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'''Gayatri Chakravorty Spivak''', née le {{date|24 février 1942}} à [[Calcutta]] ([[Provinces de l'Empire des Indes|Inde britannique]]), est une [[théoricien de la littérature|théoricienne de la littérature]] connue pour ses contributions majeures dans le domaine des études postcoloniales et féministes. Elle est professeure à l'[[université Columbia]], de New York<ref>http://www.columbia.edu/cu/english/fac_profiles.htm#gcs4</ref>.
'''Gayatri Chakravorty Spivak''', née le {{date|24 février 1942}} à [[Calcutta]] ([[Provinces de l'Empire des Indes|Inde britannique]]), est une [[théoricien de la littérature|théoricienne de la littérature]] connue pour ses contributions majeures dans le domaine des [[études postcoloniales]] et [[Féminisme|féministes]]. Elle est professeure à l'[[université Columbia]], de New York<ref>http://www.columbia.edu/cu/english/fac_profiles.htm#gcs4</ref>.


Son œuvre théorique et critique, qui s'intéresse à l'« autre » de l'Occident sous toutes ses formes, est caractérisée par une méfiance systématique envers toutes les pensées de la « totalisation ».
Son œuvre théorique et critique, qui s'intéresse à ce que l'Occident désigne comme « autre », est caractérisée par une méfiance systématique envers toutes les pensées de la « totalisation ».


Sa traduction en anglais de l'ouvrage de [[Jacques Derrida]], ''De la grammatologie'', et son essai ''[[Les subalternes peuvent-elles parler ?]]'', considéré comme un des textes fondateurs du [[post-colonialisme]], comptent parmi ses oeuvres les plus célèbres.
Sa traduction en anglais de l'ouvrage de [[Jacques Derrida]], ''[[De la grammatologie]]'', et son essai ''[[Les subalternes peuvent-elles parler ?]]'', considéré comme un des textes fondateurs du [[post-colonialisme]], comptent parmi ses oeuvres les plus célèbres.


== Repères biographiques ==
== Repères biographiques ==
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* Stephen Morton, ''Gayatri Chakravorty Spivak'', Abingdon, Routledge, 2007
* Stephen Morton, ''Gayatri Chakravorty Spivak'', Abingdon, Routledge, 2007
* Mark Sanders, ''Gayatri Chakravorty Spivak: Live Theory'', Continuum International Publishing Group Ltd. Coll.Live Theory, 2006
* Mark Sanders, ''Gayatri Chakravorty Spivak: Live Theory'', Continuum International Publishing Group Ltd. Coll.Live Theory, 2006
* Fiorenzo Iuliano, ''Altri mondi, altre parole. Gayatri Chakravorty Spivak tra decostruzione e impegno militante'', OmbreCorte, 2012, isbn = 9788897522362
* Fiorenzo Iuliano, ''Altri mondi, altre parole. Gayatri Chakravorty Spivak tra decostruzione e impegno militante'', OmbreCorte, 2012, isbn = 9788897522362
* {{Chapitre|langue=en|prénom1=Vanessa|nom1=Andreotti|titre chapitre=Gayatri Spivak’s Contribution and Critics|titre ouvrage=Actionable Postcolonial Theory in Education|éditeur=Palgrave Macmillan US|collection=Postcolonial Studies in Education|date=2011|isbn=978-0-230-33779-4|doi=10.1057/9780230337794_4|lire en ligne=https://doi.org/10.1057/9780230337794_4|consulté le=2021-05-23|passage=37–55}}


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==

Version du 23 mai 2021 à 23:42

Gayatri Chakravorty Spivak, née le à Calcutta (Inde britannique), est une théoricienne de la littérature connue pour ses contributions majeures dans le domaine des études postcoloniales et féministes. Elle est professeure à l'université Columbia, de New York[1].

Son œuvre théorique et critique, qui s'intéresse à ce que l'Occident désigne comme « autre », est caractérisée par une méfiance systématique envers toutes les pensées de la « totalisation ».

Sa traduction en anglais de l'ouvrage de Jacques Derrida, De la grammatologie, et son essai Les subalternes peuvent-elles parler ?, considéré comme un des textes fondateurs du post-colonialisme, comptent parmi ses oeuvres les plus célèbres.

Repères biographiques

Gayatri Chakravorty est née dans une famille bourgeoise de culture marxiste[2], appartenant à la caste des Brahmanes[3], dans l'État du Bengale, « État démocratique parlementaire » qui a porté au pouvoir des élus communistes[4].

Après des études en langue anglaise en Inde, Spivak part pour l'université Cornell aux États-Unis, où elle étudie la littérature comparée. En 1967 elle consacre sa thèse de doctorat à l’œuvre de William Butler Yeats sous la direction de Paul de Man[5] : The great wheel : stages in the personality of Yeat's lyric speaker[6]. Cette thèse donne lieu en 1974 à la publication de l'ouvrage : Myself must I remake: the life and poetry of W. B. Yeats.[7].

La suite de son travail mène à la traduction de De la grammatologie de Jacques Derrida (en 1976), et à une carrière de critique littéraire dans une veine post-structuraliste, mêlée à des théories déconstructivistes, marxistes, féministes et postcoloniales.

Au début des années 1980 elle entame sa collaboration avec le groupe des Études subalternes (« Subaltern Studies »), fondé par l'historien indien Ranajit Guha et d'autres chercheurs spécialistes des sociétés indienne et de l'Asie du Sud-Est[8]. Les « subalternistes » contestent l’écriture de l’histoire telle qu'elle est pratiquée dans le monde académique, et qui épouse, selon eux, le point de vue des colonisateurs britanniques ou des élites indiennes ; ils soulignent le rôle des subalternes — les groupes opprimés ou marginalisés — dans le processus historique[8].

Gayatri Spivak crée au Bengale, en 1986, un programme de formation d’instituteurs pour les enfants vivant dans des zones rurales et appartenant à des minorités ethniques[4] ; activiste engagée, elle forme elle-même des enseignants d'écoles primaires dont elle assure le financement[9]. Elle fonde en 1997 l’ONG The Pares Chandra and Sivani Chakravorty Memorial Education Project (nommée ainsi en hommage aux parents de G. Chakravorty), qui a pour but d'améliorer l'accès à l’instruction des enfants des régions du monde le plus pauvres[4].

En , Spivak est nommée professeure à l'université Columbia, faisant d'elle l'« unique femme de couleur » à qui est accordé le statut académique le plus élevé, en 264 ans d'histoire[10]. En , elle reçoit le prix de Kyoto pour son travail[11].

Le , elle reçoit le titre de docteur honoris causa de l'université Paris-VIII[12].

Thèmes de recherche

Gayatri Chakravorty Spivak mène des recherches - dans le cadre théorique des Subaltern studies - comparables à celles de Judith Butler - qui se situent, quant à elles, dans le cadre des Gender Studies - notamment sur les questions du pouvoir et de l'État[13].

Féminisme

Gayatri Spivak se livre à une relecture de textes de Marx et de Freud d'un point de vue féministe, dans un recueil d'articles intitulé En d’autres mondes, en d’autres mots. Essais de politique culturelle.

Karl Marx a négligé de considérer, dit-elle, le travail des femmes au foyer. La position de Gayatri Spivak à ce sujet n'est pas tranchée : d'un côté, elle est réticente concernant la revendication d'un salaire rémunérant le travail des femmes au foyer, dans laquelle elle perçoit la marque d'une idéologie capitaliste — la valeur d'un travail étant indépendante à ses yeux de la somme d'argent que l'on obtient en échange — ; d'un autre côté, elle évoque les effets concrets, éventuellement problématiques, d'un retrait hors des circuits de l'économie capitaliste[8]. Elle questionne également l'analyse par Marx de la transformation en marchandise du travailleur et de son travail au sein de l'économie de marché : cette analyse vaut par exemple pour le travail ouvrier, mais non pour les femmes qui élèvent leurs enfants, et dont le travail suppose un investissement affectif spécifique[14].

Sigmund Freud n'envisage la sexualité des petites filles qu'en référence à la masculinité, selon Gayatri Spivak, qui prend appui dans sa lecture des textes freudiens sur les travaux de la féministe française Luce Irigaray ; selon Freud la petite fille découvrirait en elle un manque, et éprouverait l'«envie du pénis»[8]. Sans contester cette théorie, G. Spivak appelle en prendre en compte également le «fantasme utérin» : «l’idée d’une envie du ventre interagit avec l’idée de l’envie du pénis pour déterminer la sexualité humaine et la production de la société », écrit-elle[8].

Critique de l'ethnocentrisme académique

Gayatri Spivak soutient dans A Critique of Postcolonial Reason (Critique de la raison postcoloniale) (1999) la thèse selon laquelle les institutions savantes occidentales récompensent certaines formes d'ignorance, en particulier l'ignorance de ce qui concerne le Tiers monde, les Orientaux, les subalternes[15]. Elle parle d'«ignorance sanctionnée» (sanctionned ignorance), au sens d'ignorance approuvée, consacrée. Dans Selected Subaltern Studies (1985), elle écrit : «  une grande partie de l'historiographie contemporaine protège avec succès cet échec cognitif, et ce succès dans l'échec, cette ignorance sanctionnée, est inséparable de la domination coloniale »[15]. Un exemple de cette consécration de l'ignorance pourrait être donné selon elle par Julia Kristeva qui, dans Des Chinoises, prétend parler de femmes dont elle ne connaît pas la langue[16]. Selon la sociologue Lucy Mayblin, l’« ignorance sanctionnée » ne relève pas d'une méconnaissance fortuite, mais d'« un silence délibéré qui rejette un contexte particulier comme non pertinent »[15]. Cette forme d'ignorance n'est pas imputable à tel ou tel individu, qui rejetterait par méchanceté les savoirs autres, elle est due à «une manière institutionnalisée de penser le monde, qui a pour effet d’empêcher certains types d’analyse ou de considérations d’être intégrés dans le débat»[15].

Travail de traductrice

Outre l'ouvrage de Jacques Derrida, Spivak a traduit en anglais une oeuvre de fiction de l'auteur bengali Mahasweta Devi ; une oeuvre du poète bengali Ramprasad Sen du XVIIIe siècle ; Une saison au Congo d'Aimé Césaire, le célèbre poète, essayiste et homme d'État martiniquais. En 1997, elle reçoit un prix pour ses traductions en anglais de la Sahitya Akadami - l'Académie nationale de littérature en Inde[17].

Principales publications

  • Subaltern Studies: Deconstructing Historiography (1985)
  • In Other Worlds: Essays in Cultural Politics (1987)
  • Can the Subaltern Speak ? in Cary Nelson and Larry Grossberg, eds. Marxism and the interpretation of Culture (1988)
  • Selected Subaltern Studies. Ed. with Ranajit Guha (1988)
  • The Post-Colonial Critic: Interviews, Strategies, Dialogues. Ed. Sarah Harasym. (1990)
  • Thinking Academic Freedom in Gendered Post-Coloniality (1993)
  • A Critique of Post-Colonial Reason: Toward a History of the Vanishing Present (1999)
  • Death of a Discipline (2003)
  • Other Asia (2005)
  • Translating into English (2005)
  • Rethinking Comparativism (2010)
Textes traduits en français
Gayatri Spivak

Références

  1. http://www.columbia.edu/cu/english/fac_profiles.htm#gcs4
  2. Collectif, Antoinette Fouque, Mireille Calle-Gruber et Béatrice Didier, Le Dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, (ISBN 978-2-7210-0651-6, lire en ligne)
  3. (en) https://plus.google.com/+UNESCO, « Revue des femmes philosophes », sur UNESCO, (consulté le )
  4. a b et c « Gayatri Chakravorty Spivak dans le siècle. – Société française de Littérature générale et comparée » (consulté le )
  5. « Gayatri Spivak (b. 1942) », sur Oxford Reference
  6. « The great wheel : stages in the personality of Yeat's lyric speaker », sur WorldCat
  7. Anna Boschetti, Ismes. Du réalisme au postmodernisme.: Du réalisme au postmodernisme, CNRS, (ISBN 978-2-271-08042-4, lire en ligne), note n° 798
  8. a b c d et e Claire Gallien, « Le monde comme littérature », La Vie des idées,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. (en-GB) « Laureation address – Professor Gayatri Chakravorty Spivak », sur news.st-andrews.ac.uk, (consulté le )
  10. (en) Bulan Lahiri, « Speaking to Spivak », The Hindu, Chennai, India,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. (en) « Japan's Kyoto Prize winners share $1.8 million », Agence France-Presse,
  12. Remise du titre de docteur honoris causa à Gayatri Chakravorty Spivak par Danielle Tartakowsky, présidente de l’université Paris-VIII
  13. Gayatri Chakravorty Spivak Judith Pamela Butler, L'État global, Payot (ISBN 978-2-228-90221-2)
  14. Virginie Dutoya, « Gayatri Chakravorty Spivak, En d’autres mondes, en d’autres mots : Essais de politique culturelle. Nationalisme et imagination [*] », Travail, genre et sociétés, 2012/2 (n° 28), p. 224-228. DOI : 10.3917/tgs.028.0224, lire en ligne
  15. a b c et d (en-GB) « Sanctioned Ignorance », sur GLOBAL SOCIAL THEORY (consulté le )
  16. Lal Maneesha, « Sexe, genre et historiographie féministe contemporaine : l'exemple de l'Inde coloniale », Cahiers du Genre, 2003/1 n° 34, p. 149-169. DOI : 10.3917/cdge.034.0149,lire en ligne (p.153)
  17. « Gayatri Chakravorty Spivak Awards »

Bibliographie

  • Étienne Balibar, « Gayatri Spivak - Dictionnaire universel des créatrices », sur www.dictionnaire-creatrices.com (consulté le ) (accès payant)
  • Stephen Morton, Gayatri Chakravorty Spivak, Abingdon, Routledge, 2007
  • Mark Sanders, Gayatri Chakravorty Spivak: Live Theory, Continuum International Publishing Group Ltd. Coll.Live Theory, 2006
  • Fiorenzo Iuliano, Altri mondi, altre parole. Gayatri Chakravorty Spivak tra decostruzione e impegno militante, OmbreCorte, 2012, isbn = 9788897522362
  • (en) Vanessa Andreotti, « Gayatri Spivak’s Contribution and Critics », dans Actionable Postcolonial Theory in Education, Palgrave Macmillan US, coll. « Postcolonial Studies in Education », (ISBN 978-0-230-33779-4, DOI 10.1057/9780230337794_4, lire en ligne), p. 37–55

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes