Arnaud de Vogüé

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Arnaud de Vogüé, né le à Paris 7e (France) et mort à Cosne Cours sur Loire (Nièvre) le , est un homme d'affaires français. Il est président de Saint-Gobain entre 1952 et 1970 mais également maire du village de Boulleret. Sous le nom de guerre de « colonel Colomb », il est un résistant français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Milieu social[modifier | modifier le code]

Le vicomte puis comte Arnaud de Vogüé est un riche héritier, issu d'une vieille famille aristocratique (Famille de Vogüé), très intégrée au monde des affaires français depuis le XIXe siècle. Il est le fils de Robert de Vogüé, président des conseils d'administration des compagnies d'assurances L'Urbaine, vice-président de Saint-Gobain et membre du conseil de surveillance de Schneider et Cie, et de Lucie Sommier, riche héritière d'Alfred Sommier[1],[2].

Il fait ses études secondaires au lycée Janson-de-Sailly, puis à la Sorbonne, dont il sort licencié ès-lettres[3].

En 1929, il épouse Solange de Mun[4] (1908-1999), fille de Fernand de Mun [réf. nécessaire].

Le résistant[modifier | modifier le code]

Mobilisé en 1939-40, il participe à la Bataille de Dunkerque en 1940 [3]. Il se retire ensuite dans le domaine familial de Boulleret.

Il s'engage fin 1943 [5] dans la Résistance. En avril 1944, il devient le commandant des Forces françaises de l'intérieur pour le Cher-Nord [6], et il réussit à fédérer diverses formations de la résistance. C'est le cas par exemple des FFI, du 1er RI ou des FTP. Le chef des FTP (Julien Girault dit commandant Maxime) disparaîtra dans des conditions restées non élucidées (tué dans un bois près de Saint-Germain-du-Puy). Dans un article paru dans le Berry Républicain, une ancienne résistante, la sœur du capitaine Daniel, lui attribuera plus tard ce meurtre.

Son frère, Jean de Vogüé, est un des dirigeants du COMAC, organe dirigeant les Forces françaises de l'intérieur.

Le au matin, près de Menetou-Salon, le colonel Colomb est prévenu que l’armée allemande a quitté Bourges. Il donne l’ordre de faire converger vers Bourges les maquisards massés à Menetou mais aussi à Ivoy-le-Pré, aidés par des hommes du 4e Bataillon de parachutistes. Ils sont rejoints par les FTPF du colonel Hubert. La prise de Bourges fut relativement facile : quelques escarmouches opposent aux alentours de la ville les résistants et quelques soldats allemands, qui finissent par se rendre. Le soir du , le Colonel Colomb fait placarder sur les murs de la ville, un texte destiné aux Berruyers :

« L’occupation de votre ville par l’ennemi a pris fin le 6 septembre 1944 (...). Votre ville a été libérée par les Forces françaises libres avec le concours du 4e Bataillon de parachutistes français. Après un long cauchemar de quatre années, l’ennemi et ses acolytes ont pris la fuite. »[7]

Après guerre, il est le fondateur de l'hebdomadaire La Voix du Sancerrois. Par la suite, il reste engagé dans l'action locale: il est maire de Boulleret durant 50 ans. Colonel de réserve, il préside l’amicale des FFI du Cher-Nord [8].

L'homme d'affaires[modifier | modifier le code]

Dans les années 1930, Arnaud de Vogüé se lance avec l'appui de sa famille dans les affaires en Indochine, espérant profiter du boom du caoutchouc. Il séjourne à plusieurs reprises en Extrême-Orient, en Indochine et en Malaisie notamment[3],[9]. Il préside ou administre plusieurs firmes: administrateur de la Société agricole de Suzannah (1931)[10], administrateur-délégué de la Société des plantations d'An-Loc, dont son père est le président du conseil d'administration[11], administrateur en 1935 de la Société des plantations de Long-Thanh, liée à la Banque d'Indochine[12], administrateur de la Bienhoa industrielle et forestière [13], administrateur-délégué de la Société indochinoise de plantations d'hévéas, présidée par son père (entré à son conseil en ) depuis 1921[14], administrateur-délégué de la Société des caoutchoucs de Kompong-Thom (1936)[15], président du conseil d'administration de la Compagnie du commerce et de navigation d'Extrême-Orient (1937)[16].

Après un nouveau séjour en Indochine au sortir de la guerre, il entre en 1947 au conseil d'administration de Saint-Gobain. Sa famille est actionnaire de la société depuis le XIXe siècle et certains de ses membres ont siégé à son conseil: son grand-père, Charles-Jean-Melchior de Vogüé à partir de 1893, qui l'a présidé de 1901 à 1916, et son père, Robert de Vogüé, vice-président de 1928 à 1936[1]. Succédant à Pierre Hély d'Oissel, il préside cette firme entre 1952 et 1970.

La fin de son mandat de président est marquée par la première Offre publique d'achat (en fait une OPE lancée en [17]) médiatisée en France[18]: l'entreprise d'Antoine Riboud, Boussois-Souchon-Neuvesel (BSN), a voulu acheter un tiers du capital de Saint-Gobain, sans succès[19]. Arnaud de Vogüé a su mobiliser ses réseaux pour contrer l'offensive et s'assurer l'aide de Marcel Bleustein-Blanchet de Publicis pour améliorer son image et celle de sa société[20]. En 1969-70, Saint-Gobain fusionne toutefois avec Pont-à-Mousson, à l'initiative du P-DG de cette firme, juste avant le retrait d'Arnaud de Vogüé, qui de fait se trouve être le dernier des représentants des grandes familles à avoir présidé Saint-Gobain.

Il a été administrateur d'autres firmes, comme Paribas; il démissionne de son conseil d'administration lorsque cette banque épaule Riboud dans sa tentative d'OPA[21]. Il a présidé la Commerciale et navale d'Extrême-Orient, et a été administrateur de la Société nouvelle des sucreries réunies, de Lebaudy et Sommier, de la Norvégienne de l'azote[22].

Arnaud de Vogüé est entré au comité de direction du Centre de recherches des chefs d'entreprise (CRC), lié au CNPF, en  ; il préside ce cercle de réflexion patronal de 1958 à 1963[23]. Il siège un temps au conseil d'administration, comme vice-président, du Centre international de prospective, fondé en 1957 par Gaston Berger[24], ainsi qu'au conseil d’administration du comité français de la Ligue européenne de coopération économique (LECE) dans les années 1960[25] et à celui de l’Institut catholique de Paris à partir de 1959[26]. Il est aussi président de la société anonyme publiant la vénérable Revue des deux Mondes, de sa constitution en 1965 à 1969[27].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie et sources[modifier | modifier le code]

  • Catherine Hodeir, Stratégies d’empire. Le grand patronat colonial face à la décolonisation, Belin, .
  • Dictionnaire historique des patrons français, Flammarion, .
  • « René Grandgeorge technique et tradition de Saint-Gobain », L'Entreprise, no 135,‎ , p. 35-37 (lire en ligne, consulté le ).
  • Présentation d'Arnaud de Vogüé sur le site de Saint-Gobain

Pages connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Dictionnaire historique 2010, p. 704-706.
  2. L'Argus, 6 décembre 1936
  3. a b et c L'Entreprise 1958.
  4. Comœdia, 9 novembre 1929, "Mariages"
  5. Gilbert Moreux, Pourquoi mon père, Sury-en-Vaux, A à Z Patrimoine, , 176 p. (ISBN 978-2-913790-42-1)
  6. La libération du département du Cher, Archives de Jean de Vogüé (frère d'Arnaud, résistant également ), déposées aux Archives nationales
  7. Il y a 60 ans la Libération de Bourges - PCF Bourges parti communiste français
  8. Hommage des anciens FFI du Cher-Nord, 30 septembre 1988, Amicale FFI Cher-Nord
  9. Hodeir 2003.
  10. L'Éveil économique de l'Indochine, 4 octobre 1931
  11. L'Information d'Indochine, 7 décembre 1933
  12. Ibid., 19 octobre 1935. Absorbée par la société indochinoise de plantations d'hévéas
  13. Ibid., 15 août 1936, Ibid., 7 aoüt 1937
  14. Ibid., 8 août 1936, Ibidem, Ibid., 26 juin 1937. Elle est liée à la banque d'Indochine.
  15. Ibid., 27 juin 1936
  16. Ibid., 25 décembre 1937, Ibid., 10 décembre 1938
  17. Conversion d'actions Saint-Gobain en obligations BSN: Le Nouvel Observateur, 30 décembre 1968, "La bataille de Saint-Gobain"
  18. Le Nouvel observateur, interview croisée d'A. de Vogüé et d'A. Riboud, 20 janvier 1969, Ibidem: "une" du magazine, intitulée, "Saint-Gobain: le face à face des PDG"
  19. BSN contre Saint-Gobain, Éditions et publications premières, 1969, La finance d'entreprise pour les nuls, 2016, franceinfo.fr, "Quand Saint-Gobain résista à Antoine Riboud (1969)", 9 juin 2015
  20. Jacques Mornand, « Le vrai gagnant », Le Nouvel observateur,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Le Monde, 1er janvier 1969, "M. de Vogüé démissionne de la Banque de Paris et des Pays-Bas"
  22. Jacques Mornand, « Le troisième homme sort de l'ombre », Le Nouvel observateur,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. Cf. la page Jacques Warnier. Paul Huvelin, futur président du CNPF en 1966, lui succède en 1963.
  24. Prospective, cahier no 6, PUF, 1960, Prospective, PUF, no 3, avril 1959. Aux côtés de patrons comme Marcel Demonque ou Georges Villiers ( président du CNPF ), d'universitaires et de hauts-fonctionnaires comme François Bloch-Lainé.
  25. La LECE, 1946-1966, p. 34-35
  26. Nouvelles de l’Institut catholique de Paris, no 5-6, juin-septembre 1959, p. 7
  27. Historique de la revue sur son site, Journal de l'année, Larousse, 1970