Histoire du Liechtenstein

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Armoiries des princes de Liechtenstein

Le territoire actuel du Liechtenstein constituait autrefois une petite partie de la province romaine de Rhétie. Avant l’avènement de la dynastie actuelle, la région était inféodée à une branche de la famille des Habsbourg. Si l’histoire du Liechtenstein en tant que principauté commence en 1719, lorsque l’empereur Charles VI unifia la seigneurie de Schellenberg et le comté de Vaduz, l’histoire du pays remonte à des temps beaucoup plus anciens.

Préhistoire[modifier | modifier le code]

Les fouilles archéologiques font remonter le peuplement du Liechtenstein au moins à partir du Ve millénaire av. J.-C.. Le pays est situé à la croisée des chemins entre la route alpine nord-sud et la route est-ouest des migrations. Les collines de la vallée du Rhin, la colline sur laquelle trône le château de Balzers au Sud et l’Eschnerberg au Nord semblent avoir été peuplées depuis le paléolithique supérieur[1]. Seules les régions en altitude étaient occupées, le Rhin représentant une menace permanente par ses fréquentes crues dans les plaines. Certains noms de lieux nous permettent de penser que les Rhètes colonisèrent le territoire actuel du Liechtenstein, un territoire qui subit aussi vraisemblablement une influence celtique venue de l'ouest.

Période romaine[modifier | modifier le code]

La Rhétie fut conquise par les Romains et déclarée province romaine en Une voie romaine traversait la région du nord au sud, traversant les Alpes par la passe de Splügen et suivant le bord des plaines inondables situées le long de la rive droite du Rhin – plaines restées longtemps inhabitées à cause des inondations fréquentes. Des villas romaines mises au jour à Schaanwald et Nendeln et un fort érigé par les Romains au IVe siècle pour se protéger contre les attaques des Alamans témoignent de la densité de la colonisation.

Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Avec la chute de l'Empire romain et l'arrivée des Alamans les cultures latines et germaniques cohabitèrent pendant des siècles.

La région fut incorporée à l'Empire carolingien et devint un comté franc en 806. Au Xe siècle, la Rhétie était dirigée par les comtes de Brégence, dont la lignée s'éteignit en 1152. L'ancienne Rhétie fut ensuite divisée en différents comtés au fil des générations.

Lorsque le duché de Souabe perdit son duc en 1268, tous les vassaux de ce duché devinrent des vassaux directs du trône impérial.

Le comté de Vaduz fut formé en 1342 en tant que petite subdivision du comté de Werdenberg de la dynastie de Montfort de Vorarlberg. À partir de 1416, le territoire est dirigé par les barons de Brandis. Ceux-ci fixèrent définitivement les frontières du Liechtenstein en acquérant la partie septentrionale de la seigneurie de Schellenberg : ainsi les frontières du Liechtenstein sont restées identiques depuis 1434.
En 1510, le dernier baron de Brandis vendit les domaines de Vaduz et de Schellenberg aux comtes de Sulz. Établis à Klettgau, ils dirigèrent ces domaines de l'extérieur. Catholiques romains, ils se firent forts de préserver la fidélité à Rome dans le comté pendant la Réforme.

Le XVe siècle fut témoin de trois guerres, mais la période noire intervint au XVIIe siècle, avec des épidémies, des retombées de la guerre de Trente Ans – même si le Liechtenstein ne fut pas impliqué directement –, et, de surcroît, à cause d'une chasse aux sorcières durant laquelle plus de cent personnes furent persécutées et exécutées.

En 1613, les comtes de Sulz vendirent les comtés de Vaduz et de Schellenberg aux comtes de Hohenems qui souhaitaient créer un État tampon entre la Suisse et l'Autriche. Depuis 1608, les dirigeants du Liechtenstein avaient été élevés au rang de princes, mais ce titre ne suffisait pas à permettre leur entrée au Conseil des Princes.

Dynastie des Liechtenstein[modifier | modifier le code]

Château Liechtenstein, qui donna son nom à la dynastie des Liechtenstein

La dynastie Liechtenstein possédait de vastes étendues de terres, principalement en Moravie, en Basse-Autriche et en Styrie. Cependant ces grands et riches territoires étaient des fiefs dépendant de l'autorité d'autres seigneurs, notamment de diverses branches des Habsbourg, dont les Liechtenstein étaient de proches conseillers, et aucun ne bénéficiaient de l'immédiateté impériale (c'est-à-dire sans autre seigneur que l'Empereur). C'est pourquoi la dynastie Liechtenstein ne pouvait pas obtenir un siège à la diète d'Empire, au Reichstag, ni jouir du prestige et de l'influence que cela engendrait. Afin d'avoir une chance d'accéder au Conseil des Princes, leur attention se porta sur les domaines de Vaduz et de Schellenberg. Le prince Johann Adam Ier de Liechtenstein acheta le domaine de Schellenberg en 1699 et le comté de Vaduz en 1712. En acquérant ce petit territoire composé de villages de montagnes, qui était directement subordonné au Saint-Empire depuis qu'il n'y avait plus de duc de Souabe, le prince de Liechtenstein arriva à ses fins.

Le territoire prit alors le nom de la famille dirigeant le pays. C'est donc la dynastie Liechtenstein qui donna son nom à la principauté, et non l'inverse. Ce nom tiré du château Liechtenstein en Basse-Autriche qu'elle posséda de 1140 environ jusqu'au XIIIe siècle et de 1807 à nos jours. Le , l’Empereur Charles VI du Saint-Empire décréta que les comtés de Vaduz et de Schellenberg seraient promus au rang de principauté impériale du Liechtenstein[2].

Le Liechtenstein rejoignit en 1806 la confédération du Rhin créée par Napoléon à la suite de la dissolution du Saint-Empire romain germanique. Alors que presque tous les petits États allemands disparaissaient, le Liechtenstein réussit à intégrer cette confédération du Rhin en restant indépendant. Pendant cette période, les Français occupèrent le pays quelques années, puis le Liechtenstein recouvra son indépendance en 1815, au sein de la Confédération germanique.

Au XIXe siècle, le Liechtenstein connut une situation délicate. Isolé économiquement (ses échanges commerciaux stagnaient), la principauté devint de plus en plus un État rural sous-développé, sous le poids de lourdes taxes féodales. Les idées de la révolution de 1848 y trouvèrent un écho favorable. La population, par des pétitions, appela le prince à lui accorder une nouvelle constitution, des élections libres, et l'abolition des taxes féodales.

Un accord douanier avec l'Autriche fut conclu en 1852. Cette union rattachait le Liechtenstein au système monétaire autrichien et jetait également les bases de l'évolution économique de la seconde moitié du XIXe siècle. Les manufactures se développèrent, les premières usines virent le jour et la première banque, la Spar und Leihkasse, fut fondée en 1861. Le Liechtenstein fut relié au réseau ferré international en 1872, lorsque les chemins de fer autrichiens inaugurèrent la ligne FeldkirchBuchs.

En 1862, une nouvelle constitution instaura une diète représentant le peuple. En 1868, après la dissolution de la Confédération germanique, le Liechtenstein dissout son armée composée de 80 hommes, et déclara sa neutralité permanente, une neutralité respectée lors des deux guerres mondiales.

Le Liechtenstein pendant les Guerres mondiales[modifier | modifier le code]

Jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, le Liechtenstein fut étroitement lié à l'Autriche, mais le désastre économique créé par le conflit contraignit le pays à conclure une union monétaire et douanière avec la Suisse. En 1919, le Liechtentein et la Suisse signèrent un traité par lequel la Suisse assure la représentation des intérêts du Liechtenstein à un niveau diplomatique et consulaire dans les pays où la Suisse est représentée et non la principauté. Cet accord fut suivi en 1920 d’une convention sur les services postaux.

Cette période est aussi celle d'une nouvelle constitution (1921) accordant au peuple des mécanismes de démocratie directe et évitant tout risque de prédominance étrangère : ainsi, le premier ministre liechtensteinois devait désormais être natif de la principauté.

En 1927, le Liechtenstein fut touché par des inondations catastrophiques, à la suite de la rupture d'une digue du Rhin le 25 septembre 1927[3]. Le Rhin se retira seulement le 30 décembre[4], et l'année suivante plus de 800 volontaires venant de 20 pays[5] vinrent aider à la reconstruction et à la remise en état des terrains[6].

En juillet 1938, après l'Anschluss, le prince François Ier, âgé de 84 ans, meurt et est remplacé par son petit-neveu de 31 ans, le prince François-Joseph II. Peu avant sa mort le prince François Ier affirme qu'il a abdiquerait pour raison de « vieillesse », il n'avait en fait aucun désir de garder le trône si l'Allemagne envahissait et occupait le pays. La princesse Elsa von Gutmann, qu'il a épousée en 1929, était une riche femme juive de Vienne, et les nazis locaux du Liechtenstein l'avaient déjà désignée comme leur « problème » antisémite. Un mouvement de sympathie nazi couvait depuis des années au sein de son parti de l'Union nationale[7] et un parti politique national-socialiste existait dans le pays — le Mouvement national allemand au Liechtenstein (en)[8].

En 1938, le prince François-Joseph II devint le premier prince de Liechtenstein à résider de façon permanente dans la principauté. Il dirigea le pays depuis le château de Vaduz jusqu'à sa mort en 1989.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Liechtenstein demeure neutre, tandis que les trésors familiaux de la zone de guerre sont amenés au Liechtenstein (et à Londres) pour y être conservés. La frontière avec l'Autriche est sécurisée sur une longueur de 14 kilomètres par une clôture de 2 mètres et demi de haut. Après 1942, seuls quelques réfugiés fuyant le national-socialisme franchissent la frontière, les gardes-frontières suisses et la police auxiliaire du Liechtenstein sécurisant la zone. Malgré la demande du gouvernement du Liechtenstein, le gouvernement suisse refuse de déployer des membres des forces armées suisses, sous couvert de leur neutralité[9].
À la fin du conflit, la Tchécoslovaquie et la Pologne, agissant pour s'emparer de ce qu'elles considèrent comme des possessions allemandes, exproprient l'intégralité des terres et possessions héréditaires de la dynastie liechtensteinoise en Bohême, Moravie et Silésie — les princes de Liechtenstein vécurent à Vienne jusqu'à l'Anschluss de 1938. Les expropriations (sous réserve d'un différend juridique moderne à la Cour internationale de justice) comprennent plus de 1 600 kilomètres carrés de terres agricoles et forestières (notamment le paysage culturel de Lednice-Valtice (en), classé par l'UNESCO), et plusieurs châteaux et palais. Les citoyens du Liechtenstein seront également interdits d'entrer en Tchécoslovaquie pendant la guerre froide.

Le Liechtenstein accorde l'asile à environ 500 soldats de la 1re armée nationale russe (une force collaborationniste russe au sein de la Wehrmacht) à la fin de la Seconde Guerre mondiale[10]. Ceci est commémoré par un monument situé à la ville frontalière de Hinterschellenberg, marqué sur la carte touristique du pays. Le fait d'accorder l'asile ne fut pas une mince affaire pour ce pays pauvre qui rencontrera des difficultés à nourrir et à s'occuper d'un si grand nombre de réfugiés. Finalement, l'Argentine accepta de réinstaller définitivement les demandeurs d'asile. En revanche, les Britanniques rapatrièrent les Russes ayant combattu aux côtés de l'Allemagne en URSS, où ils furent considérés comme des traîtres. La plupart d'entre eux finiront exécutés, y compris leurs familles.

Période contemporaine[modifier | modifier le code]

Après la Seconde Guerre mondiale, les taxes peu élevées du pays ont encouragé la croissance économique, et le pays devint alors une place financière de plus en plus importante. Parmi les raisons de ce succès, on peut citer l'union douanière avec la Suisse et l'adoption du franc suisse comme monnaie nationale, une politique et des conditions sociales stables.

En 1989, le prince Hans-Adam II succéda à son père. En 1996, la Russie mit fin à un sujet de discorde entre les deux pays en rendant les archives de la famille Liechtenstein.

Afin de faire entendre sa voix à un niveau international, malgré sa petite taille, le Liechtenstein a rejoint plusieurs organisations internationales depuis les années 1950. En 1978, le pays est devenu membre du Conseil de l'Europe, avant de rejoindre l'Organisation des Nations unies en 1990, l'Association européenne de libre-échange en 1991, l'Espace économique européen (EEE) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995.

En 2007, une troupe de 170 soldats suisses ont fortuitement pénétré par erreur le territoire liechtensteinois lors d'une marche nocturne et par de mauvaises conditions climatiques. Les soldats se sont rendu compte de leur erreur et ont rebroussé chemin mais l’événement a provoqué un incident diplomatique entre les deux pays[11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. voir Liechtenstein.li
  2. Site classe-internationale.com, page sur le Liechtenstein, consulté le 14 janvier 2020.
  3. « Graves inondations en Suisse. Le Rhin déborde », Journal des débats politiques et littéraires,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  4. Alexis Danan, « Une semaine parmi les hommes de bonne volonté. Aux chantiers de Babel », Paris-Soir,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  5. Henri Frossard, Il a suffi d'un moulin, Coutances, L'Amitié par le livre, (lire en ligne)
  6. Alexis Danan, « Une semaine parmi les hommes de bonne volonté. Aux chantiers de Babel », Paris-Soir,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  7. « LIECHTENSTEIN: Nazi Pressure? », TIME,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  8. (de) « Volksdeutsche Bewegung in Liechtenstein », sur e-archiv.li, Liechtenstein National Archives (consulté le )
  9. Gerhard Wanner, Flüchtlinge und Grenzverhältnisse in Vorarlberg 1938–1944, Feldkirch,
  10. « Exiled Russian General Whose Troops Fought With Germans Is Dead » (consulté le )
  11. https://www.ledevoir.com/monde/europe/133337/la-suisse-a-envahi-le-liechtenstein

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • P. Raton, Le Liechtenstein. Histoire et institutions, Genève, Droz, 1967, 180 p.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]