Adlène Hicheur

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Adlène Hicheur

Naissance (47 ans)
Sétif (Algérie[1])
Nationalité française jusqu'à 2018 -algérienne
Résidence Genève, Suisse
Domaines Physique des particules
Institutions CERN

Adlène Hicheur, né le à Sétif en Algérie, est un physicien des particules[2], franco-algérien puis seulement algérien, qui travaillait au CERN, a été arrêté en 2009 et condamné en 2012 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Enseignant au Brésil depuis 2013, il a été expulsé de ce pays vers la France le [3]. Initialement de double nationalité franco-algérienne, il a renoncé à sa nationalité française pour pouvoir quitter la France. Adlène Hicheur est l'objet d'une campagne de solidarité internationale dans la communauté de la recherche en physique, une partie de ses confrères et consœurs ne croyant pas à sa culpabilité[4],[5].

Biographie[modifier | modifier le code]

Après un master de physique théorique de l’École normale supérieure de Lyon, il rejoint le Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique des particules pour préparer une thèse sur l’expérience BaBar située au Centre de l'accélérateur linéaire de Stanford. Cette thèse, soutenue le , traite de la production de mésons êta prime de haute énergie dans les désintégrations de mésons B[6].

Il est ensuite post-doctorant en Angleterre au Laboratoire Rutherford Appleton, où il travaille sur le détecteur ATLAS du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Il rejoint ensuite le département de physique des hautes énergies de l'École polytechnique fédérale de Lausanne où il travaille sur l'expérience LHCb du LHC, tout en enseignant aux étudiants de classe de physique, jusqu'à son arrestation en .

Arrestation[modifier | modifier le code]

Le , Adlène Hicheur est arrêté au petit matin dans l'appartement de ses parents à Vienne (Isère), où il était de passage. Trois jours plus tard, il est mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et placé en détention provisoire à la prison de Fresnes[7],[8],[9],[10],[11],[12].

Il aurait été en contact via internet avec l’organisation terroriste Al-Qaida au Maghreb islamique. Deux semaines après son arrestation les médias algériens rapprochent son cas de celui de Lotfi Raïssi, soupçonné de terrorisme avant d'être libéré sans être inculpé[13].

Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale, déclare en que Hicheur projetait un attentat contre le 27e bataillon de chasseurs alpins d'Annecy (Haute-Savoie), d'où sont parties des compagnies pour l'Afghanistan[14]. Ces accusations sont réitérées par Bernard Squarcini, patron de la DCRI, qui se félicitait en que ses services aient déjoué l'attentat prévu par Adlène Hicheur, « cet ingénieur du Cern qui avait proposé ses services via internet à Al-Qaida au Maghreb islamique »[15].

Manifestations de soutien[modifier | modifier le code]

Un comité international de soutien à Adlène Hicheur est créé par ses amis collègues pour demander une enquête équitable[12],[16]. Dans ses lettres au président de la République et au ministre de la justice, signées par plus de cent physiciens du monde entier, le comité de soutien souligne que de simples présomptions de contacts sur internet ne sauraient justifier près de vingt-et-un mois de détention provisoire. Il demande la libération, au besoin assortie d’un contrôle judiciaire, d'Adlène Hicheur jusqu’à ce que l’instruction présente ses conclusions. Le comité souligne que même si des faits concrets et avérés devaient le mettre en cause, Adlène Hicheur doit avoir droit à un procès contradictoire dans des délais raisonnables, tandis qu’en l’absence de charges convaincantes il doit être innocenté et dédommagé du préjudice grave causé par une incarcération injustifiée[17],[18].

Des demandes similaires ont été envoyées par le comité des droits de l’homme de la société française de physique (Prof. Gerard Panczer), le CODHOS de l’Académie des sciences (présidé par le prix Nobel Claude Cohen-Tannoudji) et la sénatrice de Paris Nicole Borvo, seule personnalité politique à avoir accepté de s’engager. Les réponses reçues, assez similaires dans leur forme, soulignent que les droits de la défense sont respectés par la justice et la loi et insistent sur l’impossibilité d’intervenir dans une affaire en cours d’instruction.

  • Réponse du ministre de la Justice au comité de soutien[19].
  • Réponse du Garde des sceaux à la Société française de physique (SFP)[20] en date du .
  • Réponse du Garde des sceaux à la sénatrice N. Borvo[21] en date du .

Un collectif viennois de soutien à Adlène Hicheur créé par ses amis d'enfance, a lancé un appel, qui a recueilli plus de 6 000 signatures, à un procès équitable pour Adlène Hicheur début [22],[23]. Ce collectif a participé avec le comité international, à une conférence de presse aux côtés des inculpés dans l'affaire de Tarnac le au siège de la Ligue des Droits de l'Homme[24]. Les méthodes d'exception de la justice antiterroriste y ont été dénoncées pour les affaires Tarnac et Hicheur[25].

En 2016, deux congrès de physique ont été aménagés pour permettre à Adlène Hicheur d'y participer malgré son assignation à résidence : le congrès de physique des particules d’Antigua (Guatemala), et la conférence “Bc physics and semileptonic B decays in the LHC era”, qui a été déplacée de Genève à une école de commerce de Vienne[4],[5].

Procédure judiciaire initiale[modifier | modifier le code]

Le , le Juge des libertés et de la détention renouvelle le mandat de dépôt pour quatre mois ce qui porte la durée de la détention provisoire à deux ans, le maximum autorisé par la loi avant la clôture de l'instruction. À la suite de l'appel de cette décision, la Chambre de l'instruction confirme le maintien en détention début juillet malgré le mémoire des avocats qui souligne le « caractère injustifié » de la détention provisoire, Adlène Hicheur présentant, selon eux, toutes les garanties de présentation devant la justice.

Adlène Hicheur et ses avocats ont fait plus de vingt demandes de liberté depuis le début de l’affaire, toutes étant refusées. Ayant épuisé tous les recours légaux, Hicheur dépose un dossier auprès de la Cour européenne des droits de l'homme arguant que sa détention provisoire est arbitrairement longue, injustifiée et uniquement motivée par des généralités (association de malfaiteurs en relation avec une affaire terroriste)[26],[27].

Le , le parquet requiert six ans de prison ferme à son encontre[28],[29], sur la base d'échanges de courrier électronique qu'il avait entretenus sous divers pseudonymes avec un responsable présumé d'al Qaida au Maghreb Islamique, dont l'identité n'a jamais été démontrée au procès[30],[31]. Adlène Hicheur fut le seul mis en examen dans cette affaire conduite pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme », un cas exceptionnel dans les affaires antiterroristes.

État de santé[modifier | modifier le code]

À la suite d'une double hernie discale, Adlène Hicheur a été en congé de maladie de février à , avant de reprendre son travail de collaborateur scientifique à l'EPFL à mi-temps[32]. Il est depuis sous traitement antalgique au long cours. Dans son arrêt du , la Cour de cassation a jugé son état médical compatible avec la détention[33].

Ses avocats ont souligné devant la chambre de l'instruction que cette maladie chronique a un retentissement psychologique accentué par la détention. À la suite de son transport à Paris et de sa garde à vue, les conséquences de cette maladie ont nécessité l'hospitalisation d'Adlène Hicheur à l'infirmerie de la maison d'arrêt de Fresnes durant les quatre premiers mois de son incarcération[34].

Condamnation, libération, assignation à résidence[modifier | modifier le code]

Le , il est condamné à quatre ans de prison ferme, toutefois, il est libéré onze jours plus tard, le , grâce au jeu des remises de peine[35]. Il a passé 949 jours en prison dont 939 jours en détention provisoire et 10 jours dont il disposait pour faire appel après le verdict. Cette peine couvrant au jour près la détention provisoire était redoutée par les soutiens à Adlène Hicheur qui avaient signé, avec un mis en examen dans l'affaire de Tarnac, une tribune dans le journal Le Monde dans laquelle ils condamnaient le délit de "pré-terrorisme" et la nature politique de l'affaire, quelques jours avant l'annonce du verdict[36]. Il entame au Brésil en 2013 une nouvelle carrière d'enseignant.

Au printemps 2015, le Tribunal administratif fédéral suisse confirme une décision de l'Office fédéral de la police concernant son interdiction d'entrée sur le territoire suisse. Cette interdiction l'empêche de reprendre ses activités de chercheur au CERN[37].

Le , Adlène Hicheur est expulsé du Brésil « dans l'intérêt de la nation » et renvoyé en France, où il est assigné à résidence chez ses parents à Vienne. Son recours en référé contre cette assignation[38] est, après 21 jours d'instruction[39], rejeté par le Conseil d’État[40]. Il a demandé à être déchu de la nationalité française, de façon à pouvoir quitter le pays, ce qui a été accepté à condition qu'il soit escorté par la police jusqu’à l’aéroport. Il devrait rejoindre, début 2017, l'Algérie[4],[5].

À la suite de son retour en Algérie, il a été nommé professeur à l'Université des Frères Mentouri à Constantine à l'est du pays[41],[42]. En 2018, le groupe de recherche qu'il dirige au sein du laboratoire de physique Mathématique et physique subatomique (LPMPS) a rejoint l'expérience LHCb (Large Hadron Collider beauty) du CERN[43].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Qui est Adlène Hicheur
  2. Cyrille Vanlerberghe, « Un physicien du Cern jugé pour ses liens avec al-Qaida », sur Le Figaro, (consulté le )
  3. (pt) Marco Antônio Martins, « Condenado por terrorismo na França, professor da UFRJ é expulso do Brasil », sur Folha de S.Paulo, (consulté le )
  4. a b et c « Plusieurs dizaines de physiciens nucléaires pointent au commissariat de Vienne », sur Lundi matin, (consulté le )
  5. a b et c (en) Declan Butler, « LHC scientists bring conference to deported physicist », sur Nature, (consulté le )
  6. Étude de la production de η' de haute impulsion dans les désintégrations du méson B dans l’expérience BaBar [(fr) texte intégral (page consultée le 30 janvier 2017)]
  7. Vincent Defait, « «Collisionneur» de soupçons », sur L'Humanité, (consulté le )
  8. (en) Geoff Brumfiel, « Physicist working at CERN arrested », Nature News,‎ (DOI 10.1038/news.2009.993, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Geoff Brumfiel, « Particle physicist 'falsely accused', claims brother », Nature News,‎ (DOI 10.1038/news.2009.999, lire en ligne, consulté le )
  10. Un physicien mis en examen pour ses liens avec Al-Qaida au Maghreb islamique, Le Monde,
  11. Le « brillant » chercheur était « ciblé » par les services français, France Soir,
  12. a et b Un comité de soutien pour Adlene Hicheur, soupçonné de terrorisme, Le Dauphiné Libéré,
  13. Adlène Hicheur: Une seconde affaire Raïssi ?, Le jour d'Algérie,
  14. L'ingénieur du CERN soupçonné de terrorisme ciblait les chasseurs alpins, lemonde.fr,
  15. Christophe Cornevin et Jean-Marc Leclerc, « Squarcini : « Nous déjouons deux attentats par an » », sur Le Figaro, (consulté le )
  16. Comité international de soutien à Adlène Hicheur
  17. Première lettre du comité de soutien au président de la République
  18. Seconde lettre du comité de soutien au Président de la République
  19. Réponse du Garde des sceaux au comité de soutien en date du
  20. Réponse du Garde des sceaux à la Société Française de Physique (SFP)
  21. Réponse du Garde des sceaux à la sénatrice N.Borvo
  22. Site officiel du Collectif Viennois de Soutien à Adlène Hicheur
  23. Le Dauphiné, le 24 mars 2012
  24. France Info, le 15 mars 2012
  25. Les Inrocks, le 16 mars 2012
  26. Case H. v. France (21489/11) : Detained for 18 months pending secret investigation, European Court of Human Rights News,
  27. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 novembre 2010, no 10-83.204, Inédit
  28. Les mystères de l'affaire Hicheur (article du 15 mars 2012)
  29. Terrorisme: 6 ans requis contre Hicheur
  30. Le Monde, le 31 mars 2012
  31. New York Times, le 4 mai 2012
  32. La vie très discrète du docteurH., physicien présumé terroriste 24 heures, vendredi 16 octobre 2009
  33. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mars 2011, no 10-88.750, Inédit
  34. Accusé de «surfs gênants», AdlèneH. croupit toujours à Fresnes 24 heures, 6 avril 2010
  35. Physics World, le 16 mai 2012
  36. Jean-Pierre Lees, Mathieu Burnel, Halim Hicheur et Rabah Bouguerroum, « Non au délit de "pré-terrorisme" : Il faut qu'Adlène Hicheur soit acquitté », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  37. Denis Masmejan, « Condamné en France, un physicien de l'EPFL ne pourra pas revenir en Suisse », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le )
  38. « Assigné à résidence, le physicien Adlène Hicheur conteste », sur ledauphine, (consulté le )
  39. Paul Cassia, « Le Conseil d’État laisse l’état d’urgence dériver », sur mediapart, (consulté le )
  40. Pierre Alonso, « État d'urgence, le physicien Adlène Hicheur restera assigné à résidence », sur Libération, (consulté le )
  41. « High-Energy Physics »
  42. (en-US) « Members », sur lape.if.ufrj.br (consulté le )
  43. Evidence for an etac(1S)pi- resonance in B0 → etac(1S) K+pi- decays (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]