Classe moyenne

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L'accès à la propriété privée (comme l'acquisition d'une résidence) est financièrement possible pour la classe moyenne, mais reste souvent soumise au prêt.
La société des loisirs est une idée encourageant la classe moyenne à multiplier leurs activités en opposition au temps passé à occuper un emploi.

La classe moyenne est un concept de classe sociale basé principalement sur le niveau de vie. Ce groupe se situe « au-dessus » des classes pauvres (ou classe ouvrière) et « en dessous » des classes aisées (on parle aussi de classe supérieure ou élite, principalement constituée du patronat). La question de sa définition exacte reste délicate et explique que l'on parle aussi des « classes moyennes » au pluriel avec une classe moyenne inférieure et une classe moyenne supérieure.

Les critères habituels de définition étant le niveau de vie, autrement dit les revenus et le patrimoine. On peut également prendre en compte l'appartenance ressentie à un statut social, il est patent que la notion varie suivant les pays et l'époque. La notion même de classe moyenne peut être critiquée et niée par certains auteurs[réf. nécessaire].

Définitions

En France, la notion de classe moyenne a émergé dans le discours politique avec la création de l'impôt sur le revenu en 1914 (seulement mis en œuvre en 1920 à cause de la Première Guerre mondiale) ; cette notion étant floue et de plus liée à la propre perception de chaque personne, la majeure partie de la population considère en faire partie tout en ayant un sentiment grandissant d'en sortir par le bas[1]. Le concept se renforce dans la période des Trente Glorieuses qui a vu l'émergence entre les ouvriers et les cadres d'une classe intermédiaire « ni riche, ni pauvre »[2].

Tout en admettant « qu'il n'y a pas de consensus sur les frontières exactes de cet ensemble », l'économiste Éric Maurin et la sociologue Dominique Goux[3] estiment que « la composition de son noyau central semble difficile à contester » avec :

  • d'un côté, le petit patronat traditionnel : dont artisans, commerçants, agriculteurs.
  • de l'autre, un vaste salariat intermédiaire désigné par l'Insee comme professions intermédiaires : techniciens, professeurs des écoles, cadres B de la fonction publique, représentants de commerce, etc.

Maurin et Goux indiquent que contrairement au sentiment de déclassement qui s'amplifie, il n'y a pourtant pas de déclassement en France, par exemple la proportion de propriétaires continue d'augmenter, y compris chez les jeunes. Ayant grandi en nombre depuis les années 1960 où la classe ouvrière était majoritaire, la classe moyenne représenterait selon eux 30 % de la population active occupée. La notion de classe moyenne restant floue, ce chiffre peut aller jusqu'à 60 % de la population active selon ce qu'on inclut, c'est-à-dire en y ajoutant également les professions intermédiaires et les cadres exclus des catégories supérieures qui peuvent se sentir « trop riches pour bénéficier de l'aide sociale et pas assez pauvre pour éviter l'impôt »[4],[5].

Jörg Muller, chargé de mission au CREDOC, définit la classe moyenne comme les « 50 % des ménages dont le revenu brut disponible n'appartient ni aux 30 % les plus modestes, ni aux 20 % les plus aisés ». En France, cela représente environ 38 millions de personnes[1]. Cette définition se base sur le revenu fiscal par ménage en France et sa décomposition en déciles ; ainsi sur les revenus déclarés en 2011, 30 % de la population gagne moins de 1 428 euros net par mois et 80 % moins de 2 569 euros par mois, entre ces deux bornes se situe la classe moyenne. Au-delà des revenus, une autre approche consiste à considérer le revenu disponible qui prend en compte également la composition familiale en tant qu'unité de consommation et déduction faite des impôts directs[2].

En 2008, un rapport de la banque Goldman Sachs définissait la classe moyenne mondiale comme étant l'ensemble des individus qui gagnent entre 4 600 et 23 000 euros annuels[6].

En Suisse, l'Office fédéral de la statistique choisit comme définition de la classe moyenne l'ensemble des revenus compris entre 70 % et 150 % du revenu médian[7].

Perspective marxiste

Selon les théories établies au XIXe siècle par Karl Marx, la petite bourgeoisie, comme une classe capitaliste, regroupe essentiellement des catégories socio-professionnelles telles qu'artisans, petits commerçants, boutiquiers, ou petits agriculteurs propriétaires. Dans la vision de Marx, la petite bourgeoisie a peu de pouvoir de transformer la société car elle ne peut guère s'organiser, la concurrence du marché positionnant ses membres « les uns contre les autres ». De plus, sa conscience subjective de constituer une classe « en soi » est absente.

L'émergence dans la deuxième moitié du XXe siècle d'une vaste classe moyenne ainsi que la déclin quantitatif de la classe ouvrière — en France à partir de 1970 environ — a lancé un défi de nature sociologico-historique au concept de lutte des classes. Pour certains, ces évolutions sociologiques invalident le concept de lutte des classes, qui doit alors soit être remplacé par d'autres modes d'action politique (par exemple le réformisme sous l'action de l'État), soit d'autres cadres de lutte.

Pour d'autres, le concept de lutte des classes garde toute sa validité. L'idée de classe moyenne était pris en compte par Karl Marx qui estimait qu'elle était vouée à l'assimilation avec le prolétariat. Au XXe siècle, l'économiste Paul Boccara pose l'existence d'une nouvelle « classe salariale »[8].

Typologie et dénombrement

Selon les estimations établies pour la France par Maurin et Goux (année 2011),

  • les classes moyennes représentent 30 % de la population nationale ;
  • la catégorie supérieure (chefs d'entreprise, cadres et professions libérales et intellectuelles supérieures) représente 20 % ;
  • la catégorie des employés et ouvriers rassemble 50 %.

Revenus de la classe moyenne

Si la possibilité de définir une classe sociale par le revenu seul est contestée, par exemple par Joseph Schumpeter (qui estime que la classe sociale naît de la fonction exercée[9]), certaines tentatives de telles définitions existent néanmoins :

  • Définie très largement (mais peut-on parler de la classe moyenne ?), elle inclut les individus d'un revenu allant de 1 200  à 3 000  par mois[10]. Cette délimitation généreuse d'une classe moyenne élargie donne un éventail de conditions de vie très différentes
  • Selon l'Observatoire des inégalités, en 2011, les classes moyennes correspondent aux salariés gagnant entre 1 163 et 2 127 euros par mois pour une personne seule, entre 2 174 et 4 068 euros par mois pour un couple sans enfant et entre 3 057 et 5 174 euros par mois pour un couple avec deux enfants. En prenant les 40 % de salariés du milieu (au-dessus des 30 % les moins payés et en dessous des 30 % les mieux payés), on obtient des salaires nets compris entre 1 200 et 1 840 euros pour des temps complets. « C'est à ce niveau que se situent les classes moyennes », estime l'Observatoire[11]

Tendances et évolutions

Un certain nombre de sociologues, tels que Henri Mendras, pensent que le développement des classes moyennes se serait fait en France dans la période des Trente Glorieuses. Alors que la société d'après-guerre s'enrichit, une partie des classes populaires se serait « embourgeoisée », encouragée par le phénomène de tertiarisation.

Une classe incertaine : de la montgolfière au sablier

L'économiste Alain Lipietz a réalisé une représentation de la stratification sociale en France (la largeur est proportionnelle à l'importance numérique de la couche sociale).

Modèle en mongolfière (1955-1975)

    _/\_         Classes aisées
  _/    \_    
 /        \
|          |     
|          |     Classes moyennes
 \        /
  \      / 
   \    /   
    |__|         Classes populaires

Ici, la classe la plus importante est la classe moyenne, les classes les plus aisées sont peu importantes et la base des classes populaires est aussi réduite.

Modèle en sablier (1975 à nos jours)

  ____
 /    \          Classes aisées
 \    /
  |  |          Classes moyennes
 /    \       
/      \
\      /
 \____/        Classes populaires

Ici, la classe moyenne s'est disloquée, une partie accède aux classes supérieures (ascension sociale) mais la majorité est reclassée vers les couches populaires. Cela décrit un phénomène d'enrichissement des plus riches et de paupérisation des plus pauvres engendrant la disparition de la classe moyenne.

Le fantasme du « déclin » de la classe moyenne

Maurin et Goux[3] bousculent les idées généralement admises : leurs études s'appuient sur les enquêtes emploi de l'Insee entre 1982 et 2009, ainsi que sur les fichiers des logements par commune du Ministère de l’Équipement. Leur constat est que « le déclassement des classes moyennes, thème récurrent de notre histoire politique et sociale, reste à bien des égards une fiction ».

Selon eux, les classes dites moyennes — depuis les années 1980 — n'ont pas connu vis-à-vis des autres groupes sociaux de déclin du point de vue salarial ni de déclassement résidentiel, tandis que le prestige social de leurs professions est resté très fort. Elles incarnent plutôt une France « qui tient » et une France « qui monte ».

Les auteurs pointent l'utilisation du fantasme du déclin par les politiques[12] :

  • La droite dépeint des classes moyennes étranglées par des prélèvements dont elles ne bénéficient guère ;
  • La gauche agite le risque de leur paupérisation.

Ces représentations trop simplistes peuvent attiser la défiance et fragiliser le lien social. Éric Maurin met en avant la notion de « mouvement social » plutôt que de « catégories statiques et concurrentes : on oublie souvent que les classes moyennes d'aujourd'hui sont pour une large part les pauvres d'hier, et qu'elles savent avoir bénéficié de la redistribution. Il faut aussi tenir compte des services publics, notamment de l'école, dont les classes moyennes ont su tirer parti. »

Une classe valorisée

Alors que la classe moyenne est censée être en voie de disparition, un nombre croissant d'individus s'en réclament. La classe moyenne est le stéréotype de « l'idéal raisonnable »[réf. nécessaire].

  • Intrusion par le haut : on se dit plus facilement de la classe moyenne que de la petite bourgeoisie ; en effet la classe moyenne inspire des valeurs positives (ascension sociale par le travail) tandis que la bourgeoisie est chargée d'une symbolique plus négative (classe exploitante ou héréditaire).
  • Intrusion par le bas : la classe moyenne est généralement perçue comme un mode de vie inspiré de l'american way of life auquel adhèrent des classes plus modestes qui peuvent consommer au-dessus de leurs moyens et ainsi réaliser une ascension sociale symbolique.
Sentiment d’appartenir à une classe sociale et situation par rapport à l’emploi[13]
« À quelle classe avez vous le sentiment d'appartenir ? »
Réponse Actifs ayant un emploi Retraités Ensemble des adultes
La classe moyenne 42 % 36 % 40 %
La classe ouvrière 24 % 24 % 23 %
La bourgeoisie 3 % 7 % 4 %
Classe défavorisée 7 % 7 % 8 %
Classe privilégiée 8 % 5 % 8 %
Un groupe professionnel 11 % 11 % 9 %
Un groupe social 2 % 3 % 2 %
Autre 3 % 7 % 6 %

Critique de la notion

Inexistence

L’existence même d’une classe moyenne est parfois remise en cause.

Le sociologue Jean Lojkine parle du « mythe de la classe moyenne »[14].

Alain Accardo considère que la classe moyenne (comme les classes moyennes) n'existe pas (du à son individualisme et son désir de distinction).

« Elle n'est qu'une notion classificatoire commode pour désigner une nébuleuse de positions empiriques gravitant dans l'espace social intermédiaire[15] »

Mauvais classement : Prolétariat

Les personnes considérées comme faisant partie des « classes moyennes » appartiendraient en fait au prolétariat.[réf. nécessaire]

Bibliographie

  • Alain Accardo, Le Petit-Bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes, Agone, coll. « Contre-feux », 2009.
  • Serge Bosc (dossier réalisé par), Les classes moyennes, Problèmes politiques et sociaux n° 938-939, 2007.
  • Serge Bosc, Sociologie des classes moyennes, La Découverte, coll. « Repères », 2008.
  • Louis Chauvel, Les Classes moyennes à la dérive. Seuil, Paris, 2006, (ISBN 2020892448).
  • Julien Damon, « Les classes moyennes : définitions et situations », Études, no 416,‎ , p. 605-616 (lire en ligne, consulté le ).
  • Julien Damon, Les classes moyennes, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2013.
  • Massimo Gaggi et Edoardo Narduzzi, La Fin des classes moyennes, Liana Levi, 2006.
  • Dominique Goux et Éric Maurin, Les nouvelles classes moyennes, éditions du Seuil, coll. « La République des idées », , 461 p. (ISBN 978-2-02-107147-4, présentation en ligne).
  • Alain Lipietz, La Société en sablier. Le partage du travail contre la déchirure sociale, Paris, La Découverte, 1996. Réédition augmentée : 1998, (ISBN 978-2-7071-2847-8).
  • Jean Lojkine, L'Adieu à la classe moyenne, La Dispute, 2005.
  • Jean Rulhmann (préf. Serge Berstein), Ni bourgeois ni prolétaires : la défense des classes moyennes en France au XIXe siècle, Seuil, coll. « L'univers historique », , 461 p. (ISBN 2-02-029141-X, présentation en ligne).
  • Laurent Wauquiez, La Lutte des classes moyennes, Éditions Odile Jacob, 2011.

Notes et références

  1. a et b Julien Marion, « "La classe moyenne est passée de 54 à 58,7% de la population" », sur bfmtv.com, (consulté le ).
  2. a et b Nicolas Six et Delphine Roucaute, « Qu'est-ce que la classe moyenne ? », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  3. a et b Goux et Maurin 2012.
  4. Françoise Fressoz, « Les classes moyennes au centre du débat politique », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  5. Leonardo Ebner, « Comptes rendus de lecture - Dominique GOUX, Éric MAURIN, 2012, Les Nouvelles Classes moyennes, Paris, Seuil, « La République des Idées », 124 p. », Revue européenne des sciences sociales,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. Francis Fukuyama, « La nouvelle lutte des classes », The Wall Street Journal,‎ .
  7. www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/.../publikationen.Document.167315.pdf
  8. Boccara Paul, « Défis identitaires de classe des salariés. Des divisions et rapprochements affectant les travailleurs et la classe ouvrière à la montée de l’identité de l’ensemble salarial », Économie et politique, n° 588-589, juillet-août 2003, cité sur le site du PCF.
  9. Joseph Schumpeter, Impérialisme et classes sociales, 1951
  10. « Visualisez si vous êtes riche, aisé, «moyen», «populaire» ou pauvre »
  11. Article du Figaro "Les pouilleux, comptez-vous !" du 12 juin 2014.
  12. La Croix, mardi 17 janvier 2012.
  13. [PDF]Source, Insee première.
  14. « Nouveaux rapports de classe et crise du politique dans le capitalisme informationnel ».
  15. Alain Accardo, Pour une socioanalyse du journalisme. Considéré comme une fraction emblématique de la nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle. Agone, Marseille, 2017, pages 121 et suivantes

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes