Michel Blanc-Dumont

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Michel Blanc-Dumont, né le à Saint-Amand-Montrond (Cher), est un dessinateur de bande dessinée, illustrateur, affichiste et artiste peintre[1] français. Il vit et travaille près d'Épernon[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Michel Blanc-Dumont est né dans une famille dont certains des membres ont fait une carrière artistique. Son arrière-arrière-grand-père, cousin de Nadar, avec qui il travaillait dans le même atelier, était dessinateur humoristique et satirique pour le journal Le Charivari, entre autres. Il a laissé de nombreux dessins de cavaliers et de chevaux, réalisés pendant son service militaire. Son père, après l'École nationale supérieure des beaux-arts, a été sculpteur et céramiste avant d'ouvrir un atelier de restauration d'objets d'arts[2].

Quittant Saint-Amand Montrond, sa famille s'installe à Courbevoie[3].

Peu doué pour l'école, mais grand lecteur de revues de bandes dessinées[2] (Fripounet, Tintin, Spirou, Pilote…), il commence à dessiner très tôt.

En 1964, sur les conseils de son père qui le pousse à continuer le dessin, il entame des études à l'École Olivier-de-Serres[3] à Paris, où il rencontre F'Murrr et se dirige vers l'illustration et la bande dessinée, malgré le fait que ce genre soit mal vu dans les écoles d'art[2].

Pendant ses années d'études, il découvre un ranch dans le Quercy où débute sa passion pour les chevaux et le dressage. Il créera en 1981 l’Association française du Quarter Horse (AFQH), race chevaline américaine issue du mélange d'autres races, dont il ramène des États-Unis plusieurs exemplaires pour son ranch[3]. Il remporte régulièrement des trophées couronnant les plus beaux spécimen de la race, comme en 1992, à l'Open Grand Champion Mare, en France, avec sa jument Lil Daisy Glow[1].

Lecteur du journal Pilote, il participe au concours Nicolas Goujon organisé par les éditions Fleurus qui y est annoncé, échoue, mais est contacté par le dessinateur Robert Gigi, membre du jury, qui a apprécié la qualité de son dessin et lui met le pied à l'étrier en lui faisant notamment rencontrer Claude Moliterni[3]. C'est ainsi que ses premiers dessins sont publiés à partir de 1973 dans les magazines Phénix et Jeunes années[4].

En 1974, grâce à son frère qui travaille dans un commerce nommé Indian trading post, il rencontre la scénariste Laurence Harlé, femme du directeur, passionnée comme lui de l'univers du western[3], avec laquelle il crée la série Jonathan Cartland qui est prépublié d'abord dans Lucky Luke puis dans Pilote à partir de 1977.

Cette série est consacrée une première fois au festival d'Hyères, où Laurence Harlé reçoit le prix du scénario pour Silver canyon en 1984, puis en 1988 lors du 15e festival international de la bande dessinée d'Angoulême, où Michel Blanc-Dumont et Laurence Harlé reçoivent le prix du meilleur album de l'année pour Les Survivants de l'ombre[5].

Il s'essaye à un nouveau genre en 1990, en créant la série policière Colby qui se déroule dans l'Amérique des années 1940, sur un scénario de Greg.

À la suite de tensions entre son éditeur et sa scénariste, il arrête la série Jonathan Cartland après la parution de l'album Les Repères du diable en 1995 avec regret[3], espérant qu'un dessinateur reprendra un jour cette série à laquelle il est très attaché.

En 1997, à la demande de Jean Giraud, il rejoint la réalisation de la série La Jeunesse de Blueberry avec François Corteggiani au scénario. Le travail de Michel Blanc-Dumont était très apprécié du scénariste original, Jean-Michel Charlier : « Si je n’avais pas eu la chance de rencontrer Giraud, c’est avec Blanc-Dumont que j’aurais aimé me lancer dans la saga de Blueberry[3]. »

Il était marié à Claudine Blanc-Dumont, coloriste[6], décédée en 2012.

Style[modifier | modifier le code]

Michel Blanc-Dumont se documente beaucoup pour ses dessins, à partir de sa propre collection d'objets américains ou à partir d'ouvrages spécialisés. Il possède par exemple un Bowie knife ou une réplique de revolver colt Navy[1], celui que le personnage de Louis le métis offre à Jonathan Cartland[7]. Ce souci documentaire historique et le soin accordé à son travail préparatoire à la mise en dessin, sans compter ses autres occupations, font que sa production a tendance à s'échelonner dans le temps, et il faut compter en moyenne deux années entre chaque album.

Son dessin s'inspire d'abord d'Harold Foster, de Jijé et de Jean Giraud[2], avant qu'il construise son propre univers graphique, facilement identifiable, un style réaliste au modelé fin et précis, pointilliste en certaines zones. Il est à ce titre régulièrement sollicité pour des publicités, comme pour le lancement de la Peugeot 205 en 1983[1], où il mélange son univers de prédilection, le western, avec celui de la célèbre petite voiture, ou bien pour des affiches[8] et des illustrations d'articles[9].

Son dessin a également été marqué par le travail des peintres du XIXe siècle Charles Marion Russell, Frederic Remington et Harold von Schmidt, qui se sont intéressés à l'univers de l'Ouest américain. Michel Blanc-Dumont s'est lancé lui aussi dans la peinture de genre, où il prenait plaisir à mettre en scène des chevaux[1].

Paradoxalement, son goût du détail dessiné ne l'empêche pas de donner la priorité au récit : « Je suis de l'école de Jijé. Pour moi, le trait noir et blanc doit se suffire à lui-même […]. Nous sommes d'abord des raconteurs d'histoires[1]. » Sa collaboration avec Laurence Harlé le conduit à fouiller la dimension psychologique des personnages, ceux-ci étant en proie à des conflits intérieurs et à des tourments psychologiques[10]. Jonathan Cartland, par exemple, est un héros fragile[11].

Au moment de sa collaboration avec Michel Greg[12], il s'inspirait d'un découpage écrit, alors que pour Blueberry, Blanc-Dumont suit assez fidèlement les storyboards que dessine parfois François Corteggiani[1].

Thèmes et genres[modifier | modifier le code]

Le western[modifier | modifier le code]

Presque tous les récits dessinés par Michel Blanc-Dumont et scénarisés par Laurence Harlé se situent aux États-Unis, dans la période qui intéresse le plus Michel Blanc-Dumont, celle qui va de 1850 à 1950, ce qui lui permet de mettre en images sa passion pour l'histoire américaine[13], ses immenses espaces et les chevaux[14].

La dénonciation de l'injustice et de l'intolérance[modifier | modifier le code]

Elle concerne surtout celle subie par les Amérindiens et le génocide qu'ils ont vécu[15], mais on rencontre également la dénonciation du mépris social ou de classe, par exemple à travers le personnage de Cynthia-Ann[16], du racisme dans dont sont victimes les Mexicains, dans Silver canyon[17], des violences faites aux Noirs esclaves ou affranchis, dans Le Fantôme de Wah-Kee ou l'Enfant lumière, ou encore celles dont sont victimes les femmes comme le personnage d'Emily dans Silver canyon.

La série Jonathan Cartland dénonce également l'intolérance religieuse de la famille Cordwainer dans Les Doigts du chaos, et les ravages de la guerre civile dans Les Survivants de l'ombre.

Le récit policier[modifier | modifier le code]

C'est la série Colby qui l'incarne avec le plus d'évidence[18] mais certains scénarios de Laurence Harlé, notamment le Fantôme de Wah-Kee, Silver canyon ou Les Repères du Diable ou encore certains récits courts comme La mort de Tonnerre Jaune publié dans Courts Métrages intègrent certaines des caractéristiques du récit policier noir ou à intrigue.

Le fantastique[modifier | modifier le code]

Certains récits courts relèvent de la veine fantastique : Le Jour où, à travers la porte brisée, l'Assassin envahit la terre et Infiltration[19].

C'est cependant la série Jonathan Cartland qui donne à cette thématique le plus de place. Les événements inexplicables commencent dès Le Fantômes de Wah-Kee, où l'homme-médecine mandan que Jonathan a connu dans sa jeunesse semble communiquer avec lui par des songes et des visions, jusqu'à le sauver du personnage de Silver Blue, représenté dans ses rêves par le démon mandan O-Kee-He-Dee[20].

Le poids du destin, des malédictions indiennes ou bibliques[21], des sorts ou de la magie semblent ne jamais quitter le parcours de Jonathan jusqu'à ce qu'il retrouve un certain équilibre à partir de Silver canyon et redevienne peu à peu, à partir de 1862, le père qu'il avait cessé d'être après avoir abandonné son bébé en 1857 à Black Turtle, après la mort de Petite-Neige, drame qui l'avait entraîné dans une déchéance au cours de laquelle il avait connu des échecs professionnels et affectifs.

Même dans L'Enfant Lumière, Cartland a des visions prémonitoires qui se réalisent : celles de la prise en otage de son fils par le personnage de Kansas[22].

Publications[modifier | modifier le code]

Jonathan Cartland (ici 8 tomes).
  1. Jonathan Cartland, 1975 ;
  2. Dernier convoi pour l'Oregon, 1976 ;
  3. Le Fantôme de Wah-Kee, 1977 ;
  4. Le Trésor de la femme araignée, 1978 ;
  5. La Rivière du vent, 1979 ;
  6. Les Doigts du chaos, 1982 ;
  7. Silver canyon, 1983 ;
  8. Les Survivants de l'ombre, 1987 ;
  9. L'Enfant lumière, 1989 ;
  10. Les Repères du diable, 1995.
  • Courts Métrages, textes de Laurence Harlé, Serge Letendre, Claude Gemignani, édité chez Dargaud, 1985. Cet album recueille des récits courts publiés entre 1972 et 1985 dans les revues Phénix, Jeunes années, Pilote, Métal Hurlant, Super Tintin, À Suivre[2].
  • Colby (dessin), avec Greg (scénario), Dargaud :
  1. Altitude moins trente, 1991 ;
  2. Le Soleil est mort deux fois, 1993 ;
  3. Bombardier pour Mexico, 1997.
10. La Solution Pinkerton, 1998 ;
11. La Piste des maudits, 2000 ;
12. Dernier train pour Washington, 2001 ;
13. Il faut tuer Lincoln, 2003 ;
14. Le Boucher de Cincinnati, 2005 ;
15. La Sirène de Veracruz, 2006 ;
16. 100 dollars pour mourir, 2007 ;
17. Le Sentier des larmes, 2008 ;
18. 1276 âmes, 2009 ;
19. Rédemption, 2010 ;
20. Gettysburg, 2012 ;
21. Le convoi des bannis, 2015.

Prix[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g et h Olivier Cassiau, Sur la piste avec Blanc-Dumont, Editions Petit à petit, 2000, p. 9 à 21.
  2. a b c d et e Gilles Ratier, revue Hop, n°53, 1992, p.6 à 11.
  3. a b c d e f et g interview de Michel Blanc-Dumont par Marc Dacier, à lire sur le site Actuabd.com, article Je porte le western en moi, 18 octobre 2014: [1].
  4. L'Encyclopédie des bandes dessinées, Albin Michel, 1986 p. 35
  5. Mattéo Sallaud, « BD : au festival d’Angoulême, le prix du meilleur album prend du poids chaque année », Sud Ouest,‎ (lire en ligne)
  6. Notamment sur les albums de son mari, depuis au moins Les Doigts du Chaos, en 1982 où son nom est mentionné pour la première fois en page de garde.
  7. Dernier Convoi pour l'Oregon, p.22.
  8. Voir par exemple l'affiche du 5e anniversaire de l'agence de conseil et communication Torrent, 1991
  9. Voir par exemple l'article de L'Expansion, ce que la France peut y perdre, du 17 juin 1988.
  10. Voir à ce sujet Pierre Laurent Dautès à propos de Jonathan Cartland, maître de conférences à Sciences-Po Paris, intervention à l’École Européenne Supérieure de l’Image, dans le cadre d’un séminaire organisé à Angoulême par le réseau Canopé et la CIBDI. Lire la conférence en ligne sur le site casesdhistoire, article Le western en bande dessinée sur casesdhistoire.com, du 15 février 2016 : [2].
  11. Patrick Gaumer, article « Jonathan Cartland », dans Larousse de la BD Paris : Larousse, 2004, p. 430.
  12. Michel Blanc-Dumont était ravi de travailler avec Greg, qu'il admirait: "J'ai toujours eu une passion pour ses séries et plus particulièrement bien sûr pour Comanche et Bernard Prince", Olivier Cassiau, Op. Cit., p.21.
  13. Notamment la Guerre de Sécession avec la série Blueberry.
  14. Seuls deux de ses récits, publiés dans Courts métrages, se situent en France: Le Jour où, par la porte brisée, l'Assassin envahit la terre et Beatles for ever
  15. Voir également à ce sujet les récits courts Prémonition, Une ville propre, Flash back et La Mort de Tonnerre Jaune dans Courts métrages
  16. Le Trésor de la femme araignée, p.7.
  17. p.22.
  18. les éditions Dargaud la présentent comme un polar.
  19. Publiés dans Courts métrages.
  20. Pour Jacques de Pierpont, la dimension fantastique de la série ne commence véritablement qu'à partir de l'album La Rivière du vent. Voir son article « Silver Canyon », dans Les Cahiers de la bande dessinée no 56, février-mars 1984, p. 50.
  21. Le personnage de Bickett avertit les héros de La Rivière du vent d'une apocalypse à venir, d'une punition divine, qui se réalise dans le second tome du récit.
  22. P.30, 35, 36 et 39.
  23. Thierry Groensteen et collectif, Primé à Angoulême : 30 ans de bande dessinée à travers le palmarès du festival, Éditions de l'An 2, (ISBN 2-84856-003-7)

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]