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Tentative de coup d'État de 2024 en Bolivie

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Tentative de coup d'État de 2024 en Bolivie
Description de cette image, également commentée ci-après
La place Murillo encadrée par des militaires.
Informations générales
Date 26 juin 2024
Lieu Place Murillo, Drapeau de la Bolivie Bolivie
Issue Échec de la tentative
Belligérants
Gouvernement Arce Forces armées de Bolivie
Commandants
Luis Arce
David Choquehuanca
Edmundo Novillo
Eduardo del Castillo
Juan José Zúñiga

Coordonnées 16° 29′ 46″ sud, 68° 08′ 00″ ouest

Une tentative de coup d'État a lieu le en Bolivie. Le président bolivien, Luis Arce, signale un « déploiement irrégulier de troupes » à La Paz, la capitale administrative du pays et exprime son inquiétude quant au déclenchement d'un coup d'État.

Les troupes menées par le général Juan José Zúñiga tentent de renverser le gouvernement du président et prennent ensuite d'assaut la Casa Grande del Pueblo, le palais présidentiel. La porte du bâtiment est fracturée et des soldats en prennent brièvement le contrôle, avant de s'en retirer après un appel lancé par le nouveau commandant de l'armée.

Cependant, le président Luis Arce reste ferme face aux soldats et refuse de céder le pouvoir. Il appelle à la mobilisation de la population, qui descend massivement dans les rues. Le putsch finit par échouer et Juan José Zúñiga est arrêté.

Contexte[modifier | modifier le code]

Rupture entre Evo Morales et Luis Arce[modifier | modifier le code]

Luis Arce, issu des classes moyennes urbaines et ancien haut fonctionnaire, présente un profil plus technocratique et modéré que l'ancien président Evo Morales, d'origine paysanne et ancien militant provenant de mouvements sociaux. Ainsi, lors de son passage au ministère de l’Économie, il avait veillé à contenir les conflits avec les marchés financiers et les investisseurs internationaux et fait de la maîtrise de l'inflation et des dépenses publiques l'une de ses priorités. Devenu président, il prend certaines distances avec les mouvements sociaux, sur lesquels s'appuyait particulièrement Evo Morales. Son style de gouvernance est notamment comparé à celui de l'ancien président équatorien Rafael Correa. Dans l’ensemble, son administration cherche prioritairement à rétablir la stabilité de la Bolivie, fortement éprouvée par la crise politique de 2019 et la crise économique de 2020 et s'éloigne des aspirations transformatrices de la présidence Morales. Néanmoins, les divergences idéologiques entre Luis Arce et son prédécesseur restent faibles, les désaccords portant avant tout sur le mode de gouvernance. La politique économique d'Arce porte cependant ses fruit, le taux d'inflation de la Bolivie étant en 2022 le plus bas du continent américain, ce qui contribue à la forte popularité de Luis Arce[1].

Les tensions entre les partisans de Luis Arce et ceux d'Evo Morales s'accroissent durant l'année 2023, notamment lorsque les députés pro-Morales s'allient avec l’opposition pour censurer le ministre du Gouvernement, Eduardo del Castillo. Lors d'un congrès du MAS organisé en octobre 2023, Luis Arce est exclu du parti, qui désigne Evo Morales pour être son candidat à l'élection présidentielle de 2025. Le président Arce conserve cependant l'appui de beaucoup de militants et d’organisations sociales[2],[3]. En décembre 2023, le Tribunal constitutionnel revient sur sa jurisprudence de 2017 en interdisant le nombre de mandats présidentiels illimité, ce qui empêche Evo Morales de briguer un nouveau mandat[4].

Menaces de Juan José Zúñiga à l'encontre d'Evo Morales[modifier | modifier le code]

Les événements se produisent un jour après le limogeage du commandant général de l'armée bolivienne, Juan José Zúñiga, celui-ci ayant déclaré s'opposer à un éventuel retour au pouvoir de l'ancien président[5], qu'il menace d'arrêter[6]. Ainsi, alors qu'Evo Morales l'accuse de vouloir l'assassiner lui, le président du Sénat, Andrónico Rodríguez et le sénateur Leonardo Loza, Zúñiga le qualifie de « traître » et l'accuse de comploter une révolution contre le gouvernement actuel, tout en affirmant que la constitution bolivienne empêche Morales de revenir au pouvoir. En réaction à son limogeage, Zúñiga annonce qu'il restera en fonction et que les autorités militaires décideront de son sort[7].

Quelques semaines avant la tentative, Arce dit redouter un « coup d'État doux » pour le chasser du pouvoir[8].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Le président bolivien Luis Arce signale un « déploiement irrégulier de troupes »[9] dans la capitale administrative bolivienne de La Paz et exprime son inquiétude quant au déclenchement d'un coup d'État. Les troupes menées par le général Juan José Zúñiga essayent de renverser le gouvernement et prennent ensuite d'assaut la Casa Grande del Pueblo, le palais présidentiel. La porte du bâtiment est fracturée par un blindé et des soldats en prennent le contrôle[10].

En réponse à l'appel du président Arce à se mobiliser contre le putsch, l'armée érige des barricades pour bloquer l'arrivée de manifestants qui convergeaient vers place Murillo. Les forces de sécurité lancent des gaz lacrymogène contre les manifestants. En parallèle, la Centrale ouvrière bolivienne lance des appels à la grève générale en soutien au gouvernement[6]. Cependant, dans les autres villes, les forces de sécurité ne prennent pas part à la rébellion[8].

Quelques heures plus tard, Zúñiga annonce qu'il formera un nouveau gouvernement, tout en affirmant qu'il reconnaît encore « pour l'instant » l'autorité du président Arce. Il annonce qu'il compte libérer les « prisonniers politiques », dont l'ancienne présidente Jeanine Áñez, l'ancien gouverneur de Santa Cruz Luis Camacho et les militaires impliqués dans le coup d'État de 2019[11].

Après la nomination de José Wilson Sánchez comme nouveau commandant, qui ordonne aux troupes de se retirer[6], celles-ci quittent la place[12]. Le parquet ouvre une enquête à l'encontre de Zúñiga dans la foulée[13], qui est arrêté alors qu'il prend la parole devant la presse[14] pour affirmer que le président lui aurait demandé de mettre en scène le déploiement de l'armée pour stimuler sa popularité[15].

Le coup d’État finit par échouer, notamment en raison de l'appel lancé par le président Arce et de la mobilisation des syndicats et de nombreux manifestants dans les rues[15]. L'ancien chef de la marine, Juan Arnez Salvador, lui aussi limogé, est arrêté dans la nuit du 26 au 27 juin[16]. Peu après 21 heures (UTC−4), lui et Zúñiga sont exhibés menottés et vêtus de gilets pare-balles siglés « Aprehendido » (« appréhendé » ou « en état d'arrestation ») lors d'une conférence de presse du ministre du Gouvernement, Eduardo del Castillo[17].

Réactions[modifier | modifier le code]

En Bolivie[modifier | modifier le code]

L'ancien président Evo Morales publie sur ses réseaux sociaux : « Un coup d'État se prépare »[18]. Il appelle ensuite la population à « la mobilisation nationale pour défendre la démocratie »[19].

L'ancienne présidente Jeanine Áñez déclare « Rejet total de la mobilisation des militaires sur la place Murillo pour tenter de détruire l'ordre constitutionnel, le MAS avec Arce et Evo doit partir par le vote de 2025. Les Boliviens défendront la démocratie »[20].

À l'étranger[modifier | modifier le code]

L'Organisation des États américains condamne le coup d'État militaire[21].

Le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell, condamne également la tentative de coup d'État et déclare que l'Europe n'accepte pas les tentatives visant à renverser des gouvernements démocratiquement élus[22].

Le président paraguayen, Santiago Peña, condamne les militaires factieux et appelle au respect de la démocratie en Bolivie[23].

Analyses[modifier | modifier le code]

Pour le journaliste bolivien Rafael Archondo, il s'agissait d'une « petite mutinerie liée à un mouvement d'humeur » de Zúñiga, qui n'a même pas procédé à l'arrestations de parlementaires et du président. Il note par ailleurs que la tentative a eu lieu l'après-midi, et non pas le matin, « moment plus favorable pour mener des coups d'État »[24].

L'analyste politique Carlos Toranzo estime qu'il y a « un manque de clarté » pour savoir si la tentative de coup d'État était réelle ou factice, notant qu'il est « étrange » que le président et ses ministres aient gardé leur calme et que l'armée ne leur ait pas coupé leurs moyens de communication, ni pris le contrôle des chaînes de télévision[25].

La militante des droits de l'homme Jhanisse Vaca Daza redoute qu'Arce n'utilise les événements pour réprimer ses opposants, y compris des parlementaires qu'il pourra arrêter en les accusant d'avoir participé au complot, ou bien pour dissoudre le Parlement[25].

Pour le politologue Gaspard Estrada, le général Zuñiga, fort d'une « fuite en avant » d'une partie des militaires à la suite de son limogeage, pensait pouvoir former une alliance pour renverser le présent élu et prendre le pouvoir. Mais il s'est retrouvé isolé à la suite de la rapide réaction du gouvernement. De même, l'opposition, qui garde en mémoire son soutien à l'appel du général Williams Kaliman à Evo Morales à quitter le pouvoir lors du « coup d'État » de 2019, puis a perdu les élections de 2020, a préféré « se légitimer électoralement », pour ne pas faire apparaître des « penchants autoritaires ». Estrada affirme enfin avoir « du mal à apporter du crédit » aux affirmations de Zúñiga[26].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Jeffery Webber, « Renovation in Bolivia? », NLR/Sidecar,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. « Bolivie: le président Luis Arce exclu de son propre parti lors d'un congrès », sur rfi.fr, (consulté le ).
  3. « Le président bolivien exclu du parti au pouvoir profondément divisé », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  4. « Bolivie : Evo Morales exclu de la course présidentielle par la Cour constitutionnelle », sur france24.com, (consulté le ).
  5. (es) Fernando Molina, « El presidente de Bolivia denuncia “movilizaciones irregulares” del Ejército », sur El País América, (consulté le )
  6. a b et c « Bolivie: les militaires rebelles se retirent après une tentative de «coup d'État» ».
  7. (es) « Reportan que el comandante del Ejército, Juan José Zúñiga, fue relevado de su cargo, tras polémicas declaraciones », sur Vision360, .
  8. a et b « En Bolivie, une tentative éclair de coup d’Etat », sur Libération, Libération (consulté le ).
  9. « Bolivie: le président dénonce des «mouvements irréguliers» de l'armée », Radio France internationale, (consulté le )
  10. (en) Marcelo Rochabrun et Sergio Mendoza, « Army Storms Bolivia’s Presidential Palace in Coup Attempt », Bloomberg, (consulté le )
  11. (es) Ramiro Parodi, « Bolivia: golpe de efecto », sur Anfibia (en), (consulté le )
  12. « Situation confuse en Bolivie où l'armée a pris position devant le palais présidentiel », sur rts.ch, (consulté le ).
  13. « Retour apparent au calme en Bolivie après une tentative présumée de putsch », sur Boursorama, (consulté le ).
  14. « Bolivie: arrestation du général rebelle accusé de tentative de coup d'État ».
  15. a et b « Tentative de coup d’Etat en Bolivie », 20 Minutes, (consulté le )
  16. « Tentative de coup d'État en Bolivie : un deuxième chef de l'armée a été arrêté ».
  17. (es) Paulo Alejandro Lizárraga Alvarado, « Gobierno presenta a Zúñiga y a excomandante de la Armada como autores de la toma de la plaza Murillo con afanes golpistas », sur Visión 360, (consulté le )
  18. (en-US) Amy Booth, « Bolivian army enters presidential palace in apparent coup attempt », sur Buenos Aires Herald, (consulté le )
  19. (es) elDiario.es, « El Gobierno de Bolivia denuncia un golpe de Estado del Ejército », sur ElDiario.es, (consulté le )
  20. (es) « Intento de golpe de Estado en Bolivia: militares rodean la sede del Gobierno y piden "nuevo gabinete" », sur www.cronista.com, (consulté le )
  21. « OEA respalda al Gobierno de Bolivia y condena intento de golpe de Estado del ejército », sur www.t13.cl (consulté le )
  22. (es) Efecto Cocuyo | @efectococuyo, « Militares dan golpe de Estado en Bolivia contra gobierno de Luis Arce », sur Efecto Cocuyo, (consulté le )
  23. (es) « Santiago Peña condena movilizaciones irregulares del Ejército boliviano en La Paz », sur Última Hora, (consulté le )
  24. « Bolivie : le président socialiste dénonce un coup d'Etat, le chef des armées dit avoir agi sur ses ordres », sur France Culture, franceculture, (consulté le ).
  25. a et b (en) « Bolivian police arrest leader of apparent coup attempt », sur www.bbc.com (consulté le ).
  26. « Bolivie: «il y a une vraie insatisfaction au sein de la société bolivienne», selon le politologue Gaspard Estrada ».