Crise économique
Une crise économique est une dégradation brutale de la situation économique et des perspectives économiques d'un pays ou d'un ensemble de pays. Elle affecte tout ou partie du système économique du pays. Son étendue sectorielle, temporelle et géographique peut aller d'un seul secteur d'une seule région pour une brève période à l'ensemble de l'économie mondiale pendant plusieurs années.
Une crise économique peut provoquer un ralentissement économique durable, voire une récession économique. Elle a souvent pour effet des répercussions sur le niveau des salaires et la valeur du capital (valeurs boursières), provoque des faillites et du chômage, accroît les tensions sociales et politiques, et peut même avoir des répercussions sanitaires. Au sein de l'histoire économique capitaliste, les crises peuvent se voir comme un élément régulier, qui s'inscrit dans un ensemble de cycles économiques[1].
Concept
Une crise économique est le moment de retournement d'un cycle économique, où le système économique entame une phase de décroissance et de pertes[2]. Le terme a aussi été utilisé dans la théorie marxiste pour désigner la phase où le système de production chute du fait de ses contradictions internes, permettant l'émergence d'un nouveau système[3].
Une crise économique est souvent associé à une récession. Elle peut aussi provoquer une dépression, c'est-à-dire une chute grave des valeurs du système économique. C'est ainsi que la crise de 1929 est souvent appelée « Grande Dépression ». La crise économique de 2008-2010, elle, est surnommée « Great recession ».
Dans cette optique, la crise économique est parfois vue comme un phénomène qui ne se termine qu'avec l'adoption d'une nouvelle structure économique[Note 1].
À un niveau local, la fermeture de l'unique société industrielle d'une commune (comme à La Souterraine[4]) peut également être vécue comme une catastrophe économique, par les principaux responsables politiques en raison du cumul des impacts additionnels provoqués sur les autres activités économiques de la commune (école, poste, hôpitaux, centre culturel)[4].
Causes
Crises par surproduction
Partant de l’observation des dépressions économiques qui avaient périodiquement affecté l’économie européenne depuis 1825, Karl Marx déploie dans son œuvre une théorisation de la cause des crises passagères comme historiquement inévitables du fait des contradictions mêmes du système capitaliste. Selon Marx, ces crises seraient des crises de surproduction, c'est-à-dire que du capital immobilisé dans des biens, n'arrivant pas à se vendre, devient détruit.
Plus largement, la théorie marxiste voit dans le système capitaliste des contradictions inhérentes (ex. : l'existence de classes aux intérêts contradictoires) qui vont pousser la classe capitaliste à développer le capital organique menant à la baisse tendancielle du taux de profit. Des théories marxistes récentes maintiennent cette analyse tout en adoptant une approche des crises dites « multicausale », la baisse tendancielle du taux de profit y reste prépondérante, mais tenant compte également du caractère cyclique des crises[5]. Néanmoins, cette approche fait débat chez les marxistes actuels, d'autres auteurs pensant au contraire que le taux de profit est croissant[6].
Crises par défauts d'ajustement
Pour l’école autrichienne d'économie, les crises sont essentiellement dues à l’accumulation de défauts d'ajustement de l'appareil de production à la demande réelle. En tentant d'empêcher ou de retarder ces ajustements par la réglementation ou la création monétaire, l'État ne fait qu'accentuer des problèmes sans jamais les résoudre. Ces problèmes doivent tôt ou tard se résoudre par une crise, qui aurait pu être évitée, ou être moins grave, en laissant les ajustements se produire progressivement et spontanément. Le mot crise fait directement référence au concept de cycle. La théorie du cycle la plus connue de cette école est sûrement celle de Hayek (cycle de Hayek), qui est liée au taux d'intérêt.
Crises par excès de la finance
Pour la théorie de la régulation, la différence entre grande crise (crise structurelle) et petite crise (conjoncturelle) est essentielle. La crise actuelle (depuis 2008) marque la fin d’une époque, celle d’un régime d’accumulation tiré par la finance[7].
Crises par disruptions informatiques
Dans une étude de 2020, le Conseil européen du risque systémique montre qu'il est possible qu'une crise économique advienne du fait d'attaques informatiques[8].
Effets
La notion de crise économique revêt des caractéristiques multiformes. Elle peut concerner un ou plusieurs secteurs de l’économie ou, par extension, son intégralité qu’elle peut gagner par « effet de contagion ».
Répercussions sur l'activité économique globale
Les crises immobilières ont des conséquences assez importantes, car plusieurs canaux facilitent les répercussions sur l'activité économique totale : effet de richesse des ménages, secteur de la construction intensif en main-d'œuvre.
Du fait de la financiarisation des pays développés, une crise du secteur financier peut avoir des répercussions fortes sur le reste de l'économie, via les canaux du crédit.
Outils
Les économistes libéraux voyaient dans le système, la possibilité de s'autoréguler. Adam Smith au XVIIIe siècle s'en est fait l'ardent défenseur et partisan (il a parlé de l'intervention de la « main invisible du marché »). La majorité des économistes contemporains estiment qu'il est nécessaire de réguler certains marchés. Ce rôle est alors dévolu soit à l'État, soit, plus généralement, à des autorités publiques autonomes que l'État ne contrôle pas directement (banque centrale, autorités des marchés financiers, autorités de la concurrence, etc., le tout sous le contrôle des tribunaux).
Dans le même but, les gouvernements peuvent intervenir directement. Ils peuvent consentir des prêts, réduire des taxes ou offrir des subventions aux producteurs ou aux consommateurs, accorder des facilités pour l'investissement ou (au contraire) la réduction des capacités productives. Le keynésianisme est la principale construction théorique légitimant ces interventions (politique de relance).
La notion de crise économique a aussi permis de mettre en évidence le fait suivant : l’économie dépend pour beaucoup de phénomènes d’anticipation, c’est-à-dire, pour une grande part, de la confiance que les individus peuvent avoir dans l’économie et dans leur avenir. À l’inverse, la perspective de périodes troublées ou d’anticipations négatives peut déclencher une crise économique ou bien en accélérer les effets.
Quelques crises
Avant le XXe siècle
Économie agricole peu ouverte : crise de subsistance | Économie développée | |
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Origines | Incident météorologico-climatiques entraînant des récoltes insuffisantes[9] | Surinvestissement, crise financière |
Circonstances aggravantes |
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Dette extérieure élevée |
Évolution des prix | Augmentation des prix des produits agricoles | Variable |
Périodicité | Très irrégulière | Irrégulière, théorie controversée de cycles économiques avec :
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Extension géographique | Locale, régionale, parfois nationale voire continentale | Continentale, voire mondiale au sein des pays industrialisés |
Conséquences directes |
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Hausse du chômage, baisse du PIB, baisse des revenus et de la consommation, hausse du nombre de faillites |
Conséquences indirectes | Émeutes rurales et urbaines | Crispation des relations internationales |
Après 1901
- Panique bancaire américaine de 1907 ;
- 1929-1937 : Grande Dépression (dont Grande Dépression en France et au Royaume-Uni) ;
- 1973 et 1979 : crise provoquée par les chocs pétroliers ;
- 1993 : crise liée en partie à la crise du Système monétaire européen (SME) ;
- 1994 : crise économique mexicaine (provoquée par une dévaluation du peso mexicain) ;
- 1997 : crise économique asiatique (Asie du Sud-Est) ;
- 1998 : crise financière russe de 1998 ;
- 1998-2002 : crise économique argentine ;
- Vers les années 2000-2001, la bulle Internet s'est dégonflée et a provoqué un ralentissement économique ;
- 2002 : crise turque (dévaluation de la livre turque) ;
- à partir de fin 2007 : Crise économique dite de la Grande Récession (2008 et après) liée à la crise financière de 2007-2010. Elle touche, depuis février 2007 l’immobilier américain et, par ricochet, le financement immobilier et le système financier international ;
- 2008 : crise économique espagnole
- à partir de fin 2009 : crise de la dette publique grecque qui entraîne la baisse de l'Euro, une inquiétante propagation au Portugal, à l'Espagne et même à l'Italie et une remise en cause d'une politique « commune » en Europe.
- 2010 : crise économique portugaise
- 2012 : crise économique vénézuélienne
- 2019 : crise des repo
- 2020 : crise économique de la Covid-19
Notes et références
Notes
- Par exemple, dans l'article de Nicolas Baverez intitulé Ruptures (Le Monde du 26 janvier 2010) on trouve, d'une certaine façon, l'idée que la France est rentrée dans la crise économique actuelle qu'il nomme la « crise de la mondialisation » sans être vraiment sortie de celle de 1973 faute d'avoir pu ou su adopter un modèle économique adéquat.
Références
- « Michel Aglietta : « Les crises sont la nature même du capitalisme » », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- De Boissieu, 2001, p. 229.
- P. Kenway, 1987, p. 724.
- « Sous-traitant automobile GM&S : 277 emplois menacés, une "catastrophe économique" », Franceinfo, (lire en ligne, consulté le ) .
- Gaston Lefranc, « Une analyse marxiste de la crise économique : Présentation pour l'université d'été du NPA », sur tendanceclaire.org, , p. 16.
- Michel Husson, « Le dogmatisme n'est pas un marxisme », À l'encontre, , p. 9 (lire en ligne).
- Dossier Crise du capitalisme financier.
- Conseil européen du risque systémique, Systemic cyber risk, February 2020
- Julien Gargani, Crises environnementales et crises socio-économiques, Paris, L'Harmattan, , 149 p. (ISBN 978-2-343-08213-4), p. 149.
Annexes
Bibliographie
- Christian de Boissieu, 2001, « Crise économique », Dictionnaire des Sciences économiques, Presses universitaires de France.
- Peter Kenway, 1987, Crises, The New Palgrave.
- Paul Krugman, 2009, Pourquoi les crises reviennent toujours, Éditions du Seuil, Paris.
Articles connexes
- Choc alimentaire
- Crise de liquidité
- Crise monétaire
- Crise financière
- Récession (économie)
- Cycle économique
- Histoire des bourses de valeurs
- Fonds de garantie des dépôts et de résolution : organisme d'indemnisation d'une banque en faillite