Charles Havelock Taylor

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Charles Havelock Taylor (1859-1953[1]) est un entrepreneur et hydraulicien autodidacte canadien, à l'origine de la résurrection, au début du XXe siècle, de la technologie de la trompe hydraulique. Ses trompes, optimisées pour produire de l'air comprimé pour l'industrie, sont les plus puissantes jamais construites et ont motivé une recherche scientifique soutenue jusqu'à la fin des années 1930. L’intérêt pour cette technologie s'estompe alors progressivement, la dernière des trompes de Taylor s'arrêtant en 1981, après 72 ans de fonctionnement.

Biographie[modifier | modifier le code]

Charles Havelock Taylor naît le à Chatham (Nouveau-Brunswick), de Mary (Palmer) Taylor (1820-1906) et Charles Taylor (1817-19??). Il est le huitième enfant, mais le premier garçon de la famille. Celle-ci descend des premiers colons britanniques qui sont arrivés à New York en 1710, et qui, comme beaucoup de loyalistes à l'issue de la guerre d'indépendance des États-Unis, ont migré vers le Canada[1].

Son père, constructeur de scieries, fait déménager sa famille au gré des chantiers. Cette vie itinérante a affecté sa scolarité : on n'en a guère de trace, sinon qu'il a été scolarisé à La Matapédia et à Kedgwick. À 12 ans, sa famille déménage à Lévis. Mais l'école est de l'autre coté du fleuve Saint-Laurent, qui ne peut être traversé de manière sûre qu'en hiver. Il y valide le 6e grade (année de scolarité réalisée à 1112 ans) avant d'arrêter définitivement l'école[1].

En 1876, alors qu'il a 17 ans, sa famille déménage à Montréal, où son père vient de décrocher un contrat pour creuser une section du canal de Lachine. C'est là qu'il montre sa capacité à mettre en œuvre des solutions techniques originales. Il propose d'assurer le pompage de l'eau en fond de fouille pour 20 dollars par jour, alors que la méthode traditionnelle de pompage utilisait des machines à vapeur dont le coût de fonctionnement est bien supérieur à cette somme. Il installe un siphon qui lui permet de gagner généreusement sa vie[1].

En 1880, Charles épouse Helen Maria Pye (1866-1929), qui lui donne 3 enfants[1]. Installé à Montréal, il y construit et fait fonctionner la première blanchisserie à vapeur de la ville. Plus tard, avec deux associés, il établit une fabrique de patins, concevant lui-même les machines et les patins[2].

La carrière professionnelle de Charles s'oriente cependant rapidement vers le milieu minier. Au début des années 1880, il commence une mission de 10 ans d'enquêteur minier (Mining Claim Investigator) dans l'entreprise appartenant à son oncle, la Howard Watch Company de New York. Il se constitue une collection d’échantillons de roches : ce métier devient, avec la photographie, un de ses loisirs. Vers 1890, il découvre un filon aurifère à Madoc, en Ontario, qu'il exploite quelques années avant de revendre la mine[2]. Il s'associe également pour exploiter un gisement d'actinote destinée à la fabrication de fibrociment pour des toitures, dont il conçoit et brevette les broyeurs[3].

En 1905, la famille quitte Montréal pour Haileybury, où Charles construit la trompe hydraulique des Ragged Chutes qui alimente des mines d'argent de Cobalt. Pourtant, en 1910, Charles rencontre, lors d'un voyage en Angleterre, Gertude Mabel Morgan. Il l'amène avec lui au Canada pour lui servir de bonne, mais son statut de maîtresse est déjà une évidence. Il l'épouse à Buffalo en 1911, et le couple s'installe à Toronto[1]. 6 enfants naîtront de cette seconde union[4],[note 1].

La Première Guerre mondiale est perçue par Taylor comme une opportunité. Ses réflexes d'entrepreneur l'amènent à participer activement à l'effort de guerre britannique et à abandonner le développement des trompes hydrauliques. Il loue 5 ateliers à Toronto, dans lesquels il fait fabriquer de l'équipement militaire. Il fournit notamment l'armée en caissons d'artillerie et en fusées d'artillerie. Les machines qu'il utilise sont en partie conçues par lui-même, ce qui lui permet d'être plus compétitif que bien des concurrents. À la fin de la guerre, sa fortune personnelle s'est notablement accrue[5].

Taylor décède à son domicile, à Toronto, le , à 94 ans. Il est enterré au Pine Hills Cemetery[1].

Les trompes de Taylor[modifier | modifier le code]

Historique[modifier | modifier le code]

En 1895, pendant la construction d'un barrage à Buckingham, au Québec, Taylor remarque que l'eau évacuée par le déversoir se jetait sous la banquise, emportant avec elle une grande quantité d'air qui était piégé entre l'eau et la glace. Cet air accumulé formait des dômes de glace et, en en cassant un avec un tuyau, Taylor constate que cet air piégé est sous pression. Cette découverte triviale l'interpelle et il entrevoit le potentiel d'une invention qui exploiterait ce phénomène. Il étudie le phénomène dans son hangar de Montréal, en faisant couler une émulsion d'eau et d'air dans un tube en verre. Un prototype lui permet de démontrer la faisabilité, et après l'avoir présenté à quelques investisseurs, il fonde la Taylor Air Compressor Company avec les fonds collectés[6].

Taylor construit sa première trompe de Taylor en 1896. Elle alimente l'usine de textile de Magog, au Canada. L'énergie qu'elle fournit est largement suffisante pour les besoins de l'usine, et l'invention reçoit une publicité importante[7]. Cette trompe a alimenté l'usine jusqu'en 1953, mais est restée opérationnelle jusque dans le milieu des années 1970, lorsqu'une modernisation des outils de l'usine la rend inutile[6].

En 1898, Taylor construit une trompe pour alimenter une quinzaine de mines à Ainsworth[8]. En 1906, elle alimente 16 mines de plomb et de zinc grâce à un réseau de conduites dont la longueur cumulée atteint 3,44 km[9]. Mais l'installation était surtout destinée à alimenter la mine de cuivre de Kaslo. Or l'extension du Great Northern Railway devant desservir cette mine n'est pas construite[6], et celle-ci ferme en 1911. À cette date, la trompe fonctionne encore[10]. Les petites mines voisines de plomb et de zinc n’assurant pas une rentabilité satisfaisante, Taylor, qui cette fois-ci a financé lui-même, via sa Kootney Air Supply Company, les 60 000 $[note 2] liés à la construction de la trompe, enregistre une perte importante sur cette affaire[6]. La trompe ferme peu après la mine de Kaslo et, laissée à l'abandon, la superstructure s'effondre en 1916[11].

En 1901, Taylor construit un 4e compresseur dans la chaîne des Cascades (État de Washington). Sa conception est similaire à celui d'Ainsworth, à l’exception notable qu'il est intégralement construit en superstructure. Peu d'informations ont été communiquées au sujet de cette installation, dont la date d'arrêt n'a pas été identifiée[S 1]. La technologie développée par Taylor devient à la mode : en 1902, J. H. Shedd et W. O. Webber mettent en service une trompe à Norwich (Connecticut) pour un usage général[S 2], pendant qu'en Allemagne, une série de prototypes est construite, précédant la mise en service de plusieurs petites trompes industrielles[S 3].

En 1904, la petite trompe intégrée à la maçonnerie de l'écluse-ascenseur de Peterborough, à Peterborough, sur la voie navigable Trent-Severn participe à la restauration de ses finances. Elle cesse d'être utilisée en 1967[10].

Puis, en 1906, Taylor construit une autre trompe aux États-Unis pour alimenter la Mine Victoria, dans le pays du cuivre. Celle-ci coûte une somme assez considérable, 440 000 $[note 3], mais produit la puissance nécessaire aux machines jusqu'à la fermeture de la mine, en 1921[13].

En 1910, Taylor met en service sa 9e trompe. Exploitant les Ragged Chutes de la rivière Montréal, près de Cobalt, elle alimente les foreuses pneumatiques utilisées dans les mines voisines. Un barrage en béton de 183 m (600 pieds) de long l'alimente. L'air comprimé est distribué par un long réseau de conduites : la ligne principale sortant de l'installation, longue de 13,7 km (8,5 miles), est constituée de tubes en acier sans soudure importés d'Allemagne, de 51 cm (20 pouces)[14].

La construction de cette trompe coûte 1 million de dollars[15]. Taylor se mue en voyagiste pour les financiers qu'il doit convaincre de s'engager dans l'aventure[16]. Cette trompe est la plus puissante jamais construite et elle fonctionne jusqu'en 1981[10], avec seulement deux arrêts d'entretien. Ses vestiges, propriété de Canadian Hydro qui utilise la chute d'eau dans un barrage hydroélectrique, sont encore visibles[17].

Liste des trompes construites par C. H. Taylor[modifier | modifier le code]

Trompes industrielles de Taylor (liste non exhaustive)
Lieu Alimentation en eau Date mise en service Date d’arrêt Puissance annoncée Utilisation de l'air comprimé
Magog[7] Rivière Magog 1896 années 1970 83,29 kW Usine de textile de Magog.
Ainsworth[10],[18] Coffee Creek[19] 1898 peu après 1911 447 kW Machines de 16 mines de plomb et de zinc, connectées à la trompe par un réseau de 3,44 km de tuyaux[9].
Chaîne des Cascades[S 1] 1901 149 kW Quoique décrite avec précision, la trompe pourrait n'avoir jamais été construite[S 4].
Peterborough[10] Voie navigable Trent-Severn 1904 1967 33,5 kW Intégrée à l'écluse-ascenseur de Peterborough.
Rockland Township[20] Ontonagon 1906
1929
1921[Y 1]
1930[S 5]
3 200 kW Machines de la Mine Victoria. Sert brièvement en 1929 pour la construction du barrage Victoria[S 5].
Ragged Chutes (Cobalt)[10] Rivière Montréal 1909 1981 4 100 kW Machines de 25 mines d'argent[Y 2], connectées à la trompe par un réseau de 100 milles de tuyaux[S 6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Il semblerait que le divorce du premier mariage de Taylor n'ait jamais été prononcé[4].
  2. Ces 60 000 $ se décomposent en 30 000 pour la trompe, 20 000 pour les tuyaux et 10 000 pour les aménagements hydrauliques. Le coût élevé de la trompe s'expliquant par un sol particulièrement dur qui a fait grimper le coût du fonçage du puits à 50 $/pied[9].
  3. Soit, en prenant en compte l'inflation, 12,5 millions de dollars de 2018[12].

Références[modifier | modifier le code]

  • (en) Leroy E. Schulze, Hydraulic Air Compressors : Circular 7683, United States Department of Interior, (lire en ligne)
  1. a et b p. 10
  2. p. 11
  3. p. 20-27
  4. p. 2
  5. a et b p. 3
  6. p. 19
  1. p. 7
  2. p. 2
  • Autres références
  1. a b c d e f et g (en) « From Whence He Came »,
  2. a et b (en) « 1878 to 1895 The Formative Years »,
  3. (en) Report of the Royal Commission on the Mineral Resources of Ontario and Measures for their Development., Toronto, , 610 p. (lire en ligne), p. 86-87
  4. a et b (en) « 1911 - A Fork in the Road »,
  5. (en) « A new path - a second family account »,
  6. a b c et d (en) « 1895 to 1914 From the Smallest Observation Came a Great Invention »,
  7. a et b (en) Louis Bell, Electric power transmission; a practical treatise for practical men, McGraw publishing co, (lire en ligne), p. 55-57
  8. (en) Leroy E. Schulze, Hydraulic Air Compressors : Circular 7683, United States Department of Interior, (lire en ligne), p. 10
  9. a b et c (en) « Taylor haydraulic air compressor at Ainsworth », British Columbia Mining Record,‎ (lire en ligne)
  10. a b c d e et f (en) Dean L. Millar et Eric Muller, Hydraulic Air Compressor (HAC) Demonstrator Project, American Council for an Energy-Efficient Economy, (lire en ligne [PDF])
  11. (en) « Sketches and links »,
  12. (en) « U.S. Inflation Rate, 1898-2018 ($440,000) »
  13. (en) Stephen M. Young, Simulating air absorption in a hydraulic air compressor (Thèse de Master), Laurentian University, (lire en ligne [PDF]), p. 7
  14. (en) « Harnessing of the Montreal [River ?] », The Cobalt Daily Nugget, vol. 11, no 18,‎ (lire en ligne)
  15. (en) Robert Peele, Compressed air plant; the production, transmission and use of compressed air, with special reference to mine service, (lire en ligne), p. 209-220
  16. (en) « 1895 to 1914 "continued" »,
  17. (en) Charles Dumaresq, « Power to the Mines »,
  18. (ca) Victor Fuses i Navarra, Noves aplicacions de la trompa d'aigua o trompa dels pirineus : elevació d'aigua, aire comprimit i generació d'electricitat (Thèse de doctorat), Barcelone, Université polytechnique de Catalogne, (ISBN 978-84-693-7703-1, lire en ligne [PDF]), p. 57
  19. (en) James T. Fyles, Geology of the Ainsworth-Kaslo area, British Columbia, British Columbia Departement of Mines and Petroleum Resources, (lire en ligne [PDF]), p. 12
  20. Fuses i Navarra 2010, p. 55

Articles connexes[modifier | modifier le code]