Chasse en France

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L'Ouverture de la chasse, peinture de Buss reproduite en estampe dans Les Musées chez soi.

Cet article résume les faits marquants de l'histoire de la chasse en France et traite des enjeux reliés à la chasse dans ce pays.

Les différentes formes de chasse en France font aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques et de débats entre les chasseurs, qui entendent poursuivre ou faire évoluer les traditions de chasse, et d'autres acteurs, dont les écologistes, qui entendent en réguler les modalités.

C'est aussi une activité réglementée, correspondant à la rubrique « 0170Z (Chasse, piégeage et services annexes) » de la Nomenclature d'activités française (version 2008).

La chasse en France au Moyen Âge

Au Moyen Âge, la chasse était de plus en plus devenue un privilège de la noblesse et des dignitaires de l'État ou du clergé. À cette époque s'est formalisé ce privilège : la chasse au grand gibier était réservée aux nobles et le petit gibier (lièvres, volatiles) laissé au reste de la population. Certaines zones étaient réservées pour les chasses royales. Les capitaineries de chasse sont créées sous le règne de François Ier.

En France au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, la chasse est un plaisir de gentilhomme et un privilège seigneurial. Les rois sont grands chasseurs et entretiennent des équipages importants. Être admis aux chasses du roi est un des plus grands honneurs de la Cour.

Le seigneur haut-justicier a ce droit dans l'étendue de sa haute-justice, le seigneur local dans sa seigneurie. Les roturiers n'ont pas ce droit sauf s'ils ont acheté un fief, une seigneurie ou une haute-justice (ordonnance sur les eaux et forêts de 1669). Les seigneurs ecclésiastiques, les dames hautes-justicières, les nobles âgés sont tenus de faire chasser afin de réduire le surplus de gibier nuisible aux cultures (ordonnance de juillet 1701).

Les braconniers sont craints surtout à cause de l'éventualité du port d'arme. Les contrevenants sont sévèrement punis. L'édit de 1601 prévoit l'amende et le fouet pour la première infraction, le fouet et le bannissement pour la première récidive, les galères et la confiscation des biens à la seconde récidive, la mort en cas de troisième récidive. L'ordonnance de 1669 écarte la peine de mort. Les garde-chasse n'ont pas le droit au fusil.

Pour permettre l'existence du gibier, il est interdit de moissonner avant la Saint-Jean, d'enlever les chardons, d'enclore par des murs les terres. Il faut planter des haies d'épines" auprès des forêts royales. Il est interdit de tuer les lapins sauf sous la direction des agents des eaux et forêts (les capitaineries).

Afin de protéger le travail des paysans et les récoltes, les chasseurs ne doivent pas passer dans les terres ensemencées et lorsque les céréales sont en "tuyaux". Les vignes sont interdites de chasse du 1er mai jusqu'aux vendanges. Mais ces interdictions sont peu observées. Le droit de chasse est un des plus haïs par les paysans.

Droit de chasse

Évariste-Vital Luminais, Mérovingiens attaquant un chien sauvage. Dahesh museum of art.

Avec la Révolution française, la chasse s'est popularisée en Europe. Avec les vagues de colonisations, les modes de chasse par arme à feu se sont développées sur tous les continents et elle reste une pratique plutôt rurale, qui tend à être de plus en plus encadrée (permis de chasse, licence, plans de chasse, droits de chasse…) qui alimente une économie importante (jusqu’à 70 % des revenus forestiers et couramment au moins 50 % en France).

De nombreux écrits sont depuis l’Antiquité consacrés aux techniques cynégétiques et de piégeage. La notion de droit de chasse est évoquée pour la première fois dans le recueil de coutumes des Francs Saliens (riverains de la Sala ou Yssel) écrit sous Clovis (époque mérovingienne) et dénommé ultérieurement « loi salique ». L'évolution de ce concept s'est articulée alternativement à travers des périodes de permissivité et de restriction, voire de prohibition.

Le privilège du droit de chasse de la noblesse instauré par une ordonnance de 1396, relayé ultérieurement par un droit de chasse exclusif du propriétaire terrien et la constitution de vastes réserves de chasse pour "les plaisirs du roi" (les capitaineries) constitueront les règles essentielles pendant près de quatre siècles jusqu'à la Révolution conduisant à l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789. Les paysans se mettent dès lors à chasser le gibier dans les réserves royales et tuer en masse les lapins[1] des garennes (réserves destinées à la reproduction des lièvres) qui font de gros dégâts aux potagers. Une loi est rapidement mise en place pour limiter cette chasse dès 1790 : seuls les propriétaires ont droit de chasse (le fusil est ainsi dans la main de personnes solvables pouvant payer des amendes en cas de délit de chasse).

En réalité, ce qui a été aboli à la suite de la nuit du 4 août, c'est le droit de chasse exclusif. Même si le droit de chasse continue à être considéré comme un attribut du droit de propriété, le principe de la liberté de chasser se substitue au droit exclusif. C'est ce qui explique qu'en 1844, le Parlement adoptera une solution de compromis qui permet à tous de chasser avec l'accord tacite du propriétaire.

La loi du 3 mai 1844 constitue encore, à l'heure actuelle, le fondement de l'organisation de la chasse dans son ensemble. Le gibier est alors considéré comme objet de cueillette et nul ne songe, à l'époque, à en gérer les effectifs, ni à en protéger les biotopes. Cette législation a largement perduré depuis, complétée par diverses dispositions adoptées au cours du XXe siècle. Cette loi a défini notamment les périodes légales de chasse (en fonction de la reproduction des animaux), le permis de chasse et autorise seulement la chasse à tir avec arme à feu et la chasse à courre[2].

La création d'institutions spécialisées (Conseil supérieur de la chasse, Fédération de chasseurs) intervient en 1941. L'ancienne administration des Eaux et Forêts institue en 1956 un plan de tir contractuel dans certains départements par l'intermédiaire du cahier des charges des adjudications de chasse en forêt domaniale. Parallèlement l'Association nationale des chasseurs de grand gibier, présidée à l'époque par François Sommer, engage une campagne de réflexion sur les principes d'une utilisation de la faune sauvage qui aboutira en 1963 à la loi sur le plan de chasse (loi 63-754 du 30 juillet 1963).

Facultatif dans un premier temps, celui-ci a mis quinze ans pour atteindre sa vitesse de croisière avant d'être rendu obligatoire aux termes de l'article 17 de la loi 78-1240 du 29 décembre 1978 pour l'exercice de la chasse du cerf, du chevreuil, du daim et du mouflon. Il faudra attendre un arrêté du 31 juillet 1989 pour que le plan de chasse soit étendu au chamois et à l’isard.

La structuration des territoires se profile à travers la loi 64-696 du 10 juillet 1964, dite « loi Verdeille » relative à la création des associations communales et intercommunales de chasse agréées. L'instauration d'un dispositif administratif d'indemnisation des dégâts de grand gibier voit le jour en 1969. L'obligation de satisfaire à un examen préalable à la délivrance du permis de chasser intervient en 1975. Ces évolutions du droit national ont été accompagnées de la conception et de la mise en application d'un droit international et communautaire relatif à la conservation de la faune sauvage, et singulièrement de l'avifaune migratrice.

Législation française

En droit, la chasse est définie comme un prélèvement artificiel sur la faune terrestre. La loi dite « Verdeille » définit l'acte de chasse comme « tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l'attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la capture ou la mort de celui-ci » (article L.420-3 du Code de l'environnement).

En France est « interdit l’emploi pour le tir des ongulés de toute arme à percussion annulaire ainsi que celui d’armes rayées à percussion centrale d’un calibre inférieur à 5,6 mm ou dont le projectile ne développe pas une énergie minimale à 1 kilojoule à 100 mètres »[3]. L'utilisation de ces cartouches est possible sur les nuisibles.

Gibier chassable

Il y a en tout 89 espèces chassables sur le territoire français[4] plus que dans n'importe quel autre pays.

Petit gibier de plaine

Grand gibier

Canards, oies et rallidés

Corvidés

Limicoles

Oiseaux de passage

Prédateurs terrestres

Petit gibier de montagne

Autres

Tableau de chasse

Selon les bilans de la Fédération nationale des chasseurs et l'ONCFS pour la saison 2013-2014[5], le tableau de chasse des chasseurs français comprend trente millions d'animaux tués au fusil annuellement. Près de la moitié (15 millions) sont des oiseaux sauvages, dont 5 millions de pigeons ramiers, 1,5 millions de grives musiciennes et 740 000 bécasses. Près d'un tiers (10 millions) viendrait des 1 500 élevages adhérents du Syndicat national des producteurs de gibiers de chasse qui produisent annuellement 14 millions de faisans (dont 3 millions sont tués annuellement), 5 millions de perdrix grises et rouges, 1 million de canards, 100 000 lapins de garenne, 40 000 lièvres, 10 000 cerfs et 7 000 daims. Quatre millions sont des mammifères, surtout du petit gibier (près d'1,5 millions de lapins de garenne, 1,2 millions de canards colvert et 450 000 renards) et dans une proportion moindre du grand gibier, dont 700 000 sangliers, 600 000 chevreuils et 63 000 cerfs élaphe[6].

Sociologie des chasseurs

Évolution du nombre de permis de chasse en France (en milliers).

Chasseurs

Au cours de la saison 2016-2017, la Fédération nationale des chasseurs dénombrait 1 139 814 validations[N 1]. Jusqu'à la saison 2019-2020, il était possible qu'un chasseur détienne plusieurs validations départementales. A partir de la saison 2019-2020, et la réforme du permis de chasser, la baisse de prix de la validation nationale rend inutile cette double validation. Ainsi, à compter de la saison 2019-2020, un chasseur détient soit une validation départementale, soit une validation nationale. Le nombre de chasseurs décroît régulièrement depuis le maximum de 2 219 051 en 1976[7].

Les chasseurs sont essentiellement masculins (97,8 %), d'âge médian 55 ans. Leur sociologie est la suivante[7] :

Cadre, profession libérale   36,3 %
Employé   23,4 %
Ouvrier   15,1 %
Artisan, commerçant   9,4 %
Agriculteur   8,5 %
Profession intermédiaire   6,8 %
Étudiant   0,5 %

Le budget moyen annuel d'un chasseur est de 2 847 € dans la période 2014-2016 d'après le BIPE[7].

Les demandes de validations nationales pour la saison 2019-2020 ont fortement augmenté au détriment des validations départementales, le prix du permis national ayant été réduit de moitié par Emmanuel Macron, ce qui suscite l’inquiétude des défenseurs des animaux[8].

Accidents

Le nombre d'accidents recensés par l'ONCFS, compris entre 100 et 200 par an ainsi que le nombre de morts sont globalement orientés à la baisse en tendance longue[9],[10],[11]. La plupart de ces accidents sont dus à un « manquements aux règles élémentaires de sécurité »[10],[12].

Période Total Mortels
2009-2010
174
19
2010-2011
131
18
2011-2012
143
16
2012-2013
179
21
2013-2014
114
16
2014-2015
122
14
2015-2016
146
10
2016-2017
143
18
2017-2018
113
13
2018-2019
131
7

Un rôle environnemental et une fonction régulatrice discutés

Une campagne publicitaire lancée en 2018 par la Fédération nationale des chasseurs les présente comme les « premiers écologistes de France », notamment pour leur rôle qualifié d'« indispensable » à la régulation des espèces. Ce rôle est contesté puisqu'un tiers des animaux tués serait issu d'élevages et que l'argument de régulation porte surtout sur les espèces de gros gibier déprédateur (sangliers, chevreuils, cerfs élaphe qui ont fait l'objet de réintroduction à partir des années 1950, dans un objectif cynégétique, à l'origine de leur prolifération) qui ne représentent que 5 % du tableau de chasse national[13].

Les chasseurs ont lâché dans la nature, et ce des années durant, des sangliers croisés en captivité (une pratique désormais interdite), provoquant une très forte augmentation de leur nombre[14]. Le naturaliste Pierre Rigaux souligne que « le nombre faramineux de sangliers abattus chaque année est la conséquence mal maîtrisée d’une volonté politique et historique de disposer d’une abondance d’animaux à tuer, résume l’écologue. Les chasseurs ont maintenant le beau rôle, celui de régulateurs de sangliers, justifiant plus largement dans l’inconscient collectif leur rôle de régulateur de la faune sauvage[14]. »

La chasse favorise le déclin de certaines espèces menacées de disparition mais non protégées en France, comme le lapin de garenne, le lièvre variable, le putois d’Europe et une trentaine d’espèces d’oiseaux (tourterelle des bois, huîtrier pie, lagopède alpin, courlis cendré, etc.). Les données sont par ailleurs lacunaires concernant le nombre d’animaux abattus : « Ce n’est pas sans conséquence. On chasse et on piège des animaux sans connaître leurs effectifs. C’est ainsi que des campagnes de tirs de renards ou de blaireaux sont régulièrement menées sur la base d’arrêtés préfectoraux arguant la prolifération de ces animaux, sans que personne ne dispose d’aucun chiffre, tant sur les effectifs vivants que sur ceux éliminés au cours des campagnes précédentes.» La chasse exerce également une pression sur la biodiversité en général, du fait par exemple de la « pollution génétique » ou de la pollution au plomb[14].

Notes et références

Notes

  1. Un chasseur peut être titulaire de plusieurs validations, par exemple sur plusieurs départements.

Références

  1. Pierre Déom, « La Saint-Barthélémy des petits lapins », La Hulotte, no 62,‎
  2. Andrée Corvol, Histoire de la chasse, Perrin, (ISBN 2-26202-335-2)
  3. Voir sur oncfs.gouv.fr.
  4. Voir sur chasseurdefrance.com.
  5. Philippe Aubry, Pierre Migot et al., « Enquête nationale sur les tableaux de chasse à tir Saison 2013-2014. Résultats nationaux », Faune sauvage, le bulletin technique & juridique de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, no 310,‎ , p. 4-5 (lire en ligne).
  6. Pierre Rigaux, Pas de fusils dans la nature. Les réponses aux chasseurs, Humensis, , p. 87
  7. a b et c Laura Motet et Anne-Aël Durand, « Sur 1,1 million de chasseurs, moins de 10 % possèdent un permis national », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. « Les demandes de permis de chasse explosent en France », sur LExpress.fr, (consulté le )
  9. « Bilan des accidents de chasse survenus durant la saison 2018/2019 », sur Office français de la biodiversité,
  10. a et b Adrien Sénécat, « Les accidents de chasse ont fait plus de 350 morts depuis 2000 », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. Pierre Bouvier, « Une nouvelle série d’accidents rappelle les dangers de la chasse », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. « Accidents de chasse en France saison 2012-2013 : 57 morts », sur buvettedesalpages.be
  13. Pierre Rigaux, Pas de fusils dans la nature. Les réponses aux chasseurs, Humensis, , p. 89
  14. a b et c Florian Bardou, « «Pas de fusils dans la nature», la chasse plombée par les faits », sur Libération.fr,

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes