Aller au contenu

« Ohaguro » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
mise en page
Dfeldmann (discuter | contributions)
mAucun résumé des modifications
Balises : Nowiki dans un article Éditeur de source 2017
Ligne 7 : Ligne 7 :
}}
}}
L'{{japonais|'''''{{lang|ja-Latn|ohaguro}}'''''|お歯黒||{{littéralement}} « dent noire »}} est une tradition japonaise de [[noircissement des dents]]<ref>{{Lien web|langue=ja|auteur institutionnel=[[Asahi Shinbun]]|traduction titre=Ohaguro|titre=お歯黒は|année=2020|mois=décembre|url=https://kotobank.jp/word/お歯黒-40961|site=[[Kotobank]]|consulté le=2 décembre 2020}}.</ref>, populaire durant l'[[ère Meiji]]. L{{'}}''{{lang|ja-Latn|ohaguro}}'' a été pratiqué au moins depuis la [[période d'Asuka]]. Considéré comme un embellissement de l'apparence, le noircissement avait également un but utilitaire : le vernis permettait de conserver les dents en bonne santé.
L'{{japonais|'''''{{lang|ja-Latn|ohaguro}}'''''|お歯黒||{{littéralement}} « dent noire »}} est une tradition japonaise de [[noircissement des dents]]<ref>{{Lien web|langue=ja|auteur institutionnel=[[Asahi Shinbun]]|traduction titre=Ohaguro|titre=お歯黒は|année=2020|mois=décembre|url=https://kotobank.jp/word/お歯黒-40961|site=[[Kotobank]]|consulté le=2 décembre 2020}}.</ref>, populaire durant l'[[ère Meiji]]. L{{'}}''{{lang|ja-Latn|ohaguro}}'' a été pratiqué au moins depuis la [[période d'Asuka]]. Considéré comme un embellissement de l'apparence, le noircissement avait également un but utilitaire : le vernis permettait de conserver les dents en bonne santé.
[[Fichier:Kunisada-woman-blackening-teeth.jpg|droite|thumb|250px|''Ohaguro'', ''[[nishiki-e]]'' de [[Utagawa Kunisada]], série ''Miroirs des boudoirs modernes'', ca. 1820.]]
[[Fichier:Geisha Blackening Teeth at 1-00 p.m. LACMA M.84.31.68.jpg|droite|thumb|250px| Geisha noircissant ses dents à treize heures, ''[[ukiyo-e]]'' de [[Yoshitoshi|Tsukioka Yoshitoshi]], série ''24 heures à Shinbashi et Yanagibashi.'']]
{{nihongo|'''''Ohaguro'''''|お歯黒|dents noires}} est le nom donné au [[Japon]] à la coutume de se noircir les dents avec une solution de [[Limaille|limaille de fer]] et de vinaigre. Cette coutume a été particulièrement populaire pendant les époques [[Époque de Heian|Heian]] et [[Époque d'Edo|Edo]], du {{S-|x}} à la fin du {{S-|xix}}, mais l'ouverture du pays aux coutumes occidentales pendant l'[[ère Meiji]] a conduit à sa disparition progressive. C'était une tradition pratiquée principalement par des femmes mariées et quelques hommes, pour la plupart des [[Samouraï|samouraïs]] ou des membres de l'aristocratie. Outre la préférence de la société japonaise pour les dents noires, elle était également considérée comme bénéfique pour la santé, car elle prévenait les caries en agissant comme un ancien scellement dentaire. Le '''[[noircissement des dents]]''' était également une pratique connue et répandue en Chine et en Asie du Sud-Est, bien qu'avec des recettes différentes.
== Étymologie ==
Le mot ''ohaguro'' est composé de {{japonais|''o''|お|préposition honorifique}} et des [[kanji]] ha (歯, ''dent''), et kuro (黒, ''noir'') ; à cause du [[rendaku]], il se prononce ''ohaguro'' et non ''ohakuro''<ref>{{ouvrage |langue=en |auteur=Johannes Justus |titre=The Industries of Japan: Together with an Account of Its Agriculture, Forestry, Arts and Commerce |url=https://books.google.es/books?id=YtePXGmDI70C&pg=PA181&dq=ohaguro+respect+kuro&hl=es&sa=X&ei=fNCHVOayCMbxUNyohKAL&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=teeth&f=false|année=1995|première édition=1889 |éditeur=Curzon Press|isbn=0700703519|passage=181}}</ref>. Le mot japonais ''kuro'' est lié à l'idée de la nuit et de son contraste avec le jour, étant donné que la nuit est soumise au jour et en est inséparable ; en raison de l'impossibilité de teindre le noir avec d'autres couleurs, cette couleur était associée à la soumission et à la loyauté, ainsi qu'à la force et à la dignité en raison de sa grande intensité visuelle, c'est pourquoi elle était la couleur prédominante chez les [[Samouraï|samouraïs]]{{sfn|Hara|1984|pp=97-98}}{{,}}<ref name=Fukagawa>{{lien web |url=http://www.fukagawa.or.jp/research/Teeth_color.html |titre=Teeth color as a cultural form |consulté le=7 décembre 2014 |auteur=Fukagawa Masahiko |lang=en }}</ref>. L'écriture formelle de ''ohaguro'' est お歯黒, mais il existait aussi des formes alternatives telles que ''tesshō'' (鉄漿, jus de fer), qui faisait allusion au liquide utilisé dans le processus ou ''fushimizu'' (五倍子水, eau de [[Galle (botanique)|galles]]), utilisées dans l'ancien [[Kyōto-gosho|palais impérial de Kyoto]] ; tandis que chez les gens du peuple, des termes tels que ''kanetsuke'' (鉄漿付け, collage à la pâte de fer), ''tsukegane'' (つけがね, collage à la pâte de fer) ou ''hagurome'' (歯黒め, dent noire) pouvaient être utilisés<ref name="Louis" />.

== Origine et signification ==
L'<nowiki/>''ohaguro'' a existé au Japon sous une forme ou une autre depuis l'Antiquité : avant l'introduction de la technique actuelle utilisant la [[Limaille|limaille de fer]], on pense que, comme c'est encore actuellement le cas en [[Asie du Sud-Est]], des teintures à base de plantes et de fruits étaient employées. Chez les Japonais, c'était un symbole de beauté jusqu'à l'ère Meiji, en effet, les objets d'un noir profond, comme ceux qui recevaient des laques brillantes, étaient considérés comme d'une grande beauté. Les origines de cette coutume sont encore peu claires<ref name="Garis">{{ouvrage|nom1=De Garis|prénom1=Frederic|prénom2=Sakai|nom2=Atsuharu|titre=We Japanese|url=http://books.google.es/books?id=hUm0AAAAQBAJ&pg=PA33&dq=tooth+blackening+japan&hl=es&sa=X&ei=ABmGVKTGN4riapDngagE&ved=0CEEQ6AEwBA#v=onepage&q=tooth%20blackening%20japan&f=false|lang=en|année=2013|éditeur=Routledge|isbn=1136183671|passage=33}}</ref> : on a proposé que cela pourrait être des soins dentaires primitifs ; servir à accentuer la différenciation entre les humains et les démons, lesquels sont représentés avec de grands crocs blancs<ref>{{ouvrage|nom=Kramer|prénom=Eric Mark|titre=The Emerging Monoculture: Assimilation and the "model Minority"|url=https://books.google.es/books?id=x9-yOGSyKrYC&pg=PA53&dq=ohaguro+demons&hl=es&sa=X&ei=KJeHVOKBBMmwUZmnhNAM&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=ohaguro%20demons&f=false|lang=en|année=2003|éditeur=Greenwood Publishing Group|isbn=0275973123|chapitre=Overview of Japanese Cosmetics and a History of Japanese Beauty to the Edo Period|passage=53}}</ref>, comme dans d'autres cultures d'Asie du Sud-Est ; lié à ce que les dents sont la seule partie visible du squelette, ce qui en fait un symbole de mort et les rend taboues<ref>{{ouvrage|nom=Stevenson|prénom=John|titre=Yoshitoshi's Women: The Woodblock-print Series Fūzoku Sanjūnisō|url=https://books.google.es/books?id=pSzrAAAAMAAJ&q=ohaguro+skeleton&dq=ohaguro+skeleton&hl=es&sa=X&ei=Z4-HVMzGOMj8UpSCgzg&ved=0CCMQ6AEwAA|lang=en|année=1995|éditeur=University of Washington Press|isbn=0295974311|capítulo=|passage=26|citation=The teeth that bite the cloth have been blackened with a dye called ohaguro, made from iron filings. Blackened teeth were considered attractive, possibly because teeth are a visible part of the skeleton which as a symbol of death was regarded...}}</ref> ; ou enfin refléter la préférence des Japonais et d'autres cultures d'Extrême-Orient pour cacher l'affichage public des sentiments : la combinaison du maquillage blanc pur typique, de l'épilation complète des sourcils, remplacés par des traits de peinture, une pratique connue sous le nom de ''hikimayu'' (引眉), et de l'''ohaguro'' créait un masque presque inexpressif<ref name="DeMello" />{{,}}{{#tag:ref|Il existe une autre hypothèse liée au maquillage très blanc qui recouvrait tout le visage, affirmant que cette teinte mettait en évidence la couleur jaunâtre habituelle des dents. Avec l'ohaguro, ce problème serait évité.|group=note}}. La coutume actuelle des femmes japonaises de se couvrir la bouche lorsqu'elles sourient découle plus ou moins de ces considérations et de la préférence, jusqu'au {{S-|XIX}}, pour des dents noires plutôt que blanches<ref>{{ouvrage|nom1=Van Steenberghe|prénom1=Daniel|nom2=Rosenberg|prénom2=Mel|titre=Bad Breath: A Multidisciplinary Approach|url=https://books.google.es/books?id=W8g5kVehRLYC&pg=PA226&dq=cover+mouth+japan+ohaguro&hl=es&sa=X&ei=5n2IVMGGFcfqUufqgcAJ&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=cover%20mouth%20japan%20ohaguro&f=false|lang=en|année=1996|éditeur=Leuven University Press|isbn=9061867797|passage=226}}</ref>.

Chez les samouraïs, l'''ohaguro'' est associé à l'idée de loyauté exprimée par la couleur noire{{note|Freeman-Mitford mentionne une origine possible de l'usage masculin, selon laquelle des "sadaijin" du XIIe siècle ont commencé à se maquiller à la manière des femmes, en raison de leur désir d'apparaître plus féminins. Avec le temps, cette coutume se serait répandue à la cour et de là aux partisans du [[clan Hojo]], dont les chefs étaient les ''[[shikken]]'' du shogunat Kamakura, en signe de fidélité<ref name=Freeman />. Il n'est pas le seul occidental du XIXe siècle à attribuer l'origine de son utilisation chez les hommes au manque de virilité de quelques aristocrates.|groupe=note}}. Lorsqu'un samouraï se teignait les dents en noir, cela reflétait sa décision de ne plus servir un autre ''[[daimyo]]'' pour le reste de sa vie<ref>{{ouvrage|nom=Geissberger|prénom=Marc|titre=Esthetic Dentistry in Clinical Practice|url=https://books.google.es/books?id=gSINAAAAQBAJ&pg=PA5&dq=ohaguro+samurai+loyalty&hl=es&sa=X&ei=ZoqIVLv_I47casHhgogI&ved=0CCMQ6AEwAA#v=onepage&q=ohaguro%20samurai%20loyalty&f=false|lang=en|année=2010|éditeur=Blackwell Publishing|isbn=1118694937|chapitre=Chapter 1: Introduction to Concepts in Esthetic Dentistry|passage=5}}</ref>, et depuis l'époque des ''[[shikken]]'', les nobles appliquaient cette coutume avec une signification similaire de loyauté envers le ''[[shogun]]''{{sfn|Wagatsuma|1967|p=436}}.

== Historique ==
[[Fichier:Yamanba and kintaro sakazuki.jpg|right|thumb|250px|''[[Ukiyo-e]]'' montrant [[Yama-Uba]] nourissant [[Kintarō]] ; on distingue les dents noircies de la sorcière.]]
Les premières mentions de l'''ohaguro'' apparaissent au {{S-|XI}} dans le ''[[Le Dit du Genji|Genji monogatari]]''<ref>{{ouvrage |apellido= |nombre= |auteur= [[Murasaki Shikibu]]|titre=[[Le Dit du Genji]] |url= |año=2001 |editor= |editorial=Penguin Classics |isbn=0-14-243714-X |capítulo=6 |página=130 |citation=Comme sa tante était une femme très conservatrice, elle ne s'épilait pas les sourcils, ni se noircissait les dents... }}</ref> et au {{S-|XII}} dans le conte de [[la Princesse qui aimait les insectes|''La Princesse qui aimait les insectes'']], (conte faisant partie du ''[[Tsutsumi Chūnagon monogatari]]''). Dans ce conte, le comportement excentrique de la protagoniste est considéré comme moins répréhensible que son refus de masquer son apparence naturelle, et une jeune fille décrit ses sourcils non rasés comme des « chenilles poilues » et ses dents non noircies comme des « chenilles sans peau », tandis qu'un capitaine de la garde, qui avait été attiré par elle, est choqué par son manque de maquillage et surtout par ses dents qui « brillaient horriblement quand elle souriait »<ref name="Freeman" />.

Cette coutume apparait chez les hommes et les femmes de l'aristocratie de l'[[époque de Heian]] entre le <abbr><small>IX<sup>e</sup></small></abbr> et le {{S-|XI}}<ref name="Freeman">{{ouvrage|auteur={{Lien|langue=en|trad=Algernon Freeman-Mitford|fr=Algernon Freeman-Mitford}}|titre=Tales of Old Japan|url=http://books.google.es/books ? id=kqBYSCzYjWMC&pg=PA88&dq=mitford+tales+old+japan&hl=en&sa=X&ei=8BuGVPOkGY3hatf5gfgC&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=teeth&f=false|lang=en|année=2010|première édition=1871|éditeur=Digireads. com Publishing|isbn=1420937529|passage=203|urlarchivo=https://web.archive. org/web/20141213035442/http://books.google.es/books ? id=kqBYSCzYjWMC&pg=PA88&dq=mitford+tales+old+japan&hl=en&sa=X&ei=8BuGVPOkGY3hatf5gfgC&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=teeth&f=false}}</ref>{{,}}{{sfn|Wagatsuma|1967|p=408-409}}, bientôt suivie par des femmes de tous horizons<ref name=Louis />. Ce fut d'abord un rite de passage chez les adolescentes, mais à la fin de cette période il s'était étendu aux hommes de la noblesse<ref name=Ashikari>{{article|lang=en |prénom=Ashikari |nom=Mikiko |année=2003 |titre=The memory of the women's white faces : Japaneseness and the ideal image of women |journal=Japan Forum ; Official journal of the British Association for Japanese Studies |volume=15 |numéro=1 |passage=76-77 |location= |éditeur=Routledge|issn=0955-5803 |url=https://es.scribd.com/doc/135818675/White-Face-Japanese|url=https://web.archive. org/web/20141213014149/https://es.scribd.com/doc/135818675/White-Face-Japanese }}</ref>. Au cours de l'[[époque de Kamakura]]<ref name=Ashikari /> (au {{S-|XIII}}), presque tous les nobles et de nombreux samouraïs se noircissaient les dents en atteignant leur majorité, lors de la cérémonie d'initiation, à l'âge de quinze ou seize ans<ref>{{ouvrage |nom=Blomberg |prénom=Catharina |title=The Heart of the Warrior : Origins and Religious Background of the Samurai System in Feudal Japan |url=https://www.amazon.fr/dp/B00GHJLBMY/ref=dp-kindle-redirect?_encoding=UTF8&btkr=1#reader_B00GHJLBMY |lang=en |année=2013 |éditeur=Routledge |isbn=1134240333 |chapter= |pages= |date= }}</ref> ; il en était de même à la cour de la famille impériale jusqu'à la fin de l'[[époque d'Edo]]. Bien qu'elle ne fut rapidement plus réservée aux les élites et ait été considérée comme acceptable pour les femmes du peuple, en particulier pour les femmes mariées et les geishas, elle restait interdite aux [[burakumin]], aux vagabonds et aux pauvres<ref name=DeMello>{{ouvrage |nom=DeMello |prénom=Margo |titre=Faces Around the World: A Cultural Encyclopedia of the Human Face |url=http://books.google.es/books ? id=9dcr4U0yBRAC&pg=PA288&dq=ohaguro&hl=fr&sa=X&ei=ThyFVO6UFNPVau71gPAK&ved=0CFkQ6AEwCDgo#v=onepage&q=ohaguro&f=false|lang=en |année=2012 |éditeur=ABC- CLIO |isbn=1598846175 |chapitre=Teeth Painting |passage=288-289 }}</ref>.

Pendant l'[[époque de Muromachi]] (au <small>XIV<sup>e</sup></small> et au {{S-|XV}}), l'ohaguro était fréquent chez les adultes, bien qu'avant l'[[époque Sengoku]], on le trouvait plus souvent chez les nobles comme signe du passage à la puberté{{sfn|Wagatsuma|1967|p=409}}, surtout pour les filles vers l'âge de 13 ans<ref name="Louis">{{ouvrage |nom=Nussbaum |prénom=Louis-Frédéric |titre=Japan Encyclopedia |url=http://books.google.es/books?id=p2QnPijAEmEC&pg=PA153&dq=kanetsuke&hl=es&sa=X&ei=GdyFVOj8Iov6UJyhgfgP&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=kanetsuke&f=false |lang=en |année=2002 |éditeur=[[Harvard University Press]] |isbn= 0674017536 |passage=152-153}}</ref>. Lorsque les mariages étaient célébrés, les proches de la mariée qui l'aidaient dans le processus et la présentaient aux autres étaient appelés ''kaneoya'' (鉄漿親) ou ''kanetsuke-oya'', littéralement « marraine des dents noircies ». Durant ces siècles tumultueux, qui ont vu l'émergence de nombreux [[Daimyo|daimyos]] se battant les uns contre les autres et qui ont conduit aux guerres de l'époque Sengoku, les samouraïs prenaient les têtes de leurs ennemis et les collectionnaient comme trophées après la bataille afin d'augmenter leur réputation aux yeux de leur [[daimyo]]<ref>{{ouvrage|nom1=Louis|prénom1=Thomas|nom2=Ito|prénom2=Tommy|titre=Samurai: The Code of the Warrior|url=https://books.google.es/books?id=wExlaM1ov0sC&pg=PA181&dq=ohaguro+samurai&hl=es&sa=X&ei=_4uIVIrXCNbzauLHgqAJ&ved=0CCIQ6AEwAA#v=onepage&q=ohaguro%20samurai&f=false|lang=en|année=2008|éditeur=Sterling Publishing Company, Inc|isbn=1402763123|chapitre=Chapter 5: Samurai at War|passage=181}}.</ref>. Les têtes étaient identifiées et dans de nombreux cas recevaient l'ohaguro après la décapitation pour augmenter la gloire du combattant, en montrant qu'il avait vaincu un ennemi notable. Dans le ''Oan monogatari'', Oan, fille d'un serviteur d'[[Ishida Mitsunari]], raconte ce processus après avoir survécu à la [[bataille de Sekigahara]] en 1600 :

{{Citation bloc|Nos alliés empilaient les têtes coupées qu'ils avaient obtenues dans cette partie du château. Nous avons mis une étiquette sur chacune des têtes afin qu'elles puissent être correctement identifiées. Nous avons ensuite teint leurs dents en noir à plusieurs reprises. Pourquoi avons-nous fait cela ? Il y a longtemps, les dents noircies étaient admirées comme le symbole d'un homme distingué. On nous a donc demandé d'appliquer une généreuse couche d'ohaguro sur toute tête aux dents blanches.}}

C'est vers la fin de cette période que son utilisation parmi les hommes est devenue minoritaire<ref name="Fukagawa" />.

Pendant l'[[époque d'Edo]], seuls les hommes qui faisaient partie de la famille impériale et de l'aristocratie avaient les dents noircies. En raison de la forte odeur et de l'effort requis pour le processus<ref name=Collia />, et de ce qu'il faisait paraître plus âgées les jeunes femmes, il n'était utilisé que par les femmes mariées ou fiancées<ref name=Ashikari />, les prostituées{{#tag:ref|Ainsi que parmi les hommes qui pratiquaient la prostitution, les ''[[kagema]]' ou ''yarō'', qui avaient adopté les coutumes et les manières des femmes de l'époque<ref>{{ouvrage |nom=De Becker |prénom=Joseph Ernest |titre=The Nightless City : Or the History of the Yoshiwara Yukwaku |url=https://books.google.es/books ? id=8RQdBAAAQBAJ&pg=PA46&dq=ohaguro+nightless+city&hl=en&sa=X&ei=y2WKVIP4LMm9Uaa- gtgB&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=ohaguro%20nightless%20city&f=false |lang=en |année=1899 |éditeur=Charless E. La compagnie Tuttle. Inc |location=Tokyo |isbn=9781462912506 |chapitre=Yarō |passage=370 }}.</ref>.|group=note}} et les ''geishas''. Il y a aussi des mentions de l'ohaguro dans les contes de fées situés à cette époque, comme dans ''[[Gon le renard]]'', de [[Nankichi Niimi]]{{note|texte=[...] le renard a vu la femme du fermier, appliquant du noir sur ses dents<ref>{{lien web|lang=en|url=http://www.geocities.co.jp/HeartLand-Gaien/7211/kudos18/gonfox1. html |titre=Lonely Fox (The Former Part) |consulté le= 9 décembre 2014 |lang=en |date=}}.</ref>.}}.

En 1870, le gouvernement a interdit cette pratique chez les hommes<ref>{{ouvrage|auteur=[[Basil Hall Chamberlain]]|lang=en |titre=Things Japanese : Being Notes on Various Subjects Connected With Japan for the Use of Travellers and Others |url=http://books.google.es/books ? id=4ffCAwAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false |année=2014 |année première édition=1890 |éditeur=[[Cambridge University Press]] |isbn=9781108073851 |passage=45 }}.</ref>, et la tradition est devenue progressivement obsolète, surtout à partir de 1873 chez les femmes mariées et nobles, quand l'impératrice [[Shōken]] a décidé d'apparaître en public avec les dents blanches<ref name=Collia />. Jusqu'aux dernières années de l'[[ère Meiji]], c'était encore une coutume populaire dans les classes moyennes<ref name=Ashikari />, mais à partir de l'[[ère Taishō]], elle a pratiquement disparu, sauf chez les femmes âgées des zones rurales.

Actuellement, on ne peut plus voir de dents noircies que dans certains ''[[matsuri]]'', dans les [[Liste de films historiques|films historiques]], dans le ''[[kabuki]]''<ref name=Buckley>{{ouvrage |nom=Buckley |prénom=Sandra|lang=en |titre=Encyclopedia of contemporary Japanese culture |année=2006 |éditeur=Routledge |isbn=1134763530 |chapitre=Cosmetics |passage=90 }}</ref>, et dans les quartiers ''[[hanamachi]]'', surtout parmi les ''maiko'' (les apprenties ''geishas'')<ref name="Buckley" />. Les ''maiko'' exécutent l'''ohaguro'' lors de leur ''erikae'', cérémonie de transition vers le degré de ''geiko'' qui en fait des ''geishas'' à part entière<ref name=Foster>{{lien web|url=http://www.johnpaulfoster. com/blog/2012/09/good-bye-and-hello-to-the-geisha-mamehana-of-gion-kobu/ |titre=Good-bye and hello to the geisha Mamehana of Gion Kobu |consulté le=12 décembre 2014 |nom=Foster |prénom=John Paul |site=johnpaulfoster.com |lang=en |date=Aussi, Mamehana est la seule Maiko que j'ai photographiée pendant ''sakkou'' qui n'a pas noirci ses dents avec ''ohaguro''. [...] Par exemple, la maiko que je connaissais le mieux avant Mamehana, Yukako et Makiko, m'ont toutes deux dit à quel point elles étaient fières de porter l'ohaguro pendant le ''sakkou'', [...] |urlarchivo=https://web.archive.org/web/20141213220623/http://www.johnpaulfoster. com/blog/2012/09/good-bye-and-hello-to-the-geisha-mamehana-of-gion-kobu/ |datearchive=13 décembre 2014 }}</ref>. L'utilisation du ''ohaguro'' et de la coiffure connue sous le nom de ''sakkou''{{#tag:ref|} Par assimilation on peut aussi trouver que le processus de passage du ''maiko'' au ''geiko'' est nommé d'après la coiffure, ''sakkou''.<ref name=Foster />|group=note}}, tous deux caractéristiques traditionnelles des jeunes mariées japonaises, est un symbole de leur ''mariage'' avec les arts qu'ils pratiquent<ref>{{note du site}} |url=http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/english/tv/featured/fk/essence.html |title=Essence de Kyoto |dateaccess= 12 décembre 2014 |surname=Yamaguchi |name=Sherry |date=2010 |work=NHK.or.jp |language=français |date= |urlarchivo=https://web.archive.org/web/20141213115727/http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/english/tv/featured/fk/essence.html |datearchive= 13 décembre 2014 }}</ref>.

== Fonction sociale ==
Un grand nombre de voyageurs occidentaux, dont la notion de beauté était opposée, parmi lesquels [[Engelbert Kaempfer]], [[Philipp Franz von Siebold]] et [[Rutherford Alcock]], visitant le Japon à l'[[époque d'Edo]], ont décrit l'ohaguro comme « une coutume japonaise détestable qui défigure leurs femmes » ; beaucoup d'entre eux considéraient en fait les Japonaises comme d'une grande beauté jusqu'au moment où elles leur souriaient<ref name="Leisure" />{{,}}<ref>{{ouvrage|lang=en|nom=Leup|prénom=Gary P|titre=Interracial Intimacy in Japan: Western Men and Japanese Women, 1543-1900|url=http://books.google.es/books?id=-I6owJcCOdwC&pg=PA132&dq=alcock+japan+teeth&hl=es&sa=X&ei=SU-GVP3lFseAUdmYgAg&ved=0CEcQ6AEwBQ#v=onepage&q=alcock%20japan%20teeth&f=false|lang=en|année=2003|éditeur=A&C Black|isbn=0826460747|chapitre=Admiration for Japanese women|página=132|cita=Westerners continued to lament the traditional practices of tooth-blackening and eyebrow plucking; these greatly reduced the Japanese women's appeal.}}</ref>{{,}}<ref name="Mason">{{ouvrage|nom=Mason Satow|prénom=Ernest|lien auteur=Ernest Mason Satow|titre=A Diplomat in Japan: The Inner History of the Critical Years in the Evolution of Japan When the Ports Were Opened and the Monarchy Restored|url=https://books.google.es/books?id=aNKtueHW0tkC&printsec=frontcover&hl=es&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=teeth&f=false|lang=en|année=2007|éditeur=Stone Bridge Press, Inc|isbn=0893469610|chapitre=XVI First Visit to Ozaka|passage=200|cita=}}</ref>. Alcock a émis l'hypothèse que le but de cette coutume serait de rendre les femmes peu attirantes, ce qui éviterait d'éventuelles relations extraconjugales{{sfn|Alcock|1863|p=193}}, et sa vision de cette coutume n'a guère changé pendant son séjour de trois ans au Japon{{#tag:ref|D'autres Occidentaux n'ont pas été aussi sévères dans leurs évaluations et certains mentionnent même s'y être habitués et avoir pu observer sans dégoût le renouvellement de la laque<ref name=Freeman />{{,}}<ref name=Mason/>, mais parmi les témoignages, aucun ne va jusqu'à apprécier cette coutume.|group=note}} :
{{Citation|Une fois qu'elles auront renouvelé le vernis noir de leurs dents et arraché jusqu'au dernier poil de leurs sourcils, les épouses japonaises pourront affirmer leur prééminence inégalée en termes de laideur artificielle sur le reste de leur sexe. Leurs bouches défigurées sont comme des tombes ouvertes.}}

Le sociologue japonais Kyouji Watanabe n'est pas d'accord avec cette théorie. Considérant que les jeunes filles japonaises bénéficiaient d'un degré élevé de liberté sociale et sexuelle jusqu'au moment où elles recevaient l'ohaguro, où elles acceptaient leur responsabilité d'épouse et de mère, Watanabe fait valoir qu'il s'agissait d'un rituel social par lequel la société et la jeune femme affirmaient la détermination de la femme qui avait mûri<ref name="Watanabe" />.

== Colorants ==
Le principal ingrédient était une solution brun foncé d'{{Lien|langue=en|trad=Iron(III) acetate|fr=acétate ferrique}} appelée ''kanemizu'' (かねみず; lit. «eau noire»), obtenue en dissolvant de la [[Limaille|limaille de fer]] dans du vinaigre<ref name="Collia">{{lien web |url=http://www.ginacolliasuzuki.com/author/ohaguro-beautiful-blackened-smiles.html |titre=Beautiful Blackened Smiles |nom=Collia-Suzuki |prénom=Gina |lang=en |url=https://web.archive.org/web/20130513153445/http://www.ginacolliasuzuki.com/author/ohaguro-beautiful-blackened-smiles.html |cita= }}</ref>. Lorsque la solution était combinée avec des [[Tanin|tanins]] végétaux provenant de feuilles de thé, ou de la poudre de [[Galle (botanique)|galles]] du [[Rhus|sumac]] (''Rhus chinensis'') que l'on appelait ''fushi'', elle devenait noire ; le même procédé était d'ailleurs utilisé pour fabriquer l'[[encre métallo-gallique]]. Le fait de couvrir les dents avec ce liquide empêchait la détérioration des dents et de l'émail<ref name="Lewis" /> et, disait-on, soulageait presque immédiatement la douleur des affections dentaires<ref name="Freeman" />. La teinture se décolorait rapidement, et devait être appliquée une fois par jour pour maintenir une teinte sombre uniforme<ref name="Collia" />.

Parmi les étrangers qui connaissaient la coutume circulait une rumeur, jamais prouvée, selon laquelle les ingrédients comprenaient également de l'urine<ref name=":0">{{ouvrage|nom=Gill|prénom=Robin D|titre=Topsy-turvy 1585|url=http://books.google.es/books?id=P6vMfibKtBsC&pg=PA157&dq=ohaguro&hl=es&sa=X&ei=GACFVMWqJMGsUdGYgtAP&ved=0CCcQ6AEwATgU#v=onepage&q=ohaguro&f=false|lang=en|année=2004|éditeur=Paraverse Press|isbn=0974261815|passage=157}}</ref>. {{Lien|langue=en|trad=Algernon Freeman-Mitford|fr=Algernon Freeman-Mitford}} a transcrit dans ses ''{{Lien|langue=en|trad=Tales of Old Japan|fr=Contes du Japon ancien}}'' une recette qui lui a été décrite par un apothicaire réputé de [[Edo (ville)|Edo]] :

« Prenez trois pintes d'eau et, après l'avoir fait chauffer, ajoutez une demi-tasse de [[saké]]. Mettez une certaine quantité de fer rouge dans ce mélange ; laissez reposer pendant cinq à six jours, après quoi il y aura un résidu à la surface du mélange, que vous devrez ensuite verser dans une petite tasse à thé et placer près du feu. Lorsqu'il est chaud, vous devez ajouter de la poudre de galle et de la limaille de fer, et vous devez faire chauffer le tout à nouveau. Ensuite, vous vous peignez les dents avec ce liquide à l'aide d'une brosse douce, et après quelques applications, vous obtiendrez la couleur désirée. »

Dans les pièces de ''[[kabuki]]'', les acteurs se peignaient les dents en noir lorsqu'ils jouaient des femmes mariées, des courtisanes et certains nobles<ref name="Leiter">{{ouvrage|nom=Leiter|prénom=Samuel L|titre=The Art of Kabuki: Five Famous Plays|url=https://books.google.es/books?id=1iX1co5TJPMC&pg=PA275&dq=kabuki+hayagane&hl=es&sa=X&ei=_b6HVLPzB8m1UaCMhPgP&ved=0CCsQ6AEwAA#v=onepage&q=kabuki%20hayagane&f=false|lang=en|année=1999|éditeur=Courier Corporation|isbn=0486408728|chapitre=Glossary|passage=275}}</ref>, en utilisant traditionnellement un mélange de sucre brun et de résine de pin<ref>{{ouvrage|nom=Scott|prénom=Adolphe Clarence|titre=The Kabuki Theatre of Japan|url=https://books.google.es/books?id=68RITdcFpHYC&pg=PA303&dq=ohaguro+plays&hl=es&sa=X&ei=dLaHVIu7JIrxUq-NgbgM&ved=0CCsQ6AEwAA#v=onepage&q=blackened%20teeth&f=false|lang=en|anée=1955|éditeur=Courier Corporation|isbn=0486406458|chapitre=The actor's Technique|passage=126|cita=}}</ref>, appelé ''hayagane'', et qui pouvait égalemnt inclure de la cire, du noir de carbone, du pigment rouge, du miel de riz et de l'huile de lampe, le tout ramolli sur une flamme''<ref name="Leiter" />''.

== Application ==
[[Fichier:Kunisada-woman-blackening-teeth-c-1815.jpg|right|thumb|250px|''[[Nishiki-e]]'' de [[Utagawa Kunisada]], série ''Trois belles femmes se maquillent'', 1815. On peut voir une geisha utiliser l'ensemble des éléments traditionnels pour le noircissement, posés sur le ''mimidarai'' et le ''watashigane''.]]
[[Fichier:Tooth-blackening utensils - Hirata Folk Art Museum - Takayama, Gifu, Japan - DSC06787.jpg|vignette|gauche|Ustensiles d{{'}}''ohaguro'' exposés au musée d'art populaire Hirata de [[Takayama]] (Japon).]]
Divers récipients et outils étaient utilisés pour le traitement, la conservation et l'application de la teinture. Parmi eux se trouvait le ''mimidarai'', un grand bol avec des poignées sur lequel était placé le ''watashigane'', un plateau fin où l'on posait les éléments avec lesquels on appliquait la teinture<ref name="Collia" />{{,}}<ref>{{lien web |url=http://www.mfa.org/collections/object/blacking-the-teeth-kanetsuke-no-3-from-the-series-twelve-rituals-of-marriage-konrei-j%C3%BBni-shiki-226456 |titre=Se noircir les dents (Kanetsuke), No. 3 dans la série Douze rituels du mariage (Konrei jûni-shiki)|lang=en}}</ref>. L'ensemble des petits éléments était conservé dans un boîtier plus grand, le ''haguro-bako'', dans lequel se trouvait le ''fushi-bako'' ou petite boîte où était conservée la poudre de [[Galle (botanique)|galles]], le ''haguro-tsugi'' avec lequel on administrait le colorant, et l'''ugai-chawan'', petit bol en porcelaine pour se gargariser après le processus<ref>{{ouvrage|nom=Koizumi|prénom=Kazuko|titre=Traditional Japanese Furniture: A Definitive Guide|url=http://books.google.es/books?id=R1_7z2MeZOMC&printsec=frontcover&hl=es&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|lang=en|année=1986|éditeur=Kodansha International|isbn=9780870117220|passage=129}}</ref>.

Chaque fois que l'on répétait le processus, les dents étaient soigneusement frottées avec la coquille d'une grenade pour former une surface adhésive pour le colorant<ref name="Collia" />. Selon Freeman-Mitford, la teinture devrait être appliquée au moins tous les deux jours, car dès le premier jour, les dents perdaient leur éclat de laque et des parties grises pouvaient apparaitre parmi celles qui conservaient la couleur noire souhaitée, ce qui donnait un aspect jugé repoussant<ref name="Freeman" />.

== Superstitions, légendes et expressions populaires ==
[[Fichier:ShunsenHagurobettari.jpg|thumb|250px|Image représentant l'''ohaguro bettari'', tirée du ''[[Ehon hyaku monogatari]]'' (''Livre d'images d'une centaine d'histoires''), 1841.|gauche]]
* Dans le livre de Yamada Norio, ''Tohoku'' ''Kaidan no Tabi'' (''Voyage parmi les contes de fantômes du Tohoku'') figure une histoire de [[Fukushima (Fukushima)|Fukushima]] intitulée ''ohaguro bettari'' (お歯黒べったり, lit. en dents noires et en blanc)<ref name="Yokai">{{lien web |url=http://yokai.com/ohagurobettari/ |titre=Ohaguro-bettari |consulté le=9 décembre 2014 |nom=Meyer |prénom=Matthew |date=2013 |site=The Night Parade of One Hundred Demons: a Field Guide to Japanese Yokai |lang=en }}</ref>. Elle parle d'une [[Yōkai|''yōkai'']], ou plus précisément d'une [[Noppera-bō|''noppera-bō'']], habillée et maquillée à l'ancienne à la manière des femmes japonaises, mais dont le visage ne présente qu'une grande bouche pleine de dents noires<ref name="Yokai" />.
* Une légende de l'île d'[[Himeshima]] raconte que lorsque Himekami a fui le prince Tsunuga Arashito, il s'est arrêté un moment en chemin pour appliquer l'''ohaguro''. Lorsqu'il a voulu se rincer la bouche, il n'a trouvé aucune eau à proximité, alors il a tapé des mains et l'eau a commencé à couler de la terre ; c'est pourquoi la source Hyoshimizu dans le sanctuaire de l'Himekoso est aussi appelée Ohaguro mizu (eau d'Ohaguro)<ref>{{lien web|lang=en|url=http://nippon-kichi.jp/article_list.do?p=953&ml_lang=en |titre=拍子水 Hyoushi-mizu Hyoshimizu Spring |accédé le=9 décembre 2014 |site=nippon-kichi.jp }}</ref>.
*Au cours de l'[[ère Meiji]], une [[légende urbaine]] s'est répandue selon laquelle le goudron de houille, utilisé comme isolant lors la pose des réseaux électriques dans les villes japonaises, était en fait composé en partie de sang de vierges, une rumeur visant les Occidentaux ayant installé les fils<ref>{{ouvrage|nom=Figal|prénom=Gerald A|titre=Civilization and Monsters: Spirits of Modernity in Meiji Japan|url=https://books.google.es/books?id=uTgTO6Vkzt8C&pg=PA34&lpg=PA34&dq=%22meiji%22+%22wires%22+%22virgins%22&source=bl&ots=-WDNmOr40Q&sig=H36GWZJMK3-HyTca5ZQlHdajyQA&hl=es&sa=X&ei=SIqHVImNGIW1UfP9g_AE&ved=0CC0Q6AEwAQ#v=onepage&q=%22meiji%22%20%22wires%22%20%22virgins%22&f=false|lang=en|année=1999|éditeur=[[Duke University Press]]|isbn=0822324180|capítulo=Bakumatsu Bakemono|passage=34}}</ref>. Pour éviter d'être attaquées dans le but d'extraire leur sang, de nombreuses jeunes femmes ont décidé de changer d'apparence pour ressembler à des femmes mariées : elles se sont teint les dents en noir, ont peint leurs sourcils, ont porté de simples kimonos et se sont coiffées à la manière d'une épouse<ref>{{lien web |url=http://pinktentacle.com/2010/02/urban-legends-from-meiji-period-japan/ |titre=Urban legends from Meiji-period Japan |consulté le=9 décembre 2014 |site=Pinktentacle.com |lang=en |cita=Electric power lines insulated with the blood of virgins}}</ref>.
* Le principal quartier chaud du pays entre le XVIIe siècle et l'interdiction de la prostitution au Japon en 1958 était Yoshiwara, à Edo. Le quartier était entouré des quatre côtés par un petit fossé d'eau qui était appelé ''ohaguro dobu'' (lit. ''canal des dents noires''), en raison de l'abondance de prostituées aux dents teintes<ref>{{ouvrage|nom=Cybriwsky|prénom=Roman Adrian|titre=Historical Dictionary of Tokyo|url=https://books.google.es/books?id=9pePrUSs7kMC&pg=PA275&lpg=PA275&dq=ohaguro+%22moat%22&source=bl&ots=dzoB8I9zPm&sig=QeOdH8kuk-2gqV0DKxUB-2DTUwY&hl=es&sa=X&ei=CWuKVLepKoHxUtn0gMAC&ved=0CCYQ6AEwAQ#v=onepage&q=ohaguro%20%22moat%22&f=false|lang=en|année=2011| éditeur=Scarecrow Press|isbn=081087489X|chapitre=Yoshiwara|passage=274|cita=}}</ref>.


== Historique ==
== Historique ==

Version du 9 janvier 2021 à 11:20

Ohaguro
Gravure sur bois de Utagawa Kunisada, signée Gototei Kunisada ga, série Miroirs du boudoir moderne, titre Noircissement de dent, éditeur Azumaya Daisuke, vers 1823.
Présentation
Type
Partie de
Civilisation

L'ohaguro (お歯黒?, litt. « dent noire ») est une tradition japonaise de noircissement des dents[1], populaire durant l'ère Meiji. L'ohaguro a été pratiqué au moins depuis la période d'Asuka. Considéré comme un embellissement de l'apparence, le noircissement avait également un but utilitaire : le vernis permettait de conserver les dents en bonne santé.

Ohaguro, nishiki-e de Utagawa Kunisada, série Miroirs des boudoirs modernes, ca. 1820.
Geisha noircissant ses dents à treize heures, ukiyo-e de Tsukioka Yoshitoshi, série 24 heures à Shinbashi et Yanagibashi.

Ohaguro (お歯黒, dents noires?) est le nom donné au Japon à la coutume de se noircir les dents avec une solution de limaille de fer et de vinaigre. Cette coutume a été particulièrement populaire pendant les époques Heian et Edo, du xe siècle à la fin du xixe siècle, mais l'ouverture du pays aux coutumes occidentales pendant l'ère Meiji a conduit à sa disparition progressive. C'était une tradition pratiquée principalement par des femmes mariées et quelques hommes, pour la plupart des samouraïs ou des membres de l'aristocratie. Outre la préférence de la société japonaise pour les dents noires, elle était également considérée comme bénéfique pour la santé, car elle prévenait les caries en agissant comme un ancien scellement dentaire. Le noircissement des dents était également une pratique connue et répandue en Chine et en Asie du Sud-Est, bien qu'avec des recettes différentes.

Étymologie

Le mot ohaguro est composé de o (, préposition honorifique?) et des kanji ha (歯, dent), et kuro (黒, noir) ; à cause du rendaku, il se prononce ohaguro et non ohakuro[2]. Le mot japonais kuro est lié à l'idée de la nuit et de son contraste avec le jour, étant donné que la nuit est soumise au jour et en est inséparable ; en raison de l'impossibilité de teindre le noir avec d'autres couleurs, cette couleur était associée à la soumission et à la loyauté, ainsi qu'à la force et à la dignité en raison de sa grande intensité visuelle, c'est pourquoi elle était la couleur prédominante chez les samouraïs[3],[4]. L'écriture formelle de ohaguro est お歯黒, mais il existait aussi des formes alternatives telles que tesshō (鉄漿, jus de fer), qui faisait allusion au liquide utilisé dans le processus ou fushimizu (五倍子水, eau de galles), utilisées dans l'ancien palais impérial de Kyoto ; tandis que chez les gens du peuple, des termes tels que kanetsuke (鉄漿付け, collage à la pâte de fer), tsukegane (つけがね, collage à la pâte de fer) ou hagurome (歯黒め, dent noire) pouvaient être utilisés[5].

Origine et signification

L'ohaguro a existé au Japon sous une forme ou une autre depuis l'Antiquité : avant l'introduction de la technique actuelle utilisant la limaille de fer, on pense que, comme c'est encore actuellement le cas en Asie du Sud-Est, des teintures à base de plantes et de fruits étaient employées. Chez les Japonais, c'était un symbole de beauté jusqu'à l'ère Meiji, en effet, les objets d'un noir profond, comme ceux qui recevaient des laques brillantes, étaient considérés comme d'une grande beauté. Les origines de cette coutume sont encore peu claires[6] : on a proposé que cela pourrait être des soins dentaires primitifs ; servir à accentuer la différenciation entre les humains et les démons, lesquels sont représentés avec de grands crocs blancs[7], comme dans d'autres cultures d'Asie du Sud-Est ; lié à ce que les dents sont la seule partie visible du squelette, ce qui en fait un symbole de mort et les rend taboues[8] ; ou enfin refléter la préférence des Japonais et d'autres cultures d'Extrême-Orient pour cacher l'affichage public des sentiments : la combinaison du maquillage blanc pur typique, de l'épilation complète des sourcils, remplacés par des traits de peinture, une pratique connue sous le nom de hikimayu (引眉), et de l'ohaguro créait un masque presque inexpressif[9],[note 1]. La coutume actuelle des femmes japonaises de se couvrir la bouche lorsqu'elles sourient découle plus ou moins de ces considérations et de la préférence, jusqu'au XIXe siècle, pour des dents noires plutôt que blanches[10].

Chez les samouraïs, l'ohaguro est associé à l'idée de loyauté exprimée par la couleur noire[note 2]. Lorsqu'un samouraï se teignait les dents en noir, cela reflétait sa décision de ne plus servir un autre daimyo pour le reste de sa vie[12], et depuis l'époque des shikken, les nobles appliquaient cette coutume avec une signification similaire de loyauté envers le shogun[13].

Historique

Ukiyo-e montrant Yama-Uba nourissant Kintarō ; on distingue les dents noircies de la sorcière.

Les premières mentions de l'ohaguro apparaissent au XIe siècle dans le Genji monogatari[14] et au XIIe siècle dans le conte de La Princesse qui aimait les insectes, (conte faisant partie du Tsutsumi Chūnagon monogatari). Dans ce conte, le comportement excentrique de la protagoniste est considéré comme moins répréhensible que son refus de masquer son apparence naturelle, et une jeune fille décrit ses sourcils non rasés comme des « chenilles poilues » et ses dents non noircies comme des « chenilles sans peau », tandis qu'un capitaine de la garde, qui avait été attiré par elle, est choqué par son manque de maquillage et surtout par ses dents qui « brillaient horriblement quand elle souriait »[11].

Cette coutume apparait chez les hommes et les femmes de l'aristocratie de l'époque de Heian entre le IXe et le XIe siècle[11],[15], bientôt suivie par des femmes de tous horizons[5]. Ce fut d'abord un rite de passage chez les adolescentes, mais à la fin de cette période il s'était étendu aux hommes de la noblesse[16]. Au cours de l'époque de Kamakura[16] (au XIIIe siècle), presque tous les nobles et de nombreux samouraïs se noircissaient les dents en atteignant leur majorité, lors de la cérémonie d'initiation, à l'âge de quinze ou seize ans[17] ; il en était de même à la cour de la famille impériale jusqu'à la fin de l'époque d'Edo. Bien qu'elle ne fut rapidement plus réservée aux les élites et ait été considérée comme acceptable pour les femmes du peuple, en particulier pour les femmes mariées et les geishas, elle restait interdite aux burakumin, aux vagabonds et aux pauvres[9].

Pendant l'époque de Muromachi (au XIVe et au XVe siècle), l'ohaguro était fréquent chez les adultes, bien qu'avant l'époque Sengoku, on le trouvait plus souvent chez les nobles comme signe du passage à la puberté[18], surtout pour les filles vers l'âge de 13 ans[5]. Lorsque les mariages étaient célébrés, les proches de la mariée qui l'aidaient dans le processus et la présentaient aux autres étaient appelés kaneoya (鉄漿親) ou kanetsuke-oya, littéralement « marraine des dents noircies ». Durant ces siècles tumultueux, qui ont vu l'émergence de nombreux daimyos se battant les uns contre les autres et qui ont conduit aux guerres de l'époque Sengoku, les samouraïs prenaient les têtes de leurs ennemis et les collectionnaient comme trophées après la bataille afin d'augmenter leur réputation aux yeux de leur daimyo[19]. Les têtes étaient identifiées et dans de nombreux cas recevaient l'ohaguro après la décapitation pour augmenter la gloire du combattant, en montrant qu'il avait vaincu un ennemi notable. Dans le Oan monogatari, Oan, fille d'un serviteur d'Ishida Mitsunari, raconte ce processus après avoir survécu à la bataille de Sekigahara en 1600 :

« Nos alliés empilaient les têtes coupées qu'ils avaient obtenues dans cette partie du château. Nous avons mis une étiquette sur chacune des têtes afin qu'elles puissent être correctement identifiées. Nous avons ensuite teint leurs dents en noir à plusieurs reprises. Pourquoi avons-nous fait cela ? Il y a longtemps, les dents noircies étaient admirées comme le symbole d'un homme distingué. On nous a donc demandé d'appliquer une généreuse couche d'ohaguro sur toute tête aux dents blanches. »

C'est vers la fin de cette période que son utilisation parmi les hommes est devenue minoritaire[4].

Pendant l'époque d'Edo, seuls les hommes qui faisaient partie de la famille impériale et de l'aristocratie avaient les dents noircies. En raison de la forte odeur et de l'effort requis pour le processus[20], et de ce qu'il faisait paraître plus âgées les jeunes femmes, il n'était utilisé que par les femmes mariées ou fiancées[16], les prostituées[note 3] et les geishas. Il y a aussi des mentions de l'ohaguro dans les contes de fées situés à cette époque, comme dans Gon le renard, de Nankichi Niimi[23].

En 1870, le gouvernement a interdit cette pratique chez les hommes[24], et la tradition est devenue progressivement obsolète, surtout à partir de 1873 chez les femmes mariées et nobles, quand l'impératrice Shōken a décidé d'apparaître en public avec les dents blanches[20]. Jusqu'aux dernières années de l'ère Meiji, c'était encore une coutume populaire dans les classes moyennes[16], mais à partir de l'ère Taishō, elle a pratiquement disparu, sauf chez les femmes âgées des zones rurales.

Actuellement, on ne peut plus voir de dents noircies que dans certains matsuri, dans les films historiques, dans le kabuki[25], et dans les quartiers hanamachi, surtout parmi les maiko (les apprenties geishas)[25]. Les maiko exécutent l'ohaguro lors de leur erikae, cérémonie de transition vers le degré de geiko qui en fait des geishas à part entière[26]. L'utilisation du ohaguro et de la coiffure connue sous le nom de sakkou[note 4], tous deux caractéristiques traditionnelles des jeunes mariées japonaises, est un symbole de leur mariage avec les arts qu'ils pratiquent[27].

Fonction sociale

Un grand nombre de voyageurs occidentaux, dont la notion de beauté était opposée, parmi lesquels Engelbert Kaempfer, Philipp Franz von Siebold et Rutherford Alcock, visitant le Japon à l'époque d'Edo, ont décrit l'ohaguro comme « une coutume japonaise détestable qui défigure leurs femmes » ; beaucoup d'entre eux considéraient en fait les Japonaises comme d'une grande beauté jusqu'au moment où elles leur souriaient[28],[29],[30]. Alcock a émis l'hypothèse que le but de cette coutume serait de rendre les femmes peu attirantes, ce qui éviterait d'éventuelles relations extraconjugales[31], et sa vision de cette coutume n'a guère changé pendant son séjour de trois ans au Japon[note 5] : « Une fois qu'elles auront renouvelé le vernis noir de leurs dents et arraché jusqu'au dernier poil de leurs sourcils, les épouses japonaises pourront affirmer leur prééminence inégalée en termes de laideur artificielle sur le reste de leur sexe. Leurs bouches défigurées sont comme des tombes ouvertes. »

Le sociologue japonais Kyouji Watanabe n'est pas d'accord avec cette théorie. Considérant que les jeunes filles japonaises bénéficiaient d'un degré élevé de liberté sociale et sexuelle jusqu'au moment où elles recevaient l'ohaguro, où elles acceptaient leur responsabilité d'épouse et de mère, Watanabe fait valoir qu'il s'agissait d'un rituel social par lequel la société et la jeune femme affirmaient la détermination de la femme qui avait mûri[32].

Colorants

Le principal ingrédient était une solution brun foncé d'acétate ferrique (en) appelée kanemizu (かねみず; lit. «eau noire»), obtenue en dissolvant de la limaille de fer dans du vinaigre[20]. Lorsque la solution était combinée avec des tanins végétaux provenant de feuilles de thé, ou de la poudre de galles du sumac (Rhus chinensis) que l'on appelait fushi, elle devenait noire ; le même procédé était d'ailleurs utilisé pour fabriquer l'encre métallo-gallique. Le fait de couvrir les dents avec ce liquide empêchait la détérioration des dents et de l'émail[33] et, disait-on, soulageait presque immédiatement la douleur des affections dentaires[11]. La teinture se décolorait rapidement, et devait être appliquée une fois par jour pour maintenir une teinte sombre uniforme[20].

Parmi les étrangers qui connaissaient la coutume circulait une rumeur, jamais prouvée, selon laquelle les ingrédients comprenaient également de l'urine[34]. Algernon Freeman-Mitford a transcrit dans ses Contes du Japon ancien (en) une recette qui lui a été décrite par un apothicaire réputé de Edo :

«  Prenez trois pintes d'eau et, après l'avoir fait chauffer, ajoutez une demi-tasse de saké. Mettez une certaine quantité de fer rouge dans ce mélange ; laissez reposer pendant cinq à six jours, après quoi il y aura un résidu à la surface du mélange, que vous devrez ensuite verser dans une petite tasse à thé et placer près du feu. Lorsqu'il est chaud, vous devez ajouter de la poudre de galle et de la limaille de fer, et vous devez faire chauffer le tout à nouveau. Ensuite, vous vous peignez les dents avec ce liquide à l'aide d'une brosse douce, et après quelques applications, vous obtiendrez la couleur désirée. »

Dans les pièces de kabuki, les acteurs se peignaient les dents en noir lorsqu'ils jouaient des femmes mariées, des courtisanes et certains nobles[35], en utilisant traditionnellement un mélange de sucre brun et de résine de pin[36], appelé hayagane, et qui pouvait égalemnt inclure de la cire, du noir de carbone, du pigment rouge, du miel de riz et de l'huile de lampe, le tout ramolli sur une flamme[35].

Application

Nishiki-e de Utagawa Kunisada, série Trois belles femmes se maquillent, 1815. On peut voir une geisha utiliser l'ensemble des éléments traditionnels pour le noircissement, posés sur le mimidarai et le watashigane.
Ustensiles d'ohaguro exposés au musée d'art populaire Hirata de Takayama (Japon).

Divers récipients et outils étaient utilisés pour le traitement, la conservation et l'application de la teinture. Parmi eux se trouvait le mimidarai, un grand bol avec des poignées sur lequel était placé le watashigane, un plateau fin où l'on posait les éléments avec lesquels on appliquait la teinture[20],[37]. L'ensemble des petits éléments était conservé dans un boîtier plus grand, le haguro-bako, dans lequel se trouvait le fushi-bako ou petite boîte où était conservée la poudre de galles, le haguro-tsugi avec lequel on administrait le colorant, et l'ugai-chawan, petit bol en porcelaine pour se gargariser après le processus[38].

Chaque fois que l'on répétait le processus, les dents étaient soigneusement frottées avec la coquille d'une grenade pour former une surface adhésive pour le colorant[20]. Selon Freeman-Mitford, la teinture devrait être appliquée au moins tous les deux jours, car dès le premier jour, les dents perdaient leur éclat de laque et des parties grises pouvaient apparaitre parmi celles qui conservaient la couleur noire souhaitée, ce qui donnait un aspect jugé repoussant[11].

Superstitions, légendes et expressions populaires

Image représentant l'ohaguro bettari, tirée du Ehon hyaku monogatari (Livre d'images d'une centaine d'histoires), 1841.
  • Dans le livre de Yamada Norio, Tohoku Kaidan no Tabi (Voyage parmi les contes de fantômes du Tohoku) figure une histoire de Fukushima intitulée ohaguro bettari (お歯黒べったり, lit. en dents noires et en blanc)[39]. Elle parle d'une yōkai, ou plus précisément d'une noppera-bō, habillée et maquillée à l'ancienne à la manière des femmes japonaises, mais dont le visage ne présente qu'une grande bouche pleine de dents noires[39].
  • Une légende de l'île d'Himeshima raconte que lorsque Himekami a fui le prince Tsunuga Arashito, il s'est arrêté un moment en chemin pour appliquer l'ohaguro. Lorsqu'il a voulu se rincer la bouche, il n'a trouvé aucune eau à proximité, alors il a tapé des mains et l'eau a commencé à couler de la terre ; c'est pourquoi la source Hyoshimizu dans le sanctuaire de l'Himekoso est aussi appelée Ohaguro mizu (eau d'Ohaguro)[40].
  • Au cours de l'ère Meiji, une légende urbaine s'est répandue selon laquelle le goudron de houille, utilisé comme isolant lors la pose des réseaux électriques dans les villes japonaises, était en fait composé en partie de sang de vierges, une rumeur visant les Occidentaux ayant installé les fils[41]. Pour éviter d'être attaquées dans le but d'extraire leur sang, de nombreuses jeunes femmes ont décidé de changer d'apparence pour ressembler à des femmes mariées : elles se sont teint les dents en noir, ont peint leurs sourcils, ont porté de simples kimonos et se sont coiffées à la manière d'une épouse[42].
  • Le principal quartier chaud du pays entre le XVIIe siècle et l'interdiction de la prostitution au Japon en 1958 était Yoshiwara, à Edo. Le quartier était entouré des quatre côtés par un petit fossé d'eau qui était appelé ohaguro dobu (lit. canal des dents noires), en raison de l'abondance de prostituées aux dents teintes[43].

Historique

Ustensiles d'ohaguro exposés au musée d'art populaire Hirata de Takayama (Japon).

Notes et références

  1. (ja) Asahi Shinbun, « お歯黒は » [« Ohaguro »], sur Kotobank,‎ (consulté le ).
  2. (en) Johannes Justus, The Industries of Japan: Together with an Account of Its Agriculture, Forestry, Arts and Commerce, Curzon Press, (ISBN 0700703519, lire en ligne), p. 181
  3. Hara 1984, p. 97-98.
  4. a et b (en) Fukagawa Masahiko, « Teeth color as a cultural form » (consulté le )
  5. a b et c (en) Louis-Frédéric Nussbaum, Japan Encyclopedia, Harvard University Press, (ISBN 0674017536, lire en ligne), p. 152-153
  6. (en) Frederic De Garis et Sakai Atsuharu, We Japanese, Routledge, (ISBN 1136183671, lire en ligne), p. 33
  7. (en) Eric Mark Kramer, The Emerging Monoculture: Assimilation and the "model Minority", Greenwood Publishing Group, (ISBN 0275973123, lire en ligne), « Overview of Japanese Cosmetics and a History of Japanese Beauty to the Edo Period », p. 53
  8. (en) John Stevenson, Yoshitoshi's Women: The Woodblock-print Series Fūzoku Sanjūnisō, University of Washington Press, (ISBN 0295974311, lire en ligne), p. 26 :

    « The teeth that bite the cloth have been blackened with a dye called ohaguro, made from iron filings. Blackened teeth were considered attractive, possibly because teeth are a visible part of the skeleton which as a symbol of death was regarded... »

  9. a et b (en) Margo DeMello, Faces Around the World: A Cultural Encyclopedia of the Human Face, ABC- CLIO, (ISBN 1598846175, lire en ligne), « Teeth Painting », p. 288-289
  10. (en) Daniel Van Steenberghe et Mel Rosenberg, Bad Breath: A Multidisciplinary Approach, Leuven University Press, (ISBN 9061867797, lire en ligne), p. 226
  11. a b c d e et f (en) Algernon Freeman-Mitford, Tales of Old Japan, Digireads. com Publishing, (ISBN 1420937529, lire en ligne), p. 203
  12. (en) Marc Geissberger, Esthetic Dentistry in Clinical Practice, Blackwell Publishing, (ISBN 1118694937, lire en ligne), « Chapter 1: Introduction to Concepts in Esthetic Dentistry », p. 5
  13. Wagatsuma 1967, p. 436.
  14. Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji (ISBN 0-14-243714-X) :

    « Comme sa tante était une femme très conservatrice, elle ne s'épilait pas les sourcils, ni se noircissait les dents... »

  15. Wagatsuma 1967, p. 408-409.
  16. a b c et d (en) Ashikari Mikiko, « The memory of the women's white faces : Japaneseness and the ideal image of women », Japan Forum ; Official journal of the British Association for Japanese Studies, Routledge, vol. 15, no 1,‎ , p. 76-77 (ISSN 0955-5803, lire en ligne)
  17. (en) Catharina Blomberg, The Heart of the Warrior : Origins and Religious Background of the Samurai System in Feudal Japan, Routledge, (ISBN 1134240333, lire en ligne)
  18. Wagatsuma 1967, p. 409.
  19. (en) Thomas Louis et Tommy Ito, Samurai: The Code of the Warrior, Sterling Publishing Company, Inc, (ISBN 1402763123, lire en ligne), « Chapter 5: Samurai at War », p. 181.
  20. a b c d e et f (en) Gina Collia-Suzuki, « Beautiful Blackened Smiles »
  21. (en) Joseph Ernest De Becker, The Nightless City : Or the History of the Yoshiwara Yukwaku, Tokyo, Charless E. La compagnie Tuttle. Inc, (ISBN 9781462912506, lire en ligne), « Yarō », p. 370.
  22. (en) « Lonely Fox (The Former Part) » (consulté le ).
  23. [...] le renard a vu la femme du fermier, appliquant du noir sur ses dents[22].
  24. (en) Basil Hall Chamberlain, Things Japanese : Being Notes on Various Subjects Connected With Japan for the Use of Travellers and Others, Cambridge University Press, (1re éd. 1890) (ISBN 9781108073851, lire en ligne), p. 45.
  25. a et b (en) Sandra Buckley, Encyclopedia of contemporary Japanese culture, Routledge, (ISBN 1134763530), « Cosmetics », p. 90
  26. a et b (en) John Paul Foster, « Good-bye and hello to the geisha Mamehana of Gion Kobu », sur johnpaulfoster.com, aussi, mamehana est la seule maiko que j'ai photographiée pendant sakkou qui n'a pas noirci ses dents avec ohaguro. [...] par exemple, la maiko que je connaissais le mieux avant mamehana, yukako et makiko, m'ont toutes deux dit à quel point elles étaient fières de porter l'ohaguro pendant le sakkou, [...] (consulté le )
  27. Modèle:Note du site |url=http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/english/tv/featured/fk/essence.html |title=Essence de Kyoto |dateaccess= 12 décembre 2014 |surname=Yamaguchi |name=Sherry |date=2010 |work=NHK.or.jp |language=français |date= |urlarchivo=https://web.archive.org/web/20141213115727/http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/english/tv/featured/fk/essence.html |datearchive= 13 décembre 2014 }}
  28. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Leisure
  29. (en) Gary P Leup, Interracial Intimacy in Japan: Western Men and Japanese Women, 1543-1900, A&C Black, (ISBN 0826460747, lire en ligne), « Admiration for Japanese women »
  30. a et b (en) Ernest Mason Satow, A Diplomat in Japan: The Inner History of the Critical Years in the Evolution of Japan When the Ports Were Opened and the Monarchy Restored, Stone Bridge Press, Inc, (ISBN 0893469610, lire en ligne), « XVI First Visit to Ozaka », p. 200
  31. Alcock 1863, p. 193.
  32. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Watanabe
  33. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Lewis
  34. (en) Robin D Gill, Topsy-turvy 1585, Paraverse Press, (ISBN 0974261815, lire en ligne), p. 157
  35. a et b (en) Samuel L Leiter, The Art of Kabuki: Five Famous Plays, Courier Corporation, (ISBN 0486408728, lire en ligne), « Glossary », p. 275
  36. (en) Adolphe Clarence Scott, The Kabuki Theatre of Japan, Courier Corporation (ISBN 0486406458, lire en ligne), « The actor's Technique », p. 126
  37. (en) « Se noircir les dents (Kanetsuke), No. 3 dans la série Douze rituels du mariage (Konrei jûni-shiki) »
  38. (en) Kazuko Koizumi, Traditional Japanese Furniture: A Definitive Guide, Kodansha International, (ISBN 9780870117220, lire en ligne), p. 129
  39. a et b (en) Matthew Meyer, « Ohaguro-bettari », sur The Night Parade of One Hundred Demons: a Field Guide to Japanese Yokai, (consulté le )
  40. (en) « 拍子水 Hyoushi-mizu Hyoshimizu Spring », sur nippon-kichi.jp
  41. (en) Gerald A Figal, Civilization and Monsters: Spirits of Modernity in Meiji Japan, Duke University Press, (ISBN 0822324180, lire en ligne), p. 34
  42. (en) « Urban legends from Meiji-period Japan », sur Pinktentacle.com (consulté le )
  43. (en) Roman Adrian Cybriwsky, Historical Dictionary of Tokyo, Scarecrow Press, (ISBN 081087489X, lire en ligne), « Yoshiwara », p. 274

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :


Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « note », mais aucune balise <references group="note"/> correspondante n’a été trouvée