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Utilisateur:Leonard Fibonacci/Histoire Auguste

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L'Histoire Auguste est une étrange forgerie datant de la fin du la fin du IVe siècle, bien que le texte tente de faire croire qu'il est écrit au début de ce même siècle. Les spécialistes ont acquis la certitude que cette Histoire est l'œuvre d'un auteur unique bien que celui-ci fasse croire qu'il s'agit d'une compilation de plusieurs chroniqueurs et historiographes dont les écrits ont tous disparus.

S'apparentant à la continuation de l'œuvre de Suétone (bien que les règnes de Nerva et Trajan ne sont plus présents), l'ouvrage se présente comme une œuvre collective, rassemblant les écrits de six biographes : Aelius Spartianus, Julius Capitolinus, Vulcatius Gallicanus, Aelius Lampridius, Trebellius Pollio et Flavius Vopiscus. Diverses allusions placent explicitement la rédaction de ces biographies sous les règnes de Dioclétien et de Constantin Ier (284 à 337), la plupart des vies sont dédiées à ces empereurs[1].

Fausses attributions[modifier | modifier le code]

De très nombreux points restent obscurs et discutés, quant à la fiabilité de tel ou tel passage, quant à la date exacte de rédaction et à l'identité de l'auteur, enfin quant à ses positions politiques et religieuses, en particulier au sujet du christianisme.

Il s'agit vraisemblablement d'un personnage cultivé vivant à Rome[2].

On s'accorde aujourd'hui assez généralement à situer l'origine de l'Histoire Auguste dans le milieu politique et intellectuel de Symmaque et des Nicomaques Flaviens. En 2018, l'attribution de l'œuvre ne fait toujours pas consensus[3].

Pseudonymes[modifier | modifier le code]

Le style uniforme et le contexte de rédaction poussent à privilégier l'hypothèse d'un seul auteur. Les six identités révélées ne seraient qu'un moyen plus sûr de cacher son identité.

Bien que s'apparentant à la continuation de l'œuvre de Suétone, les règnes de Nerva et Trajan ne sont plus présents, il n'y a d'ailleurs ni préface ni titre.

Aelius Spartianus[modifier | modifier le code]

Spartianus est auteur des vies d'Hadrien, Lucius Aelius, Didius Julianus, Septime Sévère, Pescennius Niger, Caracalla et Géta. Il dédie ses écrits à Dioclétien et la vie de Géta à Constantin Ier, ce qui le situerait comme contemporain de ces empereurs[4].

Julius Capitolinus[modifier | modifier le code]

Capitolinus serait l'auteur des vies d'Antonin le Pieux, de Marc Aurèle, de Lucius Verus, de Pertinax, de Clodius Albinus, de Macrin, des trois Gordiens, des deux Maximins, de Maxime Pupien et Balbin[5]. Il dit utiliser comme source un historien qu'il nomme tantôt Aelius Cordus, tantôt Junius Cordus, qu'il cite vingt-sept fois mais dont l'existence semble une invention de l'auteur, le présentant comme le biographe des empereurs et usurpateurs aux règnes brefs. Par exemple, les citations qu'il attribue à Cordus dans la Vie des Trois Gordiens sont en réalité des reprises de Cicéron, d'Hérodien et de Suétone. Il a été émis l'hypothèse que le nom de Cordus vienne de la première satire de Juvénal, se plaignant d'un orateur à la voix enrouée[6].

Vulcatius Gallicanus[modifier | modifier le code]

Gallicanicus serait l'auteur de la vie de l'usurpateur Avidius Cassius, tout en déclarant vouloir écrire la biographie de tous les empereurs. Il se prétend contemporain de Dioclétien[4]. Il dit prendre comme source l'historien Asinius Quadratus, et un autre auteur qui semble imaginaire, Aemilianus Parthénianus[7].

Pour André Chastagnol, le pseudo Gallicanus invente de nombreux éléments de la vie de Avidius Cassius : son origine familiale comme descendant de Cassius, co-meurtrier de Jules César, son complot enfant contre Antonin le Pieux et les supplices qu'il inflige aux soldats fautifs[8]. Il commet un anachronisme grossier en évoquant un jugement favorable de Marc Aurèle sur Pertinax, empereur treize ans après la mort de Marc Aurèle[9]

Aelius Lampridius[modifier | modifier le code]

Lampridius serait l'auteur des biographies de Commode, de Diadumène, fils de Macrin, d'Héliogabale et d'Alexandre Sévère[4].

Flavius Vopiscus[modifier | modifier le code]

Vospicus serait originaire de Syracuse en sicile. Il se présente comme l'auteur des vies d'Aurélien, Tacite, Florien, Probus, Firmus, Saturninus, Proculus, Bonosus, Carus, Numérien et Carin. Il prétend que son père[10] et son grand-père connurent Dioclétien[11] et se donne comme contemporain de Constantin Ier[4].

Trebellius Pollio[modifier | modifier le code]

Il serait l'auteur des vies de Valérien père et fils, des deux Galliens, des Trente Tyrans et de Claude le Gothique[4].

Marius Maximus[modifier | modifier le code]

  • Marius Maximus, biographe d'expression latine dont l'œuvre n'est pas conservée, cité nommément trente fois pour les règnes allant d'Hadrien à Héliogabale[12] est le seul auteur mentionné dont l'œuvre est perdue, mais dont l'existence ne fait aucun doute.

Reliquat[modifier | modifier le code]

  • Hadrien (117-138), attribuée à Aelius Spartianus
  • Aelius Verus (adopté par Hadrien en 136, mort en 138), attribuée à Aelius Spartianus
  • Antonin le Pieux (138-161), attribuée à Julius Capitolinus
  • Marc-Aurèle (161-180), attribuée à Julius Capitolinus
  • Lucius Verus (161-169), attribuée à Julius Capitolinus
  • Avidius Cassius (empereur autoproclamé en 175), attribuée à Vulcatius Gallicanus
  • Commode (180-192), attribuée à Aelius Lampridius

Sur les "auteurs" de l'Histoire Auguste[modifier | modifier le code]

« L'Histoire Auguste apparaît comme un pamphlet politique à clefs et non comme un exercice gratuit. (p. 347] »

Ses sources anciennes[modifier | modifier le code]

D'après André Chastagnol, l'auteur unique (perceptible dans l'unité de style et de vocabulaire) a écrit l'Histoire Auguste vers la fin du IVe siècle, et cet écrit a été terminé ou révisé plutôt après la date connue de la mort de Nicomaque Flavien Senior en 394 (voire Nicomachus Flavianus le jeune). C'est au moins un siècle après la fin de la période racontée, et bien après le règne de Dioclétien, où, par imposture, l'auteur prétend se situer par ses dédicaces mensongères.

Les biographies qu'il déroule s'appuient, lorsqu'elles ont une base historique, sur des auteurs antiques, dont bon nombre ont vécu après la date prétendue de la rédaction de l'Histoire Auguste, ce qui fait que l'auteur, pour cacher son imposture, lorsqu'il les cite, invente d'autres noms. Voici une liste non exhaustive de ces auteurs, soit cités sous leur véritable nom, soit cités sous un nom inventé, soit même non cités du tout :

  • Marius Maximus, biographe d'expression latine dont l'œuvre n'est pas conservée, cité nommément trente fois pour les règnes allant d'Hadrien à Héliogabale[13]
  • Dion Cassius, historien d'expression grecque, non cité mais qui semble avoir été sporadiquement repris pour quelques détails[14]
  • Hérodien, historien d'expression grecque, cité directement à dix reprises, et trois autres fois sous le nom inventé d'Arrianus[15]
  • Dexippe, historien athénien, cité nommément dix-huit fois, et utilisé sans le nommer pour plusieurs passages à partir de l'année 238[16]
  • Aurélius Victor, abréviateur latin, comme l'a remarqué l'historien Hermann Dessau en rapprochant un passage de la vie de Septime Sévère avec le livre des Césars d'Aurélius Victor. Cette filiation est constatée pour d'autres règnes[17]
  • Eutrope, abréviateur latin, remarqué aussi par l'historien Hermann Dessau par la vie de Marc-Aurèle[18]
  • Rufius Festus abréviateur latin, pour quelques points remarqués par W. Hartke[19]
  • Eunape, auteur grec continuateur de Dexippe, pouurrait être utilisé pour les cinq dernières vies de l'Histoire Auguste, ce qui placerait sa dernière rédaction vers 399-400[20]

La présence de l'Enmanns Kaisergeschichte est aussi discutée. L'auteur évoque un Fabius Marcellinus ou Valerius Marcellinus, prétendu auteur de plusieurs biographies, qui pourrait être la désignation factice d'Ammien Marcellin. Toutefois, la partie de l'œuvre d'Ammien Marcellin qui aurait pu être copiée pour Trajan ou Probus a disparu, ce qui empêche d'apprécier s'il y a eu emprunts ou pas[21]. On peut remarquer que beaucoup de sources de cet auteur de la même époque sont communes avec l'Histoire Auguste. L'historien J. Straub a attiré l'attention sur plusieurs points communs, comme l'emploi du mot carrago (camp barbare), introduit dans le vocabulaire latin par Ammien Marcellin, ou l'interdiction dans la Vie de Caracalla du port de colliers amulettes contre la malaria, fait rapporté en termes identiques par Ammien Marcellin pour l'année 359[22]. Des savants, notamment H. Schenlk virent dans la vie de Marc-Aurèle ou d'Avidius Cassidius des positions proches aux Pensées pour moi-même, signe que l'auteur aurait pu consulter l'ouvrage. Cependant, ces détails peuvent aussi venir de chroniqueurs ou de Maximus, on ne peut avoir de certitude sur l'utilisation[23].

L'auteur de l'Histoire Auguste nomme comme sources de nombreux auteurs inconnus des modernes, probablement fictifs. Le plus cité est un certain Cordus, donné vingt-sept fois, auteur imaginaire puisque des passages de la Vie des Gordiens qui lui sont attribués sont en réalité copiés de Cicéron, de Suétone et d'Hérodien[24].

La qualité très variable des biographies sur les différents empereurs et les principaux usurpateurs a pu être vérifiée non seulement en s'appuyant sur d'autres textes historiques anciens, mais aussi sur des inscriptions gravées sur les monuments, les stèles et les bornes qui donnent la titulature de ces dirigeants. On considère qu'après 238 et Hérodien, l'Histoire Auguste est plus soumise à caution car il n'y a plus de sources précises pour croiser les informations, l'auteur ne brode qu'à partir des différents abréviateurs.

Analyse de Trebellius Pollio[modifier | modifier le code]

Trebellius Pollio serait l'auteur des vies de Valérien père et fils, des deux Galliens, des Trente Tyrans et de Claude le Gothique[4].

André Chastagnol fait une analyse critique de la rédaction attribuée à Trebellius Pollion :

  • La vie de Valérien ne contient rien d'historique. Elle ne dit rien de son règne, elle se situe après sa capture par Sapor et présente un échange de correspondances diplomatiques fictives adressées à Sapor pour faire relâcher Valérien[25].
  • le Valérien le Jeune de Trebellius Pollion, présenté comme fils de l'empereur Valérien, associé au trône et mort de façon pitoyable, est une transformation de Valérien II, fils de Gallien et donc petit-fils de Valérien, César en 256 et mort en 258. Pollion a peut-être mélangé Licinius Valerianus, un autre fils de Valérien, consul en 265 et tué en même temps que Gallien, et avec Salonin, autre fils de Gallien, tué en 260 par Postume[26].
  • Trebellius Pollion fait une présentation extrêmement défavorable de Gallien, allant jusqu'à le qualifier de « la plus ignoble des femelles »[27]. Il donne des indications historiques sur son règne avec une chronologie de ses guerres datées par les consuls éponymes de 261, 262, 264 et 265, probablement d'après l'historien grec Dexippe[28].
  • Trebellius Pollion déclare dans sa Vie de Gallien qu'il va grouper les compétiteurs opposés à Valérien et Gallien dans une Vie des vingt Tyrans, puis annonce une Vie des Trente tyrans. Cette Vie des Trente Tyrans fait une allusion à l'ouvrage grec sur les Trente tyrans d'Athènes, mais pour faire bon nombre, l'auteur ajoute des usurpateurs dont aucune source historique ne confirme l'existence, et deux femmes. Ces vies présentent de nombreux détails douteux, notamment des contradictions sur la chronologie des empereurs gaulois et des éléments biographiques fantaisistes[29].
  • L'auteur glorifie Claude le Gothique, par contraste avec son prédécesseur Gallien, et lui invente une descendance fictive en la personne du César Constance Chlore, fiction qui n'apparaît historiquement qu'en 310 dans la propagande constantienne. Dans cette Vie, l'auteur retranscrit encore des lettres imaginaires, qu'auraient rédigé Valérien, Dèce et Gallien[30].

Sur Moïse de Khorène[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Chastagnol 1994, p. X
  2. Chastagnol 1994, p. LXXV
  3. Catherine Virlouvet (dir.), Nicolas Tran et Patrice Faure, Rome, cité universelle : De César à Caracalla 70 av J.-C.-212 apr. J.-C, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 880 p. (ISBN 978-2-7011-6496-0, présentation en ligne), chap. 6 (« Du temps des épreuves au temps de la maturité »), p. 361.
  4. a b c d e et f Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées rem
  5. Albert Paul, Histoire de la littérature latine, 1871, livre v, chapitre ii, 2 (lire en ligne)
  6. Commentaires d'André Chastagnol, Histoire Auguste, pp. CVIII-CIX
  7. Histoire Auguste, Vie d'Avidius Cassius, V, 1
  8. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 189-190
  9. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 203
  10. Histoire Auguste, Aurélien, LIII, 2
  11. Histoire Auguste, Carus, Carin, Numérien, XIII, XIV
  12. Chastagnol 1994, p. LII-LIII
  13. Chastagnol 1994, p. LII-LIII
  14. Chastagnol 1994, p. LXI
  15. Chastagnol 1994, p. LXII
  16. Chastagnol 1994, p. LXIV-LXV
  17. Chastagnol 1994, p. LXVI-LXVIII
  18. Chastagnol 1994, p. LXVIII
  19. Chastagnol 1994, p. LXXI
  20. Chastagnol 1994, p. LXXII-LXXIII
  21. Chastagnol 1994, p. CXI-CXII
  22. Chastagnol 1994, p. LXXXIX
  23. Marc-Aurèle, Écrits pour lui-même, t. I - Introduction générale - Livre I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Budé », p. XVI-XIX
  24. Chastagnol 1994, p. CVIII
  25. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 779, 782
  26. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 781
  27. Histoire Auguste, Trente tyrans, XII, 11
  28. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 798, 801
  29. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 838- 839
  30. André Chastagnol, commentaires de l'Histoire Auguste, ouvrage précité, p. 920, 928