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Étienne Antoine Guérin

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Étienne Antoine Guérin
Présentation
Naissance
Lyon
Décès (à 82 ans)
Saint-Genis-Laval
Nationalité Drapeau de la France France
Formation École régionale d’architecture de Lyon
Entourage familial
Père Barthélémy Guérin

Étienne Antoine Guérin, né le 15 janvier 1912 à Lyon et décédé le 11 février 1994 à Saint-Genis-Laval, est un architecte français, élève de Tony Garnier et Pierre Bourdeix à l’École régionale d’architecture de Lyon. Il a dirigé simultanément deux cabinets d’architecte, l’un à Lyon en succession de son père Barthélémy Guérin (1867-1941) jusqu’en 1975[1], et l’autre à Montmorot, dans le Jura, jusqu’à sa retraite professionnelle en 1983.

Biographie[modifier | modifier le code]

1912-1939[modifier | modifier le code]

Quatrième enfant d’une fratrie de sept, après des études secondaires chez les Maristes à Lyon, il intègre en 1930 (promotion 1930-1933), l’école régionale d’architecture de Lyon, au sein du palais Saint-Pierre place des Terreaux[1]. Le cursus comprenait une classe préparatoire, une seconde classe et une première classe[2]. Il collabore avec son père à plusieurs réalisations à Lyon.

Seconde guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Il prend conscience du risque d’un conflit militaire avec l’Allemagne en lisant, comme une minorité de français, « Mein Kampf », ouvrage dans lequel la France est clairement désignée comme « l’ennemi mortel inexorable du peuple allemand »[2]. Il entreprend alors une formation militaire et intègre l’École des Officiers de réserve de l’infanterie à Saint-Maixent[Laquelle ?] en 1932 dont il sort aspirant puis sous-lieutenant. Il est mobilisé le 2 septembre 1939 à Chambéry comme lieutenant du 97ᵉ Régiment d’Infanterie Alpine, 1ᵉʳ bataillon, 27ᵉ division.

Il participe à la campagne de France en 1940 et plus particulièrement à la tentative de bataille d’arrêt sur le canal de l’Ailette du 26 mai à début juin. Après la rupture de l’armée française face à l’offensive allemande du 14 mai 1940, les forces françaises se regroupent le long du canal de l’Ailette qui, selon un trajet nord-ouest, sud-est, relie l’Oise et l’Aisne avec pour objectif de défendre Paris. Le 97è RIA est engagé avec le 12ᵉ régiment étranger d’infanterie (régiment provisoire de la Légion étrangère dissous après l’armistice de 1940)[3]. La supériorité numérique des allemands est de l’ordre de 3 contre 1 en première ligne[3]. Le 5 juin 1940 vers 4 heures, l’attaque allemande se déclenche par un violent bombardement terrestre et aérien suivi du franchissement du canal vers 5 heures[4]. Étienne Guérin est l’adjoint du chef de bataillon. Après une résistance acharnée de son bataillon, soulignée dans le rapport du colonel Lacaze[5], Il est fait prisonnier à son poste de combat le 5 juin et sera décoré de la croix de Guerre (médaille de bronze) pour son courage au feu. Ce jour-là, sur le front de l’Aisne 459 soldats français ont perdu la vie et plus du triple de soldats allemands ont décédé[6] (référence g).

Durant sa période de captivité Étienne Guérin est détenu successivement dans quatre camps pour officiers, en Allemagne et en Pologne : OFLAG II-D block 3 à Westfalenhof en Poméranie Occidentale, OFLAG XIII-A Block 1 à Nuremberg, OFLAG IV-D à Hoyersverda, camp évacué en février 1945 suite au bombardement allié de Dresde, et STALAG Zweiglager IV-E d’Altenburg en Thuringe. Les captifs organisent une vie intellectuelle à laquelle il participe.

Libéré par les américains le 15 avril 1945, il prolonge volontairement son séjour jusqu’au 15 mai 1945 pour participer au rapatriement de prisonniers et déportés politiques.  De retour en France et apprenant que son frère avait été déporté politique en camp de concentration pour faits de résistance, il retourne vainement à sa recherche dans l’Allemagne en ruines. Il reconstituera grâce à des témoins oculaires les différentes étapes concentrationnaires de son frère puîné à Dora, Oranienbourg-Sachsenhausen, Bergen Belsen. Le corps de Victor (1914-1945) (référence i) décédé fin avril 1945 dans le camp de concentration de Bergen-Belsen ne sera jamais retrouvé et sa sœur Francine (1908-1984) a longtemps espéré son retour à Lyon.

Étienne Guérin sera délégué en France de l’Oflag IV-D pendant quelques mois.

Après-guerre : 1945-1953[modifier | modifier le code]

Démobilisé en 1945, après avoir été tenté par la poursuite d’une carrière militaire, Étienne Guérin obtient le 12 juin 1946 le titre d’architecte diplômé par le gouvernement (DPLG) avec mention Bien. Préparé en captivité, son projet de diplôme intitulé Une gare intermédiaire de téléphérique est fictivement localisé à Sollières l’Envers dans l’actuel parc national de la Vanoise.

il participe activement à la Reconstruction de la France dévastée en intervenant dans de nombreux chantiers de dommages de guerre. Il contribue notamment au vaste chantier du MRU Place Jean Macé à Lyon et à la reconstruction des villages jurassiens de Poisoux, Lavancia-Epercy et de Dortan incendiés par l'occupant (tableau 1). C’est dans ce contexte qu’il rencontre la fille d’un entrepreneur de Travaux Publics, qu’il épouse en 1953. Il s’installe alors à Montmorot (Jura) où il ouvre son deuxième cabinet d’architecte. Il remporte plusieurs prix : 1er prix du concours de la préfecture de la Seine pour l’aménagement du quartier du Val de Grâce à Paris, 4ème prix du concours de la ville de Veyrier (Suisse), médaille d’architecture au Salon de la société lyonnaise des Beaux-Arts.

1953-1983[modifier | modifier le code]

Cette période est marquée par une intense activité professionnelle décuplée par un veuvage précoce (1960), avec un cabinet jurassien qui comptera jusqu’à six collaborateurs et des chantiers allant du Territoire de Belfort à la Drôme. Ses nombreuses réalisations très variées concernent, hormis quelques rénovations (maisons de caractère, édifices religieux et même une salle de musée d'art (palais Saint Pierre de Lyon), essentiellement des constructions ex nihilo dont une dizaine de villas, des immeubles d'habitation, un sanctuaire, quelques monuments aux morts et surtout des bâtiments administratifs pour la sécurité sociale et plus encore pour l’éducation nationale avec des réalisations de groupes scolaires, collèges lycées en Franche-Comté et en Rhône-Alpes et les locaux de l’inspection académique du Jura (tableau 1).

Les chantiers de grande ampleur ont été réalisés en coopération avec des confrères, le plus fréquemment avec Pierre Cencelme[7] puis Raoul Labrosse[8] et Alain Juste, plus ponctuellement avec des architectes parisiens tels que René Bourdon [7],[9],[10] et Claude Bach[11]. Après le décès brutal de son confrère lyonnais Louis Mortamet en 1956, Étienne Guérin fut chargé de finaliser les chantiers en cours.

1983-1994[modifier | modifier le code]

Retraité en 1983, d'une santé dégradée dès la fin des années 70, il décède le 11 février 1994 au centre hospitalier Lyon Sud. Il est enterré au cimetière de Montmorot dans le Jura.

La trajectoire d’Étienne Guérin est assez représentative de cette génération avec toutefois un itinéraire particulièrement marquée par une dialectique architecturale et militaire (construction / destruction) : après des études aux Beaux-Arts, les débuts du métier d'architecte se font en parallèle avec l'École militaire de Saint-Maixent. Puis combat comme militaire et finalise ses études par l'obtention de son diplôme d'architecte DPLG préparé en captivité.

Homme de devoir et de rectitude[12], travailleur acharné et prolifique, homme d’action[13], Étienne Antoine Guérin restera pour ses proches un exemple et un ami au sens d’un vieux dicton militaire[14] : « Lieutenants, amis. Capitaines, camarades. Commandants, collègues. Colonels rivaux. Généraux, ennemis ».

Tableau 1 : réalisations d’Étienne Antoine Guérin au cours de sa carrière

Numéro Nature Commune Département Type Année
1 Chalet des eaux et forêts Lac-des-Rouges-Truites Jura Administration Eaux et Forêts 1963
2 Salle du rétable du musée des arts du palais saint-pierre Lyon 1 er Rhône Arts 1956-1962
3 Lycée d’état mixte Jean Michel Lons-le-Saunier Jura Éducation Nationale 1963
4 CES Champagnole Jura Éducation Nationale 1972
5 CES Châtillon-sur-Chalaronne Ain Éducation Nationale
CES Lons-le-Saunier Jura Éducation Nationale 1973
6 CES Victor Guignard Lyon 8 ème Rhône Éducation Nationale
7 CES Lyon 9 ème Rhône Éducation Nationale 1971
8 CES Tavaux Jura Éducation Nationale
9 CES Poligny Jura Éducation Nationale
10 CET (dernière tranche) Moirans-en-Montagne Jura Éducation Nationale
11 CES Giromagny Territoire de Belfort Éducation Nationale
12 CES Chaussin Jura Éducation Nationale
13 Collège agricole Lons-le-Saunier Jura Ministère de l'agriculture
14 Restauration Lycée technique Poligny Jura Éducation Nationale
15 Restauration enfants et gymnase Groupe scolaire Tissot Lyon 9 ème La Duchère Rhône Éducation Nationale 1968-1977
16 Inspection académique Lons-le-Saunier Jura Éducation Nationale
17 CES Lyon 7 ème Rhône Éducation Nationale
18 École primaire Courlans Jura Éducation Nationale
19 École primaire Lons-le-Saunier Jura Education Nationale
20 École maternelle Montmorot Jura Éducation Nationale
21 École primaire Cailloux-sur-Fontaines Rhône Éducation Nationale
22 Groupe scolaire Mermoz Nord Lyon 8 ème Rhône Éducation Nationale 1955-1959
23 Groupe scolaire Mermoz Sud Lyon 8 ème Rhône Éducation Nationale 1957-1962
24 2 écoles primaires Lyon 8 ème Rhône Éducation Nationale
25 École maternelle et Crèche Rue du Pr Ranvier Lyon 8 ème Rhône Éducation Nationale 1961-1963
26 Sanctuaire Le Baume-d’Hostun Drôme Religieux
27 Bandeliers de l’église en bois Lavancia-Epercy Jura Religieux
28 Réféction église Montaigu Jura Religieux
29 Réféction église Montmorot Jura Religieux
30 2 bâtiments Lavancia-Epercy Jura Réparation des dommages de guerre
31 MRU Place Jean Macé Lyon 7 ème Rhône Réparation des dommages de guerre
32 Bâtiments Dortans Jura Réparation des dommages de guerre
33 Bâtiments Villemottier Ain Réparation des dommages de guerre
34 Bâtiments Champagnat Saône-et-Loire Réparation des dommages de guerre
35 Bâtiments Poisoux Jura Réparation des dommages de guerre
36 Centre social Lons-le-Saunier Jura Social
37 Centre social Givors Rhône Social
38 URSAFF Lons-le-Saunier Jura Social
39 Bâtiment Sécurité Sociale Dole Jura Social
40 Bâtiment Sécurité Sociale Saint-Claude Jura Social
41 Maison de retraite avenue Colbert (foyer logement) Lons-le-Saunier Jura Social
42 Maison de retraite Roanne Loire Social
43 LOPOFA Lons-le-Saunier Jura Social
44 Monument aux morts Messia Jura Social
45 Logements sociaux Trept Isère Social
46 Monument aux morts Cernon Jura Social
47 HLM près de la caserne bouffez Lons-le-Saunier Jura Social
48 Cimetière de la Croix Rousse construction de la nouvelle entrée Lyon 4ème Rhône Social 1959-1974
49 Immeuble quai Fulchiron Lyon 4ème Rhône Social 1957
50 Villa individuelle Dortans Jura Villa
51 Villa individuelle Sauzède Crépieux-la-Pape Rhône Villa
52 Villa individuelle Charpillon Lons-le-Saunier Jura Villa
53 Villa individuelle Ménétru-le-Vignoble Jura Villa
54 Villa individuelle Hérault Bourg-en-Bresse Ain Villa
55 Villa de fonction Dr Thiebault Saint-Julien-sur-Suran Jura Villa
56 Villa de vacances Dr Thiebault Saint-Julien-sur-Suran Jura Villa
57 Villa Jailleau Lons-le-Saunier Jura Villa
58 Villa Mathieu Lons-le-Saunier Jura Villa 1956
59 Villa Frache Perrigny Jura Villa 1974
60 Villa Roncon Saint Étienne de Coldre Jura Maison de caractère 1974

Abréviations :

  • CES : collège enseignement secondaire,
  • CET : collège enseignement technique,
  • LOPOFA : Logements Populaires et Familiaux,
  • MRU : ministère de la reconstruction et de l'urbanisme,
  • URSSAF : union de recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales,
  • HLM : habitation à loyer modéré.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Chalabi Maryannick et Archer-Galéa Chantal, « Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpe » Accès libre, sur Plateforme ouverte du patrimoine
  2. a et b Christian Marcot, « L’avant 1968, de l’école des beaux-arts de Lyon à l’école régionale d’architecture de Lyon », sur Politiques de la culture, (consulté le )
  3. a et b Olivier Wieviorka, Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale, Ministère des Armées, coll. « Synthèses Historiques », , 1072 p. (EAN 9782262079932)
  4. Webmaster, « Les combats de 1940 sur l’Ailette » Accès libre, sur Picardie 1939-1945,
  5. Georges Lestien, « La "division de Savoie" pendant la guerre 1939-1940. (1941) », Revue de Savoie (1941),‎
  6. « Page introuvable - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
  7. a et b « Lycée de jeunes filles, puis lycée d'état mixte, actuellement lycée Jean Michel ⋅ Patrimoine en Bourgogne-Franche-Comté », sur Patrimoine en Bourgogne-Franche-Comté (consulté le )
  8. « Architecte : Raoul Labrosse », sur www.pss-archi.eu (consulté le )
  9. « René Bourdon - Les Français Libres », sur www.francaislibres.net (consulté le )
  10. « BOURDON René », sur CND CASTILLE (consulté le )
  11. « Grands Prix Rome Concours Architecture 1864-1967 Le fil d'Actu - Grande Masse des Beaux-Arts .::. Site officiel », sur www.grandemasse.org (consulté le )
  12. Mathilde Havet, « Commentaire de la citation tirée de L’après littérature , Alain Finkielkraut », Revue Droit & Littérature, vol. N° 6, no 1,‎ , p. 365–372 (ISSN 2552-8831, DOI 10.3917/rdl.006.0365, lire en ligne, consulté le )
  13. Jonathan Sitbon, « Entre contre-discours et légitimation : la construction d’un ethos testimonial dans L’étrange défaite de Marc Bloch », Argumentation et analyse du discours, no 21,‎ (ISSN 1565-8961, DOI 10.4000/aad.2593, lire en ligne, consulté le )
  14. Bryce Lyon, « Marc Bloch, L'Historien et la cité.Marc Bloch , Pierre Deyon , Jean-Claude Richez , Léon Strauss », Speculum, vol. 73, no 3,‎ , p. 838–840 (ISSN 0038-7134 et 2040-8072, DOI 10.2307/2887523, lire en ligne, consulté le )

g. https://01386972-050b-4509-88e9-1516e0e09edc/99H3900TEM-Lacaze01.pdf

i. https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/recherche_transversale/bases_nominatives_detail_fiche.php?fonds_cle=29&ref=3494253&debut=0

k. https://www.pss-archi.eu/architecte/191/

Voir aussi[modifier | modifier le code]