Fonds national juif

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Arbre nouvellement planté en Israël
les boîtes bleues

Le Fonds national juif (FNJ) ou Keren Kayemeth LeIsrael (KKL), en hébreu, littéralement : « fonds pour la création d'Israël », est un fonds qui possède et gère plusieurs centaines de milliers d'hectares[1] de terres en Israël. Fondé en 1901 en tant que fonds central du mouvement sioniste, il s'occupa du rachat de terres en Palestine et de la préparation des futurs pionniers sur le terrain. Il est connu pour avoir planté de nombreuses forêts.

Avant 1948

Le KKL est créé en 1901, à l'initiative du professeur Tzvi Herman Shapira faisant suite à une décision du 5e Congrès Sioniste. La proposition du professeur Shapira de racheter des terres qui constitueront le territoire de la nation future, avait été faite à la Conférence de Katowice en 1884, ainsi qu'aux premier (1897), troisième et cinquième (1901) Congrès sionistes. En 1903, 800 acres (320 hectares) sont achetées près de Hadera[2] et les premiers arbres, des oliviers sont plantés à Houlda en 1908[2]. Dès la première décennie du XXe siècle, le KKL participe à la fondation de Tel-Aviv et du kibboutz de Degania et à l'achat de terrains pour la forêt de Ben-Shemen[3]. Jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, le KKL cible ses activités dans l'achat de terrains et dans l'installation des pionniers. Avec la création du Keren Hayesod, le KKL limite ses activités au rachat de terres[2].

Au départ, il est financé grâce à des fonds provenant, d'une part des dons récoltés dans les fameuses « boîtes bleues », répandues dans toute la Diaspora, et d'autre part de la vente de timbres-poste-KKL, qui remplissent en même temps une fonction pédagogique.

Le rachat des terres est un élément essentiel du projet sioniste, et de fait, favorise l'immigration et l'intégration des pionniers. Le KKL s'occupe également de l'assainissement des terrains marécageux. À la veille de la naissance de l'État d'Israël, le KKL compte pour plus de 1 000 hectares de terres[4] dont il est responsable. Aujourd'hui, c'est le directeur des terrains d'Israël, nommé directement par le ministère de l'agriculture, qui gère l'entreprise. À la tête de l'organisation se réunit un conseil public, composé de représentants gouvernementaux et de 6 membres du KKL.

Au moment de la proclamation de l'État d'Israël en 1948, le KKL possédait 12,5 % des terres du pays, sur lesquelles vivent aujourd'hui[Quand ?] 80 % de la population israélienne[2].

Après 1948

À la suite de la guerre de 1948, de l'exode de la population palestinienne et de l'interdiction faite aux réfugiés de rentrer chez eux, de nombreuses terres cultivées se retrouvèrent « abandonnées ». Yossef Weiz négocia avec le gouvernement pour qu'on confie au KKL la propriété de celles-ci. Elles représentaient une surface de plus de 300 000 dounams (30 000 hectares) à la mi-mai[5] et de plus de 680000 à la fin de la guerre[6]. David Ben Gourion finit par en concéder le contrôle au Fonds pour qu'il puisse superviser ou organiser les locations de terres aux colons[7].

Avec la création de l'État d'Israël, l'ordre des priorités se trouve modifié. Le KKL concentre principalement ses efforts sur le reboisement des terres, la construction de routes, l'aménagement des zones désertiques et l'assainissement. De 1948 à 1993, il a fait planter plus de 200 000 000 d'arbres[8]. Depuis la naissance de l'État d'Israël, le KKL dit avoir aménagé plus de 2 000 km de route en zone désertique, assaini 500 000 hectares de terre, aidé au développement des régions nouvellement habitées[réf. nécessaire], draîné 48 500 hectares de la vallée de la Houla[9]. C’est la première grande entreprise publique qui sera suivie par la plantation de la forêt commémorant les 6 millions de morts de la Shoah appelée « la forêt des Martyrs »[10],[11].

Le KKL fait connaître son programme de rachat de terres grâce au slogan : « La Terre ne sera pas bradée car c'est ma Terre. » La « boîte bleue » et les timbres sont familiers de nombreuses familles de toute la Diaspora. Les comités du KKL sont présents dans 50 pays, où ils servent de centres actifs dans leur engagement pour Israël.

Critique de la politique de reboisement

Après la guerre de 1948, des forêts furent plantées sur l'emplacement de villages arabes dont la population avait fui ou avait été chassée[12],[13]. Les oliviers, dont les fruits et l'huile font partie intégrale de la tradition palestinienne furent coupés et remplacés par des pins et des cyprès[14],[15]. Ainsi, en 2006, les forêts en Israël ne comportent plus que 11 % d'espèces indigènes[16].

Dans la région désertique du Néguev, où l'État d'Israël et le FNJ ont pris possession de centaines de milliers de dounams et expulsé les populations locales[17], des arbres furent plantés pour empêcher les bédouins autochtones de revenir et de s'y regrouper pour faire paître leurs bétails. Sur ces terres qu'ils traversent, les bédouins (nomades) n'ont généralement « aucuns droits formels » (titres de propriété)[18], de ce fait l'État d'Israël les transfère dans des villages créés sur mesure[19]. Pour ce qu'ils représentent dans ce conflit, les arbres plantés sont perçus comme des armes et sont l'objet de différents dommages de la part des bédouins. Des témoignages les accusent entre autres d'emmener délibérément paître leurs troupeaux, là où furent plantés les arbres ; mais il est cependant peu probable que ces dommages soient occasionnés dans un but politique[18].

Si, d'après le FNJ, le reboisement sert surtout à empêcher l'érosion des sols[20] et à faire reculer le désert[21], plusieurs observateurs et historiens affirment que le reboisement opéré par le FNJ serait une politique délibérée d'effacer et nier toutes traces de la présence arabe avant 1948 et pour couvrir la destruction des villages arabes[22],[23],[24].

Dans un discours à Londres le 30 novembre 2002, Ronnie Kasrils (un soutien à la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions)[25], ministre des Eaux et Forêts d'Afrique du Sud, prenait une position très ferme à cet égard : « Plus de 700 000 oliviers et orangers ont été détruits par les Israéliens. C'est un acte de pur vandalisme, de la part d'un État qui affirme protéger l'environnement. C'est atterrant, c'est une honte ! » [26].

Le 11 avril 2011, Amnesty International lance une pétition contre l'expulsion des habitants et la destruction systématique d'un village bédouin sur lequel le FNJ veut implanter une forêt[27]. L'Administration foncière israélienne a déclaré que « onze bâtiments en parpaing et 34 en étain[réf. nécessaire] ont été démolis » et que ces terrains avaient été « envahis » en 1998. Selon elle, « les résidents ont infiltré à plusieurs reprises des terres domaniales après avoir été expulsés ». Toujours selon l'administration foncière, une offre avait été faite de louer ces terrains (au prix de deux shekels par dounam) afin de les cultiver. Cette offre aurait été rejetée et les « occupations illégales » auraient perduré[28]. Amnesty International dément ces accusations et affirme que les résidents peuvent prouver - documents à l'appui - leur présence sur cette terre depuis la période ottomane[27].

Notes et références

  1. L'unité de mesure locale est le dounam, qui représente 0,1 hectare.
  2. a b c et d (en) Mel Salberg, « The Jewish National Fund » (consulté le )
  3. (en) « The First Decade 1901-1910 », sur le site du KKL (consulté le )
  4. À titre de comparaison, la France dispose alors sur son propre territoire d'un peu plus d'un hectare par habitant
  5. Morris 2004, p. 364
  6. Morris 2004, p. 368
  7. Morris 2004, p. 364-365
  8. en(en) « State of Israel, First National Report on the Implementation of the United Nations Convention to Combat Desertification, section 3.2.3.1 Afforestation legislation and policies », sur Ben Gurion University of the Negev
  9. (en) 85 + 400 square kilometers « Hula Valley Wetlands », sur Institut international du développelment durable
  10. « Le Keren Kayemeth LeIsrael », sur Akadem
  11. Jean Le Garrec, « Proposition de loi relative aux Justes de France », sur le site du Sénat français,
  12. Pappé 2008, p. 291-300
  13. Nathan 2005, p. 130-131
  14. Nathan 2005, p. 129-130
  15. Rabbi David Seidenberg."The Giving Tree : A Way to Honor Our Vision for Israel"; Neohasid, 2006
  16. Pappé 2008, p. 291
  17. Joseph Algazy, « Du plan de partage de 1947 au plan "Allon plus" de 1997 - En Israël aussi », Le Monde diplomatique, septembre 1997.
  18. a et b Shaul Ephraim Cohen, « The politics of planting: Israeli-Palestinian competition for control of Land in the Jerusalem Periphery » , University of Chicago, 1993, p. 121.
  19. « Squatters sur leurs propres terres : les tribus bédouines du Néguev » sur Oxfam.org, par Catherine Weibel le 17 février 2010.
  20. Jacqueline Beaujeu-Garnier, « L'immigration dans l'État d'Israël », sur Persée, Annales de géographie,
  21. Stefan Dege, Deutsche Welle Radio (Deutsches Programm), « En Israël, le désert recule », sur United Nations - Convention to Combat Desertification,
  22. Susan Nathan, « The Other Side of Israel : My Journey Across the Jewish/Arab Divide. » , New York: Nan A. Talese., 2005, p. 151–152.
  23. Pappé 2008, p. 293-294
  24. Walid Khalidi, « All That Remains : The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israël in 1948 » , Institut des études palestiniennes, Washington, 1992, p. 169.
  25. (en) Reuters, 23 avril 2002 - "I support the call now for the isolation and the boycott of Israel. I support sanctions"
    « Kasrils said he had discussed his support for the Palestine Support Group in South Africa and its demand for action against Israel with cabinet colleagues and with President Thabo Mbeki. » Reuters, 25 avril 2005
  26. Pappé 2008, p. 289
  27. a et b « Il faut mettre fin à la destruction d'un village bédouin et des sources de revenu de ses habitants », sur Amnesty.org le 11 avril 2011.
  28. (en) « State demolishes Beduin homes again », sur Jerusalem Post,

Bibliographie


Liens externes