Hôtel Ryugyong

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Hôtel Ryugyong
(ko) 류경려관Voir et modifier les données sur Wikidata
L'hôtel en 2012.
Histoire
Architecte
Construction
1986-1992[Note 1]
2008-2012[Note 2]
Statut
Achevé
Usage
Hôtel, bureaux
Architecture
Style
Hauteur
Toit : 330 m
Surface
360 000 m2
Étages
105
Administration
Contracteur
Occupant
Localisation
Pays
Ville
Quartier
Photongang
Coordonnées
Carte

Hôtel Ryugyong
Chosŏn'gŭl 류경호텔
Hanja 柳京호텔
Romanisation révisée Ryugyeong Hotel
McCune-Reischauer Ryugyŏng Hot’el

L'hôtel Ryugyong (en coréen : 류경호텔) aussi translittéré Ryugyŏng / Ryugyeong Hotel – ou encore Ryu-Gyong Hotel ou Yu-Kyung Hotel[1] – est un gratte-ciel pyramidal de 105 étages situé dans le quartier de Potong-gang à Pyongyang en Corée du Nord. Son nom, Ryugyong (hangeul : 류경 ; hanja : 柳京), littéralement « capitale des saules », est également un des noms historiques de Pyongyang.

La construction a commencé en 1987, avec un achèvement prévu pour 1989. Cependant, après d'importants retards, la construction est arrêtée en 1992[2], la dislocation de l'Union soviétique ayant conduit à l’abandon du soutien à la Corée du Nord, notamment en matières premières. L'hôtel Ryugyong reste durant seize ans sans fenêtres ni aménagements intérieurs. La construction reprend en avril 2008 sous la supervision du groupe égyptien Orascom[3], qui a grandement investi en Corée du Nord, notamment dans la téléphonie mobile ou les industries de construction[2],[4]. Orascom a terminé l'extérieur du bâtiment en 2011, et aurait assuré l'aménagement des 360 000 m2 à l'intérieur jusqu'à la livraison du chantier en , pour le centième anniversaire de Kim Il-sung[5]. En réalité, l'aménagement intérieur du bâtiment n'a toujours pas été réalisé contrairement aux dires d'Orascom et du gouvernement[6].

Nom et caractéristiques de l’ouvrage[modifier | modifier le code]

L'immeuble fut baptisé du nom de Ryugyong (hangeul, 류경 ; hanja, 柳京), littéralement la Capitale des saules, l'un des noms historiques de Pyongyang[7]. L'immeuble est également connu comme étant le « 105 Building »[8], en référence au nombre d'étages.

Avec ses 105 étages et ses 3 000 chambres prévues[2], le Ryugyong culmine à 330 mètres de haut pour une superficie au sol de 360 000 m2, l'hôtel Ryugyong est la construction la plus imposante de la ville et le plus haut gratte-ciel du pays. La construction aurait dû être achevée pour le treizième festival mondial de la jeunesse et des étudiants en , ce qui aurait permis à la Corée du Nord de décrocher le titre de plus grand hôtel du monde. Le Ryugyong est la 34e plus haute tour au monde, (58e si l'on prend en compte les immeubles en construction).

Historique[modifier | modifier le code]

Contexte de création[modifier | modifier le code]

L'origine de cet hôtel remonte à la guerre froide. Il s'agit de la réaction à la construction du plus grand hôtel du monde en 1986, le Westin Stamford Hotel à Singapour, par le groupe sud-coréen SsangYong Group (en)[9]. La construction d'un hôtel géant en Corée du Nord est vue par le gouvernement comme une occasion d'inciter les occidentaux à investir dans le pays[9]. Une entreprise est créée, la Ryugyong Hotel Investment and Management Co., afin de réunir un fonds espéré de 230 millions de dollars[9]. Un représentant Nord-coréen a déclaré que le gouvernement faciliterait la mise en place de structures absentes du pays : « les investisseurs pourront exploiter des casinos, des nightclubs ou des salons japonais s'ils le souhaitent[Note 4] »[9].

L'entreprise de construction nord-coréenne Baikdoosan Architects & Engineers (aussi connue sous le nom de Baekdu Mountain Architects and Engineers) commença la construction de l'hôtel-pyramide en 1987[4],[10] La construction a été assurée par la société Sangwon Cement Company, détenue à 36% jusqu'en par la société LafargeHolcim via sa participation dans Orascom[11].

Suspension des travaux[modifier | modifier le code]

L’hôtel tel qu'il apparaît entre 1992 et 2008.

L'inauguration de l'hôtel doit initialement se tenir en afin de coïncider avec le treizième festival mondial de la jeunesse et des étudiants, mais des problèmes liés aux méthodes de construction et aux matériaux ont ralenti les travaux[12]. Le but est alors de dépasser en taille le Swissôtel The Stamford afin de devenir l'hôtel le plus haut du monde[13], et de devenir aussi par la même occasion le septième bâtiment le plus élevé du monde[8].

Le bâtiment atteint sa taille maximale en 1992[8], mais les travaux sont suspendus en raison d'un manque de financement, ainsi que d'un manque d'électricité et de nourriture en Corée du Nord[14]. Des journaux japonais estiment alors le coût de la construction à quelque 750 millions de dollars[15], ce qui représente à l'époque environ 2 % du PIB de la Corée du Nord[16].

Pour un peu plus d'une décennie, le bâtiment inachevé siège dans la ville sans fenêtre, jointures, ou ornementation, apparaissant comme une carcasse en béton[8]. Une grue rouillée continue de siéger au sommet, ce que la BBC désigne alors comme un « rappel des ambitions avortées d'un régime totalitaire »[14], et devient une installation permanente[17].

À la fin des années 1990, European Union Chamber of Commerce in Korea (en) procède à une série d'inspections et conclut à l'impossibilité de nouveaux travaux, la structure étant irréparable[18]. Des interrogations concernant en particulier la qualité des bétons utilisés ainsi que l'alignement des cages d'ascenseur sont émises[19]. Dans un article de 2006, ABC news émet par ailleurs des doutes sur la capacité de la Corée du Nord à réunir les matériaux nécessaires à l'achèvement d'un travail de cette importance[13]. Un officiel du gouvernement déclare en 2008 au Los Angeles Times que la construction n'est pas achevée en raison d'un manque de financement[20].

Reprise des travaux[modifier | modifier le code]

Vue du sommet en 2008, plusieurs mois après la reprise des travaux

En , après 16 ans d'inactivité, la reprise des travaux est assurée par la compagnie égyptienne, le groupe Orascom[21],[22]. Celle-ci, qui a par ailleurs passé un contrat de près de 400 millions de dollars avec le gouvernement nord-coréen pour mettre en place un réseau de télécommunication 3G, déclare à l'époque que les deux marchés ont été négociés indépendamment[14].

Les contours du contrat restent flous à l'époque, et il n'est pas déterminé si Orascom prévoit de finir l'ensemble des travaux, ou simplement de finir les travaux extérieurs. En 2008, le responsable du projet déclare qu'au minimum le but de l'entreprise est de rendre les façades plus belles[20]. En 2009, le responsable des opérations, Khaled Bichara, remarque qu'ils n'ont pas eu beaucoup de difficultés à gérer les problèmes de constructions antérieurs, que des travaux intérieurs seraient aussi assurés, et qu'un restaurant serait ouvert au sommet de la structure[14]. Le groupe français Lafarge prend le contrôle de la division ciment du groupe égyptien Orascom pendant les travaux et se retrouve associé à l'achèvement de l'hôtel. En effet, Orascom s'était engagé à le terminer et avait pris une participation à hauteur de 155 millions de dollars dans la société nord-coréenne de construction Sangwon Concrete Company, maître d'œuvre du projet initial[2]. Le président de la société française a rencontré en Kim Yong-nam, le président du présidium de l'Assemblée suprême du peuple, qui assumait alors les fonctions de chef de l'État par intérim du fait de la maladie de Kim Jong-il[2].

Il est annoncé en 2008 qu'une ouverture du bâtiment est prévue pour 2012, de manière à coïncider avec le centième anniversaire de la naissance du « président éternel » Kim Il-sung[17]. Selon Orascom, les travaux intérieurs devaient se poursuivre après cette ouverture et ne devaient s'achever qu'à la fin de l'année 2012[14]. En , des témoignages font état de la fin des travaux[23]. Il apparait qu'Orascom a alors installé des baies vitrées sur toute la hauteur du batiment, ainsi que des antennes de communication[24]. L'hôtel est finalement achevé le et accueille les bureaux d'entreprises nord-coréennes. Le bâtiment ouvre ses portes officiellement le printemps suivant[25].

Dans le courant de l'été 2017, les murs qui cloisonnaient l'hôtel sont détruits et se révèlent deux nouvelles passerelles pour accéder à l'hôtel, ainsi qu'une gigantesque affiche de propagande[26].

Propagande entourant les travaux[modifier | modifier le code]

Bien que le Ryugyong domine l'horizon de la capitale nord-coréenne, les informations entourant l’hôtel et l'avancée de ses travaux demeurent pendant plusieurs années compliquées à obtenir. Le bâtiment est apparu sur une série de timbres, mais le gouvernement de Corée du Nord a longtemps démenti l'existence même de l’hôtel. Des photos retouchées dans lesquelles l'hôtel est effacé sont publiées par le gouvernement, et il est absent des cartes géographiques de la ville[13],[20],[14]. Certains problèmes entourant le bâtiment amènent certains journalistes à le surnommer le « pire bâtiment du monde »[27],[16], « l’hôtel de la catastrophe », ou « l’hôtel fantôme »[14].

Après la reprise des travaux, le gouvernement nord-coréen reprend sa communication autour du bâtiment. Le , l'agence d'information d'état KCNA a publié une nouvelle affiche de propagande faisant figurer le Ryugyong dans le paysage de la capitale[28]. Aujourd'hui, des énormes écrans ont été installés afin d'y afficher des messages de propagande pouvant être vus à travers la ville entière.

Architecture[modifier | modifier le code]

Comparaison des profils approximatifs de quelques monuments notables de forme pyramidale ou presque pyramidale. Lorsque la base est oblongue, le côté le plus long est utilisé. Les lignes pointillées indiquent les altitudes d'origine quand elles sont disponibles.

L'édifice comprend trois ailes en étoile, chacune mesurant 100 m de long pour 18 m de large. Les ailes ont un profil triangulaire avec une pente à 75°, leur sommet convergeant en un pinacle. Le bâtiment est coiffé par un cône tronqué de 40 m de diamètre à la base. Les huit premiers étages sont de conception rotative, les six derniers restant statiques. La structure est prévue pour accueillir cinq restaurants tournants et 3 000 ou 7 665 chambres d'hôtel, selon les sources[19],[29]. Selon la BBC citant Orascom en 2009, l'hôtel Ryugyong ne sera pas seulement un hôtel mais plutôt un bâtiment à usage mixte, incluant un restaurant tournant et une composition d'équipements hôteliers, d'appartements et de locaux à usage professionnel[14].

Photos[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Abandon des travaux
  2. Achèvement du gros œuvre.
  3. Initialement prévues.
  4. « The foreign investors can even operate casinos, nightclubs or Japanese lounges if they want to. ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. « 105 Building, Pyongyang, Korea, North », Asian Historical Architecture (consulté le ).
  2. a b c d et e Philippe Pons, « En Corée du Nord, Lafarge s'est engagé à achever l'hôtel fantôme de Pyongyang », Le Monde, 26 décembre 2008. - Page en archive.
  3. Philippe Pons, Corée du Nord, un État-guérilla en mutation, Paris, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 978-2-07-014249-1), page 264 note de bas de page numéro 2.
  4. a et b (en) « Orascom and DPRK to Complete Ryugyong Hotel Construction », The Institute for Far Eastern Studies, (consulté le ).
  5. (en) A Fabulous New Luxury Hotel—In North Korea?.
  6. North Korea's Ryugyong 'Hotel of Doom' pictures released.
  7. (en) Yoichi Funabashi, The Peninsula Question: A Chronicle of the Second Northern Korean Nuclear Crisis, Washington, D.C., Brookings Institution Press, (ISBN 0-8157-3010-1), p. 50.
  8. a b c et d « Ryugyong Hotel », sur Emporis.com (consulté le ).
  9. a b c et d (en) Ngor Oh Kwee, « Western decadence hits N. Korea », Japan Economic Journal,‎ , p. 12.
  10. Cramer, James P.; Jennifer Evans Yankopolus, Almanac of Architecture & Design, Atlanta (Géorgie), Greenway Publications, , 7e éd. (ISBN 0-9755654-2-7), p. 368.
  11. Léna Corot, LafargeHolcim cède ses actifs dans une cimenterie en Corée du Nord, Usinenouvelle.com, 16 août 2017 (consulté le 9 octobre 2017)
  12. Foreign Staff, « North Korean hotel dubbed the 'worst building in the world' may finally be finished - Telegraph », sur Daily Telegraph, Telegraph Media Group, (consulté le ).
  13. a b et c (en)Dan Beckmann, « Pyongyang: Home to the Tallest Hotel in the World That Could, but Will Never Be », ABC News, The Walt Disney Company, 23 octobre 2006, consulté sur abcnews.go.com le 7 mai 2009
  14. a b c d e f g et h (en) « Will 'Hotel of Doom' ever be finished? », BBC News, 15 octobre 2009, consulté sur news.bbc.co.uk le 13 octobre 2010
  15. (en) North Korea builds record-height hotel, Engineering News-Record, 15 novembre 1990, p. 41.
  16. a et b (en) Eva Hagberg, « The Worst Building in the History of Mankind », Esquire, 28 janvier 2008, consulté sur www.esquire.com le 7 mai 2009
  17. a et b (en) Donald Kirk, « Grand Illusion », Forbes, 27 octobre 2008, consulté sur www.forbes.com le 7 mai 2009
  18. (en) Marcus Noland, Avoiding the Apocalypse : The Future of the Two Koreas, Washington, Institute for International Economics, , 431 p. (ISBN 0-88132-278-4), p. 82.
  19. a et b (en) C. Kenneth Quinones et Joseph Taggert, The Complete Idiot's Guide to Understanding North Korea, Indianapolis, Alpha Books, (ISBN 1-59257-169-7), p. 183.
  20. a b et c (en)Barbara Demick, « North Korea in the midst of mysterious building boom », Los Angeles Times, 27 septembre 2008, consulté sur www.latimes.com le 14 décembre 2008
  21. (en) « Korea: N Korea Resumes Construction Of Luxury Hotel », MySinchew 25 mai 2008, consulté surwww.mysinchew.com le 7 mai 2009
  22. (en) « Will 'Hotel of Doom' ever be finished? », BBC, 15 octobre 2009, consulté sur news.bbc.co.uk le 25 août 2010
  23. (en) Samuel Medina, « Ryugyong Hotel Exterior Completed », architizer, 22 juillet 2011, consulté sur www.architizer.com le 26 juillet 2011
  24. (en) Jon Herskovitz, « North Korea's "Hotel of Doom" wakes from its coma », Reuters, 17 juillet 2008, consulté sur www.reuters.com le 7 mai 2009
  25. (fr)« Corée du Nord : l’hôtel le plus laid du monde prêt à ouvrir », Atlantico, 10 février 2012, consulté sur www.atlantico.fr le 12 mai 2012
  26. La «pyramide» de Pyongyang serait en rénovation, Lapresse.ca, 31 juillet 2017 (consulté le 9 octobre 2017)
  27. (en) Jon Herskovitz, « North Koreans revamp 'world's worst building' », The Independent, 18 juillet 2008, consulté sur www.independent.co.uk le 7 mai 2009
  28. (en) New Posters Created in DPRK, KCNA, 1er janvier 2012, consulté sur www.kcna.kp le 1er janvier 2012
  29. (en) Chad Randl, Revolving architecture : a history of buildings that rotate, swivel, and pivot, New York, Princeton Architectural Press, , 208 p. (ISBN 978-1-56898-681-4, lire en ligne), p. 133.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]