Utilisateur:Leonard Fibonacci/Juste de Tibériade

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Justus de Tibériade était un écrivain et historiographe juif du Ier siècle dont tout ce que nous savons de sa vie vient de l'Autobiographie que Flavius Josèphe a écrite pour visiblement répondre aux assertions que faisaient Justus dans le livre « Histoire de la guerre juive » qu'il venait de publier vers 93/94 ou peu après 100. Josèphe est d'ailleurs le seul à évoquer cet écrit, mais sans jamais en citer le moindre extrait. Cette Histoire publiée par Justus semble avoir disparu peu de temps après la publication de l'Autobiographie de Flavius Josèphe, car elle est inconnue des auteurs païens et les auteurs chrétiens qui la mentionnent ne font que citer ce que disait Josèphe.

Après la Grande révolte juive (66-70), Justus a été le secrétaire du roi Agrippa (II) et a attendu sa mort pour publier son Histoire de cette révolte. Il est aussi connu comme l'auteur de deux autres écrits qui ont disparu beaucoup plus tard. Ainsi au IXe siècle, l'évêque Photios de Constantinople a pu encore accéder à un exemplaire de la Chronique des rois juifs écrite par Justus.

Éléments biographiques[modifier | modifier le code]

Justus de Tibériade est un fils de Pistos[1]. Tous deux sont présentés comme des autorités de la ville de Tibériade lorsque Flavius Josèphe est gouverneur de Galilée en 66/67. Il est surtout connu comme historiographe[1]. Aucun de ses écrits n'est parvenu jusqu'à nous, mais trois d'entre-eux sont mentionnés par des auteurs antiques. Dans son De viris illustribus (14), Jérôme de Stridon mentionne l'un d'entre-eux qu'il appelle Commentarioli de scriptura[1], un commentaire des écrits bibliques, correspondant à ce que la tradition chrétienne appelle l'Ancien Testament. Quelques Pères de l'Église ont lu sa Chronique des rois juifs, dont l'évêque Photios de Constantinople pouvait encore consulter un exemplaire au IXe siècle[2],[3]. Mais l'écrit qui nous vaut de le connaître, bien qu'il semble avoir presque immédiatement disparu, est son Histoire de la guerre juive, par la réaction qu'il provoque chez Flavius Josèphe[4].

En réponse à cette Histoire, Flavius Josèphe publie en effet son Autobiographie afin de contrer différentes assertions qui racontaient une histoire très différente de ce que ce dernier avait publié dans sa Guerre des Juifs vingt ans auparavant[5],[6],[7]. Il y attaque longuement Justus, alors qu'il ne l'avait même pas mentionné — ni son père Pistos — dans la Guerre des Juifs écrite vingt ans auparavant[8]. L'essentiel de ce que nous connaissons sur Justus, provient d'ailleurs d'une longue digression de Josèphe qui l'attaque dans cette Autobiographie (336-367)[9]. Il lui reproche de multiplier les erreurs[10] — mais sans en citer aucune explicitement — et de « n'avoir pas eu accès, contrairement à lui, aux notes de terrain de Vespasien et de Titus[11]. » Pour déconsidérer son adversaire, Josèphe indique justement que « dans les commentaires de l'empereur Vespasien », dont il doute que Justus a pu les consulter[11], il serait indiqué qu'à l'arrivée du futur empereur à Ptolémaïs (printemps 67) « les habitants de la Décapole le prièrent de faire châtier [Justus] comme l'auteur de tous leurs maux[12]. » Ce à quoi Justus n'aurait réchappé que grâce à la clémence du roi Agrippa (II) et sur la prière de la reine Bérénice[12]. D'après Josèphe, la raison de cette mie en cause, était le rôle qu'aurait joué Justus lors de l'attaque que les habitants de Tibériade ont mené contre Gadara, au tout début de la révolte, en automne 66, lorsque les villes juives se sont mise à attaquer les villes grecques voisines et réciproquement, avant même l'arrivée de Josèphe en Galilée. Toutefois, cette accusation n'a visiblement pas prospérée et il est évident que Josèphe rapporte ces événements de façons biaisée et polémique. Josèphe présente Justus comme quelqu'un qui hésitait entre se ranger du côté de la révolte et qui influençait son père Pistos, seul membre de l'aristocratie de Tibériade à ne pas être membre du parti pro-romain, dirigé par Julius Capella. Alors que le parti anti-romain était mené par Jésus fils de Sapphias qui conduisait un groupe de gens pauvres et de bateliers.


Josèphe raconte

Après la Grande révolte juive (66-70), il a été le secrétaire impérial à la court d'Agrippa[13],[14], roi de Batanée et de la partie orientale de la Galilée[1] (Vita 356).

Ce n'est qu'après la mort d'Agrippa que Justus publie son Histoire de la guerre juive qui déclenche l'écriture de l'Autobiographie de Flavius Josèphe[5],[6],[7]. Les dates de publication de ces deux écrits dépendent de la date de la mort d'Agrippa qui intervient soit en 92/93[15],[16],[17], soit en 100. Voir à ce sujet le § Date de la mort d'Agrippa dans l'article Agrippa II.

Après la publication de l'Autobiographie de Flavius Josèphe, les deux hommes disparaissent de l'histoire.

Sources[modifier | modifier le code]

Autobiographie de Flavius Josèphe[modifier | modifier le code]

L'Autobiographie de Flavius Josèphe est son dernier écrit, vraisemblablement publiée 20 ans après le livre II de la Guerre des Juifs[18],[19] sinon plus. Il est probable qu'elle figurait initialement en appendice au XXe et dernier livre des Antiquités judaïques[19]. On détecte d'ailleurs deux fins à ce livre XX des Antiquités. Il y a donc eu une première publication des Antiquités en 93/94[16] sans cette Vita, puis une seconde publication, peu d'années après[16],[Note 1]. Une partie importante de la critique historique identifie l'Épaphodite à qui Flavius Josèphe dédie ses Antiquités judaïques à l'ancien secrétaire de Néron, qui a ensuite été secrétaire des trois empereurs flaviens[20],[21]. Il est exécuté sur ordre de Domitien fin 95/début 96[22], pendant ce qu'il est convenu d'appeler la « persécution de Domitien »[23]. Toutefois pour les historiens il ne s'agit pas d'une persécution religieuse, mais plutôt d'une répression à caractère politique[24]. Comme Josèphe rend hommage à cet Épaphrodite dans son Autobiographie, selon cette hypothèse celle-ci aurait été publiée avant 96[23] et naturellement après la première édition des Antiquités.

Toutefois les historiens et exégètes sont d'accord pour dire que ce qui provoque l'écriture de sa biographie par Flavius Josèphe est la publication par Justus de Tibériade de son Histoire de la Guerre juive[5],[6],[7]. Josèphe lui reproche d'avoir attendu la mort d'Agrippa II pour publier son "Histoire". Pour une partie de la critique qui se fonde sur des inscriptions épigraphiques et la disparition des monnaies de Domitien celle-ci intervient pendant son règne[25],[16],[18]. En analysant les textes de Flavius Josèphe, ils estiment qu'Agrippa était probablement déjà mort lors de la publication de la première édition des Antiquités judaïques[25],[16],[18]. Si cette thèse est parfaitement compatible avec l'identification de l'ancien secrétaire de Néron appelé Épaphrodite comme étant le parrain littéraire de Josèphe[21], d'autres critiques se fondent sur une indication de Photios de Constantinople pour situer la mort d'Agrippa en 100. La publication de son Autobiographie par Flavius Josèphe aurait dans ce cas eu lieu dans une période moins troublée. Pour un exposé détaillé à ce sujet, voir le § Date de la mort d'Agrippa dans l'article Agrippa II.

La Vita de Flavius Josèphe n'est pas une réelle autobiographie car curieusement 85% du texte est consacré aux 7 à 8 mois de sa vie où pendant la Grande révolte juive, il a été le gouverneur de la Galilée désigné par les révoltés de Jérusalem (vers octobre 66 - juin 67).

Photios de Constantinople[modifier | modifier le code]

Photios n'a lu que la Chronique des rois Juifs[2], qui depuis a été perdue. « Il est apparent que Photios ne connaît l'"Histoire" de Justus de Tibériade qu'à travers Flavius Josèphe : tout ce qu'il dit à son sujet dérive de l'Autobiographie et est précédé par "comme Josèphe le dit"[26]. » « Alors que la Chronique a eu quelque influence, « l'Histoire de la guerre » a disparu sans laisser de trace. [...] Il n'y a pas de signes que le moindre auteur polythéiste n'ait jamais lu l'Histoire de Justus[26] » de même qu'aucun auteur chrétien n'en cite le moindre extrait[26]. Le commentaire de Photios n'échappe pas à la règle et se contente de reprendre les dénigrements de Josèphe à propos de ce livre perdu lui aussi[26], mais qui, à la différence de la Chronique des rois juifs, a peut-être disparu peu après sa publication.

L'Histoire de la guerre juive de Justus[modifier | modifier le code]

Le livre de Justus au sujet de la grande révolte juive était un récit de la guerre (Vita 336 et 338) qui incluait la campagne en Galilée, les actions de Josèphe[27] et qui contestait sa version du siège de Jotapata (en) (Vita 357). Il racontait aussi le siège de Jérusalem[27] (Vita 358). Il contestait aussi visiblement la version de Josèphe au sujet de Philippe de Bathyra et de ce qui s'était passé à Gamala et en Batanée. C'est principalement sur ces sujets là que Josèphe s'attache à répondre longuement, alors qu'il ne consacre qu'une phrase pour répondre aux contestations de Justus au sujet du siège de Iotapata — dont Josèphe prétend avoir dirigé la défense — et au sujet de la version de Josèphe des événement ayant eu lieu lors du siège de Jérusalem[28] (V 357-358).

Si Justus avait tant de raisons de haïr Flavius Josèphe, pourquoi a-t-il attendu 20 ans (Vita 360) avant de l'attaquer dans son écrit[29] ? Josèphe utilise cette attente comme une preuve des mensonges de Justus[29]. S'il a attendu la mort de Vespasien, de Titus, Agrippa, et tous ceux qui connaissaient la vérité, c'est qu'il savait qu'ils n'auraient pas toléré ses mensonges[30],[Note 2] (359-360). On s'est donc demandé si Justus n'attaquait pas Agrippa et les empereurs, attendant leur mort pour publier « sa vérité »[13]. Toutefois, il n'y a pas de signe qu'il ait attaqué un personnage royal, juif ou romain[13]. Si cela avait été le cas, il est invraisemblable que Josèphe qui consacre une grande place aux attaques contre Justus dans sa Vita, n'en ait pas fait état[13].

Dans son livre Justus, déclarait raconter une histoire supérieure à celles déjà publiées qui prenait soin de respecter les faits historiques[27]. Selon Josèphe, il contredisait ainsi les mémoires de Vespasien[11],[27] (Vita 358). Il « témoignait faussement » contre Josèphe[27] (Vita 338). La Vita de § 357 à 367 implique aussi que Justus attaquait la véracité de la Guerre des Juifs sur certains points[27].

Contestation de la véracité de l'histoire racontée par Josèphe[modifier | modifier le code]

Dans son livre Justus, déclarait raconter une histoire supérieure à celles déjà publiées qui prenait soin de respecter les faits historiques[27]. Selon Josèphe, il contredisait ainsi les mémoires de Vespasien[11],[27] (Vita 358). Il « témoignait faussement » contre Josèphe[27] (Vita 338). La Vita de § 357 à 367 implique aussi que Justus attaquait la véracité de la Guerre des Juifs sur certains points[27].

Philippe de Bathyra, la Batanée et Gamala[modifier | modifier le code]

Outre le fait que 85% de son Autobiographie soit consacrée aux 7 à 8 mois de la vie de Josèphe où pendant la Grande révolte juive, il a été le gouverneur de la Galilée désigné par les révoltés de Jérusalem (vers octobre 66 - juin 67) et qu'une place importante soit réservée aux attaques contre Justus, il est étonnant qu'une place encore plus importante soit consacrée à Philippe de Bathyra, à certains de ses parents, à la Batanée et à Gamala[31]. Le seul lien entre ces personnages et Justus de Tibériade c'est qu'il semble qu'un parent de Philippe appelé Jésus était marié avec une des sœurs de Justus[31]. Ce couple aurait été tué par les révolutionnaires à Gamala en même temps qu'un parent de Philippe et de Jésus appelé Chares[31],[32], bien que la Guerre des Juifs fournisse une version très différente de la mort de Chares. Ce qui est étonnant, c'est que ce fait semble être la motivation de Josèphe pour faire un long développement sur Philippe qui contredit totalement les informations qu'il avait donné dans la Guerre des Juifs[33]. Par exemple, dans la Vita, Philippe n'est plus envoyé en octobre 66 par Cestius Gallus pour faire un rapport à Néron qui se trouvait alors en Achaïe (Grèce), mais il a été envoyé à Rome par le roi Agrippa sur la recommandation de Vespasien[34] parce qu'il était accusé d'actes anti-Romains, quelques mois avant le suicide de cet empereur (). Philippe est aussi un parent de Chares[Note 3] qui, au moins en son absence, est le chef des habitants de Batanée qui sont allés se réfugier dans la forteresse de Gamala[35]. Dans la Vita, Chares semble présenté comme un frère ou un parent de Jésus qui s'est marié avec une sœur de Justus de Tibériade, bien que les deux passages concernés (§ 185-186 et § 177-178) dont le second renvoie au premier soient particulièrement confus, car impossibles à réconcilier[31]. En 66-67, Chares est un des chefs de la ville fortifiée conjointement avec un Joseph qualifié de médecin[31] (ou péjorativement de médecin efféminé[Note 4]). Dans la Guerre des Juifs, Chares dirige avec Joseph la résistance aux Romains[31] jusqu'au dernier moment et meurt lors de la prise de la ville, en novembre 67[36], le même jour que son alter-ego : lui malade dans son lit et Joseph en tentant de sortir des remparts[37],[Note 5]. Alors que dans la Vita, il est tué par ce même Joseph et les habitants révolutionnaires de Gamala en même temps que son parent Jésus, avant que Flavius Josèphe n'arrive en Galilée[31] peu après la défaite de Cestius Gallus le 8 Dios[38] (fin octobre 66[39]). Des informations que Shaye J. D. Cohen estime quelque peu difficiles à concilier[31]. Y-avait-il plusieurs dirigeants appelés Chares à Gamala ? Dans ce cas, pourquoi Josèphe ne fournit-il aucune précision pour lever l'ambiguïté ?

Pour Shaye J. D. Cohen, il est évident que nous ne pouvons pas retrouver exactement ce que disait Justus ou ce qui s'est ébruité sur ce qui s'est passé à Gamala en 66-67[33]. La seule exigence d'informations de mise en contexte de l'histoire de Gamala ne peut expliquer l'extraordinaire quantité de détails fournis sur Philippe et Gamala[33]. Pour Shaye J. D. Cohen, « en tout cas, les Antiquités judaïques et la Vita font preuve d'un grand intérêt pour Gamala, la Batanée et Philippe, bien plus grand que ce qu'une simple réfutation de Justus aurait nécessité[33]. »

Josèphe à Tibériade[modifier | modifier le code]

Justus soutenait aussi que Josèphe et son armée de galiléens étaient responsables d'actions anti-romaines contre sa ville de Tibériade[40] (Vita 340 et 350). On peut déduire de Vita 353 que Justus accusait Josèphe de brutalité à Tibériade[40]. Lorsqu'il est arrivé en Galilée la première chose que Flavius Josèphe raconte dans sa Vita est la destruction du palais que le roi Agrippa possédait à Tibériade, suivi du meurtre de tous les habitants grecs de la ville. Selon lui, alors qu'il n'avait pas pénétré dans la cité, il a demandé aux autorités de Tibériade de détruire le palais d'Hérode qui comportait des peintures violant l'aniconisme prôné par certaines tendances du judaïsme[41]. Alors que le conseil de Tibériade, dans lequel siégeait le père de Justus, était très réticent pour exécuter cette décision qui émanait de Jérusalem, l'archonte de la ville qui dirigeait aussi la tendance anti-romaine, Jésus fils de Sapphia, aurait incendié le palais et tué tous les habitants grecs de la cité[41] (V 66-67). Pour Shaye J. D. Cohen, cette relation est probablement fausse[41]. S'il n'a joué aucun rôle dans ces événements et dans le pillage du palais qui a suivi, comment Josèphe et le conseil de Tibériade ont-ils pu contrôler le butin résultant de ce pillage[41] ? Josèphe prétend qu'il a simplement soustrait ce butin des mains des criminels et qu'il l'a donné à Julius Capella, chef de la tendance de ceux qui voulaient « demeurer fidèles au peuple romain et à leur roi[42] » afin de préserver les intérêts d'Agrippa[41] (V 68-69). Comment a-t-il pu contrôler le butin s'il n'avait rien à voir avec le pillage[41] ? Cohen émet l'hypothèse que Josèphe et Jésus ont initialement coopéré pour détruire le palais et pour le massacre qui a suivi[41].

Mais pourquoi les événements de Tibériade pendant la révolte deviennent-ils un problème trente ans après les faits[43] ?

Les assertions de Justus[modifier | modifier le code]

Iotapata et Jérusalem posent peu de problèmes, puisque Josèphe les expédient en une phrase, en revanche il s'étend longuement au sujet de Gamala, la Batanée et Philippe de Bathyra et certains de ses parents à Gamala, tout en contredisant sur ces sujets ce qu'il avait écrit dans la Guerre des Juifs..


Histoire de la guerre juive[modifier | modifier le code]

Une des différences majeures entre la Guerre des Juifs et la Vita est la fréquente mention de Justus de Tibériade dans ce dernier texte, alors que Flavius Josèphe n'en dit pas un mot, dans ce qu'il avait écrit vingt ans auparavant[9]. La question cruciale est : Que disait Justus dans son Histoire qui a nécessité une telle réaction de Josèphe ?

L'essentiel de ce que nous connaissons sur lui, provient d'une longue digression de Flavius Josèphe attaquant Justus dans son Autobiographie (336-367)[9].

Si Justus avait tant de raisons de haïr Flavius Josèphe, pourquoi a-t-il attendu 20 ans (Vita 360) avant de l'attaquer dans son écrit[29] ? Josèphe utilise cette attente comme une preuve des mensonges de Justus[29]. S'il a attendu la mort de Vespasien, de Titus, Agrippa, et tous ceux qui connaissaient la vérité, c'est qu'il savait qu'ils n'auraient pas toléré ses mensonges[30],[Note 6] (359-360). On s'est donc demandé si Justus n'attaquait pas Agrippa et les empereurs, attendant leur mort pour publier « sa vérité »[13]. Toutefois, il n'y a pas de signe qu'il ait attaqué un personnage royal, juif ou romain[13]. Si cela avait été le cas, il est invraisemblable que Josèphe qui consacre une grande place aux attaques contre Justus dans sa Vita, n'en ait pas fait état[13].

Flavius Josèphe, écrivain officiel des Flaviens[modifier | modifier le code]

Dans son Autobiographie, Flavius Josèphe confirme que son « récit de la guerre est fait du point de vue romain[44] » et que « ce que représente Rome pour Josèphe, par delà les faveurs réelles ou supposées dont il a été comblé, c'est l'État, l'État de droit divin[44]. » Il écrit aussi : « L'empereur Titus voulut qu'on ne répandit dans le public la connaissance de ces événements que d'après mes seuls livres, à tel point qu'il les parapha de sa propre main et en ordonna la publication[45]. »

Si cette attitude de Titus est devenue une politique impériale poursuivie après sa mort, cela explique peut-être la rapide disparition du livre de Justus de Tibériade sur l'Histoire de la guerre juive.

Œuvre[modifier | modifier le code]

Il est l'auteur d'une Guerre des juifs, probablement écrite en grec, qu'il ne publie qu'après la mort d'Agrippa. Cette œuvre est mentionnée par Eusèbe de Césarée[46] et Jérôme de Stridon[47], mais indirectement, Josèphe ayant probablement œuvré à la disparition des travaux de son rival.

Juste est également l'auteur d'une Chronique des rois juifs, de Moïse à la mort d'Hérode Agrippa II. Photius de Constantinople la décrit comme étant rédigée dans des formes sommaires. Il est vraisemblable que plusieurs auteurs plus tardifs aient utilisé ce matériau dans leurs propres travaux, à l'instar de Sextus Julius Africanus, Eusèbe et de l'historien byzantin Syncellus.

De ces deux œuvres, il ne reste que quelques fragments. Jérôme de Stridon en mentionne une troisième, un court commentaire sur les Écritures sans qu'on en sache davantage.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Exemple "harvsp" : <ref name="Jones, 2011, p.20">{{harvsp|Jones|2011|p=20}}.</ref>
  • Exemple "harvsp" : <ref name="Burgeon, p.7-8">{{harvsp|Burgeon|2017|p=7-8}}.</ref>
  • Exemple "harvsp" : <ref name="Frankfort, p.146">{{harvsp|Frankfort|1961|p=146}}.</ref>
  • Exemple "harvsp" : <ref name="Théron, p.235-236">{{harvsp|Théron|1981|p=235-236}}.</ref>

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. André Pelletier repousse cette date de première publication en 94/95. cf. Josèphe et Pelletier 1959, p. XIII.
  2. « Car tu en avais déjà la rédaction complète il y a vingt ans et à ce moment là tu aurais pû obtenir un témoignage d'exactitude de gens bien renseignés. Mais c'est maintenant qu'ils ne sont plus là, et que tu penses n'être plus exposé à recevoir un démenti que tu t'en es senti le courage. » Flavius Josèphe, Vita, § 360, traduction d'André Pelletier.
  3. Bien que tous les traducteurs écrivent Chares, dans trois passages sur quatre il est appelé Charita ou Chareta (Χάρητα) et pas Chares (Χάρης). Χάρητα est probablement un surnom qui exprime sa générosité. Ce choix de traduction provient probablement des nombreuses versions en latin. On trouve ainsi Χάρητα dans la Guerre des Juifs en IV, I, 4 et dans la Vita aux § 177 et § 186. Χάρης ne se trouve qu'une seule fois dans le livre IV de la Guerre des Juifs en IV, I, 9.
  4. Les manuscrits ont « ὁ τἢς ἰατρἱνης » ou d'autres formes féminines de "médecin" (donc: "femme médecin"), de la racine ἰατήρ que certains interprètent comme "mi-femme" (cf. Steve Mason, note no 800). J. A. C. Buchon rend le caractère péjoratif ("mi-femme") de l'appellation par la périphrase: « Joseph qui se disait médecin mais n'était qu'un charlatan ». André Pelletier l'appelle Joseph « le fils de la sage femme ». Steve Mason préfère « suivre la conjecture de A. Schlatter et lire le nom hébreu " fils de Ia`ir », que les copistes médiévaux auraient facilement pu mal interpréter. » Schalit a une démarche équivalente (NWB s.v Ἰὠσηπος note no 7) et suppose que le texte grec comportait « τις Ἰαἰρον παἲς ». Ia`ir (Jaïr) est le nom d'un des fils de Judas le Galiléen, appelé aussi Judas de Gamala, dont l'un des fils, Eleazar, dirige les révoltés de la forteresse de Masada jusqu'à sa chute en 73 ou 74. C'est aussi un des personnages des évangiles synoptiques, chef d'une synagogue, qui rencontre Jésus à une quinzaine de kilomètres à l'ouest de Gamala. Shaye J. D. Cohen préfère laisser le texte en grec pour ne pas risquer une surinterprétation.
  5. « Joseph (aussi appelé José dans certains manuscrits), qu'un soldat atteignit d'un trait et tua au moment où il franchissait en courant la partie de la muraille qui avait été détruite. Mais ceux qui étaient à l'intérieur de la ville, épouvantés par le bruit, couraient de toutes parts, en proie à une extrême agitation, comme si tous les ennemis s'étaient précipités sur eux. Alors Charès, alité et malade, rendit le dernier soupir, par l'effet de la terreur intense qui vint s'ajouter à sa maladie et causa sa mort. » cf. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, IV, I, 9.
  6. « Car tu en avais déjà la rédaction complète il y a vingt ans et à ce moment là tu aurais pû obtenir un témoignage d'exactitude de gens bien renseignés. Mais c'est maintenant qu'ils ne sont plus là, et que tu penses n'être plus exposé à recevoir un démenti que tu t'en es senti le courage. » Flavius Josèphe, Vita, § 360, traduction d'André Pelletier.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Mimouni 2012, p. 44.
  2. a et b Cohen 2002, p. 142-143.
  3. Frankfort 1961, p. 51-53.
  4. Cohen 2002, p. 114-143.
  5. a b et c Frankfort 1961, p. 52-58.
  6. a b et c Josèphe et Pelletier 1959, p. XI - XX.
  7. a b et c Cohen 2002, p. 17.
  8. Cohen 2002, p. 114.
  9. a b et c Cohen 2002, p. 114.
  10. Mimouni 2012, p. 44-45.
  11. a b c et d Mimouni 2012, p. 45.
  12. a et b Flavius Josèphe, Autobiographie, § 343.
  13. a b c d e f et g Cohen 2002, p. 138.
  14. Jones 2011, p. 20.
  15. Maurice Sartre situe cette date de mort entre 92 - 96 et propose la date de 93/94 cf. Sartre 1985, p. 53.
  16. a b c d et e Frankfort 1961, p. 54.
  17. Cohen 2002, p. 170-180.
  18. a b et c Cohen 2002, p. 178.
  19. a et b Cohen 2002, p. 1.
  20. Steve Mason, Life of Josephus, note no 1780.
  21. a et b Parmi ceux qui défendent que le "patron littéraire" de Josèphe est le secrétaire de différents empereurs exécuté en 95/96 sur ordre de Domitien, il y a Mason (2003), Haaland (2005), Berber (1997) (cf. Pastor, Stern et Mor 2011, p. 68, note no 11), Robert Eisenman (cf. Eisenman 2012 vol. II, p. 27 et passim) ; Théodore Reinach.).
  22. Brian Jones, The Emperor Domitian, 1993, Routledge, Londres, p. 47.
  23. a et b Eisenman 2012 vol. II, p. 27.
  24. Pergola 1978, p. 408.
  25. a et b Cohen 2002, p. 180.
  26. a b c et d Cohen 2002, p. 143.
  27. a b c d e f g h i et j Cohen 2002, p. 116.
  28. Cohen 2002, p. 121.
  29. a b c et d Cohen 2002, p. 137.
  30. a et b Cohen 2002, p. 137-138.
  31. a b c d e f g et h Cohen 2002, p. 167.
  32. Josèphe et Pelletier 1959, p. 29.
  33. a b c et d Cohen 2002, p. 168.
  34. Cohen 2002, p. 161-162.
  35. Cohen 2002, p. 165.
  36. Le 23 du mois d'Hyperberetaios, selon Flavius Josèphe ce qui correspond au 19 novembre 67 selon Julien Weill, cf. Guerre des Juifs IV, I, 10, note no 22.
  37. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, IV, I, 9.
  38. Cohen 2002, p. 5 et 161.
  39. Cohen 2002, p. 162.
  40. a et b Cohen 2002, p. 118.
  41. a b c d e f et g Cohen 2002, p. 218.
  42. Flavius Josèphe, Autobiographie, § 34.
  43. Cohen 2002, p. 120.
  44. a et b Pierre Vidal-Naquet, Du bon usage de la trahison, in Josèphe et Savinel 1977, p. 13.
  45. Flavius Josèphe, Autobiographie, § 363-364, cité par Pierre Vidal-Naquet, Du bon usage de la trahison, in Josèphe et Savinel 1977, p. 13.
  46. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique III, 10, 8.
  47. Jérôme de Stridon, De viris illustribus, 14.

Old article[modifier | modifier le code]

Juste de Tibériade était un écrivain et historien juif du Ier siècle qui fut l'un des dirigeants du soulèvement des juifs de Galilée contre les Romains en 66.

Old biographie[modifier | modifier le code]

Le peu d'indications biographiques le concernant n'est connu qu'au travers d'un écrit de l'un de ses adversaires politique et littéraire expressément rédigé contre lui[réf. nécessaire], l’autobiographie de l'historien Flavius Josèphe[1], commandant des troupes juives en Galilée, qui se soumis ensuite aux Romains.

Juste est né à Tibériade. Juif de culture hellénique, il devint par ses talents oratoires un citoyen important de sa ville natale.

Il prend une part active lors de la première guerre judéo-romaine (66 - 70). Flavius Josèphe reproche à Juste d'avoir encouragé les soulèvements : « Justus, fils de Pistus, était chef de la troisième faction. Il feignait de douter s'il fallait prendre les armes, mais il cabalait secrètement pour exciter le trouble.[2] ». Josèphe le fit emprisonner avec d'autres Tibériens, puis l'élargit, avant que Juste ne se rebelle à nouveau. Après la reconquête de la Galilée par les Romains, Vespasien réclama son exécution, mais la princesse Bérénice demanda à son frère, le tétrarque Agrippa II, de l'épargner[3]. Agrippa en fit son secrétaire, avant de finalement le chasser.

Old Œuvre[modifier | modifier le code]

Il est l'auteur d'une Guerre des juifs, probablement écrite en grec[4], qu'il ne publie qu'après la mort d'Agrippa (100) qu'il présente sous un jour défavorable. Cette œuvre est mentionnée par Eusèbe de Césarée[5] et Jérôme de Stridon[6], mais indirectement, Flavius ayant probablement œuvré à la disparition des travaux de son rival[réf. nécessaire].

Juste est également l'auteur d'une Chronique du peuple juif, de Moïse à la mort d'Hérode Agrippa II. Photius de Constantinople la décrit comme étant rédigée dans des formes sommaires. Il est vraisemblable que plusieurs auteurs plus tardifs aient utilisé ce matériau dans leurs propres travaux, à l'instar de Sextus Julius Africanus, Eusèbe et de l'historien byzantin Syncellus. Certains chercheurs pensent[Lesquels ?] que Flavius Josèphe a utilisé Juste pour ses Antiquités.

De ces deux œuvres, il ne reste que quelques fragments. Jérôme de Stridon en mentionne une troisième, un court commentaire sur les Écritures sans qu'on en sache davantage.

Flavius Josèphe sur Juste de Tibériade[modifier | modifier le code]

Le contexte[modifier | modifier le code]

[LXIX] [331] J'entrai le lendemain avec dix mille hommes armés dans Tibériade et fis venir dans la place les principaux de la ville, à qui je commandai de déclarer quels avaient été les auteurs de la sédition. [332] Ils le firent, et je les envoyai liés à Jotapat. Quant à Jonathas et à ses collègues, je les fis conduire avec une escorte jusqu'à Jérusalem et pourvus à tout ce qui était nécessaire pour leur voyage. [333] Ceux de Tibériade vinrent une seconde fois me prier d'oublier les sujets que j'avais de me plaindre d'eux, en m'assurant qu'ils répareraient par leur fidélité les fautes qu'ils avaient commises par le passé, et me conjurèrent de vouloir faire rendre ce que l'on avait pillé. [334] Je commandai aussitôt que l'on apportât dans la grande place tout ce qui avait été pris. Et comme les soldats avaient peine à s'y résoudre, je jetai les yeux sur l'un d'eux qui était beaucoup mieux vêtu qu'à l'ordinaire, et lui demandai où il avait pris cet habit. [335] Il avoua qu'il l'avait pillé ; je lui fis donner plusieurs coups et menaçai les autres de les traiter encore plus sévèrement s'ils ne rapportaient tout leur butin. Ils obéirent ; et je fis rendre à des habitants ce qui lui appartenait[7].

Le long développement de Josèphe[modifier | modifier le code]

[LXV] [336] Je crois devoir faire connaître en ce lieu la mauvaise foi de Justus et des autres, qui ayant de cette même affaire dans leurs histoires, n'ont point eu honte, pour satisfaire leur passion et leur haine, de l'exposer aux yeux de la postérité tout autrement qu'elle ne s'est passée en effet ; [337] en quoi ils ne différaient en rien de ceux qui falsifient les actes publics, sinon qu'en ce qu'ils n'appréhendent point qu'on les en punisse. [338] Ainsi Justus ayant entrepris de se rendre recommandable en écrivant cette guerre, a dit de moi plusieurs choses très fausses et n'a pas été plus véritable en ce qui regarde son propre pays. C'est ce qui me contraint maintenant, pour le convaincre, de rapporter ce que j'avais tu jusqu'ici ; [339] et on ne doit pas s'étonner de ce que j'ai tant différé. Car encore qu'un historien soit obligé de dire la vérité, il peut ne pas s'emporter contre les méchants, non qu'ils méritent qu'on les favorise, mais pour demeurer dans les termes d'une sage modération. [340] Ainsi, Justus, pour revenir à vous qui prétendez être celui de tous les historiens à qui on doit ajouter le plus de foi, dites-moi, je vous prie, comment est-il possible que les Galiléens et moi ayons été cause de la révolte de votre pays contre les Romains et contre le roi, [341] puisque avant que la ville de Jérusalem m'eût envoyé pour gouverneur dans la Galilée, vous et ceux de Tibériade aviez déjà pris les armes et fait la guerre à ceux de la province de Décapolis, en Syrie. Car pouvez-vous nier que vous n'ayez mis le feu dans leurs villages et qu'un de vos gens n'y ait été tué, [342] ce dont je ne suis pas le seul qui rend témoignage, puisque cela se trouve même dans les commentaires de l'empereur Vespasien, où l'on voit que lorsqu'il était à Ptolémaïde, les habitants de Décapolis le prièrent de vous faire châtier comme l'auteur de tous leurs maux; [343] et il l'aurait fait sans doute, si le roi Agrippa, entre les mains de qui on vous avait mis pour en faire justice, ne vous eût fait grâce à la prière de Bérénice, sa sœur ; ce qui n'empêcha pas que vous ne demeurassiez longtemps en prison. [344] Mais la suite de vos actions a fait aussi clairement connaître quel vous avez été pendant toute votre vie et que c'est vous qui avez porté votre pays à se révolter contre les Romains, comme je le ferai voir par des preuves très convaincantes. [345] Je me trouve donc obligé maintenant, à cause de vous, d'accuser les autres habitants de Tibériade, et de montrer que vous n'avez été fidèle ni au roi, ni aux Romains. [346] Séphoris et Tibériade d'où vous avez tiré votre naissance, sont les plus grandes villes de la Galilée. La première, qui est assise au milieu du pays et qui a tout autour de soi plusieurs villages qui en dépendent, étant résolue à demeurer fidèle aux Romains, quoiqu'elle eût pu facilement se soulever contre eux, n'a jamais voulu me recevoir ni prendre les armes pour les Juifs. [347] Mais dans la crainte que ses habitants avaient de moi, ils me surprirent par leurs artifices et me portèrent même à leur bâtir des murailles. Ils reçurent ensuite volontairement garnison de Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, pour les Romains, et me refusèrent l'entrée de leur ville, parce que je leur étais trop redoutable. [348] Ils ne voulurent pas même nous secourir lors du siège de Jérusalem, quoique le Temple qui leur était commun avec nous, fût en péril de tomber entre les mains de nos ennemis, tant ils craignaient. Qu'ils ne parussent prendre les armes contre les Romains. [349] Mais c'est ici, Justus, qu'il faut parler de votre ville. Elle est assise sur le lac de Génésareth, éloignée d'Hippos de trente stades, de soixante de Gabare, et de cent vingt de Scythopolis, qui est sous l'obéissance du roi. Elle n'est proche d'aucune ville des Juifs. Qui vous empêchait donc de demeurer fidèles aux Romains, puisque vous aviez tous quantité d'armes et en particulier et en public ? [350] Que si vous répondez que j'en fus alors la cause, je vous demande qui en a donc été la cause depuis ? Car pouvez-vous ignorer qu'avant le siège de Jérusalem j'avais été forcé dans Jotapat ; que plusieurs autres châteaux avaient été pris et qu'un grand nombre de Galiléens avaient été tués dans divers combats ? [351] Si donc ce n'avait pas été, volontairement mais par crainte que vous eussiez pris les armes, qui vous empêchait alors de les quitter et de vous mettre sous l'obéissance du roi et des Romains, puisqu'il ne vous restait plus aucune appréhension de moi ? [352] Mais ce qui est vrai c'est que vous avez attendu jusqu'à ce que vous ayez vu Vespasien arrivé avec toutes ses forces aux portes de votre ville ; et qu'alors la crainte du péril vous a désarmés. Vous n'auriez pu éviter néanmoins d'être emportés de force et abandonnés au pillage, si le roi n'eût obtenu de la clémence de Vespasien le pardon de votre folie. Ce n'a donc pas été ma faute, mais la vôtre; [353] et votre perte n'est venue que de ce que vous avez toujours été, dans le cœur, ennemi de l'empire. Car vous avez oublié que dans tous les avantages que j'ai remportés sur vous, je n'ai voulu faire mourir aucun des vôtres ; au lieu que les divisions qui ont partagé votre ville, non par votre affection pour le roi et pour les Romains, mais par votre propre malice, ont coûté la vie à cent quatre-vingt-cinq de vos citoyens pendant le temps que j'étais assiégé dans Jotapat ? [354] Ne s'est-il pas trouvé dans Jérusalem pendant le siège deux mille hommes de Tibériade, dont une partie ont été tués et les autres faits prisonniers ? Et direz-vous, pour prouver que vous n'étiez point ennemis des Romains, que vous vous étiez alors retirés auprès du roi ? Ne dirai-je pas au contraire que vous ne le fîtes que par la crainte que vous eûtes de moi ? [355] Que si je suis un méchant, comme vous le publiez, qu'êtes-vous donc ? vous, à qui le roi Agrippa sauva la vie lorsque Vespasien vous avait condamné à la perdre ; vous qu'il n'a pas laissé de faire mettre deux fois en prison, quoique vous lui eussiez donné beaucoup d'argent; vous qu'il envoya deux fois en exil; vous qu'il aurait fait mourir, si Bérénice, sa sœur, n'eût obtenu votre grâce; [356] et vous enfin en qui il reconnut tant d'infidélité dans la charge de son secrétaire dont il vous a honoré, qu'il vous défendit de vous présenter jamais devant lui ? Mais je n'en veux pas dire davantage. [357] Au reste, j'admire la hardiesse avec laquelle vous osez assurer avoir écrit cette histoire plus exactement qu'aucun autre, vous qui ne savez pas seulement ce qui s'est passé en Galilée, car vous étiez alors à Baruch auprès du roi. Vous n'avez garde non plus de savoir ce que les Romains ont souffert au siège de Jotapat, ni de quelle sorte je m'y suis conduit, puisque vous ne m'aviez point suivi, et qu'il n'est pas resté un seul de ceux qui m'ont aidé à défendre cette place pour vous en pouvoir apprendre des nouvelles. [358] Que si vous dites que vous avez rapporté avec plus d'exactitude ce qui s'est passé au siège de Jérusalem, je vous demande comment cela peut se faire, puisque vous ne vous y êtes point trouvé, et que vous n'avez point lu ce que Vespasien en a écrit ? ce que je puis assurer sans crainte, voyant que vous avez écrit tout le contraire. [359] Que si vous croyez que votre histoire soit plus fidèle que nulle autre, pourquoi ne l'avez-vous pas publiée pendant la vie de Vespasien et de Tite, son fils, qui ont eu toute la conduite de cette guerre, et pendant la vie du roi Agrippa et de ses proches qui étaient si savant dans la langue grecque ? [360] Car vous l'avez écrite vingt ans auparavant, et vous pouviez alors avoir pour témoins de la vérité ceux qui avaient vu toutes choses de leurs propres yeux. Mais vous avez attendu à la mettre au jour après leur mort, afin qu'il n'y eût personne qui pût vous convaincre de n'avoir pas été fidèle. [361] Je n'en ai pas fait de même, parce que je n'appréhendais rien ; mais, au contraire, j'ai mis la mienne entre les mains de ces deux empereurs lorsque cette guerre ne faisait presque que d'être achevée et que la mémoire en était encore toute récente, à cause que ma conscience m'assurait que n'ayant rien dit que de véritable, elle serait approuvée de ceux qui en pouvaient rendre témoignage ; en quoi je ne me suis point trompé. [362] Je la communiquai même aussitôt à plusieurs, dont la plupart s'étaient trouvés dans cette guerre, du nombre desquels furent le roi Agrippa et quelques-uns de ses proches. [363] Et l'empereur Titus lui-même voulut que la postérité n'eût pas besoin de puiser dans une autre source la connaissance de tant de grandes actions ; car, après l'avoir souscrite de sa propre main, il commanda qu'elle fût rendue publique. Le roi Agrippa m'a aussi écrit soixante et deux lettres qui rendent témoignage de la vérité des choses que j'ai rapportées. J'en citerai ici deux seulement pour prouver ce que je dis.

[365] « Le roi Agrippa, à Joseph, son très cher ami, salut. J'ai lu votre histoire avec grand plaisir, et l'ai trouvée beaucoup plus exacte que nulle des autres. [366] C'est pourquoi je vous prie de m'en envoyer la suite. Adieu, mon très cher ami. »

« Le roi Agrippa, à Joseph, son très cher ami, salut. Ce que vous avez écrit me fait voir que vous n'avez pas besoin de mes instructions pour apprendre comment toutes choses se sont passées. Et néanmoins quand je vous verrai je pourrai vous dire quelques particularités que vous ne savez pas. »

[367] On voit par là de quelle sorte ce prince, non par une flatterie indigne de sa qualité, ni par une moquerie si éloignée de son humeur, a bien voulu rendre témoignage de la vérité de mon histoire afin que personne n'en pût douter. Voilà ce que Justus m'a contraint de dire pour ma justification, et il faut reprendre la suite de mon discours[8].

Digression dans le Contre Apion[modifier | modifier le code]

46 Certainement sur la guerre même que nous avons eue récemment, des auteurs ont publié de prétendues histoires sans être venus sur les lieux ou s'être approchés du théâtre de l'action. Mais d'après des on-dit, ils ont réuni un petit nombre de faits, et les ont décorés du nom d'histoire avec une impudence d'ivrognes. 47 Moi, au contraire, et sur l'ensemble de la guerre et sur le détail des faits, j'ai écrit une relation véridique, ayant assisté en personne à tous les événements. 48 Car j'étais général de ceux qu'on appelle chez nous les Galiléens tant que la résistance fut possible, puis, capturé, je vécus prisonnier dans le camp romain. Vespasien et Titus, me tenant sous leur surveillance, m'obligèrent à être toujours auprès d'eux, enchaîné au début; plus tard, délivré de mes liens, je fus envoyé d'Alexandrie avec Titus au siège de Jérusalem. 49 Pendant ce temps pas un fait n'a échappé à ma connaissance. En effet, je notais avec soin non seulement ce qui se passait sous mes yeux dans l'armée romaine, mais encore les renseignements des déserteurs que j'étais seul à comprendre. 50 Ensuite, dans les loisirs que j'eus à Rome, la préparation de mon histoire entièrement terminée, je me fis aider pour le grec par quelques personnes et c'est ainsi que je racontai les événements pour la postérité. Il en résulta pour moi une telle confiance dans la véracité de mon histoire qu'avant tous les autres je voulus prendre à témoin ceux qui avaient commandé en chef dans la guerre, Vespasien et Titus. 51 C'est à eux les premiers que je donnai mes livres et ensuite à beaucoup de Romains qui avaient participé à la campagne; je les vendis d'autre part à un grand nombre des nôtres, initiés aux lettres grecques, parmi lesquels Julius Archélaüs, le très auguste Hérode, et le très admirable roi Agrippa lui-même. 52 Tous ces personnages ont témoigné que je m'étais appliqué à défendre la vérité, eux qui n'auraient point caché leurs sentiments ni gardé le silence si, par ignorance ou par faveur, j'avais travesti ou omis quelque fait.

X Réponse à ses adversaires.

53 Cependant certains personnages méprisables ont essayé d'attaquer mon histoire, y voyant l'occasion d'un exercice d'accusation paradoxale et de calomnie, comme on en propose aux jeunes gens dans l'école; ils devraient pourtant savoir que, si l'on promet de transmettre à d'autres un récit véridique des faits, il faut d'abord en avoir soi-même une connaissance exacte pour avoir suivi de près les événements par soi-même ou en se renseignant auprès de ceux qui les savent. 54 C'est ce que je crois avoir très bien fait pour mes deux ouvrages. L'Archéologie, comme je l'ai dit, est traduite des Livres saints, car je tiens le sacerdoce de ma naissance et je suis initié à la philosophie de ces Livres. 55 Quant à l'histoire de la guerre, je l'ai écrite après avoir été acteur dans bien des événements, témoin d'un très grand nombre, bref sans avoir ignoré rien de ce qui s'y est dit ou fait. 56 Comment alors ne point trouver hardis ceux qui tentent de contester ma véracité ? Si même ils prétendent avoir lu les mémoires des empereurs, ils n'ont pas, du moins, assisté à ce qui se passait dans notre camp à nous, leurs ennemis.

  1. certains personnages méprisables ont essayé d'attaquer mon histoire ;
  2. y voyant l'occasion d'un exercice d'accusation paradoxale et de calomnie ;
  3. si l'on promet de transmettre à d'autres un récit véridique des faits, il faut d'abord en avoir soi-même une connaissance exacte ;
  4. il faut d'abord en avoir soi-même une connaissance exacte pour avoir suivi de près les événements par soi-même ;
  5. ou en se renseignant auprès de ceux qui les savent ;
  6. l'histoire de la guerre, je l'ai écrite après avoir été acteur dans bien des événements, témoin d'un très grand nombre, bref sans avoir ignoré rien de ce qui s'y est dit ou fait ;
  7. Comment alors ne point trouver hardis ceux qui tentent de contester ma véracité ?
  8. Si même ils prétendent avoir lu les mémoires des empereurs, ils n'ont pas, du moins, assisté à ce qui se passait dans notre camp à nous, leurs ennemis.

Selon la critique actuelle[modifier | modifier le code]

La digression pour attaquer Justus que l'on trouve dans la Vita est similaire au passage du Contre Apion (I, 46-56)[9]. À la suite de Laqueur, plusieurs critiques ont donc émis l'hypothèse que Justus en est la cible dans les deux textes[9].

La bibliothèque de Photios[modifier | modifier le code]

Au IXe siècle, Photios patriarche de Constantinople, écrit des notes de lecture sur un grand nombre de livres. La bibliothèque de Constantinople est alors l'une des meilleures bibliothèques, réputée par la qualité de ses manuscrits et Photios est l'un des plus grand érudit de son temps. Il établit entre-autre, des notes sur trois livres de Flavius Josèphe (Guerre des Juifs, Antiquités Judaïques, et un livre qu'il appelle Antiquités des Juifs[10]). Il mentionne le passage qui parle de « Jean surnommé Baptiste », mais n'évoque aucun passage qui parle de Jésus. Lorsqu'il établit la note de lecture du livre Chronique des rois des Juifs (perdu aujourd'hui), il regrette:

« De même que tous les autres écrivains juifs, [Juste de Tibériade] n'a fait aucune mention de la venue du Christ, des choses qui lui sont arrivées, de ses miracles[11]. »

Ce qui indique que le passage mentionnant Jésus, appelé Testimonium flavianum, n'existait pas dans les livres de qualités à la disposition de Photios[12]. Juste de Tibériade était un gouverneur militaire de Galilée, au même moment que son rival Flavius Josèphe, lui aussi historien juif. Dans son autobiographie (Vita), Flavius Josèphe mentionne plusieurs passage où il s'est affronté avec Juste de Tibériade, ainsi que d'autres membres de la tendance à laquelle appartenait Juste. Vingt ans plus tard, tous deux se critiquaient sévèrement dans leur livre et se rendaient mutuellement responsable de la défaite de la révolte[13].

Jacques Giri, indique: « Certains ajoutent que [ce passage] n'est jamais cité par les pères de l'Église du IIe siècle et IIIe siècle qui ont lu Josèphe. Et en même temps après le IVe siècle, certains écrivains chrétiens qui ont lu Josèphe, comme Photius par exemple, n'en parlent pas, comme si l'exemplaire des Antiquités judaïques qu'ils ont eu entre les mains ne contenait pas ce passage[14]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Flavius Josèphe, Autobiographie, en ligne, p. II, dans Œuvres complètes par J.-A.-C. Buchon, 1879, sur Gallica ; cette autobiographie est un complément de la Guerre des Juifs.
  2. Autobiographie, en ligne, p. IV.
  3. Martin Goodman, Rome et Jérusalem, éd. Perrin/Tempus, 2009, p. 498.
  4. Probablement intitulée Ιστορία ἡ τοῦ Ιουδαϊκοῦ Πολέμου τοῦ Οὐεσπασιανοῦ (Étienne de Byzance, Ethniques [détail des éditions], s.v. Τιβεριάς), cité par Richard Gottheil, Samuel Krauss, op. cit.
  5. Histoire ecclésiastique III, 10, 8.
  6. De viris illustribus, 14.
  7. Flavius Josèphe, Vita, Autobiographie 331.
  8. Flavius Josèphe, Vita, Autobiographie 336-367.
  9. a et b Cohen 2002, p. 116.
  10. Ce livre inconnu aujourd'hui, semble contenir un résumé des Antiquités Judaïques suivi par l'autobiographie de Flavius Josèphe
  11. Photios, Bibliothèque, Juste de Tibériade, note 33 sur la Chronique des rois des Juifs sur http://remacle.org
  12. Voir à ce sujet Prosper Alfaric dans l'article Thèse mythiste
  13. Voir l'Autobiographie (Vita) de Flavius Josèphe.
  14. Jacques Giri, Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme: enquête sur les recherches récentes, éd. Karthala, 2007, p. 76-77