Utilisateur:Alexander Doria/Vie de Franz Liszt

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Franz Liszt (Liszt Ferenc en hongrois) est un compositeur, transcripteur et pianiste virtuose hongrois sujet des Habsbourg-Lorraine, né à Doborján (all. Raiding, aujourd’hui en Autriche) le et mort à Bayreuth (Allemagne) le 31 juillet 1886.

Origine[modifier | modifier le code]

Liszt naît à Raiding le 22 octobre 1811, dans un environnement majoritairement germanophone. Mariés en 1810, ses parents, Adam Liszt et Anna Lager parlent exclusivement allemand. Si les origines familiales des Liszt s'avèrent obscures, Anna Lager née à Krems d'ascendance germanique, mi-bavaroise, mi-autrichienne[1]. Le jeune Liszt est baptisé Franciscus, équivalent latin de Ferenc ou Franz (le latin demeurait alors le principal langage administratif). Son parrain et sa marraine sont tous deux hongrois : Franciscus Zambothy and Julianna Szalay.

Liszt est élevé dans la langue allemande, l'école locale ne devenant hongroise qu'en 1835[2]. Par la suite, il apprend le français, l'italien et l'anglais. Il ne connaît par contre que quelques rudiments de hongrois. Au début des années 1870s, lorsqu'une nouvelle législation oblige chaque hongrois à maîtriser la langue nationale, Liszt décide de prendre des leçons, mais abandonne rapidement cet apprentissage tardif.

Originaire d'un milieu multiculturel, à cheval entre l'Autriche et la Hongrie, Liszt possède une identité nationale complexe, dont la teneur exacte a donné lieu à un virulent débat. La controverse porte essentiellement sur le statut de l'arrière grand-père de Liszt, Sebastian List. Selon Alan Walker, il s'agirait d'un immigrant allemand, arrivé en Hongrie au début du XVIIIe siècle. D'autres sources mentionnent par contre un Sebestyén List né à Rajka en 1703 : Lina Ramman affirme qu'il descendrait d'un officier de hussards, mort à Rajka[3]. Également plausibles, ces deux hypothèses ne sont étayées par aucun texte officiel, ni hongrois ni allemand. Au cours des années 1930s, Ernő Békefi s'est efforcé de trouver l'acte de naissance de Sebastian List dans les archives hongroises, sans y parvenir. Dans la synthèse de ses recherches, Franz Liszt, origine et famille (Liszt Ferenc, származása és családja) il en conclut que celui-ci n'est probablement pas né sur le sol hongrois. Toutefois, l'on peut également envisager que l'acte de naissance ait disparu : les multiples campagnes militaires des Ottomans au début du XVIIIe siècle ont endommagé de nombreux papiers officiels.

À côté de l'alternative allemand/hongrois, de multiples affiliations plus ou moins originales et hasardeuses ont été formulées. Bien que tous deux hongrois, Émile Haraszti et Béla Bartók en font un français[4] [5]

Cette controverse a laissé de multiples traces symboliques. Coby Lubliner note ainsi que la maison de naissance de Liszt à Raiding dispose de deux portes. Sur la première, l'on trouve une inscription allemande de 1926 : Franz liszt. La seconde porte une mention hongroise de 1881 : Ferenc Liszt[6]

Enfance[modifier | modifier le code]

L'on ne dispose que de peu d'informations sur l'enfance et la jeunesse de Liszt. Directement commandé par Liszt, l'article biographique de Joseph d'Ortigues publié en 1835 dans la Revue et gazette musicale de Paris est la source la plus fiable et la plus étendue. A ceci s'ajoutent de multiples lettres, témoignages et critiques journalistiques. Les plus significatives de ces ressources diverses ont été consignées par Pierre-Antoine Huré et Claude Knepper dans Liszt en son temps.

Contexte familial[modifier | modifier le code]

Fils d'un instituteur, Georg Liszt, Adam Liszt possède une véritable vocation de musicien : « la grande passion d'Adam était la musique pour laquelle il possédait un authentique talent »[W 1]. Il quitte la maison paternelle à quatorze ans pour étudier au Lycée royal catholique de Pressbourg. Il suit parallèlement les cours de musique de Franz Paul Riegler[W 2]. Diplômé de cette institution en 1795, il entre dans les ordres. Il intègre le noviciat franciscain de Malacka et se lie d'amitié avec un certain Joseph Wagner[W 3]. Dans une étude comparée sur Adam et Franz Liszt, Émile Haraszti, s'étonne de cette étonnante préfiguration de l'amitié Liszt-Wagner[7]. Transféré au monastère de Tyrvania, il est finalement renvoyé le 29 juillet 1797, du fait de son « inconstante et changeante nature »[W 4]. Abandonnant toute perspective de carrière religieuse, il s'inscrit en philosophie l'Université de Pressbourg. Il abandonne ces études au bout d'un an, faute de ressources matérielles suffisantes[W 5]. Il obtient un emploi de comptable dans un des domaines des Esterházy. Il souhaite être muté à Eisenstadt, résidence principale du prince Nicolas Esterházy et de l'orchestre Esterházy. En 1801, il envoie au prince un Te Deum de sa composition. Celui-ci accepte sa mutation quatre ans plus tard et le nomme second violoncelle de l'orchestre Esterhazy[W 6]. Membre d'une formation distinguée, Adam fréquente de nombreuses notabilités musicales. Il découvre le piano auprès de Johann Nepomuk Hummel et sympathise avec Luigi Cherubini et Joseph Haydn. En 1808, Ludwig van Beethoven vient créer et diriger sa Messe en ut majeur[W 7].

En 1809, Adam Liszt est soudainement muté à Raiding. Il occupe désormais un poste d'intendant du cheptel ovin local. Cette situation nouvelle lui déplaît : « Frustré de vie culturelle, coupé de la musique et de la compagnie d'amis évolués, Adam songeait mélancoliquement aux heures passées à Eisenstadt (…) Il sombra dans une dépression chronique, qui se traduisait par une incapacité totale de se faire à son existence médiocre »[W 8]. Au cours de l'été 1810, Adam Liszt rend visite à son père Georg à Mattersdorf. Il y rencontre une femme de vingt-deux ans, Anna Lager. Originaire de Krems, elle occupe plusieurs places de domestique à Vienne, puis s'installe chez son frère, fabricant de savon à Mattersdorf[W 9]. Adam Liszt l'épouse le 11 janvier 1811 à Raiding[W 10].

Petite enfance[modifier | modifier le code]

Franz Liszt naît le 22 octobre 1811. Il est baptisé non à Raiding, qui ne dispose alors pas d'une paroisse autonome, mais à Unterfrauenhaid[W 11]. Son certificat de baptême a été conservé. Il est rédigé en latin, alors seul langage administratif de la Hongrie. Adam nomme son fils Franciscus, probablement en hommage aux franciscains. Le parrain et la marraine sont tous deux hongrois : Franciscus Zambothy and Julianna Szalay[W 12].

Franz Liszt se révèle de constitution fragile. Dans son journal, Adam Liszt note que son fils est sujet à « des maux de têtes et des fièvres intermittentes, qui plusieurs fois le mirent en danger de perdre la vie »[W 13]. A l'âge de trois ans, il est victime d'une crise si violente que le charpentier du village lui construit un cercueil. Tout au long de sa vie, il reste affecté de fréquents accès de fièvres[W 14]. Ces problèmes de santé résultent peut-être de l'environnement insalubre de Raiding, localité ouverte sur les marais du Neusiedlersee[W 15]. Liszt apprend à lire et à écrire auprès du maître d'école local, Johann Rohrer[W 16]. Ce dernier est bien connu des Liszt : il a servi de témoin lors du mariage de Anna et Adam. Les conditions d'enseignements sont médiocres. Rohrer fait cours à une soixantaine d'enfants dans une petite classe de 20 m2. Le programme scolaire s'en tient à un strict nécessaire : ni l'histoire, ni la géographie, ni les sciences naturelles ne sont abordées. Les quelques enseignements dispensés le sont en allemand : l'école ne devient hongroise qu'en 1835[8]. Par la suite, Liszt s'est plaint de cette instruction limitée[W 17].

De son côté, Adam Liszt fait face à de multiples difficultés matérielles. En 1812, il reçoit un blâme pour avoir détourné du bois mort à des fins de chauffage. La même année, les troupes françaises endommagent sa maison. Enfin, son piano succombe à l'humidité du climat : il doit céder plusieurs biens et meubles pour en racheter un second[W 18]. Il organise néanmoins des soirées musicales avec quelques amis. De temps à autre, des musiciens d'Eisenstadt viennent les rejoindre. Successeur de Hummel, le maître de chapelle Fuchs passe fréquemment par Raiding[W 19].

Éducation musicale[modifier | modifier le code]

A six ans, Franz Liszt chante de mémoire le thème du Concerto en ut dièse mineur de Ries que son père a joué quelques heures plus tôt[W 20]. Par la suite, il demande fréquemment à ce qu'on lui apprenne le piano. Craignant pour sa santé, Adam hésite quelque temps avant de s'y résoudre. En quelque mois, son fils fait des progrès remarquables. Assez bon musicien, Adam Liszt lui enseigne non seulement les fondamentaux du solfèges, mais également l'improvisation, la transposition, le jeu à vu etc[W 21]. De plus, il familiarise son fils avec un répertoire d'envergure. Dans une lettre adressée au Prince Esterházy datée du 13 avril 1820, celui-ci prétend qu'il aurait acheté pour son fils quelques 1100 Bogen, soit 8800 pages de musique des plus grands maîtres. Au cours des 22 derniers mois, son fils aurait travaillé la plus grande partie de l'œuvre complète de Bach, Mozart, Beethoven, Clementi, Hummel, Cramer etc.[9]. En l'occurrence, Liszt s'intéresse tout particulièrement à Beethoven. Il déclare à plusieurs reprises vouloir devenir « comme lui »[W 22].

Adam Liszt a vraisemblablement reporté sur son fils unique ses espoirs déçus. Joseph d'Ortigues mentionne qu'il lui adressait souvent l'exclamation suivante : « Mon fils, tu es prédestiné ! tu réaliseras cet artiste idéal dont l'image avait vainement fasciné ma jeunesse. En toi s'accomplira infailliblement ce que j'avais pressenti pour moi. Mon génie avorté en moi, se fécondera en toi. En toi, je veux rajeunir et me continuer. »[H 1]

Premiers concerts[modifier | modifier le code]

En octobre 1820, Liszt donne son premier concert public au vieux casino de Ödenburg. Il y joue un concerto en mi bémol majeur de Ferdinand Ries et une improvisation personnelle. En novembre, Adam Liszt emmène son fils à Pressburg, où la diète se réunissait pour la première fois après une vacance de 13 ans. Le 26 novembre, Liszt se produit au Palais Esterházy de Pressbourg, devant une audience choisie d'aristocrates et de sociétaires. Favorablement impressionné, un groupe de magnats décide de se cotiser pour que Liszt puisse étudier à l'étranger. Il lui verse une pension annuelle de 600 Gulden pendant six ans.

Il part pour Vienne, la capitale de l'empire, afin de suivre pendant deux ans les cours de piano de Carl Czerny et d’harmonie d'Antonio Salieri. Dans ses souvenirs, Czerny se dit « étonné du talent que lui avait donné la nature »[H 2]. Il critique néanmoins son jeu chaotique et ses doigtés aléatoires : « son jeu était aussi très irrégulier, sans pureté, confus, et il avait si peu de notions du doigté qu'il lançait ses doigts sur les touches de façon tout arbitraire »[H 3]. De son côté Salieri écrit au prince Esterházy : « Le jeune François Liszt que j'ai découvert par hasard, alors qu'il déchiffrait, m'a ravi au point que j'ai bien cru avoir rêvé »[H 4].

Ainsi formé, Liszt donne son premier concert viennois à la Landständischer Saal. Il y interprète le concerto en la mineur de Hummel, une improvisation sur un air de Zelmira de Rossini et une transcription de l'Allegretto de la VIIe symphonie de Beethoven. Le 13 avril 1823 il joue le Concerto en si mineur de Hummel et des variations de Moscheles au Kleiner Redoutensaal. Selon une légende assez peu crédible, son jeu aurait à ce point impressionné Beethoven, que celui-ci, emporté par l'enthousiasme, l'aurait félicité et embrassé sur scène. Gustav Schilling note simplement que le jeune Liszt aurait eu l'impression que Beethoven le regardait favorablement, mais sans se laisser aller à aucune manifestation d'enthousiasme[10].

En mars 1823, le Prince Esterházy rappela Adam Liszt à son service. Soucieux d'encourager la carrière de son fils, celui-ci démissionna de ses fonctions de secrétaire. Après un bref séjour en Hongrie, la famille Liszt s'installe à Vienne.

L'Enfant prodige[modifier | modifier le code]

La famille Liszt quitte Vienne pour Paris le 20 septembre 1823. Afin de financer le voyage, Liszt multiplie les concerts à Munich, Augsburg, Stuttgart et Strasbourg. À Miesich, il est tenu pour l'égal de Mozart[11]. Il arrive à Paris le 11 décembre 1823. Le lendemain-même, accompagné de son père, il tente d'entrer à l' École royale de musique et de déclamation (aujourd'hui Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris ), mais est évincé par le directeur d'alors, Cherubini. Une nouvelle législation empêchait en effet les étrangers de prendre part aux classes de piano[12]. Dans De la situation des artistes et de leur condition dans la société, série d'article publiée en 1835, Liszt décrit ainsi son dépit : « On nous avait déjà prévenus que mon admission au Conservatoire souffrirait quelque difficulté, mais jusqu'alors le règlement, qui s'oppose de manière absolue à ce que des étrangers participent aux leçons des élèves, nous était inconnu. M. Cherubini nous en instruisit tout d'abord. Quel coup de foudre! Tous mes membres en frissonnèrent (…) il me semblait que tout était perdu, même l'honneur, et que désormais il ne me restait plus aucune ressource. Mes plaintes, mes gémissements n'eurent point de cesse. Mon père et ma famille adoptive tentèrent vainement de me consoler. La plaie était trop profonde : elle continua de saigner longtemps »[H 5].

En conséquence de cet échec, Adam Liszt devient le seul professeur de piano de son fils. Il lui fait jouer quotidiennement gammes et études accompagnées au métronome[13] ainsi que des fugues de Bach qu'il devait transposer dans différentes tonalités[14]. Liszt se familiarise rapidement avec le français qui devient sa langue principale. Il sympathise avec le facteur de piano Sébastien Érard, qui songe à lui dédier un quatrième exemplaire de son piano à double-échappement. Il donne ses premiers concerts parisiens au théâtre italien, le 7 mars et le 12 avril 1824. Le public parisien accueille très favorablement le jeune virtuose. L’on pressent en lui un second Mozart. Alphonse Martainville note ainsi : « Depuis hier, je crois à la métempsycose. Je suis convaincu que l’âme et le génie de Mozart sont passés dans le corps du jeune Liszt (sic) »[H 6]. Devenu une figure récurrente de la vie musicale parisienne, il est couramment qualifié de petit Liszt.

À partir de 1824, Liszt étudie la composition avec Anton Reicha et Ferdinando Paer. Les lettres d'Adam Liszt indiquent que son fils compose des concertos, des sonates, de la musique de chambre… Ces œuvres de jeunesse sont aujourd'hui perdues, exception faites de quelques pièces pour piano, publiées en 1824. Écrites dans un style typiquement viennois, ces pièces témoignent de l'influence de Czerny sur le jeune Liszt. Avec l'aide de Fernando Paer, il se lance également dans la composition de son unique opéra, Don Sanche, ou Le château de l'amour. Dirigé par Rodolphe Kreutzer, avec Adolphe Nourrit dans le rôle de Sanche, l'ouvrage est créé à l'Académie royale de Musique le 17 octobre 1825. Il ne rencontre pas le succès attendu : « Il faut donc le dire, la partition du jeune Liszt n'a nullement répondu aux éloges fastueux que l'on avait affecté d'en répandre (…) Il n'y a pas eu un seul morceau qui ait excité de véritables applaudissements »[H 7]. Désappointé par cet échec, Liszt délaisse de la musique et se tourne vers la religion. Son père l'oblige néanmoins à poursuivre sa carrière de virtuose[15] : « À l'époque dont nous parlons, il faisait son unique lecture des Pères du désert. Il se confessait souvent. Il crut se sentir appelé à l'état de prêtrise. Il avait pris la musique en dégoût et ne s'y livrait que par obéissance à la volonté inflexible de son père »[H 8]

En 1824, 1825 et 1827 il effectue trois tournées en Angleterre, où la presse le surnomme Master Liszt. Ces nombreuses représentations s'avèrent très lucratives. Peu de temps avant de mourir, Adam Liszt investit quelques 60 000 francs chez son ancien employeur, le Prince Esterházy. La mère de Liszt continuera de percevoir les intérêts de ce placement jusqu'à sa mort en 1866[16] En 1826, Liszt commence à composer ses études, sa seule œuvre de jeunesse qu'il ne reniera pas par la suite. Il prévoit d'écrire 48 pièces, mais seules 12 pièces seront publiées sous son opus 6.

Liszt tombe malade pendant l'été 1827[17]. Adam Liszt l'emmène dans une ville d'eau, Boulogne-sur-Mer. Tandis que Liszt se remet, son père contracte le typhus et décède le 28 août 1827.

Par la suite, Liszt a toujours jugé d'un œil critique sa carrière d'enfant prodige. Elle lui a certes garantit une indépendance financière et un renom précoces. Toutefois, l'exclusivité de cette carrière a nuit à son développement intellectuel[18]. Il s'est rapidement efforcé de compenser ce manque d'éducation. À partir de 1830, il commence à lire frénétiquement. À la fin de sa vie, il possède plusieurs milliers de livres. En 1880, il écrit à Lina Ramann que ses compositions de jeunesse ne valaient pas grand chose et s'estime satisfait qu'elles aient en grande partie disparu[19].

Paris (1828-1836)[modifier | modifier le code]

Liszt à 21 ans par Achille Devéria

Après la mort de son père, Liszt revient à Paris et s'installe avec sa mère dans un petit appartement du n°7 de la Rue Montholon. En 1831, il déménage Rue de Provence. Afin de gagner sa vie, Liszt donne des leçons de piano et de composition dans une institution pour jeune fille gérée par Madame Alix. Le 23 octobre 1828, une nécrologie du Corsaire annonce par erreur la mort de Liszt : « Le jeune Liszt vient de mourir à Paris (…) Cet enfant extraordinaire va ainsi grossir la liste des enfants précoces qui ne font pour ainsi dire que se montrer à la terre »[H 9]. Madame Alix publie un démenti trois jours tard, indiquant que Liszt n'a jamais cessé de donner des cours à son école : « M. Liszt est en bonne santé et n'a point apporté d'interruption aux leçons qu'il donne journellement dans l'institution de demoiselle que je dirige, rue de Clichy »[H 10]>. Toutefois, selon Joseph d'Ortigues, Liszt ne se porterait pas si bien que ça : « Liszt tomba malade ; ses facultés vitales s'usèrent bientôt dans cette prodigieuse activité d'intelligence et de sensibilité. Un dépérissement qui dura six mois et dont les progrès étaient effrayants, fit croire à sa mort. Divers articles nécrologiques parurent dans les journaux sur celui dont on avait fait faire la bière à l'âge de deux ans »[H 11].

A côté de son activité de professeur, Liszt continue de donner des concerts. Ses récitals d'avril 1828 inspirent à François-Joseph Fétis des jugements mitigés. D'une part, il loue « un pianiste qui doit, dès à présent, s'asseoir aux premiers rangs »[H 12]. D'autre part, il critique un « métier de joueur de gobelets et d'escamoteur »[H 13]. A l'occasion, Liszt participe également à des soirées privées organisées par Rossini. S'impliquant de plus en plus dans la vie culturelle parisienne, Liszt se détourne de la foi chrétienne. Joseph d'Ortigues retrace ainsi cette évolution complexe : « c'est ainsi que, du milieu de sa ferveur, s'éleva dans son âme un rire de mépris pour lui-même (…) le bruit de ce changement ne tarda pas à se répandre au-dehors. Cette nouvelle : Liszt n'est pas dévôt fit sensation chez une foule de jolies femmes »[H 14]>.

Voyages en Europe (1836-1848)[modifier | modifier le code]

En 1836, Liszt entreprend une tournée à travers l’Europe (Suisse, Italie, Russie, etc.) et donne des concerts dans toutes les grandes villes. Outre ses propres œuvres – ses Rhapsodies datent de cette époque – il joue des œuvres de Chopin et de la musique allemande.

Après s’être séparé de Marie d'Agoult en 1844, il rencontre à Kiev en 1847 la princesse Carolyne Sayn-Wittgenstein qui lui conseille d’interrompre ses tournées de concert pour se consacrer à la composition.

Weimar (1848-1861)[modifier | modifier le code]

Portrait de Liszt par Miklós Barabás (1847).

C’est en 1848 qu’il s’installe à Weimar en tant que maître de chapelle où le grand-duc l’avait nommé en 1842. Débute alors une nouvelle période pendant laquelle il compose ses poèmes symphoniques, avec l’aide de son secrétaire particulier Joseph Joachim Raff et d’un matériel unique : le piano-melodium. Il se consacre également à la direction des œuvres de ses contemporains. Autour de lui se rassemblent de nombreux élèves — parmi lesquels Hans von Bülow, qui deviendra son gendre — auxquels il fait découvrir Berlioz, Wagner, Saint-Saëns. Toutefois, son talent et ses idées novatrices n’étant pas du goût de tout le monde, les conservateurs ne manquèrent pas de lui mener la vie dure, ce qui le conduit à démissionner de son poste le [20]. Jusqu’à cette date, Weimar est grâce à lui un centre exceptionnel de création et d’innovation. Après avoir tenté sans succès d’obtenir auprès du Pape son divorce, Carolyne se sépare de Liszt, qui entre dans les ordres mineurs en 1865. Il profite de son séjour à Rome pour découvrir la musique religieuse de la Renaissance.

Budapest-Rome-Weimar (1861-1886)[modifier | modifier le code]

Liszt au piano (Century Magazine, 1886).

Il se retire à Rome en 1861 et rejoint l’ordre franciscain en 1865, recevant la tonsure et quatre ordres mineurs de l’Église catholique.

À partir de 1869 et jusqu’à sa mort, l’abbé Liszt partage son temps entre trois capitales : Budapest, Rome et Weimar qui correspondaient à trois tendances : sa sentimentalité de Hongrois, son mysticisme religieux et sa musique d’influence allemande. À Budapest, pendant les mois d’été, il continue à recevoir des pupilles gratuitement, y compris Alexander Siloti. Il met alors de côté son activité de virtuose pour se consacrer essentiellement à la composition et à l’enseignement.

De 1876 à sa mort, il enseigne également pendant plusieurs mois chaque année à l’Académie royale de musique de Budapest dont il fut un des fondateurs et qui sera d’ailleurs rebaptisée plus tard « Académie de musique Franz-Liszt ». Il meurt à Bayreuth le à 23h30, à la suite d’une pneumonie contractée pendant le festival de Bayreuth.

Derniers jours du musicien[modifier | modifier le code]

L'agonie du compositeur durera près d'une semaine. Le dimanche , Liszt à bout de forces assistera à un dernier opéra de son beau-fils Richard Wagner : Tristan und Isolde. Le lendemain, lundi 26, il est au plus mal et se voit privé par les médecins de son cognac quotidien. Le vendredi, les tremblements et le délire frappent cet homme redoutant encore la mort. En effet, l’année 1886 commence un vendredi, son anniversaire tombe cette année-là un vendredi et il a pour ce jour la superstition des Italiens. Le samedi 31, vers 2 heures du matin, après un sommeil anormalement agité, le compositeur hongrois se lève en hurlant, renverse son domestique accourant pour le recoucher, puis s’effondre[21]. Malgré les soins apportés par les docteurs Fleischer et Landgraf, qui restent à son chevet jusqu'au soir, Liszt passe la journée du 31 dans une quasi-inconscience et s'éteint à 11 h 30 du soir[22].

Liszt est enterré le 3 août 1886 à Bayreuth. Selon Alan Walker[23], le choix de ce lieu d'inhumation donna lieu à de nombreuses contestations et des demandes de rapatriement (Weimar, Budapest).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. p. 43
  2. p. 43
  3. p. 44
  4. p. 45
  5. p. 45
  6. p. 46
  7. p. 46
  8. p. 47
  9. p. 50
  10. p. 51
  11. p. 51
  12. p. 60
  13. p. 60
  14. p. 61
  15. p. 60
  16. p. 61
  17. p. 61
  18. p. 62
  19. p. 62
  20. p. 63
  21. p. 64
  22. p. 64
  • Pierre-Antoine Huré et Claude Knepper, Liszt en son temps, Hachette, , 672 p. (ISBN 9-782012-792722) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  1. p. 85
  2. p. 89
  3. p. 89
  4. p. 95
  5. p. 94
  6. p. 95
  7. p. 103
  8. p. 103
  9. p. 107
  10. p. 121
  11. p. 104
  12. p. 104
  13. p. 104
  14. p. 122
  • Gustav Schilling, Franz Liszt, Stuttgart, 1844
  • Ludwig Rellstab, Franz Liszt, Berlin, 1842
  • Claude Rostand, Franz Liszt, Ed. Seuil, 1960

Autres références[modifier | modifier le code]

  1. Rostand 1960, p. 3
  2. Óvári: Ferenc Liszt, p. 78
  3. Ramann Lina : Franz Liszt, Als Künstler und Mensch, Band 1, Lepzig: Bretkopf & Härtel, 1880, p.. 3-11
  4. Haraszti, Émile: Franz Liszt, Paris 1967
  5. Bartók, Béla: Liszt-Probleme, in: Franz Liszt, Beiträge von ungarischen Autoren, ed. Klara Hamburger, Budapest 1978, p. 122 sq.
  6. How Hungarian was Liszt?
  7. Emile Haraszti, Deux Franciscains : Adam et Franz Liszt, La Revue musicale, mai 1937
  8. Óvári: Ferenc Liszt, p. 78
  9. Jung: Franz Liszt in seinen Briefen
  10. Schilling 1844, p. 51
  11. Schilling 1844, p. 232
  12. Rostand 1960, p. 8-9
  13. Burger: Lebenschronik in Bildern, p. 36.
  14. Rellstab 1842, p. 54
  15. Rellstab 1842, p. 65
  16. Liszt-d’Agoult: Correspondance I, p. 437.
  17. Rellstab 1842, p. 66
  18. Jung: Franz Liszt in seinen Briefen, p. 130 sq.
  19. Ramann: Lisztiana, p. 408.
  20. La vie des hommes illustres n°1 "La vie de Franz Liszt" 1929 page 205 ligne 20
  21. Guy de Pourtalès, La vie de Franz Liszt.
  22. Alan Walker, Franz Liszt : the final years, 1861-1886, p 515.
  23. Alan Walker, Franz Liszt : the final years, 1861-1886, pp 523-528.