Edmond Picard

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Edmond Picard
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Sénateur belge
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Edmond Picard est un jurisconsulte et écrivain belge, né à Bruxelles le et mort à Dave le .

Il est le fondateur en 1881 du Journal des Tribunaux, des Pandectes belges, qu'il rédige avec Napoléon d'Hoffschmidt, et de la revue L'Art moderne. Avocat à la cour d'appel de Bruxelles et à la Cour de cassation il est bâtonnier, professeur de droit, écrivain, dramaturge, sénateur socialiste, journaliste et mécène. Il est aussi un influent théoricien antisémite.

C'est aussi un socialiste de la première heure, avant la création du parti ouvrier belge. Il se range parmi les libéraux progressistes. Il se prononce rapidement pour l'adoption du suffrage universel masculin en Belgique. Il est notamment l'auteur d'un Manifeste des ouvriers, publié en 1866, dans lequel il réclame « l'égalité dans le droit de suffrage »[1]. Il fait partie de la franc-maçonnerie[2].

Avec son épouse, Adèle Olin, ils constituent une collection d'art reconnue[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Il est élevé par un père franc-maçon et une mère catholique pratiquante[4].

Après trois ans passés dans la marine marchande, Edmond Picard entame de brillantes études de droit à l’Université libre de Bruxelles où son père, David Picard, est professeur.

Juriste, il initie les Pandectes belges et fonde le Journal des tribunaux où il compte Iwan Gilkin (1858-1924) et Émile Verhaeren (1855-1916) parmi ses stagiaires tandis que l'un de ses collaborateurs n'est autre que l'écrivain Georges Rodenbach (1855-1898).

En 1882, il intervient dans le cadre de l'affaire Peltzer en qualité de conseil d'Armand Peltzer[5].

Passionné de littérature et écrivain lui-même, il fonde en mars 1881 avec entre autres Octave Maus et Eugène Robert la revue L'Art moderne qui prône un « art social » en réaction à « l'art pour l'art » que défend La Jeune Belgique. Cela lui vaut même un duel sans gravité avec Albert Giraud (1860-1929). Henri Nizet le caricature avec férocité sous les traits d'un auteur dénommé « Lenormand » dans son roman Les Béotiens en 1884. Il soutient la défense de Camille Lemonnier lors du procès où celui-ci est accusé d'atteinte aux bonnes mœurs.

Figure importante du mouvement symboliste, il est proche de la plupart des écrivains et artistes de la fin de siècle. Odilon Redon illustre Le Juré.

Mécène, il soutient Auguste Rodin (1840-1917) qu'il expose en 1899 dans son propre hôtel particulier.

Entamant une carrière politique, il est l'un des premiers sénateurs socialistes de Belgique, mais ses opinions teintées d'antisémitisme ternirent son image.

Il est proche de l'écrivain naturaliste Léon Cladel. Picard fréquente et vit un temps avec sa fille, de 40 ans sa cadette Judith Cladel, la romancière biographe de Rodin[6].

Considéré comme l'inventeur de "l'âme belge", il est l'un des moteurs d'un nationalisme naissant à cheval entre le XIXe et le XXe siècle[7]. Comme d'autres intellectuels, il affiche une posture patriotique et peint un portrait aux teintes héroïques de la Belgique, martyre de la Première Guerre mondiale et sous l'occupation allemande[8]. L'auteur relate ses souvenirs dans plusieurs journaux intimes et cahiers de guerre, conservés à KBR (ms III 228[9]) et aux Archives et Musées de la Littérature. Après cette expérience catastrophique, il donne ses démissions comme avocat à la Cour de Cassation en 1920 et quitte par la suite Bruxelles. Il meurt en 1924 à l’âge de 87 ans à Dave, près de Namur[10].

Théoricien antisémite et raciste[modifier | modifier le code]

Théories racistes[modifier | modifier le code]

Edmond Picard a également été un apologue débridé de l'antisémitisme et du racisme, qu'il est attaché à légitimer sur le plan théorique. Toute sa vie politique, il professe cette haine[11]. Selon lui « les races, l’Histoire le démontre, sont antagonistes », ou « antagoniques ». « Les races demeurent identiques à elles-mêmes », dit-il : « Ce sont là des espèces aussi nettement séparées que celles des animalités proprement dites ». Les Sémites sont « les races parasitaires », les Juifs sont « la peste ». Il va jusqu'à nier que Jésus-Christ était juif et est récusé par l'Église [4].

Dans son essai publié en 1896, En Congolie, il écrit à propos des Noirs : « Comme le singe, le noir est imitateur. […] C'est cette dextérité indéniable qui, sans doute, a fait naître l'illusion d'une assimilation complète, par ceux qui n'aperçoivent pas l'abîme qui sépare le simple imitateur du créateur. Là, en vérité, semble posée la borne infranchissable. »[12].

Perception[modifier | modifier le code]

Certains écrits d'Edmond Picard ne sont pas indemnes de propos que l'on peut qualifier aujourd'hui de racistes voire de racialistes (ce dernier terme étant plus approprié sur le plan idéologique et politique)[réf. nécessaire].

Dans un essai, Foulek Ringelheim écrit en 1999 que : « Picard professa pendant quarante ans, jusqu'au dernier jour de sa vie en 1924, les formes les plus effroyables du racisme et de l'antisémitisme. Il ne fut pas un antisémite ordinaire comme beaucoup l'étaient à l'époque. Il avait horreur du conformisme. Il fut un antisémite enragé. En cela il fut véritablement grand ; le plus grand antisémite de son pays, le Drumont belge : un compliment qui l'aurait ravi. S'il est vrai que l'antisémitisme a été la maladie des sociétés européennes de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, Edmond Picard a été un grand malade. Il fut le vulgarisateur de l'antisémitisme racial. Voilà pourquoi on évite de trop soulever le couvercle du sarcophage où il gît embaumé. Le mépris des races inférieures et la haine des Juifs ont fixé toute sa vision du monde, ont déterminé toutes ses conceptions sociales, juridiques, littéraires, « scientifiques ». De même que les mordus de la cuisine italienne mettent du basilic dans tous les plats, Picard assaisonnait tous ses écrits d'épices raciologiques. La race était pour lui le facteur fondamental de toute civilisation. Ce sénateur socialiste fut en vérité un préfasciste. »[13].

De son côté, Bernard-Henri Lévy le qualifie dès 1981 de « premier disciple conséquent d'Arthur de Gobineau », et ajoute qu'il est « l'un des fondateurs du national-socialisme à la française. »[14].

Postérité à Bruxelles[modifier | modifier le code]

Un buste d'Edmond Picard est exposé au Palais de justice de Bruxelles. En 1994, l'avocat Michel Graindorge renverse ce buste en invoquant le caractère antisémite de Picard[15]. Graindorge est condamné en première instance. Lors des débats en appel, l'avocat général déclara que « Le geste de renverser le buste d'un salaud est-il honorable ? Dans ce cas, il y aurait tant d'autres statues que l'on pourrait renverser au palais »[16]. Le , la Cour d'appel de Bruxelles lui accorde la suspension du prononcé de la condamnation[17]. En 1998, le buste est replacé par le conservateur du Palais[18].

Une rue Edmond Picard est créée dans le cadre du « Plan général d'alignement et d'expropriation par zones du quartier Berkendael » (1902-1904), à cheval sur les communes d'Ixelles (1-43, 2-52) et d'Uccle, reliant la place Georges Brugmann à la rue Vanderkindere[19]. Le 16 juin 2022, une réunion commune des collèges des bourgmestre et échevins d'Ixelles et d'Uccle a marqué la volonté de renommer la rue Edmond Picard en rue Andrée Geulen, une enseignante de l’Institut Gatti de Gamond, qui a caché des enfants juifs sous l’occupation et qui s’est vu décerner le titre de Juste parmi les Nations en 1989. Cette procédure est en cours[réf. nécessaire].

Il est inhumé au cimetière de Laeken[réf. souhaitée].

Publications[modifier | modifier le code]

Edmond Picard d'après le buste de Louis Mascré (1918)
  • Les Rêveries d'un stagiaire. Poésies, 1879 ;
  • La Forge Roussel, scènes de la vie judiciaire, 1881 ;
  • L'amiral, 1883 ;
  • Le Juré, 1886 ;
  • Désespérance de Faust, prologue pour le théâtre en 4 scènes ([lire en ligne])
  • Pandectes belges, encyclopédie de législation, de doctrine, de jurisprudence belges, 151 volumes parus de 1878 à 1933 ;
  • Synthèse de l'antisémitisme, 1892, réédité en 1942 ;
  • En Congolie, Bruxelles, Paul Lacomblez,
  • Jéricho, 1901 ;
  • Ambidextre journaliste, 1904 ;
  • Le Droit Pur, Paris, Flammarion, coll. « Bibliothèque de philosophie scientifique »,  ;
  • La Libre Académie, Charte de Fondation, Éditions Larcier, , 32 p. ;
  • Les Constantes du droit, Paris, Flammarion, coll. « Bibliothèque de philosophie scientifique »,  ;

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Charles Gheude, « Edmond Picard », L'Humanité nouvelle,‎ , p. 48 (lire en ligne)
  • Guy Rommel, Lettre à un ami,
  • Marcel Detiège, Raoul Ruttiens et Guy Rommel, juge de paix de Saint-Gilles, Edmond Picard, défenseur de l’âme belge, La Dryade
  • Foulek Ringelheim, Edmond Picard, jurisconsulte de race, Éditions Larcier,
  • Paul Aron et Cécile Vanderpelen-Diagre, Edmond Picard (1836-1924). Un bourgeois socialiste belge à la fin du dix-neuvième siècle. Essai d'histoire culturelle, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, coll. « Thèses et Essais »,
  • Willy Van Eeckhoutte, Genius, grandeur en gêne. Het Fin de Siècle rond het Justitiepaleis te Brussel en de controversiële figuur van Edmond Picard, (ISBN 978-9-460-35381-9)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Pascal Delwit, La vie politique en Belgique de 1830 à nos jours, Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, 2010, p. 53
  2. Andries Van den Abeele, De kinderen van Hiram, Roularta Books, Zellik, 1991
  3. Paul Aron, Cécile Vanderpelen, Malou M.-Louise Haine et Denis Laoureux, « L'esthète collectionneur: contenu et fonction de la collection d'Edmond Picard », Bruxelles, Convergence Des Arts 1880-1914,‎ , p. 313–337 (ISBN 9782711624904, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Henri, Pierre., Grands avocats de Belgique, Editions J.M. Collet, (OCLC 13668127, lire en ligne)
  5. Marc Metdepenningen, Les grands dossiers criminels en Belgique, Vol. 1, éditions Lannoo, 2005 - p. 342, (ISBN 9782873864378), pp. 33-43
  6. Fabrice Van de Kerckhove (éd.), Edmond Picard - Léon Cladel. Lettres de France et de Belgique (1881-1889), Bruxelles, Archives et musée de la littérature, 2009, pages 318-322.
  7. Jean C. Baudet, « De l'âme belge à la belgitude », Outre-Terre, vol. N° 40, no 3,‎ , p. 391 (ISSN 1636-3671 et 1951-624X, DOI 10.3917/oute1.040.0391, lire en ligne, consulté le )
  8. Sophie De Schaepdrijver, « Deux patries - La Belgique entre exaltation et rejet, 1914-1918 », Cahiers d'Histoire du Temps présent, n° 7,‎ (lire en ligne)
  9. Edmond Picard, Journal de guerre 1914-1918 d'Edmond Picard = [ms. III 228], (lire en ligne)
  10. Bart Coppein, « Edmond Picard (1836-1924), avocat bruxellois et belge par excellence de la deuxième moitié du xixe siècle », dans Les praticiens du droit du Moyen Âge à l'époque contemporaine : Approches prosopographiques (Belgique, Canada, France, Italie, Prusse), Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-3080-5, DOI 10.4000/books.pur.4600, lire en ligne), p. 225–237
  11. Serge Deruette, La vie en rose : réalités de l'histoire du Parti socialiste en Belgique, , p. 51
  12. Edmond Picard, En Congolie, Bruxelles, édition Paul Lacomblez, 1896, pages 79-80.
  13. Foulek Ringelheim, Edmond Picard, jurisconsulte de race, éd. Larcier, 1999, pages 10 et 11.
  14. B.-H. Lévy (1981), L'Idéologie française, Paris, éd. Le Livre de poche, page 124.
  15. Christian Laporte, "Le buste d'Edmond Picard projeté à terre au palais de Justice de Bruxelles. Me Graindorge revendique un «attentat»", Le Soir, 18 février 1994
  16. Jean-Pierre Borloo, "Michel Graindorge en appel en tant que prévenu", Le Soir, 24 octobre 1995
  17. Belga, "Suspension du prononcé pour Me Graindorge", Le Soir, 28 novembre 1995
  18. Jean-Pierre Borloo, "Edmond Picard réhabilité... par hasard?", Le Soir, 19 mai 1998
  19. « Rue Edmond Picard – Inventaire du patrimoine architectural », sur monument.heritage.brussels (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]