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Ludger Duvernay

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Ludger Duvernay
Illustration.
Portrait par Jean-Baptiste Roy-Audy, 1832
Fonctions
Député à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada
District de Lachenaie n° 2

(10 mois et 1 jour)
Groupe politique Parti patriote
Prédécesseur Jean-Marie Rochon
Successeur Dernier titulaire
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Verchères
Date de décès (à 53 ans)
Lieu de décès Montréal
Sépulture Cimetière Notre-Dame-des-Neiges
Nationalité canadienne
Parti politique Parti patriote
Profession Imprimeur
Éditeur
Journaliste

Ludger Duvernay, né le à Verchères et mort le à Montréal, est un imprimeur, éditeur, journaliste, et homme politique du Bas-Canada[1]. Il est député à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada pour le Parti patriote, responsable de la publication du journal La Minerve et l'un des fondateurs de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

Biographie

Origines, enfance et formation

Origines familiales

Du côté paternel, Ludger Duvernay est issu de la sixième génération de la famille Crevier-Duvernay. Son premier ancêtre en sol québécois était Christophe Crevier, arrivé en Nouvelle-France en 1639, accompagné par sa femme, Jeanne Énard[2]. Boulanger de profession, Christophe Crevier s'installa rapidement sur une concession lui ayant été accordée à l'île Saint-Christophe, directement à l'embouchure de la rivière Saint-Maurice[2]. De cette première souche familiale en Mauricie, les fils de Christophe s'établirent à Saint-François-du-Lac, au Cap-de-la-Madelaine et dans les environs de Montréal. C'est à cette dernière branche de la famille Crevier à laquelle se rattache Ludger Duvernay[2]. Le patronyme Duvernay serait apparu une première fois comme surnom, en 1675, dans un acte de vente contresigné par le fils de Christophe, Jean-Baptiste. L'emploi du nouveau patronyme débuta alors ainsi[3].

La famille Crevier-Duvernay avait été active dans la traite des fourrures et le notariat. Ainsi, Jean-Baptiste Crevier sera un commerçant de fourrure dans la région de Montréal. Son petit fils, Jacques Crevier Duvernay reçut une commission de notaire royal de la part de l'Intendant Gilles Hocquart en 1748[4]. La charge se transmit ensuite au fils de Jacques, Pierre, qui pratiqua le notariat entre 1762 et 1801 sur la Rive-Sud de Montréal[4].

Élisabeth Bégon, autrice épistolaire reconnue et ancêtre maternelle de Ludger Duvernay.

Du côté maternel, Ludger Duvernay est issu d'une famille de la « petite-noblesse » de la Champagne, en France[4]. Le premier ancêtre maternel de Duvernay s'étant établi en Nouvelle-France était Étienne Rocbert de la Morandière, nommé garde-magasinier du magasin du roi à Montréal en 1690 et débarqué aussitôt pour y occuper ses fonctions[4]. Rocbert de la Morandière mit ensuite sur pied une prospère maison de commerce et bénéficia d'une situation enviable sur le plan économique, héritage qu'il légua par la suite à ses fils, notamment Louis-Joseph, qui reprendra sa charge de magasinier du magasin du roi[5]. Une de filles d'Étienne, Élisabeth Bégon, épousa un personnage important de la colonie, Claude-Michel Bégon de la Cour, Lieutenant de vaisseau dans la Marine française qui était devenu gouverneur des Trois-Rivières en 1743[6]. Élisabeth passa à la postérité pour ses relations épistolaires, dont les Lettres au cher fils, qui donnèrent un aperçu des dernières années du Régime français en Nouvelle-France[7]. Le grand-père maternel de Ludger, François-Abel-Étienne Rocbert de La Morandière a pour sa part été Lieutenant dans les troupes de la Marine, dirigeant un bataillon envoyé pour combattre Pontiac, en sa qualité de capitaine[8].

Étienne Rocbert de la Morandière, ancêtre maternel de Ludger Duvernay.

Un milieu familial modeste

La famille Duvernay-Rocbert de La Morandière est établie dans le village de Verchères, sur la Rive-Sud de Montréal. Joseph-Marie Duvernay a uni son destin, en seconde noce, avec celui de Marie-Anne-Julie Rocbert de La Morandière, le 17 avril 1792, à Varennes.

Très peu de choses sont connues à propos de l'enfance de Ludger Duvernay[9]. Son père, Joseph Crevier Duvernay, était à la fois cultivateur et maître-charpentier. Bien que la prospérité ne fut pas toujours au rendez-vous, il semble que le foyer réussissait à vivre dans une aisance relative[10]. La famille Duvernay, comme toutes les familles de cultivateurs de l'époque, était soumise aux fluctuations de la demande sur le marché impérial du grain[10]. Le début des années 1800 est relativement propice aux rendements, mais la chute des prix et de la demande des produits agricoles au début des années 1810 créent des conditions économiques bien plus difficiles pour les familles rurales de la Vallée du Saint-Laurent. Notamment, on enregistre une baisse de 27 % des exportations agricoles[10].

Monument à la mémoire de Madeleine de Verchères, situé dans le village natal de Ludger Duvernay sur la Rive-Sud de Montréal.

Éducation

Malgré la modestie dans laquelle évolue la famille, il semble que l'éducation était placée au premier rang des préoccupations des parents du jeune Ludger[11]. Sa mère, Marie-Anne-Julie Rocbert de La Morandière, souhaitait ardemment que ses enfants puissent mener des carrières dans les professions libérales[4].

Il semble que le jeune Ludger reçut d'abord une éducation catholique assez rudimentaire auprès du curé de la paroisse Saint-François-Xavier de Verchères[10].

L'instituteur Labadie, une influence hâtive et un concours important pour la suite

En plus des cours rudimentaires qu'il reçoit de la part du curé du village, le jeune Duvernay bénéficie de l'enseignement d'un instituteur réputé du Québec d'alors, Louis Généreux Labadie.

Labadie était alors un instituteur de grand renom au Bas-Canada. En grande demande pour fonder et mener des écoles paroissiales, il fut instituteur dans des villes aussi variées que Rivière-Ouelle, Kamouraska, Berthierville, Saint-Eustache et Varennes[12]. En dehors de ses activités d'enseignement, il rédigeait des poèmes patriotiques en l'honneur du roi George III et des gouverneurs de la colonie, ce qui lui valu le sobriquet d'«instituteur patriotique »[13].

L'instituteur, qui jouit d'une grande réputation à l'échelle du Bas-Canada, devient rapidement une référence en matière de pédagogie. C'est à Verchères, chez Ludger Duvernay qu'il trouve vraisemblablement un des étudiants les plus brillants de sa carrière. Il est parfois noté que le seul véritable bagage intellectuel « scolaire » de Ludger se trouve dans l'enseignement de Labadie, et ce, malgré son caractère sommaire. En effet, le journal de l'instituteur démontre bien qu'il connaissait bien mal les règles de grammaire et de conjugaison du français écrit[13].

C'est probablement Labadie qui agit comme le plus grand partisan de l'introduction de Duvernay dans le monde de l'imprimerie. D'abord, il est vraisemblable que ce soit dans l'école de l'instituteur que Duvernay se passionna pour la presse écrite. L'absence de livres, en raison de leur coût et de leur rareté, forçait l'enseignement de la lecture par le biais de journaux, moins coûteux et plus disponibles[13]. Ensuite, Labadie encouragea son élève à se diriger vers le métier d'imprimeur. Selon ce dernier, l'imprimerie était la profession pour permettre à Duvernay de devenir « un homme de génie de Connaissance et de Lettre par la suite. Car dans cette vocation vous ne pouvez qu'être un homme éclairé »[14]. En effet, le père de Ludger Duvernay était opposé à ce que son fils fasse l'apprentissage de l'imprimerie à Montréal, mais l'appui de l'instituteur Labadie achèvera de convaincre ce dernier, sinon, de taire son opposition[15].

Apprentissage de l'imprimerie au journal Le Spectateur

Ludger Duvernay effectue son apprentissage au journal Le Spectateur, fondé par Charles-Bernard Pasteur[16]. Le journal, publié pour la première fois le , adopte généralement une tendance favorable envers le régime britannique, évoquant dans ses pages, à titre d'exemple, les exploits des troupes lors de la guerre de 1812[16]. Au cours de son histoire, le journal changera de nom pour devenir à partir de 1815 Le Spectateur canadien puis The Canadian Spectator en 1820[16].

Dès le [9], une annonce est publié dans ses pages concernant la recherche d'un nouvel apprenti à son imprimerie. Le propriétaire du journal ajoute quelques qualités aux considérations nécessaires pour le choix du nouvel employé : « On a besoin comme APPRENTI dans cette Imprimerie, d'une Jenne Garçon bien élevé et d'honnête famille. Il faut qu'il sache lire et écrire la langue Françoise »[15].

Ainsi, à seulement 14 ans, Ludger Duvernay est sélectionné comme apprenti dans l'imprimerie de Charles-Bernard Pasteur à l'été 1813. Le père du jeune homme, Joseph-Marie Duvernay, signe le contrat d'apprentissage engageant son fils vis-à-vis Pasteur malgré ses réticences[17]. C'est dans cet atelier de Montréal qu'il apprendra les techniques de l'imprimerie de l'époque. Rapidement, il devient un élément essentiel au bon fonctionnement de la petite entreprise. Pasteur confie des responsabilités de plus en plus importantes à son jeune protégé. Duvernay devient la référence pour les questions d'impression en l'absence de Pasteur, ce qui semble témoigner de la confiance de ce dernier[14].

En 1815, un terme est mis à la période d'apprentissage du jeune homme, qui est directement engagé comme employé dans l'imprimerie de Pasteur. En plus de son service professionnel, le jeune développa des relations amicales avec la famille Pasteur, chez qui il vit en pension[18]. La fille de Charles-Bernard Pasteur, Cécile, note le caractère affable et gai du jeune homme, allant jusqu'à écrire à la mère de Ludger pour lui en témoigner[18].

En 1817, Ludger Duvernay, qui vient d'avoir 18 ans, décide de quitter l'atelier de la famille Pasteur pour se lancer dans la mise sur pied d'un nouvel atelier à Trois-Rivières[14].

L'imprimerie au Bas-Canada, un métier rare et essentiel
Premiers contacts avec les questions politiques à Montréal

L'arrivée à Montréal aura été l'occasion pour Duvernay d'entrer en contact avec les milieux intellectuels de la ville. En effet, il s'initie aux cercles lettrés montréalais au contact de l'élite intellectuelle qui se rencontre à la librairie d'Hector Bossange, située sur la rue Saint-Vincent, À Montréal[19]. Il a également l'occasion de rencontrer Henri-Antoine Mézière, journaliste et fonctionnaire, devenu un associé de Charles-Bernard Pasteur. Ce dernier est un partisan du républicanisme français, qu'il a défendu dans ses jeunes années[20]. Mézière avait travaillé pour le compte de la première République Française, ayant soutenu l'idée que les Canadiens-Français seraient prêts à se soulever contre le régime britannique si la France leur en offrait la possibilité. Il était même devenu « agent politique » pour le compte du ministre de la République aux États-Unis, Edmond-Charles Genêt, qui avait comme mission de soulever les Canadiens-Français contre l'autorité anglaise. Il abjura finalement ses anciennes allégeances en 1816, jurant fidélité à la Couronne britannique afin de pouvoir retourner vivre au Québec.[20]. Ainsi, il y a fort à parier que le contact avec un radical tel que Mézière initia Ludger Duvernay au républicanisme de manière plus personnelle[19].

Premières armes journalistiques et prises de position

Duvernay rédige ses premiers articles dans les pages du Spectateur et y laisse paraitre ses orientations politiques précoces. Tout comme le journal, il pose un regard critique sur l'administration anglaise et revendique la mise sur pied d'un gouvernement responsable[21]. Duvernay dénonce également le cumul des fonctions au sein de l'administration anglaise. À ce titre, les fonctions juridiques et législatives de James Monk étaient dénoncées dans les pages du Spectateur, qui se rallie aux députés canadiens qui s'opposent alors à l'emprise de la Clique du Château et le Conseil Législatif.

Ludger Duvernay, un imprimeur et un citoyen des Trois-Rivières

Alors qu'il atteint ses 18 ans, Ludger Duvernay quitte l'atelier de Charles-Bernard Pasteur pour lancer sa propre presse, cette fois-ci, à Trois-Rivières. La presse écrite n'étant pas encore très développée au Bas-Canada, Duvernay est encouragé par Denis-Benjamin Viger, journaliste, avocat et patriote, à fonder un journal en dehors de Montréal.

Duvernay va alors lancer successivement ou simultanément plusieurs journaux pendant son séjour trifluvien. Il va également publier un nombre considérable de brochures, pamphlets et manuels scolaires, question de rentabiliser son imprimerie[22].

Un citoyen trifluvien engagé

En plus de s'investir dans la parution de périodiques, Duvernay s'insère dans le milieu trifluvien avec aisance, jusqu'à en devenir un des personnages les plus influents, et ce, malgré ses opinions politiques souvent controversées.

Duvernay fonda une troupe d'art dramatique et de nombreux cercles littéraires dans les milieux éduqués de la ville, ce qui le rapprocha de l'élite locale formée de personnages tels que Charles Mondelet ou bien Louis Gugy[23] Dans le même esprit et probablement pour arrondir les fins de mois, Duvernay tenait également une petite librairie et un atelier de reliure[1].

Outre sa participation à la vie culturelle de la ville, Duvernay va s'investir dans les divers services municipaux, tels que la Société du feu des Trois-Rivières où il était inspecteur des inspecteur des incendies, des ponts et des chemins des Trois-Rivières[23].

Mariage

Bien que Ludger Duvernay avait entretenu une liaison sentimentale avec une demoiselle Nadeau, qui avait mauvaise réputation, sa soeur s'occupa de ses relations, lui dénichant un bon partie en Marie-Reine Harnois, originaire de Rivière-du-Loup en Haut, maintenant Louiseville. Les deux promis convolent en juste noces le 14 février 1825[24]. Ils ont un premier enfant, Julie-Hortense Duvernay, dès le 30 octobre de la même année[24].

Les journaux publiés par Duvernay à Trois-Rivières

Duvernay installe sa nouvelle presse à l'angle sud des rues Plaisance et Royale[2]. Sa soeur Julie et son oncle Paul la Morandière l'appuient tout de suite dans la mise sur pied de son entreprise, la première s'occupant des tâches au logis et le second travaillant à obtenir de nouveaux abonnés.

Un journal libéral et nationaliste

La Gazette de Trois-Rivières adopte immédiatement des positions libérales, héritées du passage de Duvernay à Montréal. Ainsi, Duvernay s'interdit de publier des textes de nature religieuse dans le journal. Il se donne également des missions qui correspondent à l'idée qu'il se fait d'une presse libérale, soit éclairer le peuple par la connaissance[25]. Finalement, Duvernay inclut également une page, à la toute fin du journal, consacrée à la littérature, ce qui, selon Denis Monière, indique une grande « maturité intellectuelle »[25] chez le jeune imprimeur.

Sur le plan des luttes constitutionnelles, le journal de Duvernay devient un porte-voix des revendications du parti patriote duquel Ludger Duvernay partage les points de vue, depuis son passage à Montréal. À titre d'exemple, Duvernay se positionne sur la question des subsides, soit le contrôle des dépenses publiques par les députés réunis à la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada[26]. Le journal de Duvernay se positionne du côté Patriote sur la question, le parti réclamant un contrôle par la Chambre des dépenses publiques.

Son intérêt pour les révolutions, qui ont alors cours, le pousse à publier des actualités internationales mettant l'accent sur les différents révolutions qui ont lieu en Amérique Latine. Duvernay fait ainsi une démonstration de la ligne éditoriale libérale et nationaliste de son journal trifluvien en mettant l'accent sur les courants de libération nationale qui ont lieu à travers le monde[27].

Autre fait intéressant, la publication de textes se fait d'abord en français, mais quelques textes y sont également publiés en anglais, ce qui donne une indication de la réalité linguistique à Trois-Rivières dans le premier quart du 19e siècle[28]. Cependant, dès le 21 septembre 1819, le journal devient totalement bilingue, étant même publié sous le nom The Gazette of Three Rivers[28].

Les limites d'un journal aux Trois-Rivières au début du 19e siècle

Le journal obtint d'abord une grande popularité, puisque la parution d'un journal à Trois-Rivières était un fait inusité. La curiosité vis-à-vis le journal fit en sorte que la publication se vendit également dans les campagnes avoisinantes, à Louiseville et à Saint-Sulpice[29]. La nouveauté amena même « une foule »[1] aux portes de son établissement sur la rue Royale.

Pourtant, et bien malgré ce départ fulgurant, la viabilité financière du journal est compromise par le manque d'un lectorat étendu à Trois-Rivières, qui est une ville somme-toute petite, à l'époque. En effet, la ville de Trois-Rivières avait une population de 2847 âmes en 1822[30]. Les limitations liés au lectorat sont d'autant plus réelles que la population est alors loin d'être lettrée dans son ensemble. Le journal cesse toute publication dès 1822[31].

L'ami de la religion et du Roi, journal ecclésiastique, politique et littéraire

Plus près d'une revue que d'un journal, étant publié qu'une seule fois par mois, cette autre publication de Duvernay prend forme en juin 1820. S'il parait étonnant qu'un libéral comme Duvernay publie un journal clérical, il semblerait que ce dernier agissait seulement comme imprimeur. Les rédacteurs du journal étaient le curé Cadieux de Trois-Rivières et le curé Rimbault de Nicolet. Le périodique eut une expérience fort brève puisqu'il sa publication devait s'arrêter en septembre 1820, six mois plus tard, à peine[32].

Le Constitutionnel

Duvernay reprend la publication d'un autre journal dès le 11 mars 1823. Le nouveau journal, nommé le Constitutionnel, un nom emprunté à une autre publication française[32]. Ce nouveau journal suit la ligne éditoriale de la Gazette de Trois-Rivières. Duvernay publie des extraits d'écrits de Voltaire tout comme les Débats de la Chambre d'Assemblée. Duvernay laisse également la chance à des esprits éduqués de Trois-Rivières de s'exprimer dans les pages de son journal, tel que Charles Mondelet, avocat et juge, qui en devint l'éditeur. Pour les mêmes raisons qui étaient au coeur de la fin de la publication de la Gazette de Trois-Rivières, la faible population de la ville et son lectorat limité poussa à la fin de la publication du Constitutionnel en 14 septembre 1824[33].

L'Argus, journal électorique

Duvernay lance, avec Charles Mondelet, un journal éphémère, sensé durer le temps de l'élection partielle déclenchée par le décès du notaire et député de Trois-Rivières, Charles Ranvoyzé. L'objectif du journal est de mousser la popularité du candidat du parti canadien (ou patriote), Pierre-Benjamin Dumoulin, qui perdit finalement l'élection aux mains de Charles-Richard Ogden, député loyaliste du parti bureaucrate.

Fin de la vie trifluvienne de Duvernay et retour à Montréal

Malgré ses insuccès sur le plan des affaires, Duvernay s'était construit une vie à Trois-Rivières, s'y mariant et s'hissant dans sa bonne société. Pourtant, l'offre de relancer La Minerve tout en imprimant le Canadian Spectator que lui fit Jocelyn Waller acheva de le convaincre de quitter le cadre plus étroit de Trois-Rivières pour revenir à Montréal. C'est à 27 ans qu'il quitte définitivement Trois-Rivières[24].

Implication politique

Duvernay se présente aux élections partielles de 1833, sans succès. Il se représente en , et est élu à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada, dans le district de Lachenaie. Il demeure député jusqu'à la suspension de la constitution, le . En 1834, il est cofondateur du groupe « Aide-toi, le Ciel t’aidera » (précurseur de l’Association Saint-Jean-Baptiste, fondée en 1843, qui elle-même deviendra la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal). Le , il organise la première célébration de la Saint-Jean-Baptiste en tant que fête nationale des Canadiens français. Le , il livre un duel à Clément-Charles Sabrevois de Bleury, le député de Richelieu. Duvernay en sort blessé à la jambe droite[34].

Le , un mandat d'arrêt est lancé contre 26 têtes dirigeantes des Patriotes, dont Duvernay[1]. Il quitte alors Montréal et fuit vers les États-Unis. Il se réfugie d'abord à Swanton et à Saint Albans, au Vermont, puis à Rouses Point, dans l'État de New York. Il s'installe ensuite à Burlington, au Vermont[34]. En , pendant la rébellion des Patriotes, il dirige à titre d'officier un petit bataillon de rebelles à la bataille de Moore's Corner[35]. De retour au sud de la frontière, à Burlington, il y fait paraître Le Patriote canadien, un journal s’adressant principalement aux Patriotes exilés aux États-Unis, en 1839 et 1840[34].

Après l'Union

Duvernay revient à Montréal en 1842, deux ans après l'Acte d'Union. À cette époque, le modéré Louis-Hippolyte La Fontaine s'impose comme successeur du plus radical Louis-Joseph Papineau comme chef des Canadiens français au parlement (dorénavant l'Assemblée législative de la province du Canada). Les partisans de Lafontaine demandent alors à Duvernay de reprendre les rênes de La Minerve pour s'assurer qu'elle appuie les réformistes de La Fontaine, ce qu'il accepte. Tout en donnant cet appui, le journal prend également position contre Papineau et son refus d'accepter l'Union. Duvernay est aussi membre fondateur de l'Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal en 1843, et il en devient le président en 1851[34]. Ludger Duvernay décède à Montréal le . Il est enterré au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal.

Chronologie

Duvernay tel qu'illustré dans le volume 5 de l'Histoire des Canadiens-Français. 1608-1880 (1882).
  • 1799 - Le , naissance de Ludger Duvernay à Verchères, Bas-Canada.
  • 1813 - Il est choisi comme apprenti chez Charles-Bernard Pasteur, imprimeur du journal Le Spectateur de Montréal.
  • 1815 - Il termine son apprentissage et est embauché par Le Spectateur.
  • 1817 - Il ouvre sa propre imprimerie à Trois-Rivières.
  • 1817 - Le , il fait paraître la première édition de l'hebdomadaire La Gazette des Trois-Rivières, premier journal bas-canadien à paraître en dehors de villes de Québec et de Montréal.
  • 1819 - Il est inspecteur du service des incendies jusqu'en 1826.
  • 1820 - En , parution du premier numéro de L'Ami de la religion et du roi, un mensuel religieux dirigé par le curé de Trois-Rivières, Louis-Marie Cadieux.
  • 1823 - Le , il fait paraître le premier numéro du journal Le Constitutionnel.
  • 1826 - En , il fait paraître un « journal électorique », L'Argus que rédigent les frères Dominique et Charles-Elzéar Mondelet le temps d'une élection complémentaire.
  • 1826 - En , le Canadian Spectator lui offre le poste d'éditeur qu'il accepte.
  • 1827 - En , il est de retour à Montréal.
  • 1827 - Le , il fait l'acquisition du journal La Minerve.
  • 1828 - Le , il est accusé de diffamation, arrêté et emprisonné en même temps que Jocelyn Waller.
  • 1828 - En , décès de Jocelyn Waller, rédacteur en chef du Canadian Spectator et âme du journal.
  • 1829 - En , le Canadian Spectator cesse de paraître.
  • 1829 - En , il achète l'imprimerie de James Lane.
  • 1832 - En , il est de nouveau accusé de diffamation, arrêté et jeté en prison, cette fois aux côtés de Daniel Tracey, éditeur du journal The Vindicator.
  • 1833 - En , il est candidat à l'élection dans la circonscription de Rouville, mais c'est François Rainville qui remporte la pluralité des votes.
  • 1834 - En , il est élu président de la Société Aide-toi, le Ciel t’aidera.
  • 1834 - Le , il organise la tenue d'un grand banquet patriotique dans le jardin de l'avocat Jean-François-Marie-Joseph MacDonell, le jour de la fête traditionnelle de la Saint-Jean-Baptiste, qui devient la fête nationale des Canadiens d'expression française.
  • 1836 - En , il est condamné à 30 jours de prison pour outrage au tribunal, encore une fois pour un texte paru dans La Minerve.
  • 1836 - Le , il se bat en duel contre Clément-Charles Sabrevois de Bleury et se fait tirer une balle dans le genou droit.
  • 1837 - Le , il est élu député de la circonscription de Lachenaie sans opposition.
  • 1837 - Le , Gosford fait émettre des mandats d'arrestation contre Duvernay et 25 autres chefs patriotes.
  • 1837 - Le , il participe à la bataille de Moore's Corner en tant qu'officier.
  • 1837 - Après la défaite du , il se réfugie aux États-Unis.
  • 1852 - Le , il décède à Montréal.

Ouvrages

  • « Liste des journaux publiés dans le Bas-Canada depuis 1764 », dans La Canadienne, Montréal,  : 3–4

Journaux, revues

  • Gazette des Trois-Rivières, Trois-Rivières, 1817-1819
  • L'Ami de la religion et du roi, Trois-Rivières, 1820
  • Le Constitutionnel, Trois-Rivières, 1823
  • L'Argus, Trois-Rivières, 1826-1828
  • Canadian Spectator, Montréal 1822-1829
  • La Minerve, Montréal, 1826-1837 et 1842-1899
  • Le Guide du cultivateur, ou Nouvel almanac de la température pour chaque jour de l'année, Montréal, 1830-1833
  • Le Patriote canadien, Montréal, 1839
  • La Revue canadienne, Montréal, 1845-1848

Notes et références

  1. a b c et d Jean-Marie Lebel, « Duvernay, Ludger », sur http://www.biographi.ca/ (consulté le )
  2. a b c et d Denis Monière, Ludger Duvernay Et la révolution intellectuelle au Bas Canada, Montréal, Québec Amérique, 1987. (lire en ligne), p. 35.
  3. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 23-24.
  4. a b c d et e Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 24.
  5. Donald J. Horton, « Étienne Rocbert de la Morandière », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  6. Donald J. Horton, « Claude Michel Bégon de la Cour », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  7. Céline Dupré, « Marie-Élisabeth Rocbert de la Morandière », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  8. Jean-Marie Lebel, « Ludger Duvernay », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  9. a et b Jean-Marie Lebel, Ludger Duvernay et la Minerve : étude d'une entreprise de presse montréalaise de la première moitié du XIXe siècle, Québec, Université Laval (Mémoire de M.A.), (lire en ligne), p. 10
  10. a b c et d Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 25.
  11. Georges Aubin et Jonathan Lemire, Ludger Duvernay : Lettres d'exil, 1837-1842, Montréal, VLB Éditeurs, , p. 10.
  12. Serge Gagnon, « Louis Labadie », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  13. a b et c Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 28.
  14. a b et c Yves Tessier, « Ludger Duvernay et les débuts de la presse périodique aux Trois-Rivières », Revue d'histoire de l'Amérique française,‎ , p. 393. (lire en ligne)
  15. a et b Yves Tessier, « Ludger Duvernay et les débuts de la presse périodique aux Trois-Rivière », Revue d'histoire de l'Amérique française,‎ , p. 390. (lire en ligne)
  16. a b et c « Le Spectateur canadien », sur Répertoire du patrimoine culturel du Québec, 2013. (consulté le )
  17. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 29.
  18. a et b Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 30.
  19. a et b Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 31.
  20. a et b Claude Galarneau, « Henri-Antoine Mézière », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  21. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, (lire en ligne), p. 32-33.
  22. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 49.
  23. a et b Denis Monière, Ludger Duvernay et la Révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 49.
  24. a b et c Denis Monière, Ludger Duvernay et la Révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 51.
  25. a et b Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 36.
  26. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 41.
  27. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 41
  28. a et b Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, p. 38
  29. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 37
  30. Denis Monière, Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal, Québec-Amérique, , p. 46.
  31. Bibliothèques et archives nationales du Québec, « Gazette des Trois-Rivières », sur BANQ Numérique
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Bibliographie

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  • Denis Monière. Ludger Duvernay et la révolution intellectuelle au Bas-Canada, Montréal : Éditions Québec/Amérique, 1987, 231 p.
  • Robert Rumilly. Histoire de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (Des patriotes au fleurdelisé), Montréal : Éditions de l'Aurore, 1975, 564 p.
  • Jean-Marie Lebel. Ludger Duvernay et La Minerve. Étude d'une entreprise de presse montréalaise de la première moitié du XIXe siècle, Université Laval, 1982, 212 p.
  • Sylvain Beaudoin. « Ludger Duvernay, un patriote », dans le site Histoire et culture régionale du Québec
  • « Ludger Duvernay », dans le site Héritage global du Québec-français de la SSJB de St-Hubert
  • Aubin, Georges et Jonathan Lemire, Ludger Duvernay, Lettres d'exil, 1837-1842, Montréal, VLB éditeur, 2015, 302 p.
  • Laurent-Olivier David. Les Patriotes de 1837-1838, Montréal, Librairie Beauchemin, 1884, pp.72-73.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes