Irradiation des aliments

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L'irradiation des aliments consiste à exposer des aliments à des rayonnements ionisants afin de réduire le nombre de micro-organismes qu'ils contiennent.
C'est une méthode controversée de conservation des aliments, mais très utilisée.

Ce procédé a été autorisé par la Food and Drug Administration, le Département de l'Agriculture des États-Unis et accepté par l'OMS pour l'alimentation humaine après des recherches scientifiques extensives.

Il diffère de la stérilisation car il ne vise pas nécessairement à détruire la totalité des germes ; l'irradiation détruit efficacement certains microorganismes et de nombreuses bactéries du genre Vibrio (V. vulfunicus, V. cholerae, V. parahaemolyticus), par exemple, mais on connaît des souches très résistantes à la radioactivité ou radiorésistantes. Enfin, ce procédé ne peut pas éliminer totalement le risque de maladies virales tels que le norovirus ou le virus de l’hépatite A, mais peut néanmoins réduire le risque d'infection, selon la publication de 2013 des résultats de travaux conduits par l'Université du Delaware[1].

Dénominations

L'irradiation des aliments est aussi dénommée ionisation des aliments ou pasteurisation à froid, respectivement parce qu'exposant l'aliment à un rayonnement ionisant et parce qu'il ne suppose pas de traitement thermique, tout en visant la conservation des aliments.

Ces deux derniers termes sont également utilisés car plus positifs aux yeux du public qu'irradiation.

On parle également de radioconservation des aliments.

Avantages et inconvénients

L'irradiation de la nourriture est une technique développée par des entreprises agroalimentaires parce que les aliments ainsi irradiés s'abîment moins (et donc se conservent plus longtemps). Le procédé réduit également le risque de contamination par un organisme pathogène[2]. Effets observés :

Avantages (santé, consommation)

Inconvénients et questions sur la sécurité alimentaire

À des doses supérieures à 6 kilogray, l'irradiation peut dégrader les vitamines ainsi que d'autres nutriments, diminuant ainsi les qualités nutritives du produit. Elle peut avoir un impact négatif sur le goût, l'odeur et la texture des aliments traités. En France, la dose de 10 kilogray est autorisée pour le traitement des céréales, de la farine de riz ou des épices, et la dose de 5 kilogray ne doit pas être dépassée pour la viande ou le poisson[3].

Les aliments doivent être irradiés assez longtemps pour que les bactéries et moisissures ciblées soient inactivées.

Les organismes irradiés à ces doses ne peuvent plus germer (ce qui empêche leur mise en culture par le consommateur, mais empêche aussi le germe d'éventuellement se nécroser et former une pulpe noire).

Historique de la polémique en France

L'irradiation pourrait aussi créer des composés qui seraient toxiques pour l'homme, même cytotoxiques et mutagènes[4].

  • En ce qui concerne les glucides et plus particulièrement l'amidon de maïs, composant de base d'un grand nombre de denrées alimentaires manufacturées, les produits de radiolyse retrouvés ne présentent pas d'effet toxique potentiel pour l'espèce humaine[5],[6]
  • En ce qui concerne les lipides, cela a constitué un sujet de controverses[7] entre une équipe de chercheurs et le CSAH (comité scientifique pour les aliments humains[8]). Certains de ces composés, 2-alkylcyclobutanones (2-ACB), produits par la dégradation des graisses dans les aliments qui en contiennent, seraient cancérogènes sur les souris, selon notamment une étude menée par le Laboratoire d'Oncologie Nutritionnelle de Strasbourg en 2002[9](cancer du côlon. En novembre 2011, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a toutefois considéré que les 2-ACB produits n'étaient pas significativement plus nombreux que lors d'une cuisson traditionnelle (en disant se fonder sur les résultats d'une étude [10] de 1999 de l' OMS dont ce ne sont pourtant pas les conclusions mais une simple hypothèse[11]).

L'AESA n'a pas retenu comme concluant les résultats des études tendant à démontrer le caractère mutagène ou cancérogène de l'irradiation des aliments pour déterminer sa position sur la question[12], mais s'interroge[13] sur les atteintes neurologiques observées chez des chats nourris avec des aliments irradiés (à des doses plus importantes ; entre 25 et 50 kGy ; très supérieures aux 10 kGy maximaux utilisés pour l’alimentation humaine[13], mais le chat vit moins longtemps que l'homme). Cependant, selon l'Efsa, ces effets n'ayant été observés que chez le chat et non chez le chien, ils pourraient simplement révéler une sensibilité particulière du chat, par exemple à une déficience en vitamines (dégradées par l’irradiation) ou aux peroxydes résultant de ce type de traitement[13].

Procédé

Dans l’industrie, on distingue[14] :

  • la radappertisation (entre 20 et 50 kilo Gray)
  • la radicidation (égal ou inférieur à 10 kGy)
  • la radurisation.

Irradiation par faisceau d'électrons

L'irradiation par faisceau d'électrons utilise des électrons accélérés par un champ électrique à des vitesses proches de celle de la lumière. Des régulations internationales limitent l'énergie du faisceau de façon à assurer qu'aucune radioactivité ne soit induite.

Les électrons ont une section efficace nettement plus importante que les photons, de sorte qu'ils ont une pénétration faible et que les fruits doivent être traités individuellement. Le traitement est par contre rapide (quelques secondes). Les opérateurs sont protégés par des parois en béton.

Le recours à des faisceaux de plus haute énergie pour traiter des huitres (sans dépasser 5,5 kGy) a permis d'éliminer 90% du norovirus présent sur les huîtres, ce qui est quantitativement très significatif, mais qui ne permet de réduire que de 26% le risque de maladie pour le consommateur. Le traitement ne serait vraiment efficace que pour une dose maximale d’irradiation, appliquée à des aliments très peu contaminés par le norovirus). Le virus de l’hépatite A est quant à lui réduit, jusqu’à 94%, avec un risque d'infection diminué de 91% dans les conditions très propices, mais non en cas de titrage élevé de virus. Sur des échantillons normaux (moyens), la diminution du nombre de virus infectant ne serait que de 16%.

Irradiation par rayons gamma

Ce rayonnement est obtenu à l'aide de radioisotopes, généralement du cobalt 60, et plus rarement du césium 137. C'est la technologie la plus efficace en termes de coûts, car la pénétration des rayons gamma permet le traitement de palettes entières, ce qui diminue fortement la manutention. Une palette est typiquement exposée au rayonnement pendant plusieurs minutes, selon la dose que l'on veut obtenir. La radioprotection prend la forme de boucliers en béton. La plupart des installations prévoit que la source radioactive puisse être immergée pour permettre la maintenance, l'eau absorbant tous les rayons. D'autres installations comprennent des boucliers mobiles. Il existe une conception qui maintient le cobalt 60 constamment immergé, et les produits à irradier sont placés sous des cloches hermétiques pour leur traitement.

Irradiation par rayons X

Les rayons X et les rayons gamma sont de même nature, mais sont produits différemment : alors que les rayons gamma sont produits lors de la désintégration radioactive des noyaux des atomes ou d'autres processus nucléaires ou subatomiques, les rayons X sont produits par des transitions électroniques et sont surtout utilisés dans de nombreuses applications dont l'imagerie médicale (« radiographie conventionnelle »[15]) et la cristallographie.

L'irradiation des aliments dans le monde

Union européenne

Le traitement par ionisation des denrées alimentaires est soumis à une réglementation particulière[16].

Actuellement, cinq pays de l'Union européenne autorisent l'irradiation d'aliments : la Belgique, la France, les Pays-Bas, l'Italie et le Royaume-Uni.

Les autres pays de l'Union européenne n'importent pas d'aliments irradiés.

Certains pays de l'Union européenne autorisent l'irradiation pour d'autres produits alimentaires que ceux qui sont traités par la France. Ainsi, le Royaume-Uni pratique l'irradiation pour les légumes, les fruits, les céréales et les poissons. Ces produits peuvent ensuite circuler librement dans l'UE ou bien être incorporés dans des plats cuisinés ou dans d'autres produits agro-alimentaire de pays n'autorisant pas l'irradiation de ces aliments.

France

En France, les aliments suivants peuvent être soumis à un traitement par ionisation :

Suisse

En Suisse, l'irradiation des aliments est sujette à demande d'autorisation de la part de l'office fédéral de la santé publique. La première autorisation concernant l'irradiation d'herbes et d'épices séchées a été donnée en mai 2007[35].

Signalétique

Le logo RADURA aux États-Unis

Au Canada, tous les produits alimentaires traités par irradiation doivent présenter le logo RADURA sur leur emballage[36].

En France, comme en Europe, toute denrée irradiée doit porter la mention « traité par rayonnements ionisants » ou « traité par ionisation ». En pratique, cette signalétique n'apparaît quasiment jamais au consommateur dans la mesure où les ingrédients irradiés sont le plus souvent incorporés dans des plats préparés où ils sont mélangés à d'autres non irradiés.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. (en) Chandni Praveen, Brooke A. Dancho, David H. Kingsley, Kevin R. Calci, Gloria K. Meade, Kristina D. Mena et Suresh D. Pillai, « Susceptibility of Murine Norovirus and Hepatitis A Virus to Electron Beam Irradiation in Oysters and Quantifying the Reduction in Potential Infection Risks », Appl. Environ. Microbiol.,‎ (ISSN doi:10.1128/AEM.00347-13[à vérifier : ISSN invalide], lire en ligne)
  2. (en) anon., Food Irradiation – A technique for preserving and improving the safety of food, WHO, Geneva, 1991
  3. Agence Internationale pour l'Énergie Atomique
  4. (en) Nadine Knoll, Anja Weise, Uwe Claussen, Wolfgang Sendt, Brigitte Marian, Michael Glei, Beatrice L. Pool-Zobel « 2-Dodecylcyclobutanone, a radiolytic product of palmitic acid, is genotoxic in primary human colon cells and in cells from preneoplastic lesions » Mutation Research/Fundamental and Molecular Mechanisms of Mutagenesis, volume 594, no 1–2, 22 février 2006, p. 10–19) (résumé)
  5. Louis Saint-Lèbe, Gérard Berger, Alain Mucchielli, Bernard Coquet, « Évaluation toxicologique de l'amidon de maïs irradié », dans Radiation Preservation of Food, International Atomic Energy Agency, p. 727-740, Vienne, 1973 FAO Online Catalogues
  6. Louis Saint-Lebe, Gérard Berger, Alain Mucchielli, « Influence d'une irradiation gamma sur la salubrite et les proprietes technologiques de l'amidon de mais », Panel on Improvement of Food Quality by Irradiation, 18 juin 1973, Panel proceedings series, Vienna (Austria), International Atomic Energy Agency. p. 51-60 FAO Online Catalogues
  7. http://www.mijarc.info/fileadmin/MIJARC/Europe/Downloads/Press_release/Lettre_ouverte_2010.pdf; partie "Des risques sanitaires" et références 13, 14 et 15
  8. http://www.contactalimentaire.com/index.php?id=546
  9. Raul F, Gosse F, Delincee H, Hartwig A, Marchioni E, Miesch M, Werner D, Burnouf D.: Food-borne radiolytic compounds (2-alkylcyclobutanones) may promote experimental colon carcinogenesis (Nutr Cancer. vol. 44, no 2, p. 189-91)
  10. High-Dose Irradiation: Wholesomeness Of Food Irradiated With Doses Above 10kGy (FAO, Genève, 1999)]
  11. p. 23
  12. http://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/cef110406.htm?wtrl=01
  13. a b et c L’irradiation des aliments sans danger, mais des points à éclaircir, Journal de l'environnement, 2011-04-15
  14. Alphonse Meyer, José Deiana et Alain Bernard, Cours de microbiologie générale avec problèmes et exercices corrigés’’, Doin, 2004, 430 p. (ISBN 2-7040-1170-2), p. 229.
  15. Anatomie médicale, de Moore et Dalley, 2e édition, 2007, ISBN 978-2-8041-5309-0
  16. Législation UE
  17. arrêté du 29 décembre 1988 relatif au traitement par rayonnements ionisants des fraises
  18. a b et c arrêté du 21 juin 1984 relatif au commerce des aulx, oignons et échalotes traités par rayonnements ionisants
  19. a et b arrêté du 17 mai 1985 relatif au traitement par rayonnements ionisants de la gomme arabique, des légumes déshydratés et des flocons et germes de céréales
  20. arrêté du 6 janvier 1988 relatif au traitement par rayonnements ionisants des légumes secs et fruits secs
  21. arrêté du 17 juillet 1991 relatif au traitement par rayonnements ionisants de certains fruits secs
  22. arrêté du 4 novembre 1988 relatif au traitement par rayonnements ionisants des farines de riz et de leurs produits de turboséparation
  23. arrêté du 30 mai 1997 relatif au traitement par rayonnements ionisants des abats de volaille
  24. arrêté du 27 août 1990 relatif au traitement par rayonnements ionisants de viandes de volaille ;
  25. arrêté du 3 mai 1988 relatif au traitement par rayonnements ionisants des cuisses de grenouilles congelées
  26. arrêté du 19 novembre 1986 relatif au traitement par rayonnements ionisants de sang animal, de plasma et de cruor déshydraté
  27. arrêté du 2 octobre 1990 relatif au traitement par rayonnements ionisants des crevettes décortiquées ou étêtées, congelées ou surgelées
  28. arrêté du 1er octobre 1990 relatif au traitement par rayonnements ionisants du blanc d'œuf liquide, déshydraté ou congelé
  29. arrêté du 17 juillet 1991 relatif au traitement par rayonnements ionisants de caséines et caséinates destinés à l'alimentation humaine
  30. Journal Officiel des communautés européennes du 24.11.2009 C283/5 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2009:283:0005:0005:FR:PDF
  31. arrêté du 23 mars 1993 relatif au traitement par rayonnements ionisants des camemberts fabriqués à partir de lait cru
  32. arrêté modifié du 1er septembre 1982 relatif au commerce des épices et aromates irradiés
  33. arrêté du 15 mai 1990 relatif au traitement par rayonnements ionisants des herbes aromatiques surgelées
  34. arrêté modifié du 17 octobre 1975 relatif au commerce des aliments composés irradiés pour animaux de laboratoire
  35. Irradiation des denrées alimentaires sur le site de l'OFSP
  36. Direction des Aliments (Canada) : Exigences d'étiquetages en vigueur - Produits irradiés