Élie Énos

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Élie Énos
Nom de naissance Élie Léon Énos
Naissance
à Alger
Décès (à 51 ans)
à Saint-Eugène (auj. Bologhine)
Nationalité française
Pays de résidence Algérie française
Diplôme
docteur en droit
Profession
avocat
Autres activités
avoué plaideur et juge
Formation
lycée d'Alger
baccalauréat à Montpellier
droit à Toulouse et Paris
Ascendants
Judas Énos (père)
Esther Smadja (mère)
Conjoint
Rachel Mesguis
Descendants

Élise Louise Énos (fille)
Bellar Claire Énos (fille)

Blanche Esther Enos (fille)
Famille
Abraham Énos (frère)
Ricca Énos (sœur)
Zacharie Énos (frère)
Denina Énos (sœur)
David Énos (frère)
Bella Énos (sœur)

Élie[1] Léon[2],[3] (ou Élie-Léon[4]) Énos[4] (ou Aïnos[5]) est un avocat[2],[3] français, né à Alger[2],[4] le [2],[4] et mort à Saint-Eugène (aujourd'hui Bologhine) le (à 51 ans)[1],[3],[6]. Sa demande d'inscription au tableau des avocats d'Alger[7] est l'origine de l'affaire Énos[8] (ou Aïnos[5]) au terme de laquelle émerge le statut juridique des indigènes d'Algérie[9].

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et études[modifier | modifier le code]

Élie naît le à Alger, moins de quatre ans après la prise de celle-ci. Il est le fils de Judas Énos et de son épouse, Esther née Smadja[10],[2],[3],[11], tous deux Juifs d'Algérie. À sa naissance, ses parents ont déjà cinq enfants, trois fils et deux filles : Abraham, l'aîné[11], est né en [12] ; Ricca, la cadette, est née en [13] ; puis suivent Zacharie[14] et Denina[15], probables jumeaux nés en  ; et David, né en [16]. La fratrie s'agrandit en avec la naissance de Bella[17], la benjamine.

Élève brillant, Élie entre au lycée d'Alger (auj. lycée Émir-Abdelkader). Il s'y distingue en remportant divers prix comme le relate la presse juive française telle que les Archives israélites de France et l'Univers israélite. En , alors en classe de rhétorique (auj. classe de première)[18], il obtient cinq nominations, dont le premier prix de vers latins, et le premier accessit de langue arabe[19]. Il obtient ensuite le premier prix d'excellence en logique[20]. Y ayant terminé ses classes[21], il quitte Alger et l'Algérie pour Montpellier où il est reçu bachelier ès lettres. Il devient le premier bachelier « issu du judaïsme algérien »[22] à une époque où une quinzaine de lycéens sont reçus chaque année au baccalauréat dans toute l'Algérie[11]. Se destinant à la carrière d'avocat et nulle école de droit n'existant alors en Algérie, il reste en Métropole. Il quitte Montpellier pour Toulouse où il entre à l'école de droit, devenant le premier « israélite indigène » qui entreprenne des études supérieures et fasse son droit. L'« étudiant colonial »[23] s'y distingue en obtenant la mention honorable en première année[24]. Le , il est reçu licencié en droit. Le , après avoir été présenté par Adolphe Crémieux[25], il prête le serment d'avocat devant la première chambre de la Cour impériale (auj. cour d'appel) de Paris[26],[27]. Le , il est admis au stage par un arrêté du conseil de l'ordre des avocats de Paris. Il poursuit ses études de droit à Paris[11] où il obtient son doctorat[28]. Le , il est porté sur le tableau de l'ordre des avocats de Paris par une autre décision de son conseil[8],[11].

Affaire Énos[modifier | modifier le code]

Élie retourne à Alger quelques mois plus tard, avec l'intention d'y exercer sa profession. Le , il demande au bâtonnier d'être porté au tableau des avocats d'Alger[8],[11]. Mais, le , le conseil de l'ordre rejette sa demande au motif qu'il ne justifie pas de sa qualité de Français[8],[11]. Il interjette appel et obtient, le , un arrêt favorable de la Cour impériale (d'appel) d'Alger[29]. Le conseil de discipline se pourvoit alors en cassation, mais son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation par un arrêt du [30]. La Cour confirme la nationalité française des « Israélites indigènes algériens » qu'elle a reconnue, semble-t-il pour la première fois, par un arrêt de la chambre des requêtes du [31]. Antérieurement à cet arrêt, la Cour de cassation avait déjà reconnu la nationalité française aux juifs « indigènes », notamment par un arrêt du [32].

Carrière[modifier | modifier le code]

À la suite de l'arrêt de la Cour de cassation, Élie devient le premier avocat « indigène » inscrit au barreau d'Alger[11].

Un décret du le nomme défenseur près le tribunal de première instance de Sétif[33],[34]. Le , il est encore le « seul défenseur israélite algérien » que compte l'Algérie[35]. La « clientèle catholique et kabyle » ne manque pas de faire appel à lui[35]. En 1866, deux plaideurs le font traduire devant le tribunal de police correctionnelle de Sétif[35]. Il est défendu par maître Honel, avocat, directeur du Lien d'Israël, collaborateur de la Vérité israélite et rédacteur en chef du Moniteur du Bas-Rhin[35]. L'issue du procès semble avoir été favorable Élie figurant au nombre des défenseurs près le tribunal de Sétif dans les éditions 1867[36] et 1868[37] de l'Almanach impérial.

Par un décret du , alors qu'il réside à Sétif, il est admis à jouir des droits de citoyen français[4].

Il est ensuite juge au tribunal de première instance de Blida où il est remplacé par un décret du [38].

Le , le décret Crémieux confère la citoyenneté française aux « israélites indigènes des départements de l'Algérie ». Mais, le , dix mois après sa promulgation, le ministre de l'Intérieur, Félix Lambrecht, dépose à l'Assemblée nationale un projet de loi tendant à son abrogation[39]. Élie forme, avec Mardochée Lévi-Valensi et Karibou, présidents des consistoires d'Alger et de Constantine, ainsi que Chiche et Benichon, la délégation qui accompagne Adolphe Crémieux lors de son entretien avec Adolphe Thiers le [40]. Le décret est maintenu bien qu'un décret du , l'amendement Lambrecht, en restreigne l'application aux juifs dont l'origine algérienne est attestée.

En , son cabinet est au 23, rue Médée à Alger[41].

Vie privée[modifier | modifier le code]

Le , Élie épouse Rachel Mesguis[3], fille d'Élioua Mesguis, négociant, et d'Aziza Tabet[11] avec qui il aura trois filles : Élise Louise, née le [42], Bellar Claire, née le [43], Blanche Esther, née le.


Élie meurt à Saint-Eugène[3] (auj. Bologhine) le [3],[11]. Il est inhumé le jour même au cimetière de Saint-Eugène où il repose[1].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Inhumation et sépulture
  2. a b c d et e Acte de mariage
  3. a b c d e f et g Acte de décès
  4. a b c d et e Décret impérial du 6 juillet 1867 (consulté le 14 octobre 2015)
  5. a et b Sahia Cherchari Mohamed, « Indigènes et citoyens ou l'impossible universalisation du suffrage », Revue française de droit constitutionnel, vol. 4/2004, no 60,‎ , p. 741-770 (DOI 10.3917/rfdc.060.0741, lire en ligne [html], consulté le )
  6. Laure Blévis, « En marge du décret Crémieux. Les Juifs naturalisés français en Algérie (1865-1919) », Archives juives, vol. 2012/2, no 45 « Français, juifs et musulmans dans l'Algérie coloniale »,‎ 2e trimestre , p. 47-67 (résumé)
  7. « Chapitre III. Les garanties et les limites de l’indépendance professionnelle » [livre], sur Openedition.org, Presses universitaires d’Aix-Marseille, (consulté le ).
  8. a b c et d Archives israélites, , 1162 p. (lire en ligne), p. 185.
  9. Judith Surkis, « Propriété, polygamie et statut personnel en Algérie coloniale, 1830-1873 », Revue d'histoire du XIXe siècle, vol. 41,‎ , p. 27-48 (DOI 10.4000/rh19.4041, lire en ligne, consulté le )
  10. Acte de décès d'Esther Smadja
  11. a b c d e f g h i et j Valérie Assan, Les consistoires israélites d'Algérie au XIXe siècle : l'alliance de la civilisation et de la religion, Paris, A. Colin, coll. « Recherches », , 484 p., 24 cm (ISBN 978-2-200-27723-9, OCLC 819156432, BNF 42704855, présentation en ligne)
    Texte remanié d'une thèse d'histoire soutenue en à l'université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et récompensée en par le Prix de thèse d’études juives en langue française de la Société des études juives.
    , p. 1983 et n. 70
  12. Acte de mariage et acte de décès d'Abraham Énos
  13. Acte de mariage et acte de décès de Ricas Énos
  14. Acte de décès de Zacharie Énos
  15. Acte de mariage de Denina Énos
  16. Acte de décès de David Énos
  17. Acte de Décès de Bella Énos
  18. Informations lexicographiques et étymologiques de « rhétorique » (sens I, A) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 18 octobre 2015)
  19. Simon Bloch (dir.), L'Univers israélite, Paris, p. 8e année, no 2, , p. 83 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  20. Samuel Cahen (dir.), Archives israélites de France, t. 15, Paris, , p. 535 (lire en ligne, consulté le 17 octobre 2015)
  21. Archives israélites, , 728 p. (lire en ligne), p. 117.
  22. Valérie Assan et Jean Laloum, « Introduction », Archives juives, vol. 2012/2, no 45 « Français, juifs et musulmans dans l'Algérie coloniale »,‎ 2e trimestre , p. 4-13 (résumé)
  23. Caroline Barrera, Étudiants d'ailleurs : histoire des étudiants étrangers, coloniaux et français de l'étranger de la Faculté de droit de Toulouse (XIXe siècle-1944), Presses du Centre universitaire Champollion, , p. 121 (aperçu, consulté le 17 octobre 2017)
  24. F. Lacointa (dir.), Revue de l'académie de Toulouse et des autres académies de l'Empire, t. 2, Toulouse, , p. 34 (lire en ligne, consulté le 17 octobre 2015)
  25. Simon Bloch (dir.), L'Univers israélite, Paris, p. 14e année, no 3, , discours de M. Crémieux devant la cour de guerre d'Oran (septembre 1858), p. 166-168 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  26. Journal des débats, , p. 2, 3e colonne (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  27. L'Univers israélite, Paris, p. 13e année, no 12 , p. 560 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  28. « Chronique », dans La Vérité israélite, t. 6, Paris, , supplément au numéro du , p. 230 (consulté le 16 octobre 2015)
  29. C. Alger 24 février 1862, Sieur Élie Léon Énos c. conseil de discipline de l'ordre des avocats d'Alger, dans Journal de la jurisprudence de la Cour impériale d'Alger, vol. 4, Alger, (lire en ligne), p. 86-94 (consulté le 14 octobre 2015)
  30. Cass. Civ. , Bâtonnier de l'ordre des avocats de la cour impériale d'Alger, dans Bulletin des arrêts de la Cour de cassation rendus en matière civile, t. 66, Paris, (lire en ligne), bulletin no 2, arrêt no 27, p. 45-47 (consulté le )
    Les attendus de principe sont les suivants :

    « Attendu que, par le fait même de la conquête de l'Algérie, les Israélites indigènes sont devenus sujets français ;
    « Que, placés en effet, à partir de là, sous la souveraineté directe et immédiate de la France, ils ont été dans l'impossibilité absolue de pouvoir, en aucun cas, revendiquer le bénéfice ou l'appui d'une autre nationalité ; d'où il suit nécessairement que la qualité de Français pouvait seule désormais être la base et la règle de leur condition civile et sociale ;
    « Attendu, d'ailleurs, que, loin que cette qualité ait depuis été contredite ou méconnue, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'elle a été, au contraire, pleinement confirmée par des actes nombreux de l'autorité publique, qui ont déclaré les Israélites indigènes aptes à remplir des fonctions publiques auxquelles les étrangers ne peuvent être appelés. »

  31. Cass. Req. 19 août 1859, Héritiers Senior c. Abulafia et consor, dans Jurisprudence général : Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine, Paris, (lire en ligne), p. 81-85 (consulté le 16 octobre 2015) : « Abraham-Ben-Aaron-Senior, israélite algérien, malade à Jérusalem, [est) un Français qui se trouve en pays étranger »
  32. Cass. Civ. , Sieur Courshya c. sieurs Strock, dans Bulletin des arrêts de la Cour de cassation rendus en matière civile, t. 64, Paris, (lire en ligne), bulletin no 4, arrêt no 53, p. 94-95 (consulté le )
    Les attendus de principe sont les suivants :

    « Attendu que, par la conquête de l'Algérie, les israélites indigènes sont devenus sujets français ;
    « Qu'il ne peuvent donc exciper, comme pourraient le faire des étrangers, d'un statut personnel qui les suivraient sur la terre française, et auquel ils ne pourraient se soustraire ;
    « Que l'état des israélites algériens a été réglé par des lois spéciales, édictées par la France en vertu de sa souveraineté. »

  33. « Nouvelles diverses », L'Univers israélite, vol. 19,‎ , p. 575 (lire en ligne, consulté le )
  34. L'Univers israélite : journal des principes conservateurs du judaisme, , 600 p. (lire en ligne), p. 575.
  35. a b c et d Simon Bloch (dir.), L'Univers israélite, Paris, p. 22e année, no 1, , lettre de R. Simon (Alger, 15 août 1866), p. 31-32 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  36. Almanach impérial pour 1867, Paris, Veuve Berger-Levrault et Fils, , p. 875 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  37. Almanach impérial pour 1867, Paris, Veuve Berger-Levrault et Fils, , p. 898 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  38. Décret du 18 juin 1871, dans Journal officiel de la République française, no 171, , p. 1465 (consulté le 16 octobre 2015)
  39. Philippe Bourdrel, Histoire des juifs en France, vol. 1, p. 249
  40. L'Univers israelité, , 746 p. (lire en ligne), p. 26.
  41. Charles Gouillon, Annuaire général de l'Algérie, Alger, V. Pézé & Cie, p. 28 (lire en ligne, consulté le 18 octobre 2015)
  42. Acte de naissance d'Élise Louise Énos
  43. Acte de naissance de Bellar Claire Énos

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]