Fénelon

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Fénelon
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Portrait de Fénelon par Joseph Vivien
Nom de naissance François de Salignac de La Mothe-Fénelon
Naissance
Sainte-Mondane
Décès (à 63 ans)
Cambrai
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture français
Mouvement Classiscisme

Œuvres principales

Traité de l'éducation des filles (1687)
Lettre à Louis XIV (1693)
Les Aventures de Télémaque (1699)

François de Salignac de La Mothe-Fénelon dit Fénelon, né le au château de Fénelon à Sainte-Mondane, mort le à Cambrai, est un homme d'Église, théologien et écrivain français.

Précepteur du duc de Bourgogne, archevêque de Cambrai (1695-1715), il s'opposa à Bossuet et tomba en disgrâce lors de la querelle du quiétisme, et surtout, après la publication de son roman, Les Aventures de Télémaque (1699), considéré comme une critique de la politique de Louis XIV. L'influence littéraire de ce roman fut considérable pendant plus de deux siècles.

Biographie

Origine et parcours

Fénelon, né le au château de Fénelon à Sainte-Mondane, était issu d'une famille noble du Périgord, ancienne mais appauvrie. Il est le fils de Pons de Salignac (1601-1663)[1], marquis de La Mothe-Fénelon et de la seconde épouse de ce dernier, Louise de La Cropte[2]. Plusieurs des ancêtres de Fénelon s'étaient occupés de politique, et sur plusieurs générations certains avaient servi comme évêques de Sarlat. Comme il était un cadet (son père ayant eu neuf enfants de sa première épouse, Isabeau d'Esparbes de Lussan, et trois de sa seconde, dont Fénelon[2]), il fut destiné de bonne heure à une carrière ecclésiastique, tout comme son demi-frère homonyme issu du premier lit, François Pons de Salignac comte de La Mothe-Fénelon[2], sulpicien et missionnaire au Canada.

Dans son enfance Fénelon reçut l'enseignement d'un tuteur au château de Fénelon, qui lui donna une solide connaissance du grec ancien et des classiques. En 1667, à l'âge de seize ans, on l'envoya à l'université de Cahors où il étudia la rhétorique et la philosophie. Quand le jeune homme exprima son attirance pour une carrière dans l'Église, son oncle, le marquis Antoine de Fénelon (ami de Jean-Jacques Olier et de saint Vincent de Paul, il avait participé à la fondation de la Compagnie du Saint-Sacrement dont les principes influenceront profondément son neveu) l'envoya étudier au collège du Plessis, dont les étudiants en théologie recevaient le même enseignement que ceux de la Sorbonne. Il s'y lia avec Louis Antoine de Noailles, qui plus tard devint cardinal et archevêque de Paris. Fénelon montra un tel talent au collège du Plessis qu'il y prêcha avec succès dès l'âge de quinze ans[3].

Après avoir, à partir de 1672, étudié au séminaire Saint-Sulpice, également proche des jésuites, il fut reçu docteur en théologie à l'université de Cahors le 26 mars 1677[4] et ordonné prêtre à Sarlat, le 17 avril 1677[5]. Attirant l’attention sur lui par de belles prédications, il fut nommé en juin 1679[6] par l'archevêque de Paris supérieur de l’Institut des Nouvelles Catholiques, un internat parisien consacré à la rééducation de jeunes filles de bonne famille dont les parents, d’abord protestants, avaient été convertis au catholicisme[7].

Une ascension remarquable

La statue de François Fénelon sur la place Saint-Sulpice à Paris

Ses fonctions l'inspirèrent et dès 1681 il consigna son expérience pédagogique dans son Traité de l'éducation des filles (qui ne fut publié qu’en 1687) initialement pour l'usage du duc et de la duchesse de Beauvilliers. À la fin de 1685, après la révocation de l'Édit de Nantes de 1598, sur la recommandation de Bossuet, Louis XIV lui confia la direction d'une mission en Aunis et Saintonge, convertir les Protestants[8].

Pendant ces années-là il faisait partie du cercle qui entourait Bossuet, le fougueux porte-parole de l’épiscopat français. En 1688 il fut présenté à Madame de Maintenon, seconde épouse de Louis XIV. Celle-ci sympathisait à l’époque avec Madame Guyon, femme mystique et pieuse, et avec son quiétisme. Elle l’impressionna profondément quand ils firent connaissance.

Saint-Simon le décrit ainsi :

« Plus coquet que toutes les femmes, mais en solide, et non a misères, sa passion étoit de plaire, et il avoit autant de soin de captiver les valets que les maîtres, et les plus petites gens que les personnages. Il avoit pour cela des talents faits exprès : une douceur, une insinuation, des grâces naturelles et qui couloient de source, un esprit facile, ingénieux, fleuri, agréable, dont il tenoit, pour ainsi dire, le robinet pour en verser la qualité et la quantité exactement convenable à chaque chose et à chaque personne ; il se proportionnoit et se faisoit tout à tous. »

Dans l’été 1689, sur la proposition de Madame de Maintenon dont il était entre temps devenu le conseiller spirituel, il fut nommé précepteur du duc de Bourgogne, âgé de sept ans, petit-fils de Louis XIV et son éventuel héritier. Il sut enseigner à son élève toutes les vertus d'un chrétien et d'un prince, et lui inspira pour sa personne une affection qui ne se démentit jamais. En 1690, il fut également chargé de l'éducation des deux frères du duc de Bourgogne, le duc d'Anjou et le duc de Berry[9].

Il acquit ainsi une position influente à la cour et fut admis à l’Académie française (1693) comme les autres précepteurs princiers. Cependant, il fut écarté de l'éducation princière d'abord par un éloignement temporaire à l'archevêché de Cambrai (nommé le 4 février 1695, confirmé le 30 mai 1695 et ordonné le 10 juillet 1695[10]) avant d'être disgracié. Il fut alors surnommé « le Cygne de Cambrai ».

Télémaque

Pour son élève royal (qui cependant devait mourir en 1712 sans être devenu roi, pas plus que son père mort l’année précédente), Fénelon écrivit plusieurs œuvres amusantes et en même temps instructives : d'abord une suite de fables, les Aventures d'Aristonoüs et les Dialogues des morts modernes, mais surtout, en 1694-1696, un roman éducatif d'aventures et de voyages Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse.

Dans ce roman à la fois pseudo-historique et utopique, il conduit le jeune Télémaque, fils d’Ulysse, flanqué de son précepteur Mentor (manifestement le porte-parole de Fénelon) à travers différents États de l’Antiquité, qui la plupart du temps, par la faute des mauvais conseillers qui entourent les dirigeants, connaissent des problèmes semblables à ceux de la France des années 1690, plongée dans des guerres qui l’appauvrissent, problèmes qui cependant peuvent se résoudre (au moins dans le roman) grâce aux conseils de Mentor par le moyen d’une entente pacifique avec les voisins, de réformes économiques qui permettraient la croissance, et surtout de la promotion de l'agriculture et l’arrêt de la production d’objets de luxe.

La disgrâce

Le plus grand adversaire de Fénelon à la cour fut Bossuet, qui l’avait d’abord soutenu. Déjà en 1694 il s’était opposé à lui dans l’affaire du quiétisme, querelle théologique, et en 1697 il avait essayé de le faire condamner par le pape pour son Explication des maximes des saints sur la vie intérieure, où il prenait la défense de Madame Guyon (celle-ci avait fini par être presque considérée comme une ennemie publique, au point qu’elle avait été arrêtée en 1698).

Fénelon se soumit avec humilité et abjura publiquement ses erreurs. À partir de 1698, Télémaque commença à circuler à la cour sous forme de copies, et on y vit tout de suite une critique à peine voilée contre la manière autoritaire du gouvernement de Louis XIV, contre sa politique étrangère agressive et belliqueuse et contre sa politique économique mercantiliste, orientée vers l'exportation. Cet ouvrage, que Fénelon n'avait pas voulu rendre public, lui avait été soustrait par un domestique infidèle.

Au début de 1699, Fénelon perdit son poste de précepteur et quand, en avril, son Télémaque fut publié (d'abord anonymement et sans son autorisation), Louis XIV y vit une satire de son règne, arrêta l'impression et disgracia l'auteur : Fénelon fut banni de la cour.

Le bannissement

Modèle du tombeau de Fénelon accompagné de ses 3 bas-reliefs pour la cathédrale de Cambrai par David d'Angers
Le tombeau de Fénelon par David d'Angers (1826), cathédrale de Cambrai

Vers 1700, il habita alors quelque temps en Belgique dans une demeure, longtemps appelée « la Belle Maison », se trouvant aux limites des communes de Pâturages et d’Eugies, puis il se retira dans son archevêché de Cambrai où, cessant toute activité en théologie et en politique, il essaya de se conduire de façon exemplaire, conformément aux enseignements de son personnage de Mentor (qui, dans le roman, n’était autre que Minerve alias Athéna, déesse de la Sagesse qui s’était ainsi déguisée). Retiré dans son diocèse, Fénelon ne s'occupa que du bonheur de ses fidèles ; il prit soin lui-même de l'instruction religieuse du peuple et des enfants, et se fit universellement chérir par sa bienfaisance.

Pendant le cruel hiver de 1709, il se dépouilla de tout pour nourrir l'armée française qui campait près de chez lui. La réputation de ses vertus attira à Cambrai nombre d'étrangers de distinction, entre autres Andrew Michael Ramsay qu'il convertit et qui ne le quitta plus. Il mourut en 1715 à l'âge de 64 ans.

Un chapitre des Mémoires de Saint-Simon est consacré à sa mort, en des termes plutôt élogieux.

Son dessein

Il a également été le précepteur du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, auquel il tentera d'inculquer une éducation éclairée sur les réalités du pouvoir, en lutte contre « l'excès de guerre » notamment. Il définit pour le jour où celui-ci deviendra roi de France un programme de gouvernement, les Tables de Chaulnes. Celles-ci, rédigées avec le duc de Chevreuse, prônaient la monarchie, seule capable de maintenir l'unité et la cohésion d'un grand État comme la France. Mais cette monarchie devait selon lui confier à la noblesse un large pouvoir : le roi gouverne certes, mais entouré de conseils reconstituant l'ancienne curia médiévale telle que se l'imaginaient Fénelon et Chevreuse ; le roi devait vivre des revenus de son domaine. Les États généraux doivent être réunis régulièrement ; composés des « meilleurs », ils sont seuls habilités à voter l'impôt, d'ailleurs modéré car les dépenses de l’État doivent être modérées, notamment par la limitation maximale de la guerre. L'administration du royaume doit être unifiée et en même temps décentralisée grâce à la suppression des commissaires et des intendants et par le rétablissement des pouvoirs des officiers et des assemblées locales. La vénalité des offices doit être abolie : officiers et magistrats doivent être nommés selon leur mérite et selon leur naissance. Fénelon veut, tout comme Saint-Simon, mettre un terme à l'ascension de la bourgeoisie en limitant drastiquement les possibilités d'anoblissement. Le commerce doit être libre. Enfin la France, abandonnant tout gallicanisme, rend autonomie et pouvoirs aux évêques. Les Tables de Chaulnes développent la pensée politique du Télémaque.

Analyse littéraire

Dans la France des XVIIIe et XIXe siècles, Télémaque fut un des livres pour les jeunes les plus lus (Aragon et Sartre l'avaient lu dans leur jeunesse). On le considère parfois comme un précurseur de l'esprit des Lumières.

On lui doit un assez grand nombre d'ouvrages, dont quelques-uns sont perdus, Louis XIV ayant fait brûler, à la mort du duc de Bourgogne, plusieurs de ses écrits qui se trouvaient dans les papiers du prince.

Œuvres de Fénelon

  • Traité de l'éducation des filles (1687) ;
  • Traité du ministère des pasteurs, (1688) ;
  • Réfutation du système du père Malebranche sur la nature et la grâce (1688) ;
  • Lettre à Louis XIV (1693) (sur le site recherche-fenelon.com).
  • Explication des maximes des saints sur la vie intérieure (1697) ;
  • Les Aventures de Télémaque (1699) ; sur Gutenberg.org
  • Dialogues des Morts et Fables, écrits composés pour l'éducation du duc de Bourgogne, 1700) (1712);
  • Lettre sur les occupations de l'Académie (1714) ;
  • Démonstration de l'existence de Dieu, tirée de la connaissance de la Nature et proportionnée à la faible intelligence des plus simples (1712), et avec une deuxième partie, 1718, souvent réimprimé, notamment en 1810 avec notes de Louis-Aimé Martin ;
  • Fables et opuscules pédagogiques (1718).
  • Dialogues sur l'éloquence, avec une Lettre à l'Académie française, (1718)[11] ;
  • Examen de la conscience d'un roi (pour le duc de Bourgogne), imprimé seulement en 1734 ;
  • des Sermons, qui pour la plupart furent prêches d'abondance
  • des Lettres spirituelles.

Publications anciennes

Les Œuvres de Fénelon ont été publiées par l'abbé Querbeuf aux frais du clergé de France, Paris, 1787-1792, 9 volumes in-4; mais cette publication fut interrompue par la Révolution.

La seule édition vraiment complète est celle qu'ont donnée Gosselin et Caron, d'après les manuscrits de l'auteur et avec sa Correspondance, 1830, 36 volumes in-8.

Édition récente

Fénelon, Œuvres, deux tomes (1983 et 1997), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. (édition présentée, établie et annotée par Jacques Le Brun)

Famille

Notes et références

  1. Sabine Melchior-Bonnet, Fénelon, Perrin, , p. 28
  2. a b et c Philippe Savignac, « Pons de Salignac », sur GeneaNet (consulté le )
  3. Sabine Melchior-Bonnet, op. cit., p. 31.
  4. http://www.kronobase.org/chronologie-categorie-Fran%C3%A7ois+F%C3%A9nelon.html
  5. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France : Bibliothèques de la Région Basse-Normandie, Librairie Droz, 1984, 186 pages, [lire en ligne], p. 228
  6. http://www.recherche-fenelon.com/page-12124-chronologie.html
  7. Henri Gouhier, Fénelon philosophe, Vrin, , p. 10
  8. Sabine Melchior-Bonnet, op. cit., p. 59.
  9. Henri Gouhier, op. cit., p. 11.
  10. http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bsalig.html
  11. icône Commons Pierre Larousse, « Éloquence de la chaire (dialogues sur l’) », Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, vol. 7e,‎ , p. 386-387 (lire en ligne)

Annexes

Sources et bibliographie

Bibliographie ancienne

Bibliographie récente

  • François Varillon, Œuvres spirituelles de Fénelon, introduction et choix de textes, Aubier, 1954
  • Jeanne-Lydie Goré, La Notion d'indifférence chez Fénelon, PUF, 1956
  • Marguerite Haillant, Fénelon et la prédication, Éd. Klincksieck, 1969, 246 p.
  • Jean Orcibal, Fénelon, sa famille et ses débuts, Éd. Klincksieck, 1972
  • Aimé Richardt, Fénelon, In fine, 1994 (ISBN 9782840460237)
  • Sabine Melchior-Bonnet, Fénelon, Perrin, 2008 (ISBN 978-2262020712)

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