L'Homme et son devenir selon le Vêdânta

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L'Homme et son devenir selon le Vêdânta
Auteur René Guénon
Pays Drapeau de la France France
Genre Ésotérisme
Éditeur Bossard
Lieu de parution Paris
Date de parution
ISBN 978-2070177639
Chronologie

L'Homme et son devenir selon le Vêdânta est un livre de René Guénon paru en 1925. Guénon décrit une partie de la doctrine du Vêdânta selon la formulation d'Adi Shankara se concentrant sur l'être humain : sa constitution, ses états, son avenir posthume.

Contenu du livre[modifier | modifier le code]

Ganêsha : « Dans la tradition hindoue [il] représente la connaissance[HDV 1] ». Il est associé à Buddhi, l'intellect supérieur, dans certains textes hindous comme les Ganesha Purana et Ganesha Sahasranama. Guénon consacra le chapitre VII de L'Homme et son devenir selon le Vêdânta à Buddhi. Ganêsha apparut en couverture de plusieurs livres de Guénon car il symbolise Buddhi, « l'intellect transcendant » aussi appelé « l'intuition intellectuelle »[VD 1], c'est-à-dire la connaissance supra-rationnelle[VD 2] ; intemporelle et au-delà de la dualité sujet objet[VD 3].

Dans L'Homme et son devenir selon le Vêdânta, Guénon part de la distinction fondamentale entre le « Soi » et le « moi ». Le « Soi » est l'essence, le « Principe » transcendant de l'être, l'être humain par exemple[VD 4],[JR 1],[PS 1] :

«  Le « Soi », en tant que tel, n'est jamais individualisé et ne peut pas l’être, car, devant être toujours envisagé sous l’aspect de l’éternité et de l’immutabilité qui sont les attributs nécessaires de l’Être pur, il n’est évidemment susceptible d’aucune particularisation, qui le ferait être « autre que soi-même » [HDV 2] […] Le « Soi », considéré par rapport à un être comme nous venons de le faire, est proprement la personnalité […] en sanskrit Âtmâ[HDV 2] […] Âtmâ pénètre toutes choses, qui sont comme ses modifications accidentelles […] Le « Soi », même pour un être quelconque, est identique en réalité à Âtmâ, puisqu’il est essentiellement au-delà de toute distinction et de toute particularisation [HDV 2] […] seul Âtmâ est l’être véritable, parce que [lui seul] est […] permanent et inconditionné, et qu’il n’y a que cela qui puisse être considéré comme absolument réel. Tout le reste, sans doute, est réel aussi, mais seulement d’une façon relative, en raison de sa dépendance à l’égard du principe[HDV 2].  »

Il précise que la « Personnalité » relève de l'ordre des principes universels : la métaphysique pure a pour domaine l'« Universel », qui est sans commune mesure avec le domaine du général et de ce qui est désigné par le terme de catégories en philosophie. Dans l'histoire de la pensée occidentale, seuls les transcendantaux de la théologie scolastique relèvent de l'« Universel »[PS 2]. Le « Soi » contient tous les états de manifestation mais aussi tous les états de non manifestation[VD 5],[HDV 2]. Si on ne considère le « Soi » que comme le principe des états manifestés seulement, il s'identifie à Ishvara, la notion la plus proche du Dieu créateur dans les doctrines hindoues, d'après lui[VD 6],[HDV 3]. Tous les états manifestés représentent la « manifestation », ou l'« Existence universelle », où tout est lié. Rien ne peut fondamentalement être isolé du reste de la manifestation : il y a unicité de l'« Existence »[VD 7],[HDV 4]. De même que le principe de la manifestation, l'« Être »(Sat, ou Ishvara si envisagé sous une forme personnalisée), est « Un »[VD 8],[HDV 4].

Pour Guénon, le domaine de l'« Universel » dépasse infiniment le domaine de l'individuel. Ce dernier contient le domaine du général, le collectif n'est que du particulier[VD 9].

Il expose ensuite le but de l'existence humaine : la réalisation de l’identité avec le « Soi » comprise comme l'essence véritable de l'être humain[VD 10] : « Le « Soi », comme nous l’avons vu dans ce qui précède, ne doit pas être distingué d’Âtmâ […] : c’est ce que nous pouvons appeler l’« Identité Suprême », d’une expression empruntée à l’ésotérisme islamique, dont la doctrine, sur ce point comme sur bien d’autres, et malgré de grandes différences dans la forme, est au fond la même que celle de la tradition hindoue. La réalisation de cette identité s’opère par le Yoga, c’est-à-dire l’union intime et essentielle de l’être avec le Principe Divin ou, si l’on préfère, avec l’Universel ; le sens propre de ce mot Yoga, en effet, est « union » et rien d’autre[HDV 5] ». Il ajoute que le « Soi » réside dans le centre vital de l'être humain symbolisé par le cœur[PS 3]. D'après Guénon, selon toutes les traditions spirituelles, le cœur est « le siège de l'Intelligence » comprise comme la connaissance supra-rationnelle, la seule forme de connaissance permettant l’« Identité Suprême »[HDV 5],[LS 1]. Cette connaissance supra-rationnelle (et surtout pas irrationnelle[RC 1]) est Buddhi, l'intellect supérieur, introduit par Guénon au chapitre VII de son livre[HDV 6]. De son côté, le cerveau est l'instrument du mental, en particulier de la pensée rationnelle, connaissance indirecte[HDV 5],[VD 11]. C'est Buddhi, qui réside au cœur de chaque être, qui assure l'unification entre tous les états de l'existence et l'unicité de l'«  Existence »[VD 2],.

Il ne prétend pas décrire toute la doctrine du Vêdânta, se concentrant sur l'être humain : sa constitution, ses états, son avenir posthume[PC 1]. Le « Soi » (Âtmâ) demeure, en lui-même, inconditionné mais relativement à l'être humain se retrouve dans différentes conditions : l'état de veille correspond à la manifestation grossière ou corporelle[HDV 7], l'état de rêve correspond à la manifestation subtile ou psychique[HDV 8], l'état de sommeil profond correspond à la manifestation informelle ou spirituelle (liée à Buddhi au-delà du mental)[HDV 9],[PS 4]. Il existe un quatrième état, le plus grand, correspondant à l'état inconditionné d'Âtmâ au-delà de l’« Être » contenant les possibilités de la non-manifestation et le principe ultime infini, Brahma (au-delà même d'Ishvara)[HDV 10]. Cet état est atteint lors de la délivrance[PS 5]. Le Yogi « délivré » est appelé jîvan-mukta qui est désigné sous le nom de « l'Homme universel » dans le soufisme[VD 12],[VD 13],[HDV 11].

Pour Guénon, les états grossier (corporel) et subtil (psychique) relèvent de la manifestation formelle et donc de l'individualité. La manifestation informelle (domaine du spirituel) relève, au contraire, de l'« Universel » qui comprend aussi tout ce qui relève de la non-manifestation. D'après lui, les transcendantaux de la théologie scolastique relèvent de l'« Universel » mais uniquement de la partie correspondant à la manifestation, la scolastique se limitant à l'ontologie (science de l'être). La métaphysique pure inclut le non manifesté, qui est le domaine le plus important surtout en ce qu'il contient l'inexprimable[VD 9]

Le livre contient de nombreuses citations de Shankara et quelques parallèles avec la Kabbale juive et le christianisme. L'ouvrage répond aux attentes de ses lecteurs qui en comprennent l'importance. Comme le résume Paul Chacornac :

«  Pour la première fois en Occident, et depuis le XIVe siècle, était exposé en langage clair, et dégagé de tout symbolisme, la doctrine de l'Identité suprême et son corollaire logique : la possibilité pour l'être qui est actuellement dans l'état humain d'atteindre, dès cette vie, la délivrance, l'état inconditionné où cesse toute séparativité et tout risque de retour à l'existence manifestée[PC 1].  »

La rigueur et qualité de l'exposé renvoient à la qualité du maître hindou que Guénon avait rencontré pendant la période 1905-1909 et dont il ne souffle mot dans son livre : certains supposèrent qu'il avait dû étudier les textes cités directement avec ces hindous[LE 1],[LS 2]. Le livre fut très bien accueilli et fit l'objet de nombreux comptes rendus élogieux dans la presse de droite comme de gauche, parfois dans des journaux à très grand tirage [RC 2],[DB 1] même si Guénon les jugea parfois « superficiels[RC 2] ». Il fut présenté comme « notre seul métaphysicien indianiste », et le livre comme faisant « date dans notre connaissance de l'Orient [RC 2] ». Paul Claudel s'exprima sur le livre le plaçant à côté de ceux de Sylvain Lévi et René Grousset[RC 3] et l'islamologue Louis Massignon souhaita rencontrer Guénon : la rencontre eut lieu cette année-là[RC 4].

Paul Chacornac cite une lettre de Roger de Pasquier : « ce n'est qu'en 1949, lors d'un séjour à Bénarès, que j'ai eu connaissance de l'œuvre de René Guénon. Sa lecture m'avait été recommandée par Alain Danielou [qui vivait alors en Inde dans l'entourage du Swami Karpatri, un maître de l'Advaïta Vêdânta], lequel avait soumis les ouvrages de Guénon à des pandits orthodoxes. Le verdict de ceux-ci fut net : de tous les Occidentaux qui se sont occupés des doctrines hindoues, seul Guénon, dirent-ils, en avait vraiment compris le sens[PC 2]».

La publication de ce livre ainsi que des ouvrages de Romain Rolland sur l'Inde à la même époque firent connaître Adi Shankara et l'advaita Vêdânta en Europe et particulièrement en France[1], pour la première fois en dehors des milieux spécialisés : Jean Herbert expliqua, en effet, que la connaissance de l'Inde jusqu'en 1920 se limitait aux « déformations  » de la société théosophique et aux travaux des orientalistes. Il déclara ce sont « ces deux hommes de génie » (Guénon et Rolland) qui permirent de sortir de cette impasse et firent connaître « l'esprit de l'Inde » et l'advaita Vêdânta aux Français entre 1920 et 1925 par des voies en apparence contradictoires[RC 5].

L'universitaire Michel Hulin, spécialiste de la philosophie indienne, écrit en 2001 que L'Homme et son devenir selon le Vedânta reste l'« une des interprétations les plus rigoureuses et profondes de la doctrine shankarienne[2] ».

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Livres de René Guénon[modifier | modifier le code]

Ouvrages au sujet de René Guénon[modifier | modifier le code]

Références aux livres de Guénon[modifier | modifier le code]

  1. Chap. XXI : Le « voyage divin » de l'être en voie de libération.
  2. a b c d et e Chap. II : Distinction fondamentale du « Soi » et du « moi ».
  3. Chap. I : Généralités sur le Vêdânta.
  4. a et b Chap. VI : Les degrés de la manifestation individuelles.
  5. a b et c Chap. III : Le centre vital de l'être humain, séjour de Brahma.
  6. Chap. VII : Buddhi ou l'intellect supérieur.
  7. Chap. XII : L'état de veille ou la condition de Vaishwânara.
  8. Chap. XIII : L'état de rêve ou la condition de Taijasa.
  9. Chap. XIV : L'état de sommeil profond ou la condition de Prâjna.
  10. Chap. XV : L'état inconditionné d'Âtmâ.
  11. Chap. XXIII : Vidêha-mukti et jivan-mukti.

Références aux principaux ouvrages sur l'œuvre de Guénon[modifier | modifier le code]

  • Xavier Accart René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d'un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1920-1970), 2005
  • David Bisson: René Guénon : une politique de l'esprit, 2013
  • Paul Chacornac La Vie simple de René Guénon, 2000
  • Marie-France James, Ésotérisme et christianisme: Autour de René Guénon, 1981
  • Jean-Pierre Laurant, Le sens caché dans l'œuvre de René Guénon, 1975
  • « Cahiers de l'Herne » : René Guénon, 1985
  • Jean-Pierre Laurant, René Guénon, les enjeux d'une lecture, 2006
  • Jean-Marc Vivenza, Le Dictionnaire de René Guénon, 2002
  • Jean-Marc Vivenza, La Métaphysique de René Guénon, 2004

Autres références et notes[modifier | modifier le code]

  1. Dictionnaire des orientalistes de langue française. François Pouillon. Éd. KARTHALA, 2008, page 837. (ISBN 9782845868021)
  2. Michel Hulin, Shankara et la non-dualité, Paris, Bayard, 2001, p. 264.

Ressources relatives à la recherche: Les Classiques des sciences sociales [1]