Tradwife

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Publicité pour un réfrigérateur du Ladies' Home Journal (1948) qui représente le style de vie idéalisé par de nombreuses tradwives.

Le mouvement Tradwife (abréviation de l'anglais traditional wife, en français « épouse traditionnelle ») est un mouvement prônant le retour d'un rôle de la femme mariée comme femme au foyer. Le mouvement encourage les femmes à dédier leur vie à leurs familles et leurs enfants, une tendance à l'opposé de celles du féminisme contemporain.

Historique[modifier | modifier le code]

L’Américaine Helen Andelin (en) publie en 1963 Fascinating Womanhood (en), une version actualisés de livrets anonymes originellement publiés en 1922 et contenant des préceptes sur la vie de couple[1]. L'ouvrage a été édité à six reprises et s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires[2]. Selon Salomé Saqué, le mouvement Tradwife se base sur le modèle prôné par ce genre d'ouvrage[2].

Le mouvement Tradwife apparut au XXIe siècle[1], les premières femmes se revendiquant comme tel apparaissant en Angleterre puis aux États-Unis dans les années 2010[3]. Par la suite, le mouvement émergea aussi dans des pays tels que l’Allemagne, le Brésil, le Canada, la France, et le Japon[1],[4],[5].

Lors de la campagne de Donald Trump de 2016, son slogan « Make American Great Again » est repris et transformé en « Make Traditional Housewives Great Again » par des tradwives[3],[6]. La popularité du mouvement Tradwife a nettement augmenté à partir du début des années 2020, en raison des confinements résultant de la pandémie de Covid-19 qui ont conduit de nombreux ménages à rester à la maison, certains rejoignant par la suite le mouvement, ce que l’analyste Violette Soyez décrit comme « un véritable boom envers le mouvement tradwife »[1].

Le mouvement a pris de l'ampleur sur les réseaux sociaux, où plusieurs influenceuses se sont positionnées sur le sujet. La plus connue est Alena Kate Pettit, qui a notamment créé une « femininity finishing school » au format de vlog sur le sujet[7]. Le mouvement suscite des parodies en ligne, comme celles de Tyler Bender[8]. Ces dernières années, selon la journaliste Juliette Gour, « il semblerait que les tradwives soient de plus en plus nombreuses, en Europe, aux USA et même en Asie »[9]. Par ailleurs, si la plupart des premières tradwives sont des femmes blanches, le mouvement touche un nombre croissant de femmes noires[10].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

La tradwife est une femme au foyer, qui considère le mariage et la vie domestique comme le centre de ses préoccupations[6]. Elle est entièrement dévouée et soumise à son mari, qui travaille ; elle reste principalement à la maison et son but est de s’occuper de sa famille, d'élever ses enfants et de tenir son intérieur[2],[3],[11]. Ce modèle est parfois assimilé au stéréotype de la femme au foyer des années 1950[3]. Les tradwives prônent ainsi un retour de la femme au sein du foyer, en conformité avec le rôle de genre assigné aux femmes[6],[12] .

Le retour à un mode de vie jugé plus simple est mis en avant[11]. Les tâches culinaires et ménagères font partie de leurs occupations privilégiées, ainsi que l’art de recevoir et souvent la couture[6]. Certaines tradwives proposent des cours de cuisine, d’apprentissage du bon entretien de la maison, des conseils vestimentaires et des conseils beauté, ou encore des recommandations pour rendre son mari heureux[1].

L'esthétique véhiculé par leur mode de vie est une part importante du mouvement. Une partie des tradwives attachent un grand soin à leur esthétique vestimentaire et s’inspirent de l’apparence des pin-ups des années 1950 et de Marilyn Monroe, avec des jupes plissées, des robes corsetées, des escarpins ou bottines à talons hauts, des décolletés, et en cuisine des tabliers à froufrous, comme par exemple l’américaine Estee Williams[2],[3]. Une autre partie des tradwives s’inspirent de leur côté de l’esthétique plus rurale du début du XXe siècle[2], avec principalement des robes longues couvrantes et sans décolletés, une mouvance vestimentaire désignée en anglais sous le terme de modest fashion. Le port quasi-exclusif de robes ou de jupes et l’absence de pantalons dans leur vestiaire est en commun à presque toutes les tradwives[13], la française Hanna Gas ayant ainsi créé une ligne de vêtements féminins entièrement dépourvue de pantalons[11] et affirmant qu'adopter la robe et la jupe toute l'année transformerait notre « rapport au monde »[14].

Positionnement politique[modifier | modifier le code]

La base idéologique du mouvement est d'origine conservatrice[15], proche des mouvements évangélistes et de l'ultra-droite américaine[3], même si les tradwives se considèrent le plus souvent comme apolitiques[16].

Des membres du mouvement se revendiquent « féminines, pas féministes »[3], tandis que d'autres affirment au contraire que c'est leur libre choix de devenir femmes au foyer qui en fait des féministes[12],[6].

Désaccords avec les mouvements féministes[modifier | modifier le code]

Le mouvement a suscité des critiques de la part des mouvements féministes, arguant que la position de la femme à cette époque n'était guère enviable, et que prôner la soumission de la femme va à l'encontre des combats féministes récents[12]. Certaines tradwives telles la Britannique Alena Kate Pettitt assument en effet pleinement le côté submissif du mouvement, allant jusqu'à affirmer à la BBC « Je veux me soumettre, garder la maison et gâter mon mari comme en 1959 »[12]. Certaines positions des partisans du mode de vie Tradwife peuvent occasionnellement revêtir un caractère homophobe, par exemple des leçons de présentation féminine pour « apprendre à ne pas s’habiller d’une façon qui pourrait être considérée comme lesbienne »[17],[18]. La chercheuse Isabelle Schmoetten de l'Association féministe luxembourgeoise Fraen an Gender tient cependant à nuancer l'aspect submissif des tradwives en rappelant que « ces femmes ont choisit cette voie, cette subordination, contrairement aux femmes des années 1950 qui, elles, y étaient bien souvent contraintes »[13].

Même si le mouvement date des années 2010, le concept d'un retour au traditionalisme en réponse aux avancées féministes est une idée ancienne, utilisant souvent des arguments perçus comme vrais mais ne correspondant pas à la réalité[pas clair], un sujet abordé dans le livre Backlash de Susan Faludi[19].

Les adeptes du mouvement Tradwife estiment ne pas se reconnaître dans les combats féministes, estimant que leur désir est de combler ceux de leur mari, de tenir la maison et d'élever une famille[12]. Elles sont en désaccord profond avec les combats féministes actuels, la militante tradwife Dixie Andelin Forsyth allant jusqu'à dire à leur sujet : « Merci pour les pantalons, mais on voit les choses d'une autre manière »[18]. La plupart des tradwives ne considèrent cependant pas que le mouvement s'oppose au féminisme en soi, mais seulement aux excès du féminisme, une tradwife messine interviewée par RTL déclarant par exemple que « le féminisme est arrivé pour des raisons spécifiques qui étaient nécessaires, légitimes. Par contre aujourd'hui, je pense que beaucoup de combats sont inutiles, [...] à vouloir tout déconstruire, on se débarrasse d'éléments qui rendent une société viable »[13].

En dehors des critiques formulées par les militantes féministes, il est parfois reproché aux influenceuses tradwives de présenter dans les vidéos qu'elles postent sur les réseaux sociaux une mise en scène de leur vie de femme au foyer davantage que leur véritable vie[20], et de présenter en conséquence une esthétique attirante mais peu réaliste et "inatteignable" pour celles qui souhaiteraient les imiter[21]. Ainsi, à propos de la tradwife afro-allemande Nara Smith, des « internautes se demandent comment elle peut se filmer en train de cuisiner pour ses enfants et son mari tout en portant des vêtements extravagants et en restant élégante »[21]. De même, une vidéo a largement circulé en ligne montrant une tradwife trébucher et tomber à plusieurs reprises lors d'une préparation culinaire diffusée en direct, les talons aiguilles qu'elle portait se révélant particulièrement inadaptés en cuisine lorsqu'un peu de crème anglaise se retrouva inopinément sur le sol et le rendit glissant[22].

Influenceuses Tradwives notables[modifier | modifier le code]

Il convient de préciser que la liste suivante regroupe des femmes que l'on pourrait appeler Influenceuses Tradwives, qui popularisent le mode de vie Tradwife sur des plateformes telles que YouTube, Instagram ou TikTok ; la vaste majorité des véritables tradwives étant peu voire pas présente sur les réseaux sociaux.

  • Alena Kate Pettitt, créatrice britannique du mouvement Tradwife[12],[23]
  • Estee Williams, de Richmond (Virginie), l'une des plus célèbres tradwives américaines[24],[25]
  • Hanna Gas, créatrice d'une ligne de vêtements féminins, se proclamant experte en « Élégance, Étiquette et Savoir-Vivre Français »[24]
  • Thérèse Curien, française, créatrice du blog Femme à part[14]
  • Virginie Vota, française catholique[26]
  • Ekaterina Anderson, russe orthodoxe[27]
  • Ashley Babich, menant un style de vie campagnard, connue sous le pseudonyme Herblessedhome[28],[29]
  • Bek Marsden, d'Utah[29]
  • Erin Harrison, auteur du livre Keeper of the Homestead et gérante du site web homonyme[30]
  • Alexia Delarosa, de San Diego, qui adopte un style de vie inspiré des années 1950[31]
  • Hannah Neeleman, plus connue sous le pseudonyme BallerinaFarm, ancienne danseuse classique et reine de beauté vivant dans une ferme en Utah[32],[33]
  • Gwen Swinarton, Canadienne, plus connue sous le pseudonyme Gwen The Milkmaid[34]
  • Nara Smith (en), mannequin allemande d'origine sud-africaine vivant aux États-Unis[21],[34],[35]
  • Hannahlee Yoder, afro-américaine[29]
  • Jessieca Alford, d'origine congolaise, vivant à Los Angeles et publiant des contenus beauté à destination des femmes noires[29]
  • Lillian Sediles, connue sous le pseudonyme The Postmodern Mom, Américaine d'origine chinoise installée en Angleterre[36]
  • Cynthia Loewen (en), ancienne Miss Canada qui abandonna une carrière de médecin pour devenir une tradwife[37] en affichant sur Instagram que « Devenir une femme traditionnelle ne m’a pas fait régresser »[38]

La militante politique française Thaïs d'Escufon est présentée comme une tradwife dans un certain nombre de publications francophones, bien qu'elle soit célibataire et sans enfant[39].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e « Le mouvement « tradwife » : le retour en arrière privilégié ? », sur couplesfamilles.be, (consulté le )
  2. a b c d et e « Tradwife, le retour de la femme au foyer ? », sur Radio France, (consulté le )
  3. a b c d e f et g Marie Dupin, « "Tradwife" : le mouvement qui prône un retour au modèle des femmes au foyer des années 50 », sur France Info, (consulté le )
  4. « Tradwife : un mouvement lifestyle qui fait parler de lui », sur mamanvogue.fr, (consulté le )
  5. Constance Cazzaniga, « Les tradwives : vivre comme dans les années 1950 », sur Elle Québec, (consulté le )
  6. a b c d et e Lara Tchekov, « Robe, brushing et gâteaux : « Tradwife », la vie rêvée des femmes au foyer », sur Le Point, (consulté le )
  7. (en) Jessica Rach, « What is the tradwife trend sweping households », sur Mail Online, (consulté le )
  8. (en) Megan Liscomb, « "Trad Wives Be Like": This Woman Is Absolutely Roasting The Alt-Right Movement That Wants To See All Women Become Stay-At-Home Wives », sur BuzzFeed, (consulté le )
  9. « Qui sont ces 'tradwifes' qui prônent un retour aux années 50 sur Instagram ? », sur Les Éclaireuses, (consulté le )
  10. (en) Nylah Burton, « Black “Tradwives” Say Marriage Is The Key To Escaping Burnout », sur Refinery29 (en), (consulté le )
  11. a b et c Annabelle De Cazanove, « «Je mets les désirs de mon mari avant les miens» : les tradwives, le mouvement ultraconservateur qui prône le retour de la femme au foyer », sur Madame Figaro, (consulté le )
  12. a b c d e et f « Le mot du jour. “Tradwife” : ces femmes qui prônent le retour de la femme au foyer traditionnelle », sur Courrier international, (consulté le )
  13. a b et c Alice Welter, « Rencontre avec des "tradwives" », sur RTL, (consulté le )
  14. a et b « “Tradwives” : des influenceuses cathos tissent leur toile », sur axellemag.be, (consulté le )
  15. « « Tradwives » : quelle est cette tendance conservatrice sur la vie de couple ? », sur Grazia, (consulté le )
  16. « La montée des influenceuses anti-féministes sur les réseaux sociaux : Les Tradwives et l'anti-féminisme apolitique », sur nssmag.com (consulté le )
  17. Pauline Berger, « "Tradwives" : de quoi s'agit-il ? Dossier de la rédaction », sur Le Petit Journal, (consulté le )
  18. a et b (en) Sally Howard, « Tradwives UK: inside the controversial housewife movement », sur Stylist, (consulté le )
  19. Faludi, Susan. (trad. de l'anglais), Backlash : la guerre froide contre les femmes, Paris, Des femmes Centre national des lettres., , 746 p. (ISBN 2-7210-0448-4 et 978-2-7210-0448-2, OCLC 300652939, lire en ligne)
  20. Marion Pépin, « Avec le mouvement #tradwife, retour aux années 50 quand les femmes étaient dévouées à leur mari », sur Radio France, (consulté le )
  21. a b et c Julie Malo, « Nara Smith, la tradwife qui dérange TikTok », sur smoorie.com, (consulté le )
  22. (en) « Is This Woman Playing Us All Or Has The Tradwife Movement Taken Over », sur News.com.au (en), (consulté le )
  23. « #TradWife : tendance réac' et antiféministe des "femmes au foyer parfaites" », sur www.journaldesfemmes.fr (consulté le )
  24. a et b Elisa Bagaud, « Aux États-Unis, les « épouses tradi » cuisinent en attendant leur mari », sur Charente libre, (consulté le )
  25. Eleanor Dubreil, « Tout comprendre au mouvement tradwives sur les réseaux sociaux », sur mediafactory.audencia.com, (consulté le )
  26. « Nous avons rencontré des "tradwives", fières d'être femmes au foyer et dévouées à leur conjoint », sur fr.style.yahoo.com, (consulté le )
  27. Elisa Bagaud, « Recension • Le mouvement des femmes traditionnelles », sur les3sex.com, (consulté le )
  28. Camille Vernin, « Tradwife : Ce mouvement qui prône le retour des femmes au foyer cartonne sur Tiktok », sur Elle Belgique, (consulté le )
  29. a b c et d Marthe Chalard-Malgorn, « C’est quoi le bordel avec la tradwife trend ? », sur tapage-mag.com, (consulté le )
  30. (en) Sally Howard, « What is anti-feminist therapy and should we worry about its spread? », sur stylist.co.uk (consulté le )
  31. (en) Beth Kilgallon, « EXCLUSIVE - The 'tradwife' who insists a woman's place is in the HOME: Mom, 29, who lives like a 1950s housewife - cooking, cleaning, and caring for the kids while her husband works - reveals it's made her family happier than ever », sur Daily Mail, (consulté le )
  32. Élisabeth Caillemer, « « Tradwives » : le retour de l’épouse traditionnelle », sur Le Journal du dimanche, (consulté le )
  33. Daphné B., « La ballerine qui élève des cochons », sur lapresse.ca, (consulté le )
  34. a et b (en) « Tradwives are levelling up », sur Dazed (consulté le )
  35. (en) Kitty Lloyd, « The allure of the domestic goddess: Tradwives, Nara Smith and Gen Z », sur ensemblemagazine.co.nz, (consulté le )
  36. Alice Huot, « TradWife : qui sont ces femmes au foyer néotradi qui se regroupent sur les réseaux ? », sur ladn.eu, (consulté le )
  37. (en) Martha Cliff, « HOUSE THAT, "I trained to be a doctor but traded it all in to be a tradwife – I spend all day cleaning, I love serving my husband" », sur The Sun (United Kingdom), (consulté le )
  38. Sarah Halifa-Legrand, « Les « tradwives », ces influenceuses de l’Amérique réactionnaire », sur Le Nouvel Obs, (consulté le )
  39. StreetPress, « Le virage « tradwife » de Thaïs d’Escufon », sur StreetPress (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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