Espagnol des Philippines

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L'espagnol fut la première langue officielle des Philippines, depuis son intégration à l'empire espagnol en 1565, et la langue véhiculaire du pays jusqu'au début du XXe siècle. En 1863 fut instauré un système d'instruction publique qui diffusa considérablement la connaissance de la langue dans la population. Le héros national José Rizal écrivit la plus grande partie de son œuvre en espagnol, tout comme les révolutionnaires et nationalistes du XIXe siècle. Il fut la principale langue de diffusion du discours de la révolution philippine et la Première République des Philippines, fondée en 1899, l'instaura en langue officielle. La Constitution de Malolos (en), première constitution philippine, ainsi que l'hymne national philippin furent écrits en espagnol. Durant la première moitié du XXe siècle, il fut la langue de la presse, de la culture, du commerce et, partiellement, de la vie politique philippines. Il resta langue coofficielle avec l'anglais et le tagalog jusqu'en 1973, mais fut cependant peu à peu marginalisé au profit du premier.

L'espagnol reste parlé par d'importantes minorités, est largement présent dans l'enseignement, et différentes initiatives visent à promouvoir les langue et culture hispaniques aux Philippines.

L'espagnol parlé aux Philippines se démarque par une profonde influence reçue du tagalog. De son contact avec les diverses langues philippines sont issus quatre groupes de parlers créoles : chavacano (le plus important), caviteño, ermitaño (es) et davaoeño[1].

Histoire

Drapeau révolutionnaire philippin comportant du texte en espagnol.

Période contemporaine

La période du franquisme en Espagne fut très nuisible à l'espagnol : entre 1935 et 1975 toutes les relations furent rompues avec l'ancienne colonie, ainsi que toutes les relations culturelles, du fait de fortes tensions entre l'Espagne et les États-Unis. De plus, le général Franco, militaire, et nationaliste convaincu, avait du mal à accepter la défaite militaire Espagnole de 1898, ainsi que le traité de Paris de 1900, qui céda les Philippines aux États-Unis. L'Espagne ne renoua avec les Philippines qu’après 1981, quand la démocratie revint définitivement en Espagne, et encore, tout relativement.

Mais il était déjà trop tard : la nouvelle constitution des Philippines de 1987, après la chute de Ferdinand Marcos, abandonna l'espagnol comme troisième langue officielle, qui était encore inscrite comme officielle sur celle de 1973. En 50 ans d'absence,au moins, l'Espagne perdit donc un grand prestige culturel aux Philippines, du point de vue de la langue, et des échanges culturels . D'autant plus que l'Espagne était déjà en retrait, de 1898 à 1935, suites à sa défaite face aux États-Unis, et confrontée à des difficultés économiques et sociales très importantes. Ce qui était aussi le cas des pays hispaniques de l'Amérique Latine. Dès lors, les Philippines n'étaient plus vues que comme un pays lointain, isolé du monde hispanique, souvenir du vieux rêve colonial et glorieux de l'Espagne, quand elle régnait sur 5 continents. Aujourd'hui, le nombre de résidents espagnols inscrits aux registres de l'ambassade d'Espagne s’élève à environ seulement 3 000 personnes, dont un grand nombre de membres de l'épiscopat de l'Église catholique, souvent bilingues espagnol/anglais. L'intérêt que porte l'Espagne aux Philippines de nos jours est tout relatif, et son partenariat commercial est tout à fait marginal, étant même devancée, et de loin, par des puissances européennes comme l'Allemagne, ou la Grande Bretagne. D'un point de vue culturel, un Institut Cervantes a ouvert ses portes à Manille. Mais l'engouement pour l'espagnol n'est pas au rendez-vous. Un visiteur Espagnol utilisera le plus souvent l'Anglais,plutôt que la langue de Cervantes, qui ne serait plus parlée que par 100 000 à 300 000 Philippins, souvent issus des classes aisées (l'espagnol était encore parlé par quelques 1 500 000 à 3 000 000 de Philippins, surtout âgés de plus de 60 ans, en 1973, et moins de 1 000 000 en 1987). Le chavacano, créole de l'espagnol n'entre toutefois pas dans ces statistiques.

Depuis la crise économique qui sévit en Espagne depuis 2008, celle-ci à considérablement réduit ses budgets en ce qui concerne les Philippines : Ainsi, le centre culturel Cervantes de Manille est menacé de fermeture, et les échanges commerciaux avec les Philippines sont devenus encore plus marginaux, les investisseurs espagnols préférants investir au Maroc, beaucoup plus proche de l'Espagne.[réf. nécessaire]

Caractéristiques

Les classes aisées hispanophones, en grande partie à l'origine du maintien du prestige de la langue dans l’histoire du pays, parlent un espagnol proche du standard péninsulaire. Au contraire, les classes populaires parlent un ensemble de créoles dans lesquels la langue se trouve profondément altérée[2].

Les principales caractéristiques générales de l'espagnol parlé aux Philippines sont :

  • seseo (confusion de /s/ et /θ/)[1]
  • yeísmo (confusion de /j/ et /ʎ/)[1]
  • chute de /d/ intervocalique dans la terminaison -ado (phénomène par ailleurs courant dans nombre de dialectes ou hors contexte formel)[3]
  • maintien partiel de l'aspiration du h initial (généralement muet en espagnol moderne) issu de la lénition précoce de f initial latin[1] ; comme dans d'autres dialectes, cette consonne aspirée est confondue avec la réalisation locale de /x/ (j à l'écrit)[3]
  • sur le plan lexical présence d'archaïsmes lexicaux (morphologiques et sémantiques) et, naturellement, nombreux emprunts aux langues locales, notamment au tagalog[4]
  • système hybride de personnes grammaticales : yo, /vos, ele, nisós, ustedes/vusós, ilós[2]
  • comme en andalou oriental et en estrémègne, tendance à la neutralisation de l'opposition entre /ɾ/ et /l/ en position finale ou implosive (en fin de syllabe) ; le /ɾ/ final des infinitifs chute et est remplacé par une occlusion glottale (notée ') empruntée au tagalog, ou aboutit sur une voyelle moyenne centrale en position finale (tonique)[3].

Parmi les traits issus du contact de l'espagnol avec le tagalog, outre les nombreux emprunts lexicaux, on peut citer :

  • articulation sporadique et fréquente de /f/ (son inexistant en tagalog) comme /p/[3]
  • sous l'influence du système phonologique trivocalique du tagalog (a, i, u), articulation de /e/ en /i/ et de /o/ en /u/[3]
  • le tagalog ne connaissant pas le genre grammatical, remplacement de l'article féminin la par el ; disparition de la forme féminine pour la plus grande partie des substantifs et adjectifs[5]
  • parfois le pluriel est marqué, comme en tagalog, par la particule antéposée mana[2]
  • utilisation de la duplication comme indice intensificateur (plutôt que de suffixes comme en espagnol standard)[2]
  • profonde altération et réduction du système verbal par l'usage généralisé de particules pour l'expression des temps grammaticaux ( pour le présent, ya pour le passé et de pour le futur)[6]
  • emprunt de la particule ba du tagalog pour marquer l'interrogation[4]

Notes et références

  1. a b c et d Zamora Vicente 1967, p. 450
  2. a b c et d Zamora Vicente 1967, p. 452
  3. a b c d et e Zamora Vicente 1967, p. 451
  4. a et b Zamora Vicente 1967, p. 453
  5. Zamora Vicente 1967, p. 451-452
  6. Zamora Vicente 1967, p. 452-453

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes