Fenfluramine
Fenfluramine | |
Énantiomère R de la fenfluramine (en haut) et (S)-fenfluramine (en bas) | |
Identification | |
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Nom UICPA | (RS)-N-éthyl-1-[3-(trifluorométhyl)phényl]propan-2-amine |
No CAS | D ou S(+) L ou R(–) |
(RS)
No ECHA | 100.006.616 |
Code ATC | A08 |
SMILES | |
InChI | |
Propriétés chimiques | |
Formule | C12H16F3N [Isomères] |
Masse molaire[1] | 231,257 3 ± 0,010 9 g/mol C 62,32 %, H 6,97 %, F 24,65 %, N 6,06 %, |
Données pharmacocinétiques | |
Métabolisme | Hépatique ; la norfenfluramine est un métabolite |
Demi-vie d’élim. | 20 heures |
Excrétion |
Rénal |
Considérations thérapeutiques | |
Classe thérapeutique | Anorexigène |
Voie d’administration | Oral |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
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La fenfluramine (3-trifluorométhyl-N-éthylamphétamine, nom de marque ”Pondéral”) est une substance active médicamenteuse aux propriétés anorexigènes qui agit directement sur les structures nerveuses centrales régulant le comportement alimentaire par le biais de la sérotonine. C'est un racémique de deux énantiomères, la dexfenfluramine (Isoméride) et la lévofenfluramine (en).
Bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe dès 1965[2], elle obtint son AMM aux États-Unis en 1973. Elle fut très largement prescrite avant d'être retirée du marché américain et français, en septembre 1997[3] , après l'annonce d'effets secondaires graves (valvulopathies cardiaques et hypertension artérielle pulmonaire) provoqués par ces deux substances (parfois en association avec la phentermine dans le cadre du traitement contre le surpoids dit Fen-phen (en)), tandis que son efficacité était revue à la baisse.
Des procédures judiciaires s'ensuivirent : très nombreuses aux États-Unis et au Canada, où des class-actions eurent lieu, elles seront très rares en France. Cependant il y aura, pour l'énantiomère S de la fenfluramine, commercialisé sous la marque Isoméride, une « affaire de l'Isoméride », qui a laissé une trace dans la jurisprudence.
Historique
En 1918, Thomas B. Osborn et Lafayette Mendel (en) constataient que les animaux sauvages ne devenaient jamais obèses. De là datent les recherches pour trouver des substances commandant l'appétit. Si l'action anorexigène de l'amphétamine chez l'homme fut démontrée dès 1939, c'est dans les années 1960 que de nombreux médicaments anorexigènes virent le jour[4]. On leur connaissait comme effets secondaires un phénomène d'addiction possible, ainsi que la création de psychoses.
En 1959, Paul Craig et Charles Zirkle (Smith Kline & French Laboratories) déposent une demande de brevet aux États-Unis couvrant la norfenfluramine (pour ses propriétés anorexigènes)[5]. Le brevet sera délivré également en France, Belgique et Grande-Bretagne.
En 1960, Albert Weissman et al. publient au congrès de la Société américaine de pharmacologie et de thérapeutique sur la norfenfluramine. Sa pharmacologie se caractérise par un effet anorexigène sans stimulation notable du système nerveux central. Les auteurs ont conclu que la fenfluramine conserve les propriétés anoréxigène de l'amphétamine sans produire de stimulation comportementale concomitante.
En 1961, Laszlo Beregi et al. (groupe Servier)[source insuffisante] déposent une demande de brevet aux États-Unis couvrant la fenfluramine et des molécules apparentées (pour leurs propriétés anorexigènes)[6]. Le brevet sera délivré également en France, Pays-Bas et Grande-Bretagne.
En 1974, Goudie et al. (Psychopharmacologia) confirment chez le rat les propriétés anorexigènes de la norfenfluramine ; ils concluent qu’une partie au moins des effets de la fenfluramine est due à celle de son métabolite principal qui est la norfenfluramine.[7].
La fenfluramine a pu être expérimentée comme traitement d'autres troubles[8] et notamment de l'autisme infantile[9]. En 1996, l'utilité de cette médication semblait incertaine[10]. Elle a néanmoins été très largement prescrite dans les populations d’enfants autistes aux États-Unis[11]. D'ailleurs, après le retrait du marché du Redux pour le traitement de l'obésité, les laboratoires Wyeth-Ayerst eurent des conversations informelles avec la FDA en vue d'une éventuelle indication autorisée du Redux pour certains troubles psychiatriques[12] dont l'autisme[13].
Mode d'action
Il s'agit d'un agoniste des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2C (en) par l'intermédiaire de son métabolite, la norfenfluramine[14]. Ce dernier active également le récepteur 5-HT2B (en), provoquant l'hypertension artérielle pulmonaire par ce biais[15].
Lien avec l'Isoméride
La dexfenfluramine (Isoméride) est l'isomère dextrogyre de la fenfluramine (laquelle est un racémique) ; c'est l'énantiomère S.
En 1964, Laszlo Beregi et al. (groupe Servier)[source insuffisante] déposent une demande de brevet aux États-Unis couvrant la dexfenfluramine (près de 3 fois plus anorexigène que l'isomère lévogyre)[16]. Un brevet sera également délivré en France.
On connaissait certains effets indésirables de la fenfluramine[17], que l'on a imputés à l'isomère lévogyre. Aussi, quand les laboratoires Servier mettent au point un procédé pour séparer la forme lévogyre de la forme dextrogyre (dexfenfluramine), un traitement médicamenteux de l'obésité semble possible. Surtout, l'isomère va faire l'objet d'une protection par de nouveaux brevets[18].
Richard Wurtman[19], qui avait découvert une régulation du métabolisme des glucides par la sérotonine, étudie la dexfenfluramine avec sa femme Judith Wurtman. Soutenus par le National Institute of Health dans le cadre du département des sciences cognitives et du cerveau du MIT, leurs découvertes conduisent au dépôt d'une demande de brevet en 1980[20], que le MIT est d'abord incapable d'exploiter, faute de trouver une entreprise américaine intéressée.
En 1981, le MIT passe un accord de licence avec les laboratoires Servier, afin de commercialiser la dexfenfluramine comme traitement de l'obésité. Les laboratoires Servier n'étant alors pas implantés aux États-Unis, le MIT et les Wurtman fondèrent en 1988 ou 1989 la société Interneuron Pharmaceutical Inc. [21] afin de produire la dexfenfluramine sous le nom de Redux®[22]. En 1991, Interneuron entreprend, en vain, des démarches auprès de l'administration américaine afin de soustraire la fenfluramine et ses isomères de la liste des substances contrôlées[23].
Lien avec le Mediator
Fin 2010 éclatait publiquement, après plusieurs années d'inquiétudes (années 1990) puis d'alertes (années 2000), le scandale du Mediator, molécule faisant également partie de la famille des fenfluramines. Le benfluorex (Mediator), la fenfluramine et la dexfenfluramine sont métabolisés dans l'organisme en norfenfluramine ; celle-ci serait responsable des propriétés anorexigènes de ces médicaments, mais aussi de leurs effets indésirables (valvulopathies et HTAP)[24],[25].
Notes et références
- Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- En Europe, des médicaments renfermant de la fenfluramine ont bénéficié pour la première fois d'une AMM accordée conformément aux dispositions de la directive 65/65 en 1965, et ceux renfermant de la dexfenfluramine, en 1985. Cf. arrêt du 28 01 2003 Biofarma-filiale de Servier SAS - breveta le Pondéral le 30 octobre 1958 cf http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:46uAzYTVu7UJ:www.rochongenova.com/docs/dietpill.pdf+%22Les+Laboratories+Servier+S.A.%22+and+litigationand+redux&hl=fr&gl=fr&pid=bl&srcid=ADGEESjr-RMc1OJ_DIYy-SXhBllkCcN00KD4ay8IRFyfT9OfkRQ9fofhR6CCY4Lxpb4XJxVbnTzB1lDd4h3sIRZxHLrLL5Nmhxe0d_OkISp11gQ15ZpHQ1jtFuIPbM4RR8f25wHHFghH&sig=AHIEtbRDHK9omwjv3OJGJL49yCRaD1WHXg; AMM en Nouvelle-Zélande en 1966 cf http://www.medsafe.govt.nz/profs/PUarticles/diet.htm
- Le retrait a eu lieu plus tard dans d'autres pays : en Belgique la délivrance des médicaments contenant de la fenfluramine et/ou de la dexfenfluramine (y compris les préparations magistrales) a été suspendue par arrêté ministériel 15/11/97 ; en Allemagne, le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (BfArM)ordonne une suspension d'AMM et le retrait du marché le 23 septembre cf http://www.who-umc.org/DynPage.aspx?id=14325 ; le retrait eu lieu aussi en octobre au Royaume-Uni, cf. http://www.mhra.gov.uk/home/groups/l-cs-el/documents/committeedocument/con003312.pdf
- On peut citer le méthylaminorex, la phéndimétrazine, la phenmétrazine, la phentermine, etc.
- brevet US 3,078,307
- brevet US 3,198,833
- http://www.afssaps.fr/content/download/29421/387796/version/4/file/Benfluorex_Donnees-pharmacologiques.pdf Philippe Lechat (2010) Propriétés pharmacologiques du benfluorex
- Aicardi J, Gastaut H. Treatment of self-induced photosensitive epilepsy with fenfluramine. N Engl J Med 313: 1419, 1985.
- Par exemple en France :Gastaut H, Zifkin B, Rufo M. Compulsive respiratory stereotypies in children with autistic features : polygraphic recording and treatment with fenfluramine. J Autism Dev Disord 17: 391-406, 1987. On trouve de nombreuses références concernant fenfluramine/autisme là : http://www.researchautism.net/autism_treatments_therapies_intervention.ikml?print&ra=115&infolevel=4
- Autisme et troubles du développement global de l'enfant: recherches récentes et perspectives, de Gilbert Lelord, Elsevier Masson, 1989 - 298 pages voir aussi : http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=3118075
- « Les thérapies proposées aux autistes sont-elles adaptées ? » [PDF], sur actupsy.free.fr (consulté le )
- Le New York Times rapporta une expérience controversée menée entre 1993 et 1996 https://www.nytimes.com/1998/04/15/nyregion/experiments-on-children-are-reviewed.html
- http://www.thefreelibrary.com/REDUX+COULD+TREAT+MENTAL+AILMENTS+MAKER+OF+RECALLED+DIET+DRUG+IS...-a064891284
- Vickers SP, Clifton PG, Dourish CT, Tecott LH, Reduced satiating effect of d-fenfluramine in serotonin 5-HT(2C) receptor mutant mice, Psychopharmacology (Berl), 1999;143:309–314
- Roth BL, Drugs and valvular heart disease, N Engl J Med, 2007;356:6–9
- brevet US 3,198,834
- En décembre 1993, F. Brenot et al. publient un article liant la fenfluramine à des cas de HTAP : “Primary Pulmonary Hypertension and Fenfluramine Use” dans the British Heart Journal. L'effet est remarqué même pour une exposition inférieure à trois mois. Par ailleurs Brenot note également que cet effet peut avoir lieu bien après l'exposition
- Wurtman ne découvrit pas la fenfluramine, mais c'est lui qui le premier en proposa l'utilisation dans le traitement de l'obésité ; il déposa à cet effet un brevet avec le MIT. http://tech.mit.edu/V118/N19/cobese.19n.html Un accord de licence fut passé avec les laboratoires Servier sur la fenfluramine. Un brevet fut déposé avec le MIT sur la dexfenfluramine, qui lui ouvrait notamment droit à de 1 à 5 % de royalties
- (fr) Membre du collège international de recherche Servier sur college-servier.com
- brevet US 4,309,445
- renommée Indevus Pharmaceuticals le 3 avril 2002, puis Endo Pharmaceuticals ; Richard Wurtman justifiait alors son implication dans la société de production du médicament Interneuron - citée en exemple de coopération recherche/industrie - par son souci de maîtrise de la qualité de toute la chaîne de fabrication en citant comme contre-exemple le cas malheureux du Tryptophanecf « Redux Story Sheds Light on Drug Development Process », sur www.antidepressantsfacts.com, (consulté le )
- Geoffrey Smith, et http://web.mit.edu/newsoffice/1996/obesitydrug.html Dick Wurtman's ideas aren't so crazy after all, BusinessWeek, 14 décembre 1992 (page datant du 15 mai 1996). Un autre actionnaire de Interneuron était J. Morton Davis, qui posséda jusqu'à un tiers de la société à travers D.H. Blair Investment Banking ; le 28 novembre 1995 Interneuron sous-traita une étape de la production aux laboratoires Boehringer Ingelheim Pharmaceuticals cf http://www.thefreelibrary.com/Interneuron+and+Boehringer+Ingelheim+sign+manufacturing+agreement+for...-a017769210 à cette url on trouve 1990 comme année d'acquisition des droits exclusifs sur la dexfenfluramine !? Le capital d'Interneuron détenu par Wurtman était estimé à 7 millions de $ en 1995 http://www.life-enhancement.com/article_template.asp?ID=206
- http://frwebgate.access.gpo.gov/cgi-bin/getpage.cgi?dbname=1997_register&position=all&page=24620 la démarche a été abandonnée : http://frwebgate.access.gpo.gov/cgi-bin/getpage.cgi?dbname=2003_register&position=all&page=26247
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/114000028/index.shtml Enquête sur le MEDIATOR® - Rapport de l'IGAS - janvier 2011
- http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/cgi-bin/brp/telestats.cgi?brp_ref=114000028&brp_file=0000.pdf
Voir aussi
Articles connexes
- Dexfenfluramine (Isoméride, l'énantiomère S)
- Benfluorex (Mediator)
- Norfenfluramine
- Phentermine
- Sibutramine
- Pharmacovigilance
- Effet secondaire
- Effet indésirable
- Événement indésirable médicamenteux
Liens externes
Bibliographie
- (en) Sheldon Levine et Toni Sciarra, The Redux revolution, New York, William Morrow and Co, , 222 p. (ISBN 978-0-688-15153-9, OCLC 0688151531)
- (en) Alicia Mundy, Dispensing with the truth : the victims, the drug companies, and the dramatic story behind the battle over Fen-Phen, New York, St. Martin's Press, (ISBN 0-312-25324-9)