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Facteur d'équivalence toxique

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Le facteur d'équivalence toxique (FET) (en anglais Toxic Equivalency Factor, TEF) est, en toxicologie et en écotoxicologie, le facteur de pondération théorique utilisé pour calculer et exprimer la toxicité de divers produits, en les comparant à une référence de base (la molécule la plus toxique connue dans la même famille).

Présentation

Le facteur d'équivalence toxique est utile pour décrire de manière simplifiée et normalisée le « pouvoir toxique » d'un composé chimique (par rapport à un « étalon » dont la toxicité est réputée la plus élevée pour un effet donné (pour ce composé le plus toxique, le FET = 1).

Par exemple, de nombreux organochlorés (dont les dioxines et furanes) ont une toxicité qui est calculée par rapport à celle de la molécule 2,3,7,8-T4CDD (dioxine de référence). On peut ainsi comptabiliser leur toxicité au moyen d'une unité qui est une sorte d'équivalent toxique et qui est notamment utile pour le calcul des écotaxes (par l'agence de l'eau par exemple).

Le FET d'une molécule proche de la « molécule-étalon » est alors égal à la toxicité du congénère chimique étudié, divisée par celle du congénère de référence.

La toxicité globale du mélange ou équivalent toxique global d'un cocktail de congénères est calculée en multipliant les quantités de chaque forme toxique du produit (congénère chimique de la dioxine par exemple) par leur facteur d'équivalence toxique respectif, puis en additionnant le tout. C'est ainsi que l'on calcule la toxicité globale d'un mélange de différents dioxine-like par rapport à la toxicité de la dioxine TCDD (la plus toxique connue).

Le FET est cependant un concept très simplificateur. Il prend notamment très mal en compte les effets d'expositions chroniques des organismes aux faibles doses des polluants concernés, ce qui lui confèrent certaines limites. Mais sa simplicité d'utilisation le fait considérer comme utile pour l'aide à la décision et pour établir certaines normes dans le domaine de la santé environnementale[1].

Unité internationale

Pour certaines molécules (dioxines et congénères aussi appelés « dioxines-like » par exemple), ce « système d'équivalence toxique » s'est internationalisé avec le système dit « Équivalents Toxiques Internationaux » (ou I-TEQ pour International Toxic Equivalents)[2].

Histoire

Les autorités sanitaires de nombreux pays utilisent aujourd'hui le FET (en raison de sa simplicité) pour fixer des valeurs limites d'émission de divers polluants.

Deux systèmes de calcul coexistent cependant, le premier, plus ancien et sous-estimant le risque par rapport au second, mais étant néanmoins le plus utilisé :

  1. Le système I-TEF et I-TEQ (Equivalence Toxique International) est le plus ancien (1989) créé par et pour l'OTAN, au sein d'un « Groupe de Travail sur les Dioxines et les Composée Voisins OTAN/CCMS » pour classer les cocktails de polluants PCDD, PCDF et PCB selon leurs toxicité. Il a ensuite été étendu et mis à jour.
  2. Huis ans plus tard (1998), le WHO-TEF et le WHO-TEQ (pour les anglophones, souvent abrégés TEF ou TEQ) ont été ensuite créés par le Centre européen de l'environnement et de la santé (ECEH) (ou ECEH, pour European Centre for Environment and Health), qui est le centre d'excellence scientifique créé en 1991 par l'OMS en Europe, avec le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) (ou ICSC pour International Chemical Safety Cards) ; ils ont proposé des valeurs réévaluées des facteurs d'équivalence toxiques pour les PCDD, PCDF et PCB et leurs congénères chimiques[3]. Ils ont aussi proposé de nouvelles valeurs consensuelles pour les oiseaux et poissons (à Stockholm, en 1997)[3] et la vie sauvage[4].

En moyenne, quand on utilise les I-TEF, les résultats des calculs d'équivalence toxique sont environ 10 % plus élevés que quand on utilise les TEF-OMS. Certains textes présentant des chiffres oublient parfois de préciser s'il s'agit d'I-TEQ ou de TEQ, ce qui rend impossible de savoir quels TEF ont été utilisés.

La nomenclature ancienne (de l'OTAN) domine encore la production de réglementation, malgré la meilleure qualité de la nomenclature OMS/1998, consensuellement reconnue. Pour les organochlorés, les lacunes de données d'exposition aux PCB sont un des freins à son utilisation [1] ; la toxicité aigüe des PCB, assez bien connue, peut être prise en compte par le FET, mais les PCB non dioxin-like sont aussi et à la fois carcinogènes[5], neurotoxiques, et perturbateurs endocriniens, et en outre très présents dans notre environnement, ce qui devrait les faire sur-pondérer dans les calculs en termes de risque, ce qui n'est pas encore le cas[1].

Utilité et enjeux

Utilité

Les facteurs d'équivalence de toxicité servent à composer un « indice global de toxicité » souvent dit TEQ (ou Toxic Equivalent Quantity), qui permet de gérer plus simplement les problèmes d'évaluation du risque et de gestion des composés complexes (par exemple les dioxines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques ou HAP) ou encore les hydrocarbures aromatiques polycycliques halogénés (HAPH) dont la toxicité varie beaucoup selon le type de molécule au sein d'une même famille chimique.

Ainsi, les FET permettent de pondérer la quantification des HAP totaux (mélange de tous les HAP présents) par leur niveau de toxicité.

Enjeux

L'application du droit de l'environnement (principe « pollueur-payeur » notamment) et la mise en place d'écotaxes requièrent une mesure standardisée de la toxicité et de la toxicité environnementale des produits chimiques. Faute de mieux, le FET répond à cet enjeu ;

Il est important que la valeur d'un facteur d'équivalence de toxicité soit correctement fixée, tant pour des raisons sanitaires qu'éthiques et de justice environnementale, et pour son efficacité en termes de prise de décision en matière de hiérarchisation des actions de gestion de l'environnement[6]. Malgré ses imperfections, le FET y contribue.

Comme la toxicité de certains congénères varie de plusieurs ordres de grandeur, tout changement dans les TEFs pourrait avoir un impact important en termes réglementaires et de gestion des risques concernant les organochlorés toxiques de type dioxines et PCB[7]

Principes mobilisés

Les FET sont basés non pas sur le principe de l'équivalence en substance qui n'a généralement pas de sens en toxicologie, mais plutôt sur la toxicologie expérimentale et sur les « similarités structurales des molécules »[6].

Par exemple depuis les années 1990 dans le domaine des HAP et HAPH évoqués ci-dessus, on considère que des mécanismes de toxicité similaires impliquant le récepteur Aryl Hydrocarbon (Ah)[6].

Ils visent à produire des indicateurs en Santé-environnement, qui doivent être simples et faciles à utiliser.

Limites

Les grands gestionnaires de risques, dont l'OMS, ont estimé devoir (et pouvoir grâce aux TEQ) faciliter une évaluation calculée de la toxicité d'un mélange de molécules bien connues. Mais des incertitudes persistent pour de nombreuses familles chimiques dont les effets toxiques sont encore mal compris. Et de lourdes incertitudes existent encore quant à la courbe dose-réponse des organismes ou organes ou cellules exposées à ces produits[8]).

Les FET reposent sur des postulats simplificateurs et ambigus, voire faux :

  1. Le principe des FET repose sur le fait qu'ils pourraient être représentatifs de la toxicité réelle des produits qu'ils concernent. Or, les FET sont produits à partir d'études sur des animaux de laboratoire le plus souvent exposés à de fortes doses (proches de l'ED50) sur une courte durée et/ou de façon répétée[1], alors qu'en matière de santé publique (hormis certains cas particuliers d'exposition professionnelle ou accidentelle), c'est surtout l'exposition chronique à de faibles doses qu'il faudrait prendre en compte[1].
    De plus, la relation dose-effet est rarement linéaire ; Ainsi, dans le cas des organochlorés, la cinétique de la liaison au récepteur Ah peut par exemple changer d'ordre selon la dose[9]
    Enfin et par exemple pour les organochlorés, le système TEQ ne concerne que les effets néfastes (cancer, mort) découlant d'interactions avec les récepteurs cellulaires Ah, mais d'autres effets toxiques ou écotoxiques peuvent exister (effet de perturbation endocrinienne par exemple, qui n'est pas encore bien quantifié pour la Dioxine et ses congénères, et n'est pas prise en compte par les TEF).
    Les TEFs ne couvrent donc qu'une partie du risque qu'ils devraient couvrir. Ils peuvent le faire sous-estimer ;
  2. Les effets des différents congénères seraient toujours additifs. Ce postulat n'est pas démontrée ; En fait, les FET pourraient dans certains cas être multiplicateurs à forte dose (synergies positives). Et il n'y a pas de consensus sur le fait qu'ils soient réellement additifs à faible dose ; De même, les questions de synergies ou antagonismes toxiques ou de phénomènes additifs ou non sont encore mal comprises, mais elles peuvent avoir une grande importance pour expliquer une toxicité accrue ou diminuée de certains mélanges complexes ;
  3. le potentiel toxique d'un congénère serait le même pour toutes les espèces. Cette hypothèse est complètement démentie par l'expérimentation animale ; Les espèces répondent très différemment à une même dose d'un composé toxique organochlorés.
    De plus les insectes se montrent en quelques générations capables de développer des mécanismes de résistance (génétiquement transmissibles) à des doses (d'organochlorés par exemple) très supérieures à celles qui étaient mortellement toxique pour leurs ancêtres.
    La valeur des Facteurs d'équivalence toxique est relative ; elle change selon les groupes ou espèces d'animaux considérés. Pour chaque nouvelle molécule étudiée, le choix des modèles d'évaluation toxicologique devrait prendre en compte ce fait.
  4. le potentiel toxique d'un congénère serait le même pour deux effets différents ;
  5. le potentiel toxique d'un congénère serait identique d'une voie d’exposition à une autre. Pour de nombreux toxiques chimiques, cette hypothèse est démentie par l'expérimentation animale ; Pour des raisons biologiques et « toxicocinétique » différente, les expositions à une molécule toxique (et le cas échéant à ses congénères) ont souvent des effets différents selon que cette exposition se fasse par voie orale, par inhalation et/ou via un passage percutané ;
  6. le potentiel toxique d'un congénère serait identique d'un organe à l'autre. Le foie et le rein ou les tissus gras ou nerveux sont souvent les principaux organes touchés par les produits toxiques, mais avec des effets pouvant varier selon les toxiques et selon le cocktail des congénères. Les tissus d'un même organisme voire d'un même organe peuvent également répondent très différemment à une même dose d'un composé toxique et/ou de ses congénères chimiques ;
  7. le potentiel toxique d'un congénère est relativement bien connu. Ce n'est pas toujours le cas, et dans le cas de molécules brevetées (pesticides, biocides, antibiotiques, fluides de fracturation, détergents industriels, PCB, etc. des questions de secret de fabrication peuvent freiner, perturber ou interdire l'accès aux données environnementales et en particulier aux informations toxicologiques et écotoxicologiques) ;
  8. Le FET prendrait en compte la toxicité réelle d'un produit ; Ce n'est pas certain ; par exemple pour les organochlorés, le système TEQ ne concerne que les effets néfastes (cancer, mort) découlant d'interactions avec les récepteurs cellulaires Ah, mais d'autres effets toxiques ou écotoxiques peuvent exister (effet de perturbation endocrinienne par exemple, qui n'est pas quantifié pour la dioxine et ses congénères par cette méthode).

Non seulement la valeur des facteurs d'équivalence toxique est relative, elle change selon les groupes ou espèces d'animaux considérés, mais pour chaque nouvelle molécule considérée, le mode de calcul de ces facteurs a varié dans le temps et selon les auteurs ; la littérature scientifique propose ainsi des valeurs différentes de FET pour une même molécule.

Une étude[6] (2003) a montré qu'en utilisant différentes valeurs de FET (parmi celles trouvées dans la littérature) l'estimation de l'estimation de l'exposition générale de la population aux dioxines et dioxine-like varie d'un facteur 0,2 à 2,5. Le choix d'une valeur de référence a donc un impact important sur les choix qui seront fait par les autorités sanitaires ou régulatrices (police de l'eau, police de l'environnement, législateur...)[6]. Les auteurs de cette étude (A. Vidy et D. Bard de l'École nationale de la santé publique) considèrent néanmoins que « l'approche TEF reste empiriquement très utile pour évaluer le risque lié aux mélanges complexes de HAP et HAPH »[6].

Le choix des modèles d'évaluation toxicologique et l'interprétation de ses résultats devraient donc être utilisés avec prudence.

Cadre et conditions d'utilisation

Pour limiter les incertitudes, en 1998, et pour des calculs plus pertinents, des toxicologues ont en 1998 retenus [10]une liste de critères nécessaires pour inclure (ou non) une molécule HAP ou HAPH dans la méthode des TEF.
Ces critères sont :

  1. les composés doivent avoir une structure chimique suffisamment proche
  2. ils doivent avoir un mécanisme d’action commun
  3. ils doivent avoir des effets biochimiques et toxiques similaires
  4. ils doivent être bio persistants
  5. ils doivent être bioaccumulables dans le réseau trophique

Notes et références

  1. a b c d et e Anne Vidy, Denis Bard (2003) Influence de la valeur des facteurs d‘équivalence de toxicité (TEF) sur les estimations d‘exposition de la population générale et impact décisionnel ; Environnement, Risques & Santé. Vol.2, n°3, 159-67, mai 2003
  2. Greenfacts, Système d'Equivalence Toxique 2013-04-02, consulté 2013-06-13
  3. a et b van den Berg M, Peterson RE, Schrenk D. (2000) Human risk assessment and TEFs' ; Food Addit Contam. ; Apr;17(4):347-58.résumé
  4. Van den Berg M, Birnbaum L, Bosveld ATC, Brunstrom B, Cook P, Feeley M, Giesy JP, Hanberg A, Hasegawa R, Kennedy SW, Kubiak T, Larsen JC, van Leeuwen FXR, Djien Liem AK, Nolt C, Peterson RE, Poellinger L, Safe S, Schrenk D, Tillitt D, Tysklind M, Younes M, Waern F, Zacharewski T. (1998) Toxic Equivalency Factors (TEFs) for PCBs, PCDDs, PCDFs for Humans and Wildlife. Environ. Health Perspect. 106:775-792.
  5. Holford TR, Zheng T, Mayne ST, et al. (2000) Joint effects of 9 PCBs on breast cancer. Int J Epidemiol ; 29 : 975-82
  6. a b c d e et f A Vidy, D Bard (2003) Influence de la valeur des facteurs d'équivalence de toxicité (TEF) sur les estimations d 'exposition de la population générale et impact décisionnel ; Environnement, Risques & Santé ; Vol.2, N°3, 159-67, mai 2003 (Résumé avec jle.com)
  7. Changes to the TEF schemes can have significant impacts on regulation and management of PCDD/F and PCB. Dyke PH, Stratford J. Chemosphere. 2002 Apr; 47(2):103-16.
  8. Nigel J. Walker et Jae-Ho Yang (2006) Complexities in Understanding the Nature of the Dose-Response for Dioxins and Related Compounds Dose Response. 2005; 3(3): 267–272. En ligne 2006-05-01 ; Doi:10.2203/dose-response.003.03.001 PMCID: PMC2475953 (résumé)
  9. McGrath LF, Cooper KR, Georgopoulos P, et al. Alternative models for low dose-response analysis of biochemical and immunological endpoints for TCDD. Regul Toxicol Pharmacol 1995 ; 21 : 382-96 ([résumé]).
  10. Van den Berg et al. (1998) a proposé une liste de critères permettant d’inclure ou non une molécule HAP ou HAPH dans l’approche des TEF

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Van den Berg M, Birnbaum L, Bosveld AT, Brunström B, Cook P, Feeley M, Giesy JP, Hanberg A, Hasegawa R, Kennedy SW, et al. (1998) Toxic equivalency factors (TEFs) for PCBs, PCDDs, PCDFs for humans and wildlife. Environ Health Perspect. Dec; 106(12):775-92.
  • (en) The use of toxic equivalency factor distributions in probabilistic risk assessments for dioxins, furans, and PCBs. Finley BL, Connor KT, Scott PK. J Toxicol Environ Health A. 2003 Mar 28; 66(6):533-50.
  • (en) Birnbaum LS, DeVito MJ. (1995) Use of toxic equivalency factors for risk assessment for dioxins and related compounds. Toxicology. Dec 28; 105(2-3):391-401.

Articles connexes

Liens externes