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Référendum cubain de 2022

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Référendum cubain de 2022
Corps électoral et résultats
Inscrits 8 457 978
Votants 6 269 427
74,12 %
Blancs et nuls 360 042
Nouveau code de la famille
Pour
66,85 %
Contre
33,15 %

Le référendum cubain de 2022 a lieu le afin de permettre à la population de Cuba de se prononcer sur un nouveau code de la famille légalisant notamment le mariage homosexuel, l'adoption homoparentale et la gestation pour autrui sans fins lucratives.

À l'origine inclus dans le projet de nouvelle Constitution soumise à référendum en 2019, le nouveau code fait finalement l'objet d'un vote séparé en raison du rejet que connaît cette extension du mariage et de l'adoption au couples homosexuels, le gouvernement craignant que ce rejet n'impacte le vote de son projet constitutionnel, par la suite adopté à une large majorité des votants.

Le nouveau code de la famille est approuvée à une très large majorité d'un peu plus des deux tiers des suffrages. Il entre en vigueur le .

Droits des LGBT à Cuba

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Homosexuels et opposants politiques dans un camp en 1967.

Bien qu'ayant déjà connue la légalisation de l'homosexualité, l'introduction du droit à la chirurgie de réattribution sexuelle gratuite pour les personnes transgenres, l'interdiction des discriminations sur la base de l'orientation sexuelle au travail, et l'organisation annuelle de marches contre l'homophobie largement comparées à des Marches des fiertés, la société cubaine demeure en 2022 fortement imprégnée d'un machisme vecteur d'homophobie[1].

La révolution cubaine achevée en 1959 ne remet initialement pas en cause cette homophobie, Fidel Castro déclarant notamment en 1965 qu'un homosexuel ne saurait posséder les « traits nécessaires à un véritable révolutionnaire, un vrai militant communiste ». De 1965 à 1968, les homosexuels sont emprisonnés et envoyés dans des camps de réhabilitation par le travail au même titre que les objecteurs de conscience[2]. Si les camps finissent par être fermés sur ordre de Fidel Castro, le premier Congrès national pour l'éducation et la culture organisé par les nouvelles autorités communistes en sa présence en 1971 réitère cette vision homophobe en concluant notamment que « toute manifestation de déviance homosexuelle doit être fermement rejetée et empêchée de se propager »[2]. Le gouvernement procède ainsi au renvoi des fonctionnaires et à la censure des artistes dont l'homosexualité est révélée, cette dernière demeurant illégale[2].

Mariela Castro.

Une lente progression des droits des homosexuels est entamée en 1975 lorsque le Tribunal suprême populaire juge illégale les discriminations contre les homosexuels sur le lieu de travail. La décision est suivie d'une décriminalisation de l'homosexualité en 1979, mais pas de sa légalisation. L'année suivante, les homosexuels sont ainsi sureprésentés lors de l'exode de Mariel, qui voit les autorités procéder à l'expulsion de près de 125 000 Cubains considérés comme contrerévolutionnaires[2],[3]. Ce n'est qu'en 1988 que la dernière loi explicitement anti homosexuels est abrogée, suivie quatre ans plus tard d'une résolution de l'Union de la jeunesse communiste (UJC) condamnant les discriminations basées sur la sexualité. Dans la foulée, Fidel Castro s'exprime publiquement sur le sujet. Revenant sur sa déclaration de 1965, il affirme ne pas considérer l'homosexualité comme un phénomène de dégénérescence, et se déclare opposé « à toute forme de discrimination à l'égard des homosexuels ». Dès l'année suivante, des programmes d'éducation publique contre l'homophobie sont pour la première fois mis en place[2].

Une tentative de passage d'une absence de discrimination légale envers les couples homosexuels à une protection explicite par la loi intervient pour la première fois en 2007 lorsqu'un projet de loi ouvrant l'union civile aux couples de même sexe est déposé à l'assemblée. Le projet est portée par Mariela Castro, fille de Raúl Castro et nièce de Fidel, qui se fait connaître dans son pays ainsi qu'à l'international pour ses actions de militante associative notamment engagée en faveur des droits LGBT. Le projet rencontre cependant la résistance d'une partie des membres du parti communiste, conduisant à son abandon[2].

Tentative de légalisation du mariage homosexuel en 2019

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Courant 2018, le gouvernement communiste cubain dirigé par Miguel Díaz-Canel procède à la rédaction d'une nouvelle constitution destinée à remplacer celle de 1976, deux ans après la mort de Fidel Castro et l'accession de Díaz-Canel au pouvoir. Ce dernier poursuit en parallèle une libéralisation très partielle de l'économie socialiste cubaine, toujours organisée sous la forme d'une économie planifiée[4].

Outre l'introduction d'une dose relative d'économie de marché et le maintien du rôle dominant du Parti communiste, la première version approuvée par l'Assemblée nationale du pouvoir populaire en interdit toute discrimination fondée sur le sexe, les origines ethniques et le handicap, et définit le mariage comme « l'union consensuelle de deux personnes, quel que soit leur sexe », permettant ainsi la légalisation du mariage homosexuel[5],[6],[7].

Miguel Díaz-Canel.

Lors de la phase de consultation populaire qui s'ensuit du au , cette introduction du mariage homosexuel provoque cependant une levée de boucliers de la part d'une partie de la population, dont notamment les Églises catholique et évangéliques[8]. Dès septembre, Miguel Díaz-Canel se dit favorable à titre personnel à la légalisation du mariage homosexuel, tout en précisant que la décision en reviendra à la population. L'Église catholique cubaine, pour sa part, s'oppose « fortement » à cette légalisation[9]. L'archevêque de Santiago de Cuba, Dionisio Garcia, estime ainsi publiquement que le mariage homosexuel est contraire à la culture cubaine, et contre-nature. Il le décrit comme une forme de « colonialisme idéologique » et d'« impérialisme culturel » voulu par les « lobbys » des pays riches[10]. Plus d'un demi millions de signatures sont ainsi réunies lors d'une pétition contre la légalisation, les signataires appelant à voter contre au référendum si celle-ci n'est pas retirée du texte[11].

Craignant que ce rejet ne provoque une part importante de votes contre lors du référendum, le gouvernement cubain — qui recherche alors un large vote d'adhésion au référendum afin de légitimer ses nouvelles institutions —, décide de supprimer la légalisation du mariage homosexuel du nouveau texte constitutionnel[8]. Le texte définitif est par la suite rédigé par une commission parlementaire de trente-trois députés, présidée par Raúl Castro en sa qualité de premier secrétaire du comité central du Parti communiste de Cuba[4]. La nouvelle constitution se voit cependant adjoindre un onzième article transitoire précisant qu'un nouveau processus de consultation populaire suivi d'un référendum doit être organisé dans les deux ans sur la question de la définition du mariage[8],[12]. La constitution est approuvée lors du référendum constitutionnel du par 90,61 % des suffrages exprimés, et entre en vigueur le suivant[13],[14]. Au mois d'octobre de la même année, Miguel Diaz Canel est élu par l'assemblée nationale président de la république de Cuba, un poste réinstauré par la nouvelle constitution.

Mise en œuvre

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Logo de la campagne référendaire.

Le , le gouvernement cubain rend public le projet de nouveau code de la famille dont le contenu prévoit comme prévu la légalisation du mariage homosexuel. Le mariage y est ainsi défini dans son article 61 comme « l'union consensuelle entre deux personnes » sans que ne soit précisé le sexe des mariés, et non plus comme l'union d'un homme et d'une femme. De même, les parents ne sont plus définis par leur sexes, les articles 30 et 31 permettant l'adoption homoparentale et ouvrant explicitement le droit à la parentalité aux couples ayant recours aux différentes formes de procréation médicalement assistée[15],[2]. Très attendu, le nouveau code est salué par les associations de défense des droits LGBT, qui demeurent néanmoins prudentes quant au succès de la procédure[1]. En parallèle, une commission spéciale chargée de l'organisation du référendum est mise en place le avec à sa tête le diplomate Antonio Machín[16],[17].

Bulletin de vote utilisé.

Soumis à une période de consultation populaire à partir du , le projet est critiqué par une partie des militants pro-LGBT qui estiment qu'un droit fondamental ne devrait pas être soumis à un référendum. Le gouvernement se défend en déclarant vouloir travailler à faire accepter un tel changement plutôt que de l'imposer par la force[18],[1]. Le processus référendaire intervient également dans le contexte d'une vague de légalisation du mariage homosexuel dans le reste de l'Amérique latine, ayant ajouté à la frustration des membres de la communauté LGBT cubaine confrontés à la lenteur du processus dans leur pays en comparaison de son voisinage immédiat[1].

Outre ces questions liés à l'homosexualité, le nouveau code de la famille introduit plusieurs avancées dont une protection accrue des enfants et des adolescents, la coresponsabilité des parents dans leur éducation, et une stricte égalité des droits entre hommes et femmes. Le code assure également aux mineurs le droit à ne pas faire l'objet d'exclusion, de violence ou d'une absence de protection parentale[19]. Il met par ailleurs fin à la possibilité pour les filles mineures âgées de plus de quatorze ans de se marier avec l'autorisation de leur tuteurs, seuls les femmes majeures — donc âgées d'au moins dix-huit ans — pouvant désormais se marier[20].

À l'issue de la période de consultation populaire qui voit plus de six millions de cubains participer aux débats et qui prend fin le , le texte est soumis à l'Assemblée nationale du pouvoir populaire[21]. Il y est amendé en accord avec les propositions des participants sur plusieurs points dont la légalisation de la gestation pour autrui, à condition que celle ci ne fasse pas l'objet d'une rémunération. Le nouveau code est ensuite voté par le Conseil d'État le par 25 voix pour sur 31, et la date d'organisation du référendum est fixée le lendemain au suivant[22].

La question posée est « Êtes-vous d’accord avec le code de la famille ? » (en espagnol : « ¿ Está usted de acuerdo con el Código de las Familias ? »). Le vote est obligatoire et ouvert dès seize ans[23]. Le référendum ne nécessite pas de majorité qualifiée ou de quorum de participation : seule la majorité absolue des suffrages exprimés est exigée pour en valider le résultat[24],[25]. C'est la première fois dans l'histoire du pays que la population cubaine a la possibilité de s'exprimer par référendum sur un texte de loi, les précédents ayant tous porté sur des textes constitutionnels[26].

Institut Date Échantillon Pour Contre Indécis
Granma/PCC 1er février au 434 860 61,96 - -
Granma/PCC 1er février au Environ 225 000 54 - -
Projet de code de la famille rendu public.
Apretaste [note 1] 390 63,1 36,9 -
Résultats nationaux[23],[27]
Choix Votes %
Pour 3 950 288 66,85
Contre 1 959 097 33,15
Votes valides 5 909 385 94,26
Votes blancs et nuls 360 042 5,74
Total 6 269 427 100
Abstention 2 188 551 25,88
Inscrits/Participation 8 457 978 74,12

Répartition des suffrages exprimés :

Pour
3 950 288
(66,85 %)
Contre
1 959 097
(33,15 %)
Majorité absolue

Conséquences

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Pourcentage de votes Pour par province

Le nouveau code de la famille est approuvée à une large majorité d'un peu plus des deux tiers des suffrages. Ce résultat, qui entraine la légalisation du mariage homosexuel, de l'adoption homoparentale et de la gestation pour autrui sans fins lucratives fait de Cuba l'un des pays les plus progressiste d'Amérique latine en la matière[28],[29]. Le code est signé par Miguel Díaz Canel au lendemain du référendum, et publié au Journal officiel le , date de son entrée en vigueur[30],[31].

Notes et références

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  1. Question portant sur le soutien au mariage homosexuel

Références

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  1. a b c et d (en) Sarah Marsh, « Cuba publishes draft family code that opens door to gay marriage », sur Reuters, (consulté le ).
  2. a b c d e f et g (en) C.J. Atkins, « Draft family code brings Cuba closer to same-sex marriage equality », sur People's World, https:www.peoplesworld.org, (consulté le ).
  3. (en) « Rainbow Cuba: the sexual revolution within the revolution », sur links.org.au (consulté le ).
  4. a et b Le Monde avec AFP Cuba approuve massivement sa nouvelle Constitution Le Monde, 26 février 2019
  5. « Cuba: les Cubains appelés à valider leur nouvelle Constitution en février 2019 », RFI,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) « Cuba sets out new constitutional reforms », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) Ed Augustin, « Cuba's new constitution paves way for same-sex marriage », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  8. a b et c « Les Cubains se prononcent sur la nouvelle Constitution », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. « Cuba : le président Diaz-Canel se dit favorable au mariage homosexuel », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Archevêque cubain : le mariage gay c'est du «colonialisme idéologique» », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. (en) Nelson Acosta, Sarah Marsh, « In rare campaign for Cuba, churches advocate against gay marriage », sur U.S., Reuters, (consulté le ).
  12. (es) « Constitución de la República que va a referendo », sur eleccionesencuba.cu, (consulté le )
  13. Kuba, 24. Februar 2019 : Verfassung
  14. (es) « Cuba dijo Sí a la nueva Constitución (+Video) (+ Carta Magna) », Granma,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. « ANTEPROYECTO CÓDIGO DE LAS FAMILIAS (Versión 22- 01/08/2021) », sur www.minjus.gob.cu (consulté le ).
  16. « Constitution de la commission électorale du MINREX pour le référendum sur le code des familles », sur www.radiohc.cu (consulté le )
  17. (en) « Commission for referendum on Family Code set up in Cuba », sur Prensa Latina, PrensaLatinaEnglishNEWS, (consulté le ).
  18. (en) « Cuba begins public consultation on marriage equality law », sur AP NEWS, (consulté le ).
  19. (en) Ellen Nemitz, « Constitutional policy reforms polarise Cubans », sur FairPlanet (consulté le ).
  20. (es) « El referendo del Código de las Familias en Cuba podría ser en septiembre (+Video) », sur Noticias Cuba, noticiascuba.net, (consulté le ).
  21. (en) « Draft of Family Code ready for discussion in the National Assembly », sur www.radiohc.cu (consulté le ).
  22. (es) « El Consell General aprova la llei qualificada de la persona i de la família — Consell General Principat d'Andorra », sur www.consellgeneral.ad (consulté le ).
  23. a et b (de) « Kuba, 25. September 2022 : Familienrecht ».
  24. (es) « Aprobado nuevo Código de las Familias: Referendo popular se celebrará el 25 de septiembre (+ Video) », sur Cubadebate, (consulté le ).
  25. « Cuba: Un référendum pour légaliser le mariage égalitaire le 25 septembre », sur Le Matin, lematin.ch, (consulté le ).
  26. « Cuba se dote d’un nouveau code de la famille, incluant le mariage gay », sur www.20minutes.fr (consulté le )
  27. (es) « CEN », sur www.eleccionesencuba.cu (consulté le ).
  28. Le Point, magazine, « Cuba approuve le mariage gay et un code de la famille progressiste », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
  29. (es) « Cuba aprueba en referendo el “Código de las Familias”, que incluye el matrimonio igualitario », sur La Tercera, laterceracom, (consulté le ).
  30. (es) Editor, « Entra en vigor en Cuba nuevo Código de las Familias », sur Periódico Digital Centroamericano y del Caribe, periodicoDCC, (consulté le ).
  31. (es) « Ley No. 156 “Código de las Familias” » [PDF], sur Gaceta Oficial de la República de Cuba, (consulté le )