Meurtres de Burger Chef

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Les meurtres de Burger Chef ont eu lieu dans un bois du comté de Johnson dans l'Indiana (États-Unis) dans la nuit du 17 au 18 novembre 1978 pendant laquelle quatre jeunes employés s'étaient volatilisés lors de la fermeture d'un restaurant Burger Chef (en) à Speedway (une chaîne américaine de fast-food aujourd'hui disparue). Ce qui était initialement considéré par la police comme un petit larcin dans les caisses et le coffre-fort du restaurant s'orienta rapidement vers un vol suivi d'un enlèvement et dimanche, lorsque leurs corps ont été découverts, vers un quadruple meurtre.

Du simple vol à l'enlèvement

Le vendredi 17 novembre 1978, au restaurant Burger Chef du 5725 Crawfordsville Road à Speedway, dans la banlieue d'Indianapolis, quatre employés travaillaient ce soir-là :

  • Jayne Friedt, directrice adjointe, 20 ans ;
  • Ruth Shelton, 17 ans ;
  • Mark Flemmonds, un afro-américain de 16 ans ;
  • Daniel Davis, 16 ans.
Le Burger Chef de Speedway où eut lieu l'enlèvement, ici à l'abandon (photographie de 2018).

Selon plusieurs témoignages, les quatre adolescents étaient encore dans l'établissement à 23h00, heure de fermeture habituelle. À 00h00, Brian Kring, un autre jeune employé qui n'était pas de service ce soir là, rentrait chez lui en auto. En remontant la Crawfordsville Road, il aperçut de la lumière dans le bâtiment et décida d'aller à la rencontre de ses collègues pour les aider à fermer. Mais en pénétrant dans le restaurant par la porte arrière restée entrouverte, il ne constata pas la moindre présence humaine. Les caisses enregistreuses, posées sur le carrelage, étaient vides, tandis que le coffre-fort du bureau de la direction était grand ouvert, ne contenant plus que des rouleaux de pièces (100 $ environ). À proximité de celui-ci se trouvait deux sacs de devises, vides eux aussi, ainsi qu'un rouleau de ruban adhésif entièrement utilisé. Kring sortit de l'établissement et ne vit aucune trace des quatre employés dans les parages, d'autant que le parking du restaurant sur lequel il s'était garé était totalement désert. Inquiet de ce qui avait pu advenir de ses collègues, il composa le 911 et attendit l'arrivée de la police.

Les policiers de Speedway arrivèrent sur les lieux plus tard dans la nuit, rejoint par le directeur du restaurant Robert Gilyeat qui avait été informé du problème. Ensemble, ils constatèrent le vol : 581 $ avaient été dérobés (soit l'équivalent de 2 350 $ de 2020). Les sacs à main des deux jeunes femmes ainsi que les vestes de tous les employés avaient été laissés sur place (dont celle appartenant à Ruth jetée au sol), fait étrange lorsqu'on sait que les nuits sont particulièrement fraîches en novembre dans l'Indiana. Néanmoins, la police ne remarqua pas la moindre trace de lutte.

Dans un premier temps, les policiers de Speedway ne s'inquiétèrent pas plus que cela. Il s'agissait selon eux au mieux d'une plaisanterie au pire d'un vol mineur perpétré par quatre adolescents partis en virée nocturne, mais qui dans les deux cas se terminerait par leur retour. Une hypothèse que Gilyeat rejeta en bloc tant il se portait garant du sérieux de ses employés dont il s'était assuré avant de les embaucher qu'ils n'avaient pas le moindre antécédent judiciaire. Les policiers se résolurent alors à contacter leurs parents en pleine nuit afin de savoir si parmi les quatre jeunes gens certains étaient rentrés à la maison et le cas échéant, de leur demander de les prévenir si ce devait être le cas. Mais aucun n'était retourné au domicile familial. La plupart des parents, encore éveillés lorsqu'on leur téléphona, manifestaient déjà une vive inquiétude. Dans les heures qui suivirent, plusieurs d'entre eux se déplacèrent au commissariat afin de savoir ce qui avait bien pu se passer.

À 4h30 du matin, les policiers de Speedway découvrirent la Chevrolet Vega 1974 blanche à deux portes de Jayne Friedt au bloc 5500 de la W 15e rue, à deux pâtés de maison de leur commissariat principal. Apparemment abandonné en vitesse, le véhicule était verrouillé côté conducteur mais pas côté passager tandis que les clés ne se trouvaient pas à l'intérieur. La police commença dès lors à privilégier la piste de l'enlèvement, envisageant que le rapt avait sans doute eu lieu au moment où les employés sortaient les sacs poubelles par la porte arrière du restaurant. La Chevrolet avait dû servir aux ravisseurs, en plus de leur propre véhicule. Mais le mystère demeurait entier sur le déroulement des événements après l'abandon de la voiture de Jayne.

Ainsi, après une journée seulement, l'affaire passa d'un simple vol à un enlèvement.

La découverte des quatre corps

Dans l'après-midi du dimanche 19 novembre, un couple de promeneurs découvrit dans une propriété privée boisée du comté voisin de Johnson situé à une trentaine de kilomètres au sud-est du lieu de la disparition, les corps des quatre employés encore vêtus de leur uniforme de travail. Ruth Shelton et Daniel Davis étaient allongés côte à côte tout près d'un chemin de gravier, face contre terre. Tous deux avaient été abattus de plusieurs balles de calibre .38 dans la tête et la nuque. Jayne Friedt gisait à une cinquantaine de mètres de là, poignardée à deux reprises dans la poitrine avec une telle violence que le couteau en avait été brisé (la lame était restée fichée à l'intérieur de son corps mais le manche demeurait introuvable). La police émit l'hypothèse que la malheureuse avait essayé en vain de profiter de l'obscurité pour s'enfuir avant d'être poursuivie et tuée. Mark Flemmonds était le plus éloigné des autres, allongé sur le dos à proximité de la route principale sur laquelle donnait le chemin. Comme le déduira l'autopsie menée par le Dr. Harley Palmer, il avait été battu à mort - peut-être avec une chaîne - et s'était asphyxié avec son propre sang. Alors qu'il tentait de fuir lui aussi, il aurait foncé la tête la première dans un arbre, perdant connaissance.

Le décès des quatre adolescents remontait à vendredi soir ou tôt samedi matin, mais aucun indice concluant ne fut relevé aux alentours. La police trouva seulement de la menue monnaie dans leurs poches cependant que leurs cadavres portaient encore montres, bagues et autres bijoux.

Un début d'enquête bâclé

Du propre aveu de Buddy Ellwanger, un officier de police de Speedway qui avait participé aux investigations, l'enquête avait été "fichue en l'air depuis le début". En effet, les policiers avaient quitté les lieux sans prendre aucune photographie ni effectuer le moindre relevé d'empreintes digitales, de poils ou de fibres alors qu'ils y étaient restés plusieurs heures. De plus, le restaurant fut rangé, nettoyé et ouvert à la clientèle après leur départ. La police démentit ne pas avoir photographié la scène mais il s'avéra plus tard que les clichés qu'elle détenait étaient faux. N'ayant pas préservé la scène initiale, plusieurs des premiers enquêteurs avaient essayé de rattraper leur bévue en la réorganisant de mémoire a posteriori. Mais les photos contenaient des erreurs grossières : les photos avaient été prises de jour alors que les constatations avaient été faites de nuit et l'emplacement de divers objets présentait des différences notables. Ce travail de police sans égard à l'éthique professionnelle nuira d'ailleurs plus tard à la bonne marche de l'enquête.

Au printemps 1979, il fut révélé que la police de Speedway avait mené une enquête discrète sur un possible trafic de stupéfiants au sein de l'établissement du Burger Chef qui aurait été encore actif plusieurs mois avant les meurtres. Mais elle n'avait finalement rien trouvé qui pouvait faire le lien entre les deux affaires.

À la suite de cette série de fiascos, la municipalité limogea le chef de la police de Speedway, Robert Copeland. L'enquête fut alors confiée à la police d'État de l'Indiana.

Divers suspects auditionnés

Un premier rebondissement intervint un peu plus tard à une date inconnue lorsqu'un témoin âgé de 16 ans se manifesta. Le jeune garçon raccompagnait à pied sa petite amie jusqu'à chez elle la nuit du 17 novembre aux alentours de 23h00. Après avoir traversé le parking du Burger Chef encore éclairé, le couple s'était caché derrière le bâtiment pour flirter. De là où ils se trouvaient, l'adolescent avait vu deux hommes à l'intérieur d'une voiture garée devant le restaurant peu de temps avant sa fermeture. Tous deux étaient blancs, habillés de façon négligée et âgés d'une bonne trentaine d'années, l'un brun et barbu et l'autre rasé de près avec les cheveux clairs. Il s'en souvenait assez bien car le barbu l'avait sommé lui et sa petite amie de déguerpir, sous-prétexte qu'il y avait eu des actes de vandalisme dans le coin. Sur la base des descriptions faites par l'adolescent, la police réalisa des bustes en argile des deux hommes et diffusa leur portrait-robot au public dans l'espoir que quelqu'un les identifie.

De son côté, William Hudnut, maire d'Indianapolis, exhorta ses citoyens à parler à la police au cas où l'un d'entre eux avaient vu quelque chose de suspect aux environs de la Crawfordsville Road à Speedway dans la nuit du 17 au 18 novembre. À la suite de cet appel, Michael Grider, ancien militaire de la marine devenu technicien de laboratoire dans une entreprise de photographie aérienne, se souvint que cette nuit-là, alors qu'il s'était arrêté à un feu rouge sur la N Lynnhurst Drive au niveau de la 16e rue, à deux kilomètres du Burger Chef, il avait aperçu un homme barbu dans une petite voiture avec les vitres embuées, ce qui lui avait paru étrange. Il contacta la police qui recueillit son témoignage mais celle-ci ne jugea toutefois pas utile d'y donner suite.

Ce n'est que quelques semaines plus tard (sans doute pendant l'hiver 1978-79) que l'attention des policiers fut attirée par plusieurs clients d'un bar de Greenwood qui avaient entendu un homme se vanter d'avoir prit part au quadruple meurtre. Fier-à-bras éméché ou possible suspect, les enquêteurs désiraient ne rien laisser au hasard. Ils l'identifièrent et l'auditionnèrent. Mais devant ses dénégations, la police le fit passer au détecteur de mensonges. Le suspect maintint qu'il n'y était pour rien mais révéla le noms de personnes qui selon ses dires formaient une bande de braqueurs de fast-foods originaires de Franklin susceptibles d'être les hommes qu'elle recherchait. Les policiers furent très attentifs aux déclarations de l'individu car ces noms ne leur étaient pas inconnus. A dire vrai, ils portaient leurs soupçons sur eux depuis un moment. Ayant réussi le test du polygraphe avec succès, l'homme fut relâché et la police poursuivit son enquête à Franklin, toujours dans l'Indiana.

Sur place, les agents repérèrent l'homme ressemblant au portrait-robot de l'« homme barbu ». Mais lorsqu'il fut convoqué pour une parade d'identification, il se rasa sa barbe de cinq ans, ce qui parut non seulement suspect aux enquêteurs mais qui empêcha le jeune témoin de 16 ans de le reconnaître formellement.

L'enquête remonta également jusqu'au voisin de ce suspect (grâce au vantard du bar de Greenwood qui avait aussi donné son nom) ainsi qu'à un autre homme correspondant au portrait-robot de l'« homme aux cheveux clairs ». Mais sans aveux de leur part et sans aucune preuve physique directe de leur implication dans le quadruple meurtre, les policiers furent contraints de les relâcher. Pourtant, les deux hommes seront bien plus tard arrêtés et condamnés pour attaque à main armée d'établissements de restauration rapide.

Le 5 mars 1981, un agent de la DEA (la police anti-drogue américaine) et un policier infiltré d'Indianapolis arrêtèrent le frère de l'une des victimes, James Friedt, âgé de 30 ans. Son arrestation pour la vente de 30 grammes de cocaïne suscita de nouvelles spéculations parmi les forces de l'ordre et la presse selon lesquelles Jayne avait été la cible des meurtres, le motif étant celui de représailles à l'encontre de son frère. James nia être impliqué dans le meurtre de sa soeur et des autres employés du Burger Chef. Faute de preuves, il fut blanchi dans cette affaire. Il décéda en 2013.

L'enquête piétina pendant six ans. Le manque de témoins et de preuves - l'arme à feu, le manche du couteau et la supposée chaîne ne furent jamais retrouvés - avait toujours limité de manière considérable le champ d'action de la police qui craignait au fil des ans ne jamais devoir élucider cette affaire. Elle continua malgré tout à investiguer sur de possibles suspects dans une zone couvrant la partie orientale du Midwest (Ohio, Wisconsin, Illinois), allant même jusqu'au Texas. En vain.

Entre temps, l'homme du bar de Greenwood s'était donné la mort tandis que le suspect barbu avait succombé à une crise cardiaque. Le fils de ce dernier déclara après coup aux enquêteurs qu'il lui avait confié peu de temps avant son décès avoir participé à l'enlèvement et aux meurtres des quatre employés du Burger Chef. Quelles que fussent les motivations du fils qui pouvaient être sujet à bien des interrogations (volonté d'aider les policiers à faire la lumière sur un massacre innommable ou volonté de salir la mémoire de son père pour des raisons personnelles), la police ne pouvait se baser uniquement sur un hypothétique aveu fait en privé. Aussi cessa-t-elle de creuser davantage la piste du suspect barbu décédé. Ken York, l'un des enquêteurs, trouva cependant étrange que la mort des deux hommes avait eu lieu après la libération du braqueur aux cheveux clairs, doutant ainsi du suicide et de l'infarctus de l'un et l'autre suspect.

Notons également que la rumeur courait à Speedway que les meurtres de Burger Chef étaient liés à d'autres crimes qui avaient naguère secoué la ville, tels que le meurtre de Julia Scyphers en juillet 1978 et les attentats du Speedway en septembre de la même année. Or, À l'époque, Brett C. Kimberlin, l'auteur des attentats, était toujours en fuite et ressemblait nettement au portrait-robot de l'« homme aux cheveux clairs ». Toutefois, s'il fut découvert plus tard que le meurtre de Julia Scyphers et les attentats à la bombe étaient liés, les meurtres de Burger Chef n'avaient aucun rapport avec ces affaires.

Rebondissement

En 1984, le détective Mel Willsey du bureau du shérif du comté de Marion reçut un coup de fil d'un détenu du centre correctionnel de Pendleton du nom de Donald Ray Forrester. L'appel parut crédible au détective car Forrester était un criminel notoire résidant à Speedway à la période des meurtres et qui était encore en liberté à cette époque. Depuis, cet homme de 34 ans avait été arrêté et purgeait une condamnation à vie pour avoir harcelé, enlevé et violé une femme à Castleton en 1979 en compagnie de son cousin. Leur victime avait été enlevée et s'était échappée in extremis en sautant de leur voiture encore en marche. Plus troublant encore que le modus operandi de l'enlèvement sensiblement assez proche de celui des employés de Burger Chef, le cousin de Donald, Dawson Forrester, travaillait à l'époque dans un McDonald's et logeait dans un American Inn tous deux situés sur la même avenue que le Burger Chef. Lors de la première audition, Donald avoua d'emblée à Willsey son implication dans les meurtres de Burger Chef, affirmant avoir lui-même abattu Daniel Davis et Ruth Shelton. Afin de pousser plus loin ses investigations sur la base de ses aveux, Willsey demanda et obtint une ordonnance du tribunal pour amener le suspect dans le comté de Marion. Avec un sens de l'orientation remarquable, Donald Forrester guida les policiers dans les bois du comté de Johnson où avaient eu lieu les crimes et décrivit en détails l'emplacement et la position des cadavres tels qu'ils avaient été retrouvés. Il mentionna également le manche cassé du couteau sans pouvoir en revanche le localiser. Ces révélations concordaient tant avec les constatations de la police de Speedway faites à l'époque (pourtant restées confidentielles) qu'elles troublèrent à nouveau Willsey.

En outre, Forrester expliqua le mobile des meurtres ; le frère de Jayne Friedt, James, lui devait de l'argent pour un deal de stupéfiants. Il était donc venu au Burger Chef accompagné de trois comparses pour intimider Jayne à la sortie de l'établissement. Mais lorsque Mark Flemmonds s'est interposé pour protéger sa responsable, une rixe a éclaté au cours de laquelle le jeune afro-américain est tombé et s'est cogné la tête contre un pare-chocs de voiture. Croyant Flemmonds mort, Forrester et ses complices avaient décidé d'enlever et de tuer tous les employés pour éviter qu'ils ne témoignent contre eux. Forrester donna les noms de trois hommes qui selon lui étaient les auteurs des meurtres de Mark Flemmonds et de Jayne Friedt. Il mena ensuite la police jusqu'à un ruisseau où il aurait jeté l'arme de son double homicide (Daniel Davis et Ruth Shelton). Cependant, malgré une fouille approfondie du cours d'eau, aucune arme ne fut retrouvée. Willsey interrogea alors l'ex-femme de Forrester. Celle-ci déclara que Donald l'avait conduite quelques jours seulement après le drame vers une zone boisée du côté de Greenwood nommée Timber Heights, un endroit connu des riverains pour être le lieu d'ébats amoureux. Puis elle l'avait attendu dans la voiture tandis qu'il était sorti récupérer des douilles d'arme à feu qu'il avait laissé dans le ruisseau en question. Plus tard dans la journée, de retour chez lui, Forrester avait jeté les douilles dans les toilettes. Le détective Willsey obtint alors un mandat pour fouiller la fosse septique de l'ancienne maison de Forrester située en banlieue d'Indianapolis, dans le quartier de Maywood, et qui appartenait désormais à un nouveau propriétaire. En août 1985, il y découvrit trois douilles d'obus de calibre .38 censées être restées en place pendant huit ans.

Pour la première fois depuis des années, il y eut enfin un espoir que les meurtres de Burger Chef soient résolus. Mais un policier du bureau du shérif fuita aux médias que Forrester coopérait avec son service et de nombreux détails parurent dans la presse. Par conséquent, le 14 novembre 1986, Donald Forrester revint sur ses aveux, affirmant qu'ils lui avaient été extorqués, ce que Willsey démentit. Ayant mit un terme à sa coopération avec la police et aucune preuve directe prouvant qu'il a commis le crime, Forrester ne fut jamais inculpé pour un seul de ces meurtres. Il mourut en prison d'un cancer en 2006 à l'âge de 55 ans.

Pourtant, tout ne semblait pas coller dans les déclarations de Forrester qui avait échoué à deux reprises au détecteur de mensonges. Depuis - hormis Willsey qui croit encore aujourd'hui fermement à son implication - la police a acquis la conviction que les aveux de Forrester n'étaient rien de plus qu'un stratagème afin d'éviter son transfert dans une prison d'État réputée plus dure que le pénitencier de Pendleton où il purgeait sa peine.

Un cold case vieux de plus de quarante ans

Depuis les aveux rétractés de Forrester, aucune nouvelle piste ne s'est ouverte. Une empreinte palmaire recueillie en 1978 dans la voiture de Jayne Friedt avait matché en 2007 avec celle d'un ami du frère de Mark Flemmonds arrêté des années plus tard pour de simples délits routiers. Mais il s'est avéré que l'individu n'avait rien à voir avec les meurtres.

Malgré des milliers d'heures d'enquête policière, ainsi que la récompense de 25 000 $ promise par la chaîne Burger Chef à quiconque pourrait fournir des informations susceptibles de mener à leur arrestation, les coupables n'ont jamais été retrouvés. Aujourd'hui, l'affaire reste officiellement non résolue. Cependant, la police d'État de l'Indiana maintient l'enquête ouverte et fonde beaucoup d'espoir sur les progrès fulgurants en matière d'ADN.

Un enquêteur de la police d'État de l'Indiana, William "Stoney" Vann, l'assurait encore en 2017 : « Il y a toujours un détective affecté aux meurtres de Burger Chef ».

Les bustes en argile des deux suspects ont été conservés et appartiennent désormais à la police d'État de l'Indiana. Un graphiste du département d'art de l'Université Purdue a été embauché pour en créer des versions 3D. La prescription n'existant pas aux Etats-Unis contrairement à la France, les scellés ont été conservés : costumes de travail Burger Chef brun et orange tâchés de sang, échantillons de cheveux des victimes, empreintes digitales et palmaires, balles de calibre .38 récupérées dans les corps de Daniel Davis et de Ruth Shelton, lame de couteau ayant servi à tuer Jayne Friedt, jusqu'aux mégots de cigarettes recueillis dans le cendrier de sa Chevrolet Vega.

En 2017, Vann a pris sa retraite après 29 ans de bons et loyaux services. Un mois auparavant, il avait transmis l'affaire Burger Chef au détective Nicholas Alspach, 36 ans, vétéran de la guerre en Irak devenu policier de l'État de l'Indiana en 2007. Un enfant du pays qui est né et a grandi dans le comté de Johnson. Son grand-père Sherrell Alspach était le technicien de scène de crime qui avait relevé l'empreinte palmaire dans la voiture de Jayne Friedt.

Toutes les informations liées à l'affaire ont été regroupées dans deux douzaines de classeurs remplis de notes des enquêteurs, avec en annexe de nombreuses cassettes d'enregistrement d'interrogatoires de la police.

Une page Facebook « Justice for The Speedway Burger Chef Murders » consacré à ce cold case a été créée en 2014 et compte 3 300 abonnés en 2021.

De par sa sauvagerie, la portée médiatique de cette tuerie aurait très bien pu dépasser les frontières de l'Indiana. Mais l'évènement fut sans doute éclipsé par le massacre de Jonestown au Guyana qui eut lieu le 18 novembre, le jour même où la disparition des quatre employés avait été constatée par la police. Plus de 900 ressortissants américains, hommes, femmes et enfants, avaient péri lors d'un suicide collectif orchestré par le révérend Jim Jones, lui-même originaire de l'Indiana. Néanmoins, le quadruple meurtre du Burger Chef avait fait la une des journaux locaux et la psychose s'était installée à Speedway. Aujourd'hui encore, les habitants de la région sont hantés par ce douloureux souvenir. Même les plus jeunes connaissent cette histoire que leur ont raconté parents et grands-parents. "Le crime résonne toujours, affirme à ce titre Connie Ziegler, une historienne d'Indianapolis, et ce pour différentes raisons : l'âge des victimes, la nature effroyable des meurtres et le nombre important de victimes."

Selon la définition du FBI, avec quatre décès ou plus "survenant au cours du même incident, sans période distincte entre les meurtres", les meurtres de Burger Chef peuvent être qualifiés de tuerie de masse.

Derniers développements

Stoney Vann a travaillé sur l'affaire Burger Chef de 1998 à 2017. Il s'est intéressé à cinq hommes coupables de braquages de fast-foods à l'époque des meurtres, dont un Burger Chef d'Indianapolis qui fut une de leurs cibles au cours de l'été 1978. Le fait que les malfrats attaquaient systématiquement les restaurants par la porte arrière à l'heure de la fermeture formait une étrange similitude avec l'assaut du Burger Chef de Speedway quelques mois plus tard.

Ces suspects avaient déjà été interrogés par le passé mais trois d'entre eux sont depuis décédés (le suspect barbu, l'homme du bar de Greenwood, ainsi qu'un autre homme mort assassiné selon les déclarations de Vann). Deux sont encore en vie en 2017 : Timothy P. et John D. Ils seraient restés dans la région, plus précisément dans le comté de Johnson, la juridiction où les corps avaient été découverts.

Mais la police n'a pas assez de preuves physiques pour obtenir une condamnation. "Si nous pouvions le prouver, nous l'aurions prouvé il y a longtemps" a déclaré Vann qui croit dur comme fer en leur implication.

Mel Willsey, 71 ans et toujours en service au bureau du shérif en 2017, rejoint Vann sur le fait qu'il s'agissait en premier lieu d'un vol mais que celui-ci a rapidement dérapé en quadruple meurtre après qu'un employé de Burger Chef ai pu reconnaître l'un des assaillants (si on s'appuie sur le fait que Mark Flemmonds ne devait pas travailler ce soir là, remplaçant au débotté une collègue du nom de Ginger Haggard qui avait pris son congé, ce que les malfrats n'avaient peut-être pas prévu). Il est donc fort probable que si un des employés avait identifié l'un d'entre eux, il y a de grandes chances pour que c'eut été Flemmonds. Mais Willsey ne partage pas pour autant le sentiment de Vann sur l'implication de la "bande des cinq". Pour lui, il s'agirait de l'œuvre d'un autre gang de criminels incluant à coup sûr Donald Forrester. Il en demeure d'ailleurs toujours persuadé : "Vous savez que quelqu'un a fait quelque chose, et vous ne pouvez pas le prouver. Dans le travail que fait la police, cela arrive tout le temps."

Les victimes

  • Jayne Carol Friedt, née le 2 Mai 1958 à Terre Haute dans l'Indiana travaillait depuis ses dix-sept ans au Burger Chef de Lafayette Road à Indianapolis avant d'être affectée à celui de Speedway au printemps 1978. Réputée pour son professionnalisme ainsi que son assiduité (il lui arrivait de travailler une cinquantaine d'heures par semaine), elle fut nommée directrice adjointe de l'établissement en août de la même année. Diplômée de l'Avon High School en 1976, Jayne vivait dans la région d'Indianapolis depuis huit ans. Elle repose dans sa ville natale, au Roselawn Memorial Park.
  • Ruth Ellen Shelton, née le 19 décembre 1960 à Indianapolis dans l'Indiana était une adolescente très studieuse et très pieuse, scolarisée au Northwest High School de cette même ville dans l'optique de décrocher un diplôme en informatique. Ancienne employée de Dunkin' Donuts, elle venait de remettre sa démission au directeur du Burger Chef Robert Gilyeat. Mais ce dernier, en manque de personnel, l'avait convaincue de rester travailler encore quelques semaines. Ruth est enterrée au Washington Park North Cemetery d'Indianapolis.
  • Mark Sylvester Flemmonds, né dans l'Indiana le 31 décembre 1961 (d'où son second prénom) était issu d'une famille afro-américaine de témoins de Jehovah et étudiait à la Speedway High School. Il vivait tout près du Burger Chef où il exerçait le métier de cuisinier. Il a été inhumé au New Crown Cemetery and Mausoleum d'Indianapolis.
  • Daniel Roy Davis est né le 6 septembre 1962 à Greenwood dans l'Indiana. Affectueusement surnommé Danny, ce lycéen de la Decatur Central High School était passionné de photographie et rêvait d'intégrer l'armée de l'air une fois son diplôme en poche. Il repose au Mount Zion Cemetery à New Lebanon.

Au cours de l'été 2018, les habitants de Speedway, ainsi que les proches des victimes, parents et amis, ont collecté des fonds pour planter quatre chênes rouges au Leonard Park afin d'honorer leur mémoire. Chaque arbre est orné d'une plaque avec une courte épitaphe personnalisée. Les donations ont été si importantes qu'elles ont pu permettre d'ajouter un banc en marbre dédié à leurs familles et amis. Le 10 novembre 2018, une semaine tout juste avant le quarantième anniversaire de la tragédie, une petite cérémonie d'inauguration pour les proches des quatre victimes a eu lieu sur le site commémoratif de Leonard Park à Speedway, Indiana.

Références