Civitas (mouvement)

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Civitas
Cadre
But Lobbying traditionaliste
Zone d’influence France
Fondation
Fondation 1999
Identité
Siège Argenteuil
Président Alain Escada
Affiliation Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X
Méthode Formations, conférences, manifestations
Membres 1000 revendiqués en 2013
Publication Civitas — Revue catholique des questions politiques et sociales
Site web www.civitas-institut.com

Civitas, connu aussi sous le nom de France Jeunesse Civitas ou Institut Civitas, est une association généralement considérée comme catholique intégriste[1],[2],[3], « national-catholique »[4] et d'extrême droite[5],[6],[7],[8]. L'association se définit elle-même comme un « lobby catholique traditionaliste »[3]. Ce groupe est proche de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) fondée par l'évêque Marcel Lefebvre en 1970[9] à laquelle appartient son aumônier principal[10].

Historique

L'institut Civitas existe depuis 1999. Il est, avec ICHTUS, un des héritiers du mouvement de laïcs intégristes La Cité catholique[11] fondé par l'intellectuel vichyste[12] Jean Ousset.

Son essor médiatique date de l'arrivée à sa tête d'Alain Escada, militant d'extrême droite belge issu du courant national-catholique[13], ancien cadre du Front nouveau de Belgique (FNB), qui devient en 2009 secrétaire général de l'association. En 2012, Escada succède à l'amiral François de Penfentenyo à la présidence de Civitas.

Civitas milite pour la « rechristianisation » de la France et de l'Europe. L'association se définit comme un mouvement social et politique du « lobby catholique traditionaliste »[3], un « mouvement dont le but est la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ »[14] qui ne se contente pas d'intervenir dans le débat d'idées, mais propose aussi « [...] des stages techniques [...] consist[ant] en un entraînement aux techniques de discussions face à la dialectique subversive, à un apprentissage des savoir-faire fondamentaux pour pratiquer une action efficace : prise de parole en public, organisation de réunions, lancement d'associations, comment mener une action concrète, etc[15]. ».

L'institut Civitas revendique début 2013 plus de 1 000 adhérents et 170 000 « sympathisants » abonnés à sa mailing list[16]. Civitas nourrit des ambitions pour les élections municipales de 2014, visant l'implantation de 300 élus formés par leurs soins[17].

Pour l'historien Étienne Fouilloux, les militants de l'association, en prônant l’établissement de la royauté sociale du Christ sur terre, contestent le régime républicain lui-même. Selon-lui, Civitas joue dans les mouvements catholiques « un rôle homologue à celui des trotskystes ou des anarchistes dans les manifestations de gauche (...) [celui d']une minorité agissante moins soucieuse de solutions concrètes que de tension révolutionnaire (ou contre-révolutionnaire) »[18].

Principales actions

Opposition à une pièce de théâtre

Le mouvement Civitas se fait remarquer en 2011 à Paris en manifestant plusieurs soirs de suite en opposition à des pièces de théâtre notamment celle de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu présentée au théâtre de la Ville — une représentation est interrompue par des militants qui montent sur scène ou jettent des œufs et de l'huile de vidange sur les spectateurs à l'extérieur[19] — mais aussi devant le théâtre du Rond-Point où se jouait la pièce de théâtre Golgota picnic de Rodrigo García qu'il jugeait blasphématoire[20]. Civitas dénonce ce qu'il appelle la « christianophobie » et organise alors une manifestation plus importante le 29 octobre 2011, tandis que le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence épiscopale de France, rappelle que ces manifestants « ne disposent d’aucun mandat pour défendre l’Église »[21].

Condamnations

34 personnes interpellées en marge de la représentation de la pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu » en octobre 2011[22] sont jugées début 2013 devant le tribunal correctionnel de Paris pour « entrave à la liberté d'expression ». Le ministère public requiert alors jusqu’à 5000 euros d’amende. Deux personnes sont relaxées, trois condamnées à des amendes fermes de 1500, 1800 et 2000 euros. Les autres de 600 à 800 euros[23],[24].

Opposition au mariage entre personnes de même sexe

Manifestation « Non à l'homofolie », le 18 novembre 2012.

En juin 2012, Civitas sort un tract avec le slogan « Confieriez-vous des enfants à ces gens-là ? ». Sur la photo prise lors de la Marche des fiertés, on peut voir deux hommes nus[25].

En novembre 2012, Civitas organise une manifestation, partant du ministère de la Famille pour se rendre devant l'Assemblée nationale, contre le projet de « mariage pour tous » ; le mouvement réunit ainsi, selon les sources policières, jusqu'à 8 000 personnes contre l'« homofolie »[26].

Le 13 janvier 2013, le collectif La Manif pour tous — dont est exclu Civitas[27] — appelle à un rassemblement national contre le projet de loi. Les militants Civitas qui dénoncent le « concept Barjot » se retrouvent au départ de la place Pinel[28]. Ils protestent contre le mariage gay avec pour mot d'ordre « catholiques pour la famille ». Les organisateurs revendiquent 50 000 personnes, tandis que les forces de l'ordre en comptent 8 000[29] et les reporters de différents médias comme LeMonde.fr[30], le Nouvelobs.com[31]ou lexpress.fr[32] parlent de « quelques milliers de manifestants ».

Opposition à la « théorie du genre »

Fin janvier 2014, Civitas apporte son soutien à Farida Belghoul, l'instigatrice des journées de retrait de l'école pour lutter contre ce qu'elle appelle la « théorie du genre », supposée être enseignée dans les établissements publics. Dans le contexte de cette opposition, l'institut doit faire face à une polémique au sujet d'une photo relayée sur son site montrant une professeur d'éducation sexuelle dans des positions douteuses[33]. Accusé par la presse et ses opposants de propager une contre-vérité[34] (la photo venait du Canada), Civitas se justifie en assurant qu'elle n'avait pas les moyens d'authentifier les origines de l'image et que cela n'enlève rien à son caractère choquant. En réponse, le journal Le Monde publie un article démontrant que n'importe qui pouvait authentifier rapidement l'origine des images en question[34].

Une nouvelle polémique surgit quelques jours plus tard quand Civitas appelle à harceler la chaine de télévision Arte pour interdire la diffusion du film Tomboy, salué par la critique, mais que Civitas dénonce comme faisant de la « propagande pour l’idéologie du genre ». Civitas déclare que « Ce film ne répond pas à la mission d’Arte qui est de "concevoir, réaliser et diffuser des émissions de télévision ayant un caractère culturel" ». Civitas appelle à « protester poliment mais fermement ! Par téléphone, par fax ou par mail »[35],[36].

Controverses

Civitas à la manifestation du 13 janvier, place Pinel.

Les actions contre la pièce de Romeo Castellucci entraînent la désapprobation tant de la mairie de Paris que de hauts dignitaires catholiques[37].

Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, juge « déplacé » le mot d'ordre de la manifestation du 18 novembre 2012 organisée par Civitas : « Non à l'homofolie ». Des incidents surviennent en marge de cette manifestation. Des féministes du groupe Femen, torse-nu et portant une caricature d'habit de nonne, utilisent des extincteurs à poudre pour asperger des manifestants[38] dont, d'après les organisateurs, des enfants. La journaliste Caroline Fourest, un photographe de l'AFP et des Femen[39] sont pris à partie[40] et pour certains, frappés[41],[42]. La police procède à cinq interpellations. Après ces incidents, six députés socialistes[43] demandent la dissolution de Civitas[44].

Selon l'historienne Galia Ackerman, c'est le service d'ordre de Civitas qui a attaqué les Femen[45]. Selon l'écrivain René Guitton, « L'institut intégriste avait voulu se distinguer des autres courants catholiques en initiant sa propre marche, celle en marge de laquelle des militantes féministes et des journalistes furent agressés par des participants au défilé »[46]. D'après Civitas, la manifestation a été « victime » des militantes du mouvement féministe[38]. De son côté, Jacques Bompard, député-maire d'Orange, dénonce les féministes qui selon lui sont responsables des débordements[47]. Civitas annonce avoir déposé plainte[48] pour exhibition contre ces dernières[49]. Caroline Fourest, qui a été victime de violences, a elle aussi porté plainte[50].

Publications

L'institut Civitas édite également une revue trimestrielle intitulée : Civitas – Revue catholique des questions politiques et sociales. Elle relate l'actualité du mouvement et analyse les grands thèmes politiques d'actualité.

Voir aussi

Bibliographie

  • Étienne Pinte et Jacques Turck (avec la collaboration de Jacques Duplessy) , Extrême droite, pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire, Éditions de l'Atelier, 2012, page 10.
  • Jacques Leclercq, De la droite décomplexée à la droite subversive. Dictionnaire 2010-2012, Paris, L’Harmattan, 2012, page 176 et suivantes.

Articles connexes

Liens externes

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Notes et références

  1. « L'institut Civitas va porter plainte contre les Femen », Libération, 20 novembre 2012.
  2. Manif pour tous, Civitas, Printemps français... la nébuleuse des anti-mariage gay, L'Express, 16/4/2013
  3. a b et c « Civitas, le lobby catho qui flirte avec l'extrême droite », Rue89, 14 novembre 2011.
  4. Étienne Pinte, Jacques Turck, Extrême droite: Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire, Éditions de l'Atelier, 2012 , page 10.
  5. « Violences de l'extrême droite : les appels à la dissolution de Civitas se multiplient », Le Point, 19 novembre 2012.
  6. Civitas, à l’extrême-droite de Dieu, Paris Match, 22/11/2012
  7. Jacques Leclercq, De la droite décomplexée à la droite subversive. Dictionnaire 2010-2012, Paris, L’Harmattan, 2012, page 176 et suivantes.
  8. René Terrier, Pourquoi je ne suis plus catholique, Éditions de Brogny, 2012, page 259.
  9. « Civitas, l’institut qui rêvait de rechristianiser la France », slate.fr, 21 septembre 2012.
  10. « Qui sont les cathos intégristes de Civitas ? », ladepeche.fr, 19 novembre 2012.
  11. Émile Poulat, Modernistica, éd. Nouvelles Éditions Latines, 1981, p. 55 ; Étienne Fouilloux, Les chrétiens français entre crise et libération : 1937-1947, éd. Seuil, 1997, p. 268.
  12. Jérôme Cotillon, Ce qu'il reste de Vichy, Armand Colin, , p. 238
  13. Jean-Yves Camus, Les extrémismes en Europe : état des lieux en 1998, éd. de l'Aube, 1998, p. 108 ; Stephen Roth Institute, Antisemitism Worldwide, 2000/1, University of Nebraska Press, 2002, p. 92
  14. christ-roi.net
  15. Site officiel
  16. « Civitas en croisade », franceinfo.fr, 10 janvier 2013.
  17. « Portrait de Civitas, entre coups d'éclat et intégrisme en ligne », franceinfo.fr, 10 janvier 2013.
  18. Étienne Fouilloux, « Ré flexions d’historien sur la loi Taubira », Lumière et vie, no 298,‎ , p. 100
  19. « À qui déplaît le “visage du fils de Dieu” ? », Le Point, 24 octobre 2011.
  20. « 220 arrestations en 7 jours suite à une pièce de théâtre », lefigaro.fr, 26 octobre 2011.
  21. « Une manifestation “anti-christianophobie” aux multiples visages », La Croix.com, 30 octobre 2011.
  22. Armelle Héliot et Flore Galaud, « 220 arrestations en 7 jours suite à une pièce de théâtre », Le Figaro,
  23. « 32 catholiques intégristes condamnés pour avoir perturbé une pièce de théâtre », Sud Ouest, 21 juin 2013.
  24. « Paris : 32 catholiques intégristes condamnés pour avoir perturbé une pièce de théâtre », Le Parisien, 21 juin 2013.
  25. « Les catholiques intégristes préparent leurs armes contre le mariage des homos », tetu.com, 12 juin 2012.
  26. « Mariage gay : les catholiques intégristes de Civitas sont descendus dans la rue », France Info, 18 novembre 2012.
  27. « Les organisateurs de la “Manif pour tous” refusent tout “amalgame” avec Civitas », la-croix.com, avec AFP, 13 janvier 2013.
  28. Une photo des militants des Jeunesses nationalistes au départ de la manifestation de Civitas sur le site de Marianne : « Mariage gay : pourquoi il fallait rester chez soi dimanche », Marianne, 14 janvier 2013.
  29. « “Manif pour tous” : intégristes et identitaires ont manifesté à part », bfmtv.com, 13 janvier 2013.
  30. « Les catholiques intégristes sont arrivés à Port-Royal. Le cortège est composé de quelques milliers de manifestants. Un groupe des jeunesses nationalistes est présent, avec une centaine de skinheads. Ils sont toujours très encadrés par la police pour prévenir tout débordement. », in « Le point sur le cortège Civitas », Le Monde, 13 janvier 2013.
  31. « Ce dimanche 13 janvier, quelques milliers de manifestants opposés au mariage entre personnes de même sexe ont répondu présents à l’appel lancé par l’institut Civitas, proche des catholiques intégristes. », in Audrey Salor, « Civitas dans la rue : “Nous, on n'aime pas les homos” », Le Nouvel Observateur, 13 janvier 2013.
  32. « Les catholiques intégristes et nationalistes, fortement encadrés par la police, ont répondu dimanche à l'appel de Civitas. Ils étaient quelques milliers à défiler en marge des trois défilés organisés par “La Manif pour tous”. », in « Mariage contre le mariage gay : les intégristes de Civitas ont défilé à part », LEXPRESS.fr avec AFP, 13 janvier 2013.
  33. Éducation sexuelle à l’école ': Civitas publie des photos détournées, bfmtv.com, 19 févier 2014.
  34. a et b Petit précis de recherche d’images à l’intention de Civitas, decodeurs.blog.lemonde.fr/, 19 février 2014.
  35. Quentin Girard, «Tomboy» : Civitas appelle à harceler Arte, Libération, 18 février 2014, texte intégral.
  36. », europe1.fr, 19 févier 2014.
  37. « La mairie de Paris porte plainte contre un groupe de fondamentalistes chrétiens », Le Monde.fr, 22 octobre 2011.
  38. a et b « Mariage des homos : Civitas va porter plainte contre les militantes de Femen », francetvinfo.fr, 20 novembre 2012.
  39. « Au cours de la manifestation organisée dimanche par l'institut Civitas contre le mariage gay, des militantes du mouvement féministe ukrainien Femen ont été agressées. Le reportage photo de notre envoyé spécial, Mehdi Chebil. », in « En images : des féministes agressées lors d'un défilé anti-mariage gay », France 24, 19 novembre 2012.
  40. Audrey Salor, « Civitas, ces catholiques intégristes coutumiers des coups de poing », Le Nouvel Observateur, 10 janvier 2013.
  41. « Civitas manifeste contre le “mariage pour tous”, des militantes féministes agressées », Le Monde, 18 novembre 2012.
  42. « Mariage homo : les opposants mobilisent, l'exécutif reste ferme », Le Monde, 19 novembre 2012.
  43. « Des députés PS demandent la dissolution de l'organisation Civitas », Le Nouvel Observateur, 19 novembre 2012.
  44. Roseline Letteron, « Dissolution de l'Institut Civitas, sur quel fondement juridique ? », Contrepoints, 21 novembre 2012.
  45. Galia Ackerman, Anna Houtsol, Inna Chevtchenko, Femen, Calmann-Lévy, 2013, page 259.
  46. René Guitton, La France des intégristes extrémistes juifs, chrétiens, musulmans, Flammarion, 2013, extrait en ligne.
  47. « Manifestation de Civitas : Jacques Bompard accuse les féministes », BFM-TV, 19 novembre 2012.
  48. « Que reproche Civitas aux militantes du Femen ? », francetvinfo.fr, 20 novembre 2012.
  49. « Civitas porte plainte pour exhibition contre les Femen », Metrofrance, 20 novembre 2012.
  50. « Passée à tabac, Caroline Fourest porte plainte », Le Nouvel Observateur avec AFP, 19 novembre 2012.