, Paris, Librairie générale - Dépôt central des éditeurs, , 454 p. (lire en ligne)
  • Denis Bishop et Keith Davis, Railways and War before 1918 - série Mechanised Warfare in Color, The Macmillan Company N.Y., Blandford Press Ltd, Londres 1972.
  • Paul Malmassari, Les trains blindés français 1826 - 1962 : De la révolution industrielle à la décolonisation, Saint-Cloud, 14-18 Editions, (1re éd. 1994), 270 p. (ISBN 978-2-916385-38-9 et 978-2902171606, présentation en ligne)
  • Connaissance du Rail no 159 (juin 1994) : Débarquement du 6 juin 1944 : le rôle du rail.
  • (en) Keir Alexander Lieber, War and the engineers : the primacy of politics over technology, Ithaca, Cornell University Press, coll. « Cornell studies in security affairs », , 226 p., relié (ISBN 978-0-8014-4383-1, LCCN 2005016065, lire en ligne)
  • Guy François, Eisenbahnartillerie : Histoire de l'artillerie lourde sur voie ferrée allemande des origines à 1945, Paris, Histoire et Fortifications (Editions), , 96 p. (ISBN 978-2-915767-08-7)
  • (en) Steve Zaloga, Armored trains, Oxford, UK New York, NY, Osprey Pub, coll. « Osprey New Vanguard Series » (no 140), (ISBN 978-1-846-03242-4).
  • (it) MAURO BOTTEGAL, Ferrovie portatili della prima guerra mondiale, LULU COM, (ISBN 978-0-244-15427-1, lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]