Chef d'orchestre

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Le violoniste et chef d'orchestre français Charles Lamoureux.
Le chef d'orchestre américain Lorin Maazel

Un chef d'orchestre est un musicien chargé de coordonner le jeu des instrumentistes des orchestres symphoniques, de jazz, d'harmonie ou de fanfare. Sa tâche consiste, sur le volet technique, à rendre cohérent le jeu de l'ensemble des musiciens par sa gestuelle, notamment en leur imposant une pulsation commune. Il règle par ailleurs l'équilibre des diverses masses sonores de l'orchestre. Sur le volet artistique, c'est à lui que revient la tâche d'orienter l'interprétation des œuvres, un processus qui s'étend à partir du choix du répertoire, de la première répétition jusqu'à la représentation finale.

Arturo Toscanini disait en substance : « Le chef d'orchestre est un prisme, une sorte de diamant, par lequel passent les faisceaux de toutes les individualités de l'orchestre[réf. nécessaire] ». De même, si le metteur en scène est au texte théâtral un intermédiaire au service du dramaturge, le chef d'orchestre est à l'œuvre orchestrale un intermédiaire au service du compositeur.

Fonction et travail du chef d'orchestre

Le chef d'orchestre peut être permanent ou invité. Dans le premier cas, un contrat le lie à l'orchestre avec qui il doit effectuer un certain nombre de concerts ou d'enregistrements dans l'année. Il participe également à l'administration de la phalange, aux recrutements des nouveaux membres et établit son programme. Le chef invité ne l'est que pour une courte période correspondant aux répétitions et à l'exécution d'un ou de quelques concerts.

Le travail proprement dit du chef d'orchestre se divise en trois phases : la préparation, la répétition, et le concert.

Phase de préparation

Durant cette phase, le chef d'orchestre acquiert une grande connaissance et une grande compréhension de l'œuvre à diriger. On pourrait dire que c'est la partie « structurante » de son travail.

Le chef analyse consciencieusement la structure de la pièce musicale, sa construction harmonique et son essence musicale. Il en retire une sorte d'« axe de lecture », qu'on appelle l'« interprétation ». C'est généralement une vision personnelle, une manière de comprendre le travail d'un autre. Une bonne interprétation traduit au plus près les intentions du compositeur, en exploitant au maximum les libertés laissées aux interprètes, justement[1].

À partir de cette compréhension, le chef d'orchestre cherche ensuite à apprendre et à intégrer les gestes qui communiqueront au mieux aux musiciens de l'orchestre la pensée du compositeur.

Phase de répétition

Après cette phase de préparation, le chef est prêt à faire travailler l'œuvre par les musiciens. Il est généralement l'organisateur du plan de répétition : timing, section de partition à travailler plus particulièrement, recherche de l'équilibre du son... Il peut aussi, par exemple, convoquer l'ensemble de l'orchestre, ou des pupitres séparés, comme vents d'un côté et cordes de l'autre. Si l'œuvre à interpréter comporte un soliste, il fait généralement travailler l'orchestre seul avant l'arrivée du soliste afin de rechercher un son d'ensemble et une cohérence musicale. Au bout du compte, il doit obtenir le son voulu, l'interprétation exacte qu'il désirait atteindre.

Cette phase, comme la phase suivante, requiert autant de qualités musicales que de qualités de communication avec les musiciens qui composent l'orchestre : communication gestuelle et diplomatie, bonne relation humaine afin de réduire tout stress, sensibilité musicale.

Phase de concert

Chef d'orchestre en concert au nouvel orchestre de chambre de Rouen

En phase de concert, le chef d'orchestre a plusieurs outils pour communiquer avec ses musiciens, le principal étant ses gestes. Ses bras indiquent principalement :

Le chef d'orchestre ne néglige pas pour autant son expression faciale, qui pourra indiquer des subtilités supplémentaires : caractère du mouvement, nuance ou ambiance générale de l'œuvre.

Ainsi, on distingue dans l'action de diriger un orchestre deux catégories distinctes de gestes:

  1. un ensemble de signaux de commandement, établi selon un code conventionnel au cours des répétitions, et que l'instrumentiste déchiffre et traduit; on trouve dans cette catégorie les signes de départs, de mesure, de nuance, de nuances de jeu (amplitude du vibrato, timbre du son, etc.)
  2. un ensemble de gestes expressifs non conventionnels, qui ne traduisent aucun ordre explicite mais compréhensibles par les instrumentistes.

Ce sont souvent les gestes de la deuxième catégorie qui donnent son caractère à la direction d'un chef d'orchestre :

« Furtwängler remplace à peu près tous les signaux impératifs et volontaires [...] par des gestes expressifs [...]. Avant de battre la mesure, il s'avise qu'il ne plaît peut-être point à la mesure d'être battue. Il renonce donc très souvent à "faire savoir" les départs aux musiciens par le geste de convention. Mais il ne le leur suggère qu'avec plus de précision. Et les musiciens partent avec une simultanéité absolue et, partant sous une impulsion directe et non pas "par ordre" [...] »

— Fred Goldbeck, La Revue musicale, no 147, juin 1934

En concert, le chef est donc capable de « corriger » l'interprétation brute émise par les musiciens, en direct et discrètement... puisqu'il tourne généralement le dos au public. Le chef pourra également rattraper un décalage — rythmique, ou concernant la justesse — au moment même où celui-ci intervient.

Les chefs d'orchestre sont généralement formés en conservatoire : la formation comprend des cours d'harmonie, de solfège, d'orchestration, de pratique devant l'orchestre et de pédagogie.

Le bâton de direction, utilisé pendant l'époque baroque, a laissé la place à la baguette, dont l'usage n'est plus du tout systématique. Le bâton de direction servait surtout à taper la pulsation commune à l'ensemble des musiciens (Jean-Baptiste Lully en est mort après s'en être donné un violent coup sur le pied). Cet usage s'est perdu à l'époque classique et les musiciens ont été dirigés soit par le claveciniste (quand il y avait un continuo), soit par le premier violon. Ce dernier donnait des indications avec son archet : respirations, coups d'archet, phrasé, attaques, etc... La partie la plus visible de l'archet était la mèche de par la couleur blanche des crins. Quand les fonctions de premier violon et de chef se sont séparées, cette ligne blanche de direction s'est matérialisée par une baguette dont la couleur est aujourd'hui celle du matériau la composant : fibre, carbone, bois ou autre.

Le chef d'orchestre dirige généralement depuis un pratiquable placé au bord de la scène et équipé d'un garde-corps de sécurité. Malgré cette précaution des accidents peuvent se produire. Ainsi, Kurt Masur qui dirigeait l'Orchestre national de France au théâtre des Champs-Élysées, a perdu l'équilibre en se penchant vers les premiers violons ce qui a entraîné sa chute en arrière depuis la scène devant le premier rang de spectateurs[2].

De la fonction au métier

Au cours des siècles la fonction de chef d’orchestre a été tenue par différentes personnes. Au commencement de la musique dite classique les formations étaient assez petites pour qu’un des musiciens de l’orchestre dirige ou que le groupe n’ait pas besoin de chef. Ainsi le premier violon ou le claveciniste pouvaient jouer ce rôle. L’orchestre prenant de l’ampleur il a fallu aménager un poste propre à ce chef d’orchestre. Beaucoup de compositeurs dirigeaient ainsi certaines de leurs œuvres avec plus ou moins de succès (Mozart, Beethoven…).

Le musicien considéré par la plupart des musicologues comme le premier chef d’orchestre de métier fut Hans von Bülow, pianiste de formation et compositeur, mais surtout connu pour avoir suivi Wagner en créant notamment Tristan et Isolde et en instituant le poste de chef d’orchestre. À partir de von Bülow le métier de chef d’orchestre émerge et l’ampleur prise par les œuvres de la fin du XIXe siècle (les symphonies de Bruckner ou de Mahler par exemple) le rend indispensable. Il ne faut pas oublier le rôle essentiel d'Hector Berlioz dans l'histoire de la direction d'orchestre. Ce dernier, après avoir révolutionné l'orchestre moderne dans son Grand Traité d'Instrumentation et d'Orchestration a été le premier -avant Hans von Bülow- à bien saisir l'importance de l'équilibre scénique grâce à sa vision spatiale de la musique. Il a d'ailleurs rédigé un ouvrage dans lequel il explique comment il faut diriger convenablement, Le Chef d'orchestre, Théorie de son Art [3].

Parmi les chefs d’orchestre les plus connus certains se sont quasi exclusivement consacrés à la direction lorsque d’autres ont mené de front plusieurs carrières. Dans la première catégorie nous pourrons citer Hans Richter, Arturo Toscanini ou Herbert von Karajan ; dans la seconde Gustav Mahler, Leonard Bernstein ou Daniel Barenboim, compositeurs pour les deux premiers, pianiste pour le dernier. Longtemps réservé aux hommes par le passé, le rôle de chef s'est démocratisé au cours du XXe siècle et a vu apparaitre plusieurs générations de femmes tenant la baguette depuis Nadia Boulanger, Jane Evrard jusqu'à de nos jours Marin Alsop, Claire Gibault, Nathalie Stutzmann, Zahia Ziouani. Il y a aujourd'hui environ soixante dix femmes pour cinq mille hommes[4].

Un orchestre sans chef ?

Cette situation est courante dans les petits ensembles (orchestre de chambre) mais n'est pas concevable pour de plus grandes formations. En revanche, le rôle de chef d'orchestre peut être cumulé avec celui de soliste (pour un concerto typiquement), voire avec le premier instrumentiste d'un pupitre (cas fréquent pour la musique baroque).

Durant plusieurs années, un orchestre sans chef a existé en URSS de 1922 à 1932, le Persimfans (l'abréviation du russe « Perviy Simfonicheskiy Ansambl bez Dirizhora » - Premier ensemble symphonique sans chef). Sa disposition était particulière : les musiciens se réunissaient de sorte à former un cercle de musiciens, certains devant tourner le dos au public. Les plus grands musiciens de l'époque ont collaboré avec eux, et cet ensemble réclamait énormément de répétitions.

Citations

  • « C'est le public qui doit transpirer, pas le chef... » (Richard Strauss)
  • « Un chef (d'orchestre) doit avoir la partition dans la tête et non pas la tête dans la partition » (Igor Markevitch)
  • « Ce que tous les grands chefs possèdent en commun, c’est une oreille parfaite, un charisme, une volonté d’aller son chemin quoi qu’il arrive, de hautes capacités d’organisation mentale, une grande solidité physique et psychologique, enfin une ambition impitoyable. À quoi il convient d’ajouter un sens inné de l’ordre qui leur permet de retrouver parmi des milliers de signes qui composent une partition d’orchestre, la capacité d’intégrer cette partition, d’en transmettre une conception cohérente à l’orchestre pour parvenir au but qui est l’interprétation » (Norman Lebrecht)

Voir aussi

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Chef d'orchestre.

Articles connexes

Bibliographie

Notes et références

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