Radovan Karadžić

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Radovan Karadžić
(sr) Радован Караџић
Illustration.
Radovan Karadžić en 2008.
Fonctions
Président de la république serbe de Bosnie

(4 ans, 3 mois et 12 jours)
Prédécesseur Création de la fonction
Successeur Biljana Plavšić
Biographie
Date de naissance (78 ans)
Lieu de naissance Petnjica, RS Monténégro, RFS Yougoslavie
Drapeau de la République fédérative socialiste de Yougoslavie République fédérative socialiste de Yougoslavie
Nationalité Serbe
Parti politique Parti démocratique serbe
Diplômé de Université de Sarajevo - Université Columbia
Profession Psychiatre

Signature de Radovan Karadžić(sr) Радован Караџић

Radovan Karadžić (alphabet cyrillique serbe : Радован Караџић), né le à Petnjica (actuel Monténégro), est un homme d'État yougoslave.

En 1992, il devient le premier président la république serbe de Bosnie. Il est accusé de purification ethnique pour les faits commis durant la guerre de Bosnie-Herzégovine, notamment pour le massacre de Srebrenica. Biljana Plavšić lui succède à la tête de la république serbe de Bosnie en 1996.

Après plusieurs années de fuite, il est arrêté en 2008 à Belgrade, puis est transféré à La Haye. En 2019, le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux le condamne définitivement à l’emprisonnement à perpétuité pour génocide (en particulier à Srebrenica), crimes contre humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre.

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Né dans le village de Petnjica (municipalité de Šavnik) au Monténégro, il passe son enfance à Nikšić toujours au Monténégro, près de la frontière avec la Bosnie, puis arrive en 1960 à Sarajevo où il poursuit des études de médecine. En , il prononce des discours nationalistes serbes à la faculté de philosophie de Sarajevo.

Carrière professionnelle[modifier | modifier le code]

Photographie d'identité judiciaire de Radovan Karadžić prise après son arrestation en 1984.

Devenu docteur en médecine en 1971, il se spécialise dans la psychiatrie et tout particulièrement le traitement des névroses et de la dépression. Il fait une partie de ses études à l'université Columbia de Manhattan, New York.

En , il travaille au Centre pour l’éducation des adultes Duro Dakovic de Sarajevo. De 1979 à 1992, il exerce au service de psychiatrie de l’hôpital d’État de Sarajevo. En 1983-1984, il est psychologue du club de football l'Étoile rouge Belgrade.

Entre 1984 et 1985, il passe onze mois en détention préventive pour détournement de fonds publics. Le , il est condamné à trois ans de prison, mais il n'effectue pas cette peine.

Il est ensuite préparateur mental pour les joueurs du club de football FK Sarajevo[1].

Selon le footballeur international Predrag Pašić, lui aussi Serbe de Bosnie mais qui choisira de ne pas quitter les Bosniaques, Radovan Karadžić s'est soudainement transformé en un animal politique en révélant une deuxième « personnalité » totalement différente : « Il nous enseignait tout le temps à être ensemble, à avoir un esprit d'équipe, que la victoire ne comptait que si nous étions ensemble, que si nous respirions ensemble, que nous jouions ensemble, les uns pour les autres. Et l'homme politique refusait toute vie commune, et c'est lui qui a assiégé Sarajevo pendant trois ans »[2].

Parcours politique[modifier | modifier le code]

Radovan Karadžić en 1994.

En , à l'âge de 45 ans, Radovan Karadžić participe en Bosnie-Herzégovine à la fondation du parti politique Parti démocratique serbe (SDS). Ce parti se présente comme le parti nationaliste serbe équivalent du Parti nationaliste musulman (SDA) et de l'Union Démocratique Croate (HDZ). Ces trois partis nationalistes formeront une coalition pour provoquer la chute du Parti socialiste au pouvoir (SDP, Parti socio-démocrate). La coalition sera néanmoins de courte durée à la suite du processus de dislocation de la fédération yougoslave.

Il prend la stature de principal chef nationaliste serbe le , lorsqu'il déclare devant l'Assemblée parlementaire de Bosnie et Herzégovine : « si vous continuez à soutenir la sortie de la Bosnie et Herzégovine de la fédération yougoslave, vous allez connaître le même enfer que celui qu'ont connu la Slovénie et la Croatie. Quant aux citoyens bosniaques de religion musulmane, ils risquent tout simplement de disparaître en cas de guerre car ils n'auront pas suffisamment d'armes pour se défendre »[3],[4]. Après ce discours, les élus SDS se lèvent et quittent leur siège au Parlement[5], ce qui précipite la fracture de la Bosnie et Herzégovine en deux camps : d'un côté, les croates et musulmans, voulant la sortie de la Bosnie et Herzégovine de la fédération yougoslave, et de l'autre côté, les sympathisants SDS voulant l'annexion de la Bosnie et Herzégovine à la Serbie pour la constitution de la Grande Serbie sous la houlette de Slobodan Milošević.

Le , l'année suivant l'éclatement de la Yougoslavie, il devient président du Conseil de sécurité nationale de la république serbe de Bosnie (Republika Srpska). Le suivant, il devient membre de la présidence à trois de la République serbe. Ensuite, du au , il est président unique de la République serbe.

Il est accusé d'avoir ordonné le nettoyage ethnique des Bosniaques et des Croates lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine. Biljana Plavšić le remplace à la présidence du pays le . Inculpé de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) en 1995, Radovan Karadžić quitte sa résidence de Pale une nuit de 1997 pour prendre la fuite.

Ces accusations lui valent parfois dans les médias le surnom de « boucher des Balkans »[6] ou « boucher de Bosnie »[7], à l'instar de Ratko Mladić, ex-commandant en chef des Serbes de Bosnie, poursuivi devant la même juridiction et pour les mêmes charges.

Années de cavale[modifier | modifier le code]

Il est dès lors activement recherché par les forces de l'ONU présentes en Bosnie-Herzégovine. L'avis de recherche d'Interpol indique notamment crimes contre l'humanité, atteintes graves à la convention de Genève de 1949, meurtre, et génocide, en particulier pour ce qui concerne le massacre de Srebrenica. Ses partisans affirment qu'il n'est pas plus coupable que n'importe quel chef politique en temps de guerre.

Jeunes Serbes soutenant Radovan Karadžić et Ratko Mladić (2007).

Entre 1996 et 2008, Radovan Karadžić change son apparence physique. Lors de son arrestation à Belgrade, le ministre de la Justice serbe exhibe, en fin d'entretien, le portrait de Dragan Dabic, son nom de substitution[8] : la presse serbe le surnomme « le Père Noël » en raison de sa barbe blanche et de ses cheveux longs attachés sur le haut de son crâne[9].

Devenu spécialiste de médecine alternative[10], il participe à plusieurs conférences et est employé par une clinique privée où il gagne bien sa vie. Il a aussi écrit plusieurs articles dans le magazine Zdrav Zivot (en français la « vie saine »). Lors d'une conférence de Dragan Dabic dans la ville de Kikinda, se trouvait au premier rang l'une de ses camarades d'école, Olga Bajsinski (pendant 4 ans) ; elle dit qu'elle n'avait pas reconnu Karadžić. Il rencontre aussi des personnalités politiques étrangères amies comme Jean-Marie Le Pen, qui lui a rendu visite pendant cette période[11]. Durant sa seconde vie, il eut aussi une femme, Mila[12].

Le , la chaîne d'informations Al Jazeera annonce sa capture par les forces spéciales serbes en territoire serbe[13]. Cette arrestation aurait été rendue possible par la volonté du nouveau gouvernement serbe sous la présidence de Boris Tadić. Le , l'arrestation de Radovan Karadžić est officiellement déclarée après une longue cavale de treize années. Il est transféré le vers le centre de détention du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Procès devant les juridictions internationales[modifier | modifier le code]

Polémiques entourant le procès[modifier | modifier le code]

Richard Holbrooke aurait passé un accord avec Karadžić, lui promettant de ne plus le poursuivre si celui-ci se retirait de la vie politique bosniaque. Le New York Times, citant un diplomate américain, rapporte que Karadžić n'aurait pas respecté l'accord, et Holbrooke aurait, en 2000, fustigé l'ancien chef de guerre : « Ce salopard de Karadžić. J'ai passé un accord avec lui : qu'il se retire de la politique et nous ne le recherchons pas. Il a rompu cet accord, nous allons le traquer ».

Les polémiques se sont accentuées lors de la publication en 2007 du livre Paix et Châtiment de Florence Hartmann, ancien porte parole du procureur du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie qui avait accès à certaines pièces à conviction ignorées du grand public.

C'est à la suite de pressions des États-Unis qu'aurait été arrêté Radovan Karadžić en par la police serbe[14].

En , le président du gouvernement serbe, Aleksandar Vučić, qualifie le TPIY de « tribunal politique » ayant échoué à réconcilier les peuples dans l'ex-Yougoslavie[15],[16].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Le , le TPIY dresse un acte d’accusation à l’encontre de Radovan Karadžić, inculpé au titre de sa position de supérieur hiérarchique responsable des crimes commis par ses subordonnés ; il lui est notamment reproché d’avoir commis un génocide et d’autres crimes en Bosnie-Herzégovine[17]. Le , un autre acte d’accusation est émis à son encontre concernant les accusations de génocide et d’autres crimes commis dans la région de Srebrenica[17]. Le , la chambre de première instance délivre des mandats d'arrêt internationaux à l’encontre de Radovan Karadžić[18].

Après son arrestation à Belgrade, Radovan Karadžić est transféré le , au quartier pénitentiaire des Nations unies à La Haye. Sa première comparution initiale devant le TPIY a lieu dès le lendemain[19]. Le , après que Radovan Karadžić a refusé de plaider coupable ou non coupable relativement à l’acte d’accusation utilisé au procès, le juge de la mise en état Iain Bonomy prononce un plaidoyer de non-culpabilité au nom de l’accusé, en application du règlement de procédure et de preuve du Tribunal.

Radovan Karadžić devant le TPIY, en 2016.

Le , la chambre d'instruction de première instance rejette la requête aux fins d’acquittement déposée par la défense en ce qui concerne 10 chefs d’accusation. Elle accepte en revanche d’acquitter l’accusé pour ce qui est du chef 1 de l’acte d’accusation, à savoir l’accusation de génocide pour les crimes commis dans plusieurs municipalités de Bosnie-Herzégovine entre mars et [20]. Le , à la suite de l’appel interjeté par l’accusation, la chambre d'instruction d’appel annule la décision rendue par la chambre de première instance le et rétablit l’accusation de génocide retenue contre l’accusé au chef 1 de l’acte d’accusation[21],[22][source insuffisante].

L'instruction se termine en , après 497 jours d’audience. Le procureur du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie requiert l'emprisonnement à perpétuité[23] alors que Radovan Karadžić, qui assure seul sa défense, plaide non coupable[24].

Le , la chambre de première instance déclare Radovan Karadžić coupable de la majorité des crimes cités dans l'acte d'accusation[25]. Il est déclaré coupable de génocide soit le pire crime commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale[26]. Le génocide n'est cependant retenu que pour les actes commis dans la région de Srebrenica en 1995 et non pour les actes commis dans les autres municipalités[26].

Dans le verdict de 2016 contre Radovan Karadžić, le TPIY conclut qu’entre et il existait un projet commun visant à chasser à jamais, par la commission de crimes, les musulmans et les Croates de Bosnie du territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie. Selon la juridiction, Radovan Karadžić, Momčilo Krajišnik, Nikola Koljević, Biljana Plavšić, Ratko Mladić, Mićo Stanišić, Momčilo Mandić, Zeljko Raznjatović (Arkan) et Vojislav Šešelj, constituaient une pluralité de personnes qui agissaient dans le cadre de ce projet commun et partageaient l’intention de commettre ces crimes[27].

Le , il est condamné en appel, par le MTPI, à une peine d'emprisonnement à perpétuité[28],[29]. Son avocat annonce dans la foulée que son client souhaite une révision de la sentence[30]. Dans une décision rendue le [31], Olufemi Elias (en), juge-président, rejette la demande en rappelant « qu'il n'y a pas de base légale dans le Statut ou dans le Règlement (du MICT) pour faire appel du jugement en appel ou d'une partie de celui-ci »[32].

Famille[modifier | modifier le code]

Radovan Karadžić est l’aîné de trois enfants. Son père, Vuko, tchetnik durant la Seconde Guerre mondiale, fut blessé puis emprisonné pendant cinq ans par les partisans de Josip Broz Tito. En 1964, Radovan Karadžić épouse une camarade de promotion, Liljana (née le à Sarajevo). Deux enfants naîtront de leur union : Sonja, (née le à Sarajevo) et Aleksandar (né le à Sarajevo).

Filmographie[modifier | modifier le code]

De ce procès, et des compromis politiques auxquels il a donné lieu, le réalisateur allemand Hans-Christian Schmid a tiré le film La Révélation en 2009. Kerry Fox, sous le nom de Hannah Maynard, incarne le rôle de la procureure au TPI de La Haye : Carla Del Ponte dont l'ex-porte parole Florence Hartmann a été conseillère sur le film, commencé au moment où débutait à La Haye le procès de Radovan Karadžić[33].

Poète[modifier | modifier le code]

Il publie plusieurs recueils de poésie, même durant sa cavale :

  • 1990 : Crna bajka (Svjetlost, Sarajevo)
  • 1992 : Rat u Bosni: kako je počelo
  • 1994 : Ima čuda, nema čuda
  • 2001 : Od Ludog koplja do Crne bajke (Dobrica knjiga, Novi Sad)
  • 2004 : Čudesna hronika noći (IGAM, Belgrade)
  • 2005 : Pod levu sisu veka (Književna zajednica « Veljko Vidaković », Niš)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « L'Équipe - L'actualité du sport en continu. », sur lequipe.fr (consulté le ).
  2. Predrag Pašić, dans Les rebelles du foot, film documentaire de Gilles Perez et Gilles Rof (Arte France, Canto Bros), 63e minute.
  3. « Караџић 1991 : Ја вас молим, НЕ ПРИЈЕТИМ, него МОЛИМ !![eng sub] » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  4. Rémy Ourdan, « Radovan Karadzic, fourrier d'un sanglant ultranationalisme serbe », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  5. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/serbie-montenegro/chronologie.shtml.
  6. Isabelle LASSERRE, « La chute finale de Radovan Karadzic, le "boucher des Balkans" », le Figaro,‎ (lire en ligne).
  7. Maël INIZAN, « Le parcours de Radovan Karadic, le "boucher de Bosnie" », Libération,‎ (lire en ligne).
  8. « Radovan Karadzic arrêté en Serbie sous une identité usurpée ; il existait bien un Dabic qui avait fui la Croatie », La Tribune du 22 juillet 2008.
  9. Photo de Radovan Karadžić.
  10. « Radovan Karadzic arrêté par les services secrets serbes », 20 Minutes du 22 juillet 2007.
  11. « Jean-Marie Le Pen admet avoir rencontré Karadzic quand il était recherché », Libération, 21 février 2012.
  12. « Karadzic tente de retarder son transfèrement devant la justice internationale à La Haye ».
  13. War criminal' Karadzic arrested, Al Jazeera, 22 juillet 2008
  14. Le Monde.
  15. Lefigaro.fr avec AFP, « Le premier ministre serbe fustige le TPIY », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  16. Jean-Arnault Dérens, Belgrade, « Le TPIY créé la surprise en acquittant l’ultranationaliste serbe Seselj », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. a et b « Les elements de preuve a charge de Radovan Karadzic et Ratko Mladic seront… », sur icty.org (consulté le ).
  18. « Le TPIY délivre des mandats d’arrêt internationaux contre Radovan Karadžić et… », sur icty.org (consulté le ).
  19. « Première comparution de Radovan Karadzic », sur rfi.fr (consulté le ).
  20. « TPIY : Karadzic acquitté de génocide dans des municipalités de Bosnie », Le Monde, 28 juin 2012.
  21. http://www.icty.org/x/cases/karadzic/ind/fr/091019f.pdf.
  22. http://www.icty.org/x/cases/karadzic/acjug/fr/130711_judgement_summary_rule98bis.pdf.
  23. « Prison à vie requise contre Radovan Karadzic, l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie », Le Monde, 26 septembre 2014.
  24. « Radovan Karadzic condamné à 40 ans de prison pour génocide », sur capital.fr, (consulté le ).
  25. « Actualité Internationale : Toutes les dernières infos et news du jour en Direct », sur CNEWS (consulté le ).
  26. a et b « Radovan Karadzic reconnu coupable du génocide à Srebrenica, condamné à quarante ans de prison », Le Monde, 24 mars 2016.
  27. « [https://www.icty.org/x/cases/karadzic/tjug/fr/160324_judgement_summary.pdf p4 Résumé du jugement rendu dans l’affaire Radovan Karadžić] »
  28. Agence France Presse, « Guerre de Bosnie : Radovan Karadzic condamné en appel à la prison à vie », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  29. « JUSTICE. Génocide en Bosnie : Radovan Karadzic condamné à la perpétuité », sur www.leprogres.fr, (consulté le )
  30. « Karadzic fait appel de sa condamnation à perpétuité », Tribune de Genève, 28 mars 2019.
  31. International Residual Mechanism for Criminal Tribunals, Decision on Radovan Karadzic notice of sentencing appeal and the related motion for assignment of counsel and extension of time, Case MICT-13-55, 2 avril 2019, p. 3. Disponible ici.
  32. « Génocide en Bosnie: Karadzic ne peut pas faire appel de sa condamnation à perpétuité », sur RTBF Info, (consulté le )
  33. lire la critique.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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