Utilisateur:Mathious Ier/Histoire du Portugal (Brouillon)

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Naissance du royaume de Portugal[modifier | modifier le code]

Face à la menace Almoravide, Alphonse VI de Castille et de León annexe la Galice et le comté de Portugal, unifiant ainsi les royaumes chrétiens. Marié à Constance de Bourgogne, le roi catholique fait appel à sa belle-famille bourguignonne pour l'aider à reconquérir le reste de la péninsule.

Le Duc de Bourgogne accompagné du frère de sa femme, Raymond, tous deux descendants de Hugues Capet participent à cette reconquête. En remerciement et pour consolider ses liens avec les autres monarchies, Alphonse VI marie sa fille unique Urraque à Raymond, faisant de lui son successeur (1091). Il lui confie le gouvernement de la Galice (1093). Raymond étend largement ce territoire vers le sud[L 1].

La création du royaume du Portugal de 1115 à 1144.

Une fois reprises, Alphonse VI décide de diviser les terres conquises et d'en confier la partie située au sud du Minho, comprenant les comtés de Portugal et de Coimbra à Henri de Bourgogne, marié à sa fille illégitime, Thérèse[S 1](1096). Comme son beau-frère, ce chevalier est issu de la famille royale de France, et fait partie d'une noblesse en quête de terres et de prestige[1]; engagés dans la lutte contre les infidèles, ils répondent favorablement à l'appel du roi catholique.

Henri installe sa cour près de Braga, à Guimarães (considéré depuis comme « berceau » du Portugal). Bien que vassal d'Alphonse VI, son mariage lui permet une certaine autonomie. Il poursuit la reconquête jusqu'au fleuve Mondego[1].

La bataille d'Ourique peinte par Domingo Antonio de Sequeira (1768-1837).

Des circonstances particulières vont permettre à Henri de prendre son indépendance : en premier lieu, la mort du roi Alphonse VI (1109) précédée de celle de Sancho, son fils illégitime et héritier désigné (1108). Raymond tentera bien de faire valoir ses droits sur la couronne avant de mourir lui-aussi, en 1107. C'est donc sa veuve, Urraque Ire de Castille, qui monte sur le trône. Elle se remarie. Or, le testament prévoyait que son fils monterait sur le trône en cas de remariage. Malgré son jeune âge, certains vassaux exigent l'application du testament, espérant bien profiter d'une plus grande liberté. La contestation plonge les royaumes chrétiens dans un climat de guerre civile qui ne cessera qu'à la mort de Urraque en 1126[2].

Henri refuse, quant à lui, de départager les deux partis, tout en cessant de prêter l'hommage du vassal à sa reine; il affirme ainsi son indépendance. À sa mort (1112), sa veuve, Thérèse de León, tente de poursuivre cette politique d'indépendance. Mais Urraque et son fils Alphonse VII sauront lui rappeler son statut de vassale, en utilisant parfois la force (en 1115 à Oviedo, puis en 1121 et 1127).

Cela n'empêcha pas Thérèse de réclamer la Galice en héritage pour agrandir son territoire. Dans ce but, elle se rapprocha de la noblesse de ce royaume (par l'intermédiaire de son favori le comte Fernando Peres de Trava). Cela provoqua le mécontentement de la noblesse portugaise et de l’archevêque de Braga. Les opposants se regroupèrent autour du fils de Thérèse, Afonso Henriques, né à Guimarães, qu'elle espérait pouvoir manipuler plus facilement. Celui-ci prit la tête de la révolte contre sa mère. Avec la bataille de São Mamede en (1128), il obtint la victoire contre ses partisans, l'obligeant à se réfugier en Galice. Cette victoire consacra la prise de pouvoir d'Afonso Henriques[S 2].

Entré à son tour en conflit avec Alphonse VII, qui tente de poursuivre l'unification entamée par ses parents, Afonso Henriques finit par lui jurer loyauté, en échange de la reconnaissance de son autorité sur le comté, avec le traité de Tui en 1137.

Grâce à son habileté politique et guerrière, Afonso Henriques va réussir là où d'autres comtés avaient échoué, en obtenant son indépendance. Il bénéficia pour cela de la faiblesse nobiliaire du comté portugais et de la division des royaumes chrétiens[L 2].

En cherchant à étendre son territoire vers le sud, Afonso Henriques va marquer un point décisif dans lutte vers l'indépendance: en 1139, face aux musulmans, il remporte une victoire qui symbolisera pour le pays le début de l'indépendance: la bataille d'Ourique. La légende veut que le Christ lui soit apparu pendant le combat[n 1]. Il se fait proclamer roi par ses troupes sur le champ de bataille. Malgré les protestations de Raymond et les hésitations du pape qui cherche à éviter les divisions parmi les royaumes chrétiens, la situation d'Afonso Henriques est officialisée par le traité de Zamora (1143): Alphonse VII de Castille, sous la pression du pape, reconnaît le royaume du Portugal et son roi Alphonse Ier[3]. Cette date est depuis considérée comme la date de fondation du Portugal[L 3]. Les frontières du pays ne dépassent pas Coimbra à l'époque.

La dynastie de Bourgogne[modifier | modifier le code]

Fin de la reconquête[modifier | modifier le code]

Une fois son titre de roi reconnu, Alphonse Ier continue avec succès la lutte contre les Maures. Il bénéficie pour cela des divisions de la monarchie catholique, mais aussi du déclin de l'empire almoravide qui se morcelle au sud de la péninsule. On assiste bien à un bref retour des taïfa (1142-1147), mais il y a un répit de plusieurs années avant que les Almohades ne décident de reprendre le contrôle de la péninsule. Alphonse Ier bénéficie aussi du soutien des croisés, se rendant en Palestine et faisant escale sur ses côtes. Ainsi, en se tournant vers le littoral, le pays affirme, là encore sa différence[L 2].

Sans parler encore d'indépendance portugaise, l'autorité royale se voit renforcée, grâce à la conjonction de plusieurs facteurs : la longévité d'Alphonse Ier et ses nombreuses victoires militaires qui l'imposent face à une noblesse affaiblie. En effet, sur ces nouveaux territoires conquis, la monarchie favorisa les concelhos (communautés dont la seigneurie est exercée par les habitants)[L 2] mais aussi les ordres religieux et militaires qui contribuèrent au succès de cette reconquête. Chaque ordre se vit attribuer les terres reconquises au-delà du Mondego: l'Ordre de Santiago à Alcácer do Sal, Almada et Palmela, l'Ordre du Temple à Tomar, celui de l'Hôpital dans la Beira Baixa, l'Ordre cistercien à Alcobaça, l'ordre des bénédictins dans le Nord…). Ils avaient pour mission d'occuper ces terres, de les défendre, mais aussi de les dynamiser, de les mettre en valeur et d'y attirer une population restée méfiante (méfiance qui transparaît dans le caractère défensif de l'architecture romane). Cette époque correspond ainsi à une période de fondation et de développement des villes et du commerce qui accompagne les croisades. Si la petite exploitation reste une caractéristique du nord, resté aux mains des seigneurs, le sud du pays sera celui des grands domaines exploités par les Ordres et les concelhos, attachés à leur indépendance : cette opposition nord-sud subsiste encore aujourd'hui[L 4].

Accroître son pouvoir passe également, pour Alphonse Ier, par une politique d'alliances matrimoniales : il épouse en 1146, Mathilde de Savoie, de la maison de Bourgogne. Il s'évertue ensuite à placer ses nombreux enfants, légitimes et illégitimes, dans toutes les cours d'Europe, accroissant d'autant son patrimoine[L 5].

Le , Alphonse Ier, avec l'aide des Templiers, reprend la ville de Santarém, cité stratégique dotée d'un château réputé imprenable. Le , est prise la ville de Lisbonne, importante source d'approvisionnement[L 6]. Lors de cette bataille, il avait l'appui de croisés en route pour la Terre sainte.

Dès lors, la voie est ouverte pour conquérir l'Alentejo : bientôt tombent les cités d'Alcácer do Sal (1158), de Beja (1162) et d'Évora (1165). L'Alentejo est conquis en 1168. Les Templiers installent leur siège à Tomar en 1160, faisant de ce monastère une base pour sécuriser et repeupler les terres alentour, tandis que l'ordre de l'Hôpital s'installe dans la région de Beira Baixa. L'ordre d'Aviz occupe la rive gauche du Tage. L'ordre de Santiago, en première ligne face aux Maures, s'assurant un rôle primordial dans la défense des frontières sud (Par la suite, ces deux Ordres sont à l'origine de l'expansion maritime portugaise[L 7]).

Alphonse Ier s'affirme définitivement face au royaume voisin de Castille et Léon, plongé dans des querelles successorales, après la mort d'Alphonse VII (1157) et la division de ses possessions en deux royaumes : l'aîné des fils reçoit la Castille tandis que l'autre reçoit le León et la Galice. Il n'est donc plus question pour Alphonse Ier de se reconnaître comme vassal[L 8],[4].

En 1169, sur le point de se faire devancer par Alphonse Ier, pour la prise de Badajoz, Ferdinand II de León, qui en réclame la possession, intervient aux côtés des Almohades pour l'en empêcher. Alphonse Ier subit une défaite. Il est capturé et une blessure à la jambe l'oblige dès lors à associer son successeur désigné, Sancho à son projet de reconquête[L 9].

À l'indépendance politique, s'ajoute bientôt l'indépendance religieuse lorsque Braga devient archevêché: le pays s'émancipe ainsi de la primatie de Tolède en vigueur depuis le règne des Wisigoths[5].

Bien que ces changements renforcent l'indépendance du royaume, celui-ci ne fut officiellement reconnu par le pape Alexandre III qu'en 1179[4], le Saint-Siège qui privilégiait l'unité chrétienne face aux Maures. Dès lors, Alphonse Ier se reconnut vassal de la Papauté. Ce ne fut qu'alors qu'il obtint le droit officiel de conquérir pour son propre compte, les terres aux mains des Maures[L 8].

Sanche Ier.

À partir de 1172, les Almohades opèrent une contre-offensive qui surprend les royaumes chrétiens. Ils parviennent à unir le Maroc, l'Afrique du nord et l'Espagne musulmane. L'appel du pape à la Croisade contre eux va permettre cette fois l’unité nécessaire aux royaumes chrétiens pour remporter plusieurs batailles. La reconquête devient une mission sacrée aux même titre que la défense des lieux saints. La résistance est menée par Sancho qui alterne d'abord victoires et défaites. Le siège de Santarém, mené par la puissante armée de Yusuf Ier est brisé, le 28 juin 1184; victoire qui participa au mythe des origines du Portugal.

Alphonse Ier meurt en 1185. La reconquête est achevée par ses successeurs: Sanche Ier (1185-1211) poursuit son combat : il cherche à centraliser le pouvoir, luttant contre les privilèges de l'Église et favorisant les Ordres religieux[L 10].

Les Maures profitent un moment des dissensions entre les royaumes chrétiens (1185-1189) pour se renforcer en Algarve et même reprendre de nombreux territoires dont Alcácer do Sal. Le , profitant du passage de croisés, Sanche Ier s'empare de Silves[L 11].

Mais l'offensive maure, menée par Yaqub al-Mansur, reprend dès l'année suivante, les amenant jusqu'aux rives du Tage : Alcácer do Sal tombe le (), suivie de Palmela et de Silves (), obligeant Sanche Ier à conclure une trêve de 5 ans avec le calife almohade. De nouveaux conflits, entre les rois catholiques repoussent alors la contre-offensive chrétienne[6].

Il fallut attendre 1211 et l'intervention du pape Innocent III, pour que celle-ci reprenne. Désormais l'union prévalut ; elle amena le Portugal et la France à intervenir aux côtés d'Alphonse VIII de Castille pour vaincre les Maures lors de la bataille de Las Navas de Tolosa (). Cette bataille décisive marqua un coup d'arrêt à l'avancée maure. Elle fut suivie de la prise de Cordoue en 1236. Le territoire musulman se réduisit bientôt au royaume de Grenade et ce jusqu’en 1492.

C'est également au successeur de Sanche Ier que l'on doit la reprise définitive d'Alcácer do Sal en (1217): Alphonse II (1211-1223). Sous son règne, apparaissent les premières lois écrites. Il est le premier à réunir des Cortes: premier pas vers la fin du système féodal et vers la centralisation du pouvoir[L 12]. Il décide de s'attaquer aux abus et fait vérifier tous les titres de propriété des seigneurs (inquiriçoes) : les ordres militaires et les seigneurs, de plus en plus puissants, étaient devenus une menace pour le pouvoir royal. Il en ressort légitimé. Par ailleurs, le roi refuse d'appliquer au Portugal le décret du pape sur la confiscation des biens des infidèles, considérant cela comme une intrusion de l'Église dans les affaires de la Monarchie. Cela lui vaut d'être excommunié.

Son successeur, Sanche II (1223-1248) bénéficie de l'aide des ordres militaires pour conquérir de nouveaux territoires en Alentejo : Elvas et Juromenha sont prises en 1229, Moura et Serpa en 1232, Aljustrel en 1234. Il y entame une politique de repeuplement[L 13]. Cette avancée bénéficie du soutien actif du pape Grégoire IX, qui lie la reconquête de la péninsule aux Croisades : le , la bulle papale Cupientes Christicolas, concède l'indulgence à tous ceux qui aideront le Portugal dans sa lutte. Cela permet la prise de Mértola en 1240 puis de Tavira en 1242 avec l'aide des chevaliers de l'ordre de Santiago[L 13]. Ne restait plus qu'à conquérir une partie de l'Algarve pour parachever la reconquête portugaise.

Certains seigneurs profitent de cette même bulle papale pour échapper à l'autorité royale; l'omniprésence du souverain à la tête de ses armées favorise d'autant une période d'anarchie[L 14]. L'Église se considérant délaissée au profit des ordres militaires, cela vaut à Sanche II d'être excommunié comme son père.

Son frère, Alphonse III (1248-1279) est désigné par le pape pour le remplacer dès 1245 : Sanche II doit s'exiler[6]. Le nouveau roi s'engage à rétablir l'ordre, à respecter le pouvoir de l'Église et de la noblesse tout en pourchassant les abus. Il organise de nouvelles "Inquirições Gerais" afin de vérifier les titres et les privilèges accordés. Il crée des magistrats itinérants chargés de faire respecter la justice royale[L 13]. Le pouvoir royal ne s'en trouve que renforcé. Ces réformes administratives finissent pourtant par contrarier les intérêts de l'Église qui cherche à l'excommunier, lui-aussi (1266).

Il reprend l'Algarve en 1249, faisant ainsi de son royaume le premier état d'Europe à avoir atteint ses frontières définitives. Il transfère la capitale de Coimbra à Lisbonne en 1255. En 1267, après un début de conflit sur le tracé des frontières, le traité de Badajoz signé entre Alphonse III et Alphonse X de Castille, fixe les frontières entre les deux royaumes. Il est légèrement remanié par le traité d'Alcañices en 1297.

Développement du pays[modifier | modifier le code]

Les règnes des monarques suivants de cette dynastie (Denis Ier, Alphonse IV, Pierre Ier le Justicier et Ferdinand Ier) s’accompagnent d’un important développement économique, démographique, technique (dans l'agriculture et le transport), artistique (cathédrales de Braga, de Coimbra et de Lisbonne, église des Templiers du couvent de Tomar) et intellectuel (historiographie, enluminure, Commentaire de l’Apocalypse). Ce développement est rendu possible par le butin de la reconquête et par la longue période de stabilité qui suit. Un système de recouvrement des impôts plus efficace est mis en place, encore que l'autorité royale ne soit pas toujours respectée par les seigneurs[L 15].

Denis Ier se chargea d'abord de rétablir l'ordre dans le pays et de réconcilier la Couronne et l'Église. En parallèle, il parvint à limiter les acquisitions du clergé. Le conflit avec son frère manqua de faire tomber plusieurs villes frontalières aux mains des Castillans[L 16]. Son mariage avec Isabelle d'Aragon permit de contenir les Castillans et de parvenir à un accord : le Traité d'Alcañices[L 17] (1297) fixe définitivement les frontières entre les deux royaumes.

Il s'employa aussi à repeupler ce nouveau territoire afin de le renforcer (en accordant des chartes, des privilèges aux seigneurs, en abolissant la servitude, en améliorant l'agriculture et le commerce, en renforçant les frontières…). Le Trésor royal en bénéficia.

Beaucoup de musulmans avaient émigré pour échapper aux chrétiens mais la grande majorité ne put faire autrement sinon rester sur place. On signa des accords avec ces "Mudéjars", tout en leur faisant payer un tribut et en les obligeant à résider hors des murs des villes: les mourarias[L 18]. Les juifs installés au Portugal bénéficiaient déjà d'une certaine protection royale, dans leurs quartiers (les judiarias), de par le rôle important qu'ils jouaient dans la société de l'époque. Cela ne manquait pas de susciter des jalousies de la part des chrétiens[L 19]. Ces mesures permirent pourtant de réunir sur le territoire des populations très différentes - chrétiens du Nord et du Sud, mozarabes, Maures et Juifs - qui se fondent peu à peu. Les cultures galaïco-portugaise et lusitano-mozarabe se mélangent. L'installation de Français venus avec les croisades laisse également sa marque dans la culture et l'architecture portugaise[L 20]. De ce mélange naît le particularisme portugais: une population sous l'influence d'une civilisation brillante et raffinée au sud, des guerriers et des paysans à la vie rude et austère au nord ; une coupure nord-sud qui persiste encore aujourd'hui dans le paysage et la mentalité.

Denis Ier.

La cour s'établit à Lisbonne scellant l'union nord-sud[L 21]. Une nouvelle organisation territoriale et administrative se met en place avec une tendance à la centralisation du pouvoir. Mais les différences subsistent entre les régions, avec un régime seigneurial et une noblesse puissante au nord, de vastes domaines confiés aux ordres religieux sous autorité royale au sud, le roi plaçant des portugais à leur tête.

Le long règne de Denis Ier (1279-1325) permet d'asseoir les institutions. Il impose le Portugal comme nation et permet à la population de prendre conscience de son unité symbolisée par la construction du monastère d'Alcobaça, unité grâce à la langue portugaise que Denis Ier officialise, démarquant ainsi nettement le pays de la Galice, (le souverain lui-même participe à la naissance d'une littérature portugaise), unité grâce aux ordres religieux, aux écoles et à l'université (fondée à Coimbra en 1290). Enfin, il établit les bases des futures grandes expéditions maritimes : l'ordre des Templiers, gardien des frontières est supprimé par le pape en 1319. Le roi parvint à le faire remplacer par un ordre placé sous son contrôle: l'ordre du Christ; il s'empare ainsi de ses richesses. Cet ordre est destiné à jouer un rôle considérable dans les grandes découvertes. Déjà, le sud du pays se tourne vers le large : Lisbonne s'ouvre au commerce avec l'arrivée des Génois ; le premier traité commercial avec l'Angleterre est signé ; les côtes de l'Estremadura, source d'approvisionnement en bois pour la construction navale, sont reboisées et défendues .

Crises du XIVe siècle[modifier | modifier le code]

Pierre Ier.

Le règne de Denis Ier se termine par un conflit avec son fils Alphonse, jaloux des privilèges accordés à son demi-frère bâtard. Alphonse demande le soutien de ceux que la politique centralisatrice de son père mécontente[L 17]. Cela débouche sur une guerre (1321) mais n'empêche pas Alphonse de succéder à son père (1325).

Alphonse IV continue d'imposer l'autorité royale sur tout le territoire et entretient les alliances avec ses voisins. En 1340, il vient en aide à son gendre, Alphonse XI de Castille, contre les musulmans du Royaume de Grenade: la victoire de Salado vient définitivement à bout de la menace musulmane dans la péninsule[L 22].

En 1341, une expédition est lancée aux Canaries.

Le règne d'Alphonse IV (1325-1357) connaît le début d'une crise économique et une épidémie de peste (1348) qui allait décimer un tiers de la population. Les campagnes se vident et la production agricole s'en ressent. La surpopulation des villes entraîne pauvreté, délinquance et désordre social. L'insalubrité qui y règne aggrave l'épidémie[L 22].

Ces crises amènent le roi à reprendre le pouvoir en main et à encourager le commerce maritime afin de ravitailler le pays; situation qui va profiter à la bourgeoisie. Le roi prend aussi des mesures pour obliger les propriétaires à travailler leurs terres et faire que les héritages ne dispensent pas les héritiers de travailler[S 3]. Il rogne de plus en plus sur l'autonomie des "concelhos". La centralisation de la justice est accentuée avec la nomination des "juizes de fora" (littéralement "juges venus du dehors"), substituant les juges locaux[L 23].

La fin du règne d'Alphonse IV est marquée par l’affaire de la reine morte où la légende se mêle à la réalité: ayant marié son fils et successeur, Pierre à Constance de Castille, celui-ci tombe amoureux de sa suivante, Inés de Castro. Par souci de protéger l'alliance avec la Castille et pour en finir avec cette relation adultère, Alphonse IV fait assassiner Inès, le 7 janvier 1355. La colère de Pierre manque de tourner au conflit ouvert avec son père. À la mort de celui-ci, Pierre se venge cruellement des responsables de la mort d'Inès. En 1360, afin de légitimer les enfants qu'il avait eu avec Inès, Pierre, devenu roi, affirme s'être marié secrètement avec elle. Le corps de la défunte est exhumé, et Inès couronnée reine. Les grands du royaume sont obligés de baiser la main du cadavre. De nouvelles funérailles sont célébrées et le corps mis dans le tombeau qui lui était réservé dans l'abbaye d'Alcobaça.

Malgré un comportement colérique, Pierre Ier fut très populaire: son règne reste dans les mémoires comme une période de paix et d'affermissement du pouvoir royal[L 24]: il exige notamment que les ordres pontificaux soient en accords avec les lois du royaume[L 25]. S'il ne se remarie plus, il aura un autre fils bâtard, Jean, qu'il nommera grand-maître de l'ordre d'Aviz et sera amené à jouer un rôle important par la suite.

La succession respecte pourtant la légitimité, puisque c'est le fils issu du mariage avec Constance de Castille, Ferdinand Ier (1367-1383) qui monte sur le trône. Ce jeune roi bénéficie au départ d'une grande popularité et d'une meilleure situation financière[L 25] et économique (la navigation commerciale s'est largement développée; la loi des "sesmarias" a obligé les propriétaires terriens à exploiter leurs terres[S 4]). Il va tout de même plonger le Portugal dans la plus grave crise de sa jeune histoire.

Au titre d'arrière petit-fils de Sanche IV, Ferdinand commence par revendiquer le trône de Castille: celui-ci est occupé par Henri de Trastamare, depuis qu'il a assassiné son demi-frère et héritier légitime[7]. Ferdinand réunit une coalition afin de s'emparer du trône et venger son cousin germain. Les erreurs stratégiques de Ferdinand et la rapidité de réaction de Henri de Trastamare, devenu Henri II de Castille, ont raison des portugais et de leurs alliés (1369). La défaite portugaise est totale et seule l'intervention du pape Grégoire XI sauve Ferdinand Ier (1370). Il est poussé à signer le traité d'Alcoutim, par lequel il abandonne ses prétentions et s'engage à épouser la fille d'Henri II de Castille, Eleonore.

Malgré cet accord, Ferdinand reprend l'offensive en 1372. Il s'allie au préalable avec l'Angleterre d'Édouard III, plongée dans la guerre de Cent Ans, contre la France, elle-même alliée de la Castille. Les traités de Tagilde et de Westminster officialisent des liens politiques et commerciaux entre les deux pays. Mais Ferdinand y abandonne aussi ses prétentions à la couronne de Castille au profit de Jean de Gand, fils d'Edouard III, marié à une princesse de Castille, en échange de l'aide anglaise pour protéger le pays et destituer l'usurpateur[L 26].

Encore une fois, Ferdinand est pris de vitesse. Henri de Trastamare envahit le Portugal et prend Lisbonne (23 février 1373). Ferdinand, humilié, n'a pas d'autre choix que de signer une nouvelle paix, le 24 mars 1373, après intervention du pape. Il doit abandonner toute prétention sur la Castille et rejoindre l'alliance franco-castillane contre l'Angleterre. Le pays est dévasté[L 27].

Son mariage avec Éléonore Teles de Menezes, de la famille des comtes de Barcelos finit de lui aliéner le peuple: non seulement, cette union l'amène à oublier le projet de mariage avec la fille d'Henri II, mais elle lui fait aussi annuler celui de sa future épouse. Par ailleurs, cette dernière, appartenant à une riche famille est soupçonnée d'être un agent de l'aristocratie opposée à la centralisation monarchique. L'annonce du mariage suscite de vives oppositions. Dès lors, Eleonore va fortement influer sur la politique extérieure du Portugal, défendant les intérêts de sa famille et de la noblesse[L 27].

Outre la colère des classes populaires, le roi et la reine provoquent celles des classes moyennes, à l'importance croissante, qui voient la situation économique se détériorer, avec ces conflits successifs. Des émeutes fréquentes et des famines accompagnent le développement des villes. Beaucoup de pauvres quittent les campagnes, s'engagent dans l'armée puis dans la marine. Cette situation provoque une coupure entre une noblesse terrienne cherchant à maintenir la main d'œuvre dans les campagnes et une bourgeoisie urbaine en phase de développement. Les Cortes de 1371 et 1372 réprouvent sévèrement la politique royale[S 5].

La mort d'Henri II de Castille, en 1381, fait renaître les ambitions de Ferdinand: il renoue avec l'Angleterre afin de s'emparer de la Castille. La riposte de Jean Ier, nouveau roi de Castille, ne se fait pas attendre. Le Portugal est défait. Une partie de la noblesse portugaise, unie autour d'Éléonore ne cache pas ses sympathies pour le souverain castillan. Ferdinand est soumis à un nouvel accord de paix prévoyant le mariage de l'infante Béatrice (pourtant promise au comte de Cambridge) avec un fils de Jean Ier de Castille[L 28].

En 1383, Jean Ier propose d'épouser lui-même l'infant Béatrice, unique héritière de Ferdinand. Cette union pouvait signifier de fait, la fin de la Dynastie des Bourgogne, de l'indépendance du Portugal et l'unité retrouvée de l'Hispanie. Ce projet rassemble de nombreux partisans dans les deux pays. Ferdinand donne son accord pour le mariage (Traité de Salvaterra de Magos) espérant encore donner un héritier au Portugal.

Ferdinand meurt sans autre héritier (1383); Jean Ier réclame naturellement l'union des deux couronnes. Très vite, des opposants au projet se mobilisent.

La bataille d'Aljubarrota.

Une crise de succession commence alors sous la régence d'Éléonore. Elle oppose la noblesse, soutenant le parti de Castille, à la bourgeoisie et au peuple, privilégiant une solution nationale en s'unissant autour de Jean, fils bâtard de Pierre Ier et grand-maître de l'ordre d'Aviz. L'épisode révèle clairement les intérêts devenus divergents entre ces catégories sociales. La conjuration prend tout le monde de vitesse en proclamant le nouveau roi, sous le nom de Jean Ier le . La population de Lisbonne prend fait et cause pour lui et se soulève contre les partisans de la régente ; celle-ci se réfugie en Castille qui lève aussitôt une armée et assiège Lisbonne en 1384[L 29]. La plupart des villes du pays avaient déjà acclamé le roi de Castille malgré les émeutes populaires[S 6],[L 29].

La défense s'organise, menée par Nuno Álvares Pereira, à la suite d'une première victoire à la tête d'une armée de paysans, lors de la bataille des Atoleiros le . Lisbonne et le sud du pays sont repris[S 7].

Les Cortes de Coimbra (1385) sont organisées pour donner une légitimité à Jean Ier. Ses partisans y affrontent ceux de Béatrice et du roi de Castille, mais aussi ceux du fils de Pierre Ier et Inés de Castro, prénommé également Jean, considéré comme seul héritier légitime. Le maître d'Aviz va bénéficier du soutien de légistes et de l'Université, totalement acquise à sa cause[L 30]. Le 6 avril 1385, Jean est proclamé roi. Il obtient aussi les moyens de libérer le pays. On peut parler de cet épisode comme d'une révolution bourgeoise, où la population opte pour un État marchand, favorisant le développement des affaires. C'est aussi la première fois qu'un roi est élu par une assemblée contre l'hérédité naturelle. Avec cette victoire, le pays marque résolument son indépendance envers la Castille, ce qui peut laisser penser qu’un esprit patriotique et le rejet de Ferdinand et d'Éléonore ont animé le peuple dans cet épisode.

Les Castillans reviennent, soutenus par une partie de la noblesse portugaise[S 7]; ils sont défaits, malgré leur supériorité numérique, lors des batailles de Trancoso (), de Valverde () et enfin d'Aljubarrota (). Cette dernière bataille signe la victoire définitive du Portugal et assoit la légitimité du nouveau roi.

Lara Peirera +

  1. Labourdette 2000, p. 30.
  2. a b et c Labourdette 2000, p. 32.
  3. Labourdette 2000, p. 32.
  4. Labourdette 2000, p. 42.
  5. Labourdette 2000, p. 33-34.
  6. Labourdette 2000, p. 37.
  7. Labourdette 2000, p. 44.
  8. a et b Labourdette 2000, p. 33.
  9. Labourdette 2000, p. 34.
  10. Labourdette 2000, p. 50.
  11. Labourdette 2000, p. 39.
  12. Labourdette 2000, p. 47.
  13. a b et c Labourdette 2000, p. 41.
  14. Labourdette 2000, p. 52.
  15. Labourdette 2000, p. 46.
  16. Labourdette 2000, p. 55.
  17. a et b Labourdette 2000, p. 88.
  18. Labourdette 2000, p. 66.
  19. Labourdette 2000, p. 68.
  20. Labourdette 2000, p. 70.
  21. Labourdette 2000, p. 71.
  22. a et b Labourdette 2000, p. 89.
  23. Labourdette 2000, p. 60.
  24. Labourdette 2000, p. 93
  25. a et b Labourdette 2000, p. 95
  26. Labourdette 2000, p. 96.
  27. a et b Labourdette 2000, p. 97
  28. Labourdette 2000, p. 98.
  29. a et b Labourdette 2000, p. 100.
  30. Labourdette 2000, p. 102.
  1. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées 1976marquesIntroPeuplement
  2. Oliveira Marques 1976, p. 64.
  3. Oliveira Marques 1976, p. 67.
  4. a et b Oliveira Marques 1976, p. 68.
  5. Oliveira Marques 1976, p. 69.
  6. a et b Oliveira Marques 1976, p. 70.
  7. Oliveira Marques 1976, p. 179.


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