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Carinhall

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Carinhall
Carinhall en ruines, en 1947.
Présentation
Style
Architecte
Occupant
Propriétaire
Patrimonialité
Monument du patrimoine architectural (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
État de conservation
démoli ou détruit (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
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Carinhall était une des résidences du Reichsmarschall Hermann Göring, haut dignitaire nazi. La propriété fut ainsi baptisée en mémoire de la première femme du dignitaire, la Suédoise Carin Göring, morte en 1931, et d'après le lieu mythique du Valhalla.

Elle était située à une soixantaine de kilomètres au nord-nord-est de Berlin, au milieu de la vaste forêt de la Schorfheide près de Groß Dölln, devenu un quartier de Templin dans le Nord du land de Brandebourg, plus précisément sur une mince bande de terre entre deux lacs : au nord du Wuckersee (de) et au sud du Großdöllner See (de).

La dépouille de Carin Göring y fut rapatriée en 1934, pour éviter des vandalismes sur sa tombe en Suède, et donna lieu à une cérémonie à laquelle participa Hitler. Sur la rive nord du Wuckersee, une crypte spéciale fut aménagée pour elle.

Carinhall est devenue la destination de la collection privée de Göring, composée notamment des nombreuses œuvres d'art gothique et de la Renaissance que les nazis pillaient à travers l'Europe occupée, chez des particuliers, très souvent juifs, ou dans des musées.

Durant les derniers jours de la guerre, la résidence fut entièrement détruite par les nazis au moment de leur fuite. La dépouille de Carin Göring fut alors dissimulée dans une tombe de fortune creusée en forêt.

L'emprise est aujourd'hui visitable et seuls subsistent les deux imposants piliers de l'entrée de la propriété.

Göring est accompagné de Hitler à la tête de la procession pour le transfert à Carinhall de la dépouille de sa première épouse, Carin Göring, le . Le cercueil est juste derrière.
Göring (de dos, portant un chapeau tyrolien à plume) accueillant un dirigeant SS, lequel descend de sa Schwimmwagen dans la cour de Carinhall, entre 1942 et 1945. Une sculpture de cerf est visible au fond derrière la voiture.

La Schorfheide, l'une des plus grandes zones forestières d'Europe centrale située à environ soixante-cinq kilomètres au nord de Berlin, était depuis des siècles un territoire de chasse des rois de Prusse et des chefs d'État allemands ; de nos jours, elle fait partie de la réserve de biosphère de Schorfheide-Chorin. Carinhall fut construite après la Machtergreifung (« prise de pouvoir ») des nazis en .

Au début de l'année 1933, usant de sa fonction de ministre-président de l'État de Prusse, Göring fit mettre à sa disposition un terrain d'environ 120 hectares de la forêt de Schorfheide, où il fit bâtir Carinhall. Il avait choisi cet endroit pour plusieurs raisons : la résidence avait pour avantage d'être proche de Berlin, la capitale du Troisième Reich, lui permettant ainsi d'être au fait des questions politiques tout en s'adonnant à sa passion pour la chasse. Enfin, ce pavillon devait aussi devenir un lieu de souvenir pour son ex-femme Carin, baronne von Kantzow, née Fock, morte de la tuberculose deux ans plus tôt. Après que sa tombe sur l'île de Lovön (Suède) eut été profanée à la suite d'une visite de Göring, le veuf fit construire un mausolée souterrain dans sa demeure et y transfèra la dépouille de son ex-épouse, à l'occasion d'une cérémonie à laquelle participa le Führer en personne, quelques jours avant la nuit des Longs Couteaux, en .

À l'automne 1933, une maison en bois de style suédois lui était remise symboliquement avec le terrain. Le nouvel ensemble fut édifié en plusieurs étapes sur une grande échelle, dans le style d'un pavillon de chasse néo-médiéval[1]. L'architecte fut d'abord Werner March, créateur du stade olympique de Berlin ; par la suite c'est Friedrich Hetzelt (de) qui prit en charge la construction. « Il y avait un cinéma, un gymnase, un bain de vapeur russe et un gigantesque salon de réception aux dimensions de nef d’église » ; Hitler déclara même à son propos : « Mon Berghof, naturellement, ne peut se comparer à cela. Peut-être peut-il servir de maison de jardin ? »[2].

Le , Carinhall fut le lieu du banquet des secondes noces de Göring avec la comédienne Emmy Sonnemann. C'est là qu'il aimait recevoir les hôtes des États étrangers, dont Benito Mussolini, Edward Wood et Yōsuke Matsuoka, avec lesquels il entreprenait des parties de chasse dans la Schorfheide. Curieusement, les combles et les sous-sols de Carinhall étaient aménagés pour une autre distraction favorite de Göring : ils contenaient deux immenses et complexes circuits de trains électriques miniatures[3].

Collection de Göring

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Statue (1897) de Franz von Stuck Kämpfende Amazone (en français : Amazone combattante), qui se trouvait auparavant à Carinhall, désormais à Eberswalde.
« Cerf-couronne » (cerf avec des bois particulièrement magnifiques) en bronze (1937) de Johannes Darsow (de), autrefois à Carinhall (sur une petite place devant les bâtiments), aujourd’hui au parc zoologique de Berlin-Friedrichsfelde.

Dans les salles d'exposition de Carinhall, était installée la collection privée de Göring composée surtout de ce qu'il considérait comme des prises de guerre (par exemple deux statues de lion de granit rose, désormais situées aux Invalides[4] à Paris). En 1943, il fit mettre à l'abri une partie de sa collection privée dans la mine de sel d'Altaussee, dans le district de Liezen en Styrie (région autrichienne).

L'autre partie de la collection privée resta dans les salles d'exposition de Carinhall. En janvier 1945, Göring fit transporter la collection d'œuvres d'art dans des trains spéciaux à Berchtesgaden (là où il avait une résidence secondaire près du Berghof de Hitler), afin de les entreposer dans des tunnels. Les œuvres d'art furent ensuite déchargées et stockées dans un bunker conçu pour la protection antiaérienne. Toutefois, une partie des tableaux et des tapisseries fut pillée dans les trains aux derniers jours de la guerre.

Les Alliés regroupèrent ces œuvres d'art en 1945 par camion au Central Collecting Point (en français : point de collecte central de Munich), installé dans le bâtiment principal et dans l'ancien centre administratif du parti nazi.

Après la guerre

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Le , Göring quitta Carinhall pour ne jamais y revenir. Afin de l'empêcher de tomber dans les mains des Soviétiques dont l'Armée rouge s'approchait, Göring donna l'ordre de dynamiter son immense pavillon de chasse. Après que les œuvres d'art eurent été évacuées à Berchtesgaden, la propriété fut dynamitée le par une équipe de démolition de la Luftwaffe.

Seuls restent de l'imposante demeure les portes monumentales de l'entrée, quelques murs de fondations, des restes de caves et des colonnes et pierres décoratives. La statue d'amazone qui se trouvait à l'ouest de l'aile principale, a été transférée à Eberswalde où elle s'est longtemps trouvée devant l'église Sainte-Marie-Magdeleine, avant d'être transférée sur le Widendamm dans le parc voisin.

En 1990 fut retrouvé dans les vestiges de Carinhall un cœur sculpté en marbre, initialement installé dans une œuvre, allégorie de l'amitié, réalisée par Étienne Maurice Falconet et destinée à Madame de Pompadour. Il s'agit d'une sculpture spoliée à la famille Rothschild durant le Troisième Reich. Le groupe statuaire est depuis exposé au musée juif de Berlin[1].

En 1999, Carinhall fit l'objet d'un regain d'intérêt suscité par la publication du livre Görings Reich: Selbstinszenierungen in Carinhall[5], où l'on vit des chasseurs de trésors fouiller les ruines, et l'émergence de projets d'en faire un lieu de pèlerinage néonazi[6]. En conséquence, le gouvernement du Land de Brandebourg, alors dirigé par un social-démocrate, ordonna que les restes de la sépulture de la femme de Göring soient entièrement démolis.

On trouvait également, à proximité de l'emplacement de Carinhall, une station de radio et une installation factice peu connue, faite de planches et de filets, pour tromper les opérations de reconnaissance aérienne des Alliés. Aujourd'hui, le bâtiment de la station de radio est toujours entretenu.

Les pistes d'atterrissage de l'aérodrome Großdöllner, qui se trouve à environ sept kilomètres au nord-ouest, sont aussi remarquables. Elles devaient servir à un éventuel atterrissage d'urgence de la navette spatiale soviétique Bourane.

Le Reichsjägermeister (grand veneur du Reich) Göring avait également un second pavillon de chasse, plus petit, à Rominten (maintenant Krasnolesye (en)) en Prusse-Orientale, dans la forêt de Rominten (de) (maintenant forêt de Romincka), connu sous le nom de « Emmyhall (de) », ainsi nommé d'après le prénom de sa deuxième femme, Emmy.

Galeries d'images

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Vue panoramique (en 2014) de l'entrée de Carinhall. Les lignes droites apparaissent nettement déformées au premier plan. À gauche, l'une des deux maisons forestières présentes aujourd'hui de part et d'autre de l'entrée.

Notes et références

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(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Carinhall » (voir la liste des auteurs).
  1. a et b Éric Biétry-Rivierre, « Goering prédateur en chef sur Arte », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous »,‎ 20-21 mars 2021, p. 39 (lire en ligne).
  2. Anna Maria Sigmund (trad. Janine Bourlois), Les femmes du IIIeReich, Paris, JC Lattès, , 336 p. (ISBN 978-2-7096-2541-8, OCLC 163528299), p. 88.
  3. (en-US) « Marklin at Carinhall: Hermann Goring's Miniature Railway - Marklin Stop », Marklin Stop,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Philippe Sprang, « Rose Valland, un chef-d'œuvre de Résistance », Paris Match, semaine du 20 au 26 février 2015, pages 76-81.
  5. Volker Knopf and Stefan Martens - Görings Reich: Selbstinszenierungen in Carinhall. Ch. Links Verlag, Berlin 1999.
  6. (en) « Berliners open treasure chest of evil » [« Des Berlinois ouvrent le coffre aux trésors du mal »], titrait The Times dans son édition du 28 septembre 1999., sur article.wn.com (consulté le )

Bibliographie

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  • Volker Knopf, Stefan Martens: Görings Reich. Selbstinszenierungen in Carinhall. 3e édition revue et augmentée. Links-Verlag, Berlin 2006, (ISBN 3-86153-392-8)
  • Günther Haase: Die Kunstsammlung des Reichsmarschalls Hermann Göring. Eine Dokumentation. Édition q, Berlin 2000, (ISBN 3-86124-520-5)

Article connexe

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Liens externes

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