Jules Brunet

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 Jules Brunet
Jules Brunet
Jules Brunet à Ezo en 1869

Naissance
Belfort
Décès (à 73 ans)
Fontenay-sous-Bois
Origine Français
Allégeance Drapeau de la France France
Arme Armée de terre
Grade Général de division
Années de service 18571899
Conflits Expédition du Mexique
Guerre de Boshin
Guerre franco-prussienne de 1870
Guerre de la Commune de Paris
Faits d'armes Bataille de Toba-Fushimi
Bataille de Hakodate
Siège de Metz
Semaine sanglante
Distinctions Grand officier de la Légion d’honneur
Ordre du Soleil levant
« grand officier du Trésor sacré du Mikado »
Hommages A inspiré le film "Le Dernier Samouraï"
Autres fonctions Officier-instructeur au Japon

Julien Brunet, né le à Belfort (à cette époque dans le département du Haut-Rhin) et mort le à Fontenay-sous-Bois, est un général de division français dont le point culminant de la carrière est son activité lors d’une mission d’instruction au Japon. En effet, à la suite des difficultés du shogun, qui conservait encore pour un temps le pouvoir politique, cet instructeur d’artillerie venu moderniser son armée de samouraïs se joignit ensuite à ses troupes contre le nouveau pouvoir impérial japonais.

Carrière[modifier | modifier le code]

Premières années[modifier | modifier le code]

Jules Brunet est le fils de Jean-Michel Brunet, vétérinaire au 3e régiment de dragons, et de Laure Rocher. Entré à Polytechnique en 1857, il fait l'École d’application de l’artillerie et du génie et intègre le 3e régiment d'artillerie. Il en sort brillamment en 1861 (il est classé 4e). Brunet commence sa carrière militaire dans l’expédition mexicaine chère à Napoléon III. À son retour, il reçoit la Légion d’honneur. En récompense de ses brillantes qualités militaires, il est affecté au régiment d'artillerie de la Garde impériale. En 1864, lieutenant, il entre au régiment d'artillerie à cheval de la Garde impériale. Début novembre 1866, il fait partie de la mission envoyée au Japon sous les ordres du capitaine Jules Chanoine, qui arrive à Yokohama début janvier, afin d’instruire l’armée du shogun Yoshinobu Tokugawa.

Au Japon[modifier | modifier le code]

Le shogun a en effet mesuré le retard pris dans la modernisation de son pays. Les puissances occidentales avaient imposé à Yoshinobu Tokugawa des traités qui, à l’instar de ceux passés naguère avec la Chine, sont jugés « inégaux », et ont fini par soulever des troubles à travers le pays et une vague de xénophobie. Les États-Unis d’Amérique, les Pays-Bas et la Russie s’en tiennent à une prudente neutralité. La Grande-Bretagne, de son côté, aide en sous-main les « clans de l’ouest », favorables au nouvel empereur (ou Tennō) Meiji qui ne représente encore que la puissance religieuse ; tandis que la France, toujours désireuse d’aider le Japon à s’industrialiser depuis le traité de paix, d’amitié et de commerce de 1858 et le succès de l’Exposition universelle de 1867, souhaite contrecarrer les visées britanniques. Sous l’impulsion de son ambassadeur Léon Roches, elle s’engage à soutenir le shogun, qui vient de subir les représailles des autres Occidentaux après une vague d’attentats à l’encontre de leurs résidents et de leurs comptoirs.

Peinture d’un soldat du shogunat par Brunet ()
L’équipe militaire avant le départ pour le Japon (1866). Jules Brunet (officier coiffé, assis à la gauche du capitaine Chanoine qui est debout au centre)
Général Jules Brunet, au centre, képi à la main (1898)

Cependant, dès , devant l’urgence de la situation, le shogun, n'espérant plus pouvoir rattraper son retard technologique, abandonne sa fonction shogunale au profit du jeune empereur Meiji. Il espère installer un gouvernement composé des seigneurs locaux (les daimyo) ; mais ce pouvoir collégial ne peut empêcher le coup d’État des partisans « réformistes » qui rétablissent, le , le modèle de « l’ancienne monarchie ». Yoshinobu Tokugawa est poussé à prendre les armes par ses samouraïs, inquiets de perdre définitivement leurs prérogatives. Débute alors la guerre du Boshin qui voit, le , les armées du shogun mises en déroute lors de la bataille de Toba-Fushimi malgré leur large supériorité numérique par une force impériale déjà entièrement modernisée par les concurrents anglais. Yoshinobu Tokugawa, après cette première défaite, se réfugie à Edo. Refusant d’appliquer le plan de revanche de Brunet que Léon Roches porta à sa connaissance, il capitule le à Edo qui est conquise et se retire à Mito. La France, dépitée, rappelle son ambassadeur et se voit contrainte de proclamer sa neutralité. La mission Chanoine qui est désormais indésirable est sommée de quitter le territoire ; elle se replie sur Yokohama pour être rapatriée en novembre.

De son côté, Brunet, empreint d’une éthique toute militaire, refuse de revenir afin de continuer à « servir la cause française en ce pays »[1], car il estime qu'il en va de son honneur de ne pas abandonner le shogun et ses fidèles samouraïs, des frères d’armes qu’il avait instruits. « […] j’ai décidé que devant l’hospitalité généreuse du gouvernement shogunal, il fallait répondre dans le même esprit »[2]. Il démissionne le , mais Chanoine refuse sa démission. Brunet se retrouve dans une situation fausse. Le ministère de la guerre le placera finalement en congé d’un an sans solde le , régularisant implicitement sa situation, mais en précisant qu’au Japon où il est toutefois autorisé à rester, il n’aura désormais que le statut d’un simple particulier. Brunet a, semble-t-il, bénéficié d’un esprit de solidarité de corps. D’ailleurs, Roches continue de plaider auprès de l’Empereur la cause du shogun et neuf officiers camarades de Brunet partiront le rejoindre : Cazeneuve, Fortant, Marlin, Bouffier, Collache, Nicol, Clateau, Pradier et Tribout. Les forces impériales, en surnombre, ont maintenant, grâce à leur artillerie lourde, la mainmise sur l’île de Honshu. Les troupes du shogun, pour mieux résister, se retranchent à Hakodate, sur l'île de Hokkaidō, et fondent le , l’éphémère République indépendante d'Ezo dont Takeaki Enomoto est élu président. Brunet, conseiller militaire du ministère de la guerre, organise la défense et reprend l’instruction des soldats. Le 30 mai, l’armée de l’empereur entreprend l’assaut de l’île par terre et par mer. Les quelque huit cents assiégés, très inférieurs en nombre, doivent capituler. Craignant des mauvais traitements de la part des vainqueurs, en particulier à l’égard des blessés (Cazeneuve souffrait d’une blessure profonde à la jambe), Brunet et les officiers français sont récupérés juste à temps par le navire français Coëtlogon le 9 juin.

Officiellement, la France félicite l'Empereur d’avoir rétabli l’ordre dans le pays mais n’acceptera pas de rendre l’officier qui a aidé les rebelles, sous prétexte qu’il est aux mains d’une autorité militaire indépendante. Rentré à Paris, Brunet reçoit un blâme réglementaire pour ingérence dans les affaires politiques d’un pays étranger et son ministère le retire des officiers d’active par « suspension d’emploi ». Napoléon III approuve cette sanction le . La France laisse courir le bruit que Brunet, passé en conseil de guerre, a été révoqué. En réalité, Brunet n’a pas été formellement désapprouvé mais il est en quelque sorte condamné à la discrétion absolue. Ainsi, dès le , soit cinq mois avant que le Japon s’estime officiellement satisfait de la punition, Brunet est le directeur adjoint de la manufacture d’armes de Châtellerault, nomination qui n’a pas été insérée au Journal officiel. Dans le même temps, il contracte un beau mariage qui lui apporte une dot de cent mille francs et son ancien supérieur, le capitaine Chanoine, est son témoin. À aucun moment, son épopée japonaise ne lui sera reprochée.

Guerre de 1870[modifier | modifier le code]

Tombe de Jules Brunet, au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

Jules Brunet participera encore à la guerre franco-allemande, capitaine au 8e régiment d’artillerie à Metz, où il sera fait prisonnier. Il est fait officier de la Légion d’honneur[3]. Après la chute de l’Empire, il est au service du gouvernement de Versailles pour la répression de la Commune de Paris[réf. nécessaire]. Il s’ensuit un cursus militaire honorable et plus tranquille : attaché militaire en Autriche et en Italie, commandeur de la Légion d’honneur, chef de cabinet, en 1898, de Chanoine, devenu général et ministre de la guerre. Brunet finira général de division.

Le , le Japon, qui vient de sortir d’une éprouvante guerre « moderne » avec la Chine, se rappellera cet ancien « samouraï » en l’élevant au grade de grand officier du Trésor sacré du Mikado. Brunet a également reçu l’Ordre du Soleil levant[4].

Jules Brunet meurt le à Fontenay-sous-Bois et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (68e division).

Postérité[modifier | modifier le code]

Popularité à l’étranger[modifier | modifier le code]

Jules Brunet dispose d’une certaine notoriété dans la mesure où Edward Zwick s’en est inspiré pour le protagoniste du film Le Dernier Samouraï. Or, l’officier français, s’il apparaît dans quelques articles et revues francophones, semble jouir d’une notoriété plus importante au Japon. On a vu apparaître pour la première fois le personnage dans le drama japonais Goryokaku de 1988. Il apparaît de nouveau sur grand écran en 2021, toujours au Japon[5], interprété par Jonas Bloquet dans Baragaki: Unbroken Samurai (en).

Le musée de Goryokaku, à Hakodate, préfecture de Hokkaïdo, expose quelques informations à son sujet et celui des autres Français qui l’ont suivi à la fin de la Guerre de Boshin.

Liens de parenté[modifier | modifier le code]

D’après le site Geneanet, Jules Brunet aurait été adopté par Yoshinobu Tokugawa, le dernier Shogun[6].

Fiction[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Extrait d’une lettre à Napoléon III.
  2. justification adressée à Chanoine. Citée par M. Battesti
  3. Légion d'honneur, Base Léonore.
  4. François-Xavier Héon, « Le véritable dernier Samouraï : l'épopée japonaise du capitaine Brunet », Stratégique, Institut de Stratégie Comparée, no 99,‎ , p. 223 (lire en ligne)
  5. Masato Harada, Moeyo Ken, (lire en ligne)
  6. (en) « Family tree of Jules BRUNET Le Général », sur Geneanet (consulté le )
  7. Brunier Camille, « Le saviez-vous ? Jules Brunet, le "vrai" dernier samouraï », sur www.defense.gouv.fr, ministère des Armées (France), (consulté le ).
  8. « L’épopée nippone de Jules Brunet n’a rien à envier à la fiction hollywoodienne incarnée par Tom Cruise«Le dernier samouraï» était un capitaine français », L'Orient-Le Jour, (consulté le ).
  9. « 映画『燃えよ剣』公式サイト 近日公開 », sur 映画『燃えよ剣』公式サイト 近日公開 (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • une centaine de dessins de Brunet sont réunis dans le livre de C. Polak et al., 函館の幕末・維新―フランス士官ブリュネのスケッチ100枚 (1988) (ISBN 9784120016998)
  • Jean-Marie Thiebaud, « La présence française au Japon, du XVIe siècle à nos jours : Histoire d'une séduction et d'une passion réciproques », L’Harmattan, 2008, (ISBN 9782296051423).
  • Seiichi Iwao & Teizo Iyanaga, « Dictionnaire historique du Japon », t. 1, Maisonneuve et Larose, 2002.
  • François-Xavier Héon, « Le véritable dernier Samouraï : l'épopée japonaise du capitaine Brunet », Stratégique, Institut de Stratégie Comparée, no 99,‎ , p. 193-223 (lire en ligne).
  • Michèle Battesti, « L’histoire vraie du dernier samouraï », Historia, no 764, .
  • Tristan Ranx « Le châtiment du ciel », Revue Bordel - Japon - Stéphane Million Éditeur, .

Liens externes[modifier | modifier le code]

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