Appellations des membres de la maison de France
Jusqu'à la moitié du XVIe siècle, les membres de la Maison de France étaient simplement appelés monseigneur, suivi du titre de leur apanage. Les épithètes d'honneur tendirent à se multiplier au XIVe siècle, si bien qu'un prince comme Philippe le Bon était désigné comme le « Très haut, très puissant, très excellent et très magnanime prince monseigneur Philippe duc de Bourgogne »... Par la suite et jusqu'au XVIIIe siècle, les usages s'écourtèrent, se raffinèrent et évoluèrent en fonction des modes et de la volonté royale. À la fin de l'Ancien Régime, les membres de la Maison de France étaient usuellement désignés par leur titre mais aussi par une expression connue décrivant leur position au sein de la dynastie. Ils étaient soit membres de la famille royale, soit membres des lignées de princes du sang. La connaissance de ces expressions est souvent nécessaire pour comprendre les textes d'auteurs comme Retz, Saint-Simon ou la marquise de Sévigné.
« Ce qui écherrait à délibérer ne serait pas s'il faudrait s'unir à Monsieur le Prince, mais ce qu'il faudrait que Monsieur fît pour se tenir Monsieur le Prince soumis à lui-même. »
— Cardinal de Retz, Mémoires, p. 780 (Pléiade)
La famille royale de France
Entre le XVIe siècle et 1830, la famille royale de France était composée, dans l'ordre du cérémonial, du roi, de sa femme (la reine), de sa mère (la reine mère), de ses enfants et petits-enfants, de ses frères et sœurs, de leurs enfants et des petits-enfants et des époux de chacun d'eux, ainsi que, le cas échéant, des reines épouses de rois de France de branches précédemment éteintes.
La liste des membres de la famille royale était donc la suivante :
- le roi
- la reine
- les reines douairières
- les fils de France, leur épouse et leurs enfants
- les filles de France
- les petits-enfants de France
- les princes du sang
Patronymes
Le roi et la reine de France n'ont pas de patronyme, ils le perdent lorsqu'une nouvelle branche devient la branche aînée et accède au trône. Ils signent de leur prénom seul, sans numéro ni surnom. Ce vide a conduit les Révolutionnaires à leur donner le patronyme Capet, en reprenant le surnom de leur premier ancêtre masculin connu.
Les enfants de France portent le patronyme "de France". Les petits-enfants de France portent pour patronyme le nom de l'apanage qui a été conféré à leur père. Si ils font souche, ce nom devient leur patronyme héréditaire, comme pour la famille d'Orléans. C'est ainsi que les princes du sang ont pour patronyme le nom de l'apanage du fils de France dont ils descendent.
Ces usages ne sont plus légaux en France de nos jours: la branche aînée de la Maison de France porte le patronyme "de Bourbon", tandis que les descendants du roi des Français Louis-Philippe et de Philippe Égalité portent comme patronyme "d'Orléans".
Prédicats
- Le roi de France se fait appeler Sire, et non Majesté comme les souverains anglais. Sa Majesté est utilisé pour mentionner le roi à la troisième personne. Les membres de la famille royale se font appeler princes ou Monseigneur, et non Altesse comme dans certaines cours étrangères.
Jusqu'à Charles X, les princes du sang portent le prédicat d'altesse sérénissime.[réf. nécessaire]
Titres ordinaires
- Dauphin de France : titre accordé au fils aîné du roi de France ou, en cas de mort du Dauphin, au fils aîné de ce dernier. La Dauphine n'est pas l'ainée des filles, mais la femme du Dauphin. Le titre de Dauphin était réservé au successeur direct du roi, il pouvait donc s'agir de son frère tant qu'il n'avait pas de fils.
- Enfants de France : titre accordé collectivement en France aux enfants nés en légitime mariage d’un roi de France. De même, les enfants du Dauphin et ceux du fils aîné du Dauphin étaient enfants de France[1],[2] et non petits-enfants de France ou princes du sang. On parle de fils et filles de France.
- Petit-Enfant de France : titre accordé aux enfants légitimes d’un « fils de France » autres que ceux du Dauphin et du fils aîné de ce dernier. Ce titre fut créé à l’instigation de Gaston de France (1608-1660) afin de donner une préséance de sa fille par rapport aux princesses du sang[3]. On parle de petits-fils et petites-filles de France.
- Monseigneur
- Ce titre (abréviation de Monseigneur le dauphin) désigne Louis de France (1661-1711)[4], dit aussi « le Grand Dauphin » pour le distinguer de son fils. Le Grand Dauphin était le seul fils survivant de Louis XIV et de son épouse Marie-Thérèse d’Autriche, grand-père de Louis XV.
- Monsieur (employé seul)
- Parmi les frères cadets du roi, c'est le frère le plus âgé. Le terme est en usage depuis Henri III.
- Exemples :
- Gaston d’Orléans (1608-1660), frère de Louis XIII. Aussi appelé « le Grand Monsieur » à partir de 1640 pour le différencier du frère de Louis XIV.
- Philippe de France (1640-1701), frère de Louis XIV, aussi appelé « le Petit Monsieur » jusqu’en 1660. C’est le chef de la maison d’Orléans, époux d’Henriette d’Angleterre puis de la princesse Palatine Charlotte-Élisabeth de Bavière (1652-1722). Il meurt en 1701 et son fils, Philippe d’Orléans, sera Régent en 1715.
- Pendant le règne de Louis XVI, « Monsieur » désigne le comte de Provence (1755-1824), futur Louis XVIII.
- Pendant le règne de Louis XVIII, « Monsieur » désigne le comte d’Artois (1757-1836), futur Charles X.
- Madame (employé seul)
- C'est l'aînée des filles du roi, ou, à défaut, l’épouse de Monsieur : la Princesse Palatine écrit à une correspondante bavaroise : "Si le roi avait une fille elle serait Madame, et moi, Madame, duchesse d'Orléans".
- Exemples :
- Henriette d’Angleterre et la princesse Palatine Charlotte-Élisabeth de Bavière (1652-1722), épouses successives du duc d’Orléans, frère de Louis XIV.
- Élisabeth de France, fille aînée de Louis XV, aussi appelée Madame Première ou Madame Royale.
- Madame Première
- Nom porté par Élisabeth de France, fille aînée de Louis XV, aussi appelée Madame ou Madame Royale. Les filles suivantes porteront les noms de Madame Seconde, Madame Troisième, etc, ou seront désignées par l’appellation « Madame » suivie de leur prénom (Madame Victoire).
- Madame Royale
- C’est la fille la plus âgée du roi lorsque le titre de Madame est portée par l’épouse de Monsieur. Elle perd en principe ce titre lors de son mariage.
- Exemples :
- Élisabeth de France, fille aînée de Louis XV, aussi appelée Madame ou Madame Première.
- Adélaïde de France, autre fille de Louis XV après la mort de Madame Henriette.
- Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI.
- Certains auteurs utilisent ce titre pour désigner des princesses de branche collatérale, en dépit du titre de « Mademoiselle » qui leur est conféré, telles qu’Anne Marie d’Orléans (1669-1728) ou Élisabeth Charlotte d’Orléans (1676-1744), respectivement deuxième et troisième filles de Monsieur, frère de Louis XIV. Elles semblent garder le titre après leur mariage si elles épousent un noble de rang inférieur.
Les lignées de princes du sang de France
Composition
Les membres de la Maison de France autres que ceux appartenant à la famille royale sont les princes du sang. Il s'agit des princes et princesses issus par les mâles d'un petit-fils de France.
Appellations courantes
- Monsieur le Prince
- C'est l'appellation du premier prince du sang, jusqu'en 1709 le prince de Condé, héritier de la maison de Condé qui remonte à un oncle d'Henri IV. Après 1709 l'appellation ne fut pas reprise par les ducs d'Orléans devenus premiers princes du sang[5].
- Exemples :
- Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé (1621-1686), personnage central de la Fronde et des récits du cardinal de Retz.
- Henri Jules de Bourbon-Condé (1643-1709), fils du précédent.
- Louis III de Condé (1668-1710), fils du précédent.
- Madame la Princesse
- Épouse de Monsieur le Prince.
- Monsieur le Duc
- C'est le duc d'Enghien, fils aîné de Monsieur le Prince. Il devient prince de Condé à la mort de son père. Après 1709, le prince de Condé conserve l'appellation de « Monsieur le Duc », n'ayant pu relever celle de « Monsieur le Prince », pourtant non reprise par le duc d'Orléans devenu premier prince du Sang.
- Madame la Duchesse
- Épouse de Monsieur le Duc.
- Mademoiselle
- Fille aînée de Monsieur.
- Les filles cadettes reçoivent l'appellation « Mademoiselle » suivie de leur prénom ou d'un apanage (Mademoiselle de Chartres).
- La Grande Mademoiselle
- Mademoiselle de Montpensier (1627-1693), fille de Gaston d'Orléans, donc cousine de Louis XIV par la branche cadette.
- Monsieur le Prince-Dauphin (d'Auvergne)
En 1538, on érige, pour une branche de la Maison de Bourbon dont la Grande Mademoiselle est l'héritière "riche d'une Montpensier pour mère", écrit madame de Sévigné), le comté de Montpensier en Duché de Montpensier en y intégrant le Dauphiné d'Auvergne [6]. L'usage de cour fit du fils aîné du Duc de Montpensier "Monsieur le Prince-Dauphin" [7],[8].
- Monsieur le Comte
A l'accession au trône d'Henri IV en 1589, les princes de Condé deviennent les premiers princes du sang. Charles de Bourbon-Soissons, comte de Soissons, cousin d'Henri IV et demi-frère du prince de Condé, se fait appeler "Monsieur le Comte" pour se distinguer du reste de la noblesse. Ce titre de courtoisie est transmis à son fils, Louis de Bourbon-Soissons, et par la suite aux comtes de Soissons de la maison de Savoie-Carignan, Thomas de Savoie-Carignan ayant épousé Marie de Bourbon, fille de Charles et sœur de Louis.
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Famille royale française » (voir la liste des auteurs).
- Ceci en vertu de l’article II d’un édit du 12 mars 1710 de Louis XIV.
- Philippe de Montjouvent, Éphéméride de la Maison de France de 1589 à 1848, éd. du Chaney, 1999, p. 19.
- Philippe de Montjouvent, Éphéméride de la Maison de France de 1589 à 1848, éd. du Chaney, 1999, p. 31.
- D'après Saint-Simon, ce titre fut introduit à la Cour par Louis XIV lui-même : « Jamais Dauphin jusqu’au fils de Louis XIV n’avoit été appelé Monseigneur, en parlant de lui tout court, ni même en lui parlant. On écrivoit bien “Monseigneur le Dauphin”, mais on disoit “Monsieur le Dauphin”, et “Monsieur” aussi en lui parlant ; pareillement aux autres fils de France, à plus forte raison au-dessous. Le roi, par badinage, se mit à l’appeler Monseigneur ; je ne répondrois pas que le badinage ne fût un essai pour ne pas faire sérieusement ce qui se pouvoit introduire sans y paroître, et pour une distinction sur le nom singulier de Monsieur. Le nom de Dauphin le distinguoit de reste, et son rang si supérieur à Monsieur qui lui donnoit la chemise et lui présentoit la serviette. Quoi qu’il en soit, le roi continua, peu à peu la cour l’imita, et bientôt après non seulement on ne lui dit plus que Monseigneur parlant à lui, mais même parlant de lui, et le nom de Dauphin disparut pour faire place à celui de Monseigneur tout court. » (Saint-Simon, Mémoires, tome 7, chapitre X.)
- Philippe de Montjouvent, Éphéméride de la Maison de France de 1589 à 1848, éd. du Chaney, 1999, p. 51.
- Histoire de la Maison Royale de France et des grands officiers, Père Anselme, 1728, tome III, p. 516, 517, 519
- Commentaire d'une lettre envoyée par Charlotte de Montpensier, Princesse d'Orange par mariage à son frère François de Montpensier, Prince Dauphin, comme héritier du Duc Louis III de Montpensier
- Note en bas de page du livre RECUEIL DES LETTRES MISSIVES DE HENRI IV, par M. BERGER DE XIVREY, Tome 1 sur Wikisource