Aller au contenu

Popelin (pâtisserie)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est la version actuelle de cette page, en date du 14 août 2022 à 16:09 et modifiée en dernier par Jpbrigand (discuter | contributions). L'URL présente est un lien permanent vers cette version.
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Les popelins ou poupelins étaient des pâtisseries appréciées au XVIe siècle à base de pâte à chou.

Poupelin de pâte à chou, en haut à gauche.

Dénomination

[modifier | modifier le code]

On lit partout que le popelin a un lien avec l'origine de la pâte à choux en France, vers 1540, le chef pasterelli italien Popelini aurait fait des gâteaux à base de cette pâte (nommée pâte à popelin), gâteaux qui auraient pris le nom de popelins ou poupelins[1]. Dans leur travail méthodique et vain pour sourcer le mythe italien et l'invention d'une armée de pâtissiers autour de Catherine de Médicis, Loïc Bienassis et Antonella Campanini montrent que ce Popelini (dont personne ne connait le prénom) est né de l'imagination de Pierre Lacam, militant du mythe italien, en 1893. Ils écrivent en 2018 : « Plutôt que d'imaginer Popelini façonnant le popelin, on supposera surtout que Lacam fit naître Popelini du popelin et pasterelli de la pâte » (autre exemple : Giovanni Pastilla et l'invention de la pastille)[2].

Diverses sources mettent en lien le popelin avec le latin pulpa, pulposus (français : poupele [potelé)). Un fromage angevin portait le nom de poupelin[3],[4],[5].

À l'origine, ces gâteaux sont sucrés. En 1566, les poupelins sont dans la liste des pâtisseries du statut des pâtissiers de Charles IX[6]. En 1611, Pierre de Larivey écrit : « Pour l'issue nous eûmes popelin, gâteau feuilleté, tarte sèche, force fruits de toutes sortes, force confitures […] vin blanc de Bar-sur-Aube et d'Anjou, et clairet d'Orléans et d'Irancy. Je vous laisse penser comme j'ai galopé des mâchoires[7]. » Chez Rabelais (1573), dans Le Quart Livre, les poupelins et macarons figurent aux côtés des tartes de 20 sortes[8]. Lucrèce la bourgeoise (1666) quand elle avait gagné au jeu, « faisait venir une tourte et un poupelin, avec une tasse de confiture faite à la maison, dont elle donnait la collation à la compagnie, ce qui tenait lieu de souper[9] ».

Le poupelin se présente comme un large chou à la crème mais beurré à l'intérieur.

Sans fromage

[modifier | modifier le code]

Le popelin ou poupelin est longtemps encore fait sans fromage[10],[11]. Le dictionnaire de Briand (1750) le qualifie de sain et délicat[12]. En 1758, François Marin appelle pâte royale la pâte à choux, c'est avec elle qu'il fait son poupelin comme une tarte, ouverte en deux, beurrée, avec citron, eau de fleur d'oranger, sucre et décorée de dragées à l'anis[13].

Carême donne un poupelin glacé au four comme entremets, ses « poupelines historiées de feuilles de biscuit » (1841), pièces de pâtisserie très difficiles à bien faire, la cuisson est de trois heures au minimum, sont garnies de gelée de pomme et de groseille, sans l'ombre de fromage[14],[15]. La même année, le Manuel complet théorique et pratique du chocolatier donne une recette de chou ou poupelin comparable à celle de Carême mais garni d'une gelée quelconque et de sucre[16]. C'est également un poupelin bien chaud et sans fromage ni gelée ou confiture que les Angevins trempent dans du beurre avant de le manger (« On appelait poupelin, une pièce de four où entraient de la fine fleur de froment, du lait, des œufs frais, du sucre et des écorces de citron ; une fois cuite, on la trempait toute chaude dans le beurre. »)[17].

Plus tard dans le siècle, Jules Gouffé donne un poupetin (et non poupelin) à l'abricot (et à la pâte à chou)[18].

avec fromage

[modifier | modifier le code]

L'Encyclopédie (qui le nomme poupelin) mentionne le fromage sans dire lequel (1769)[19]. La Nouvelle Maison Rustique (1804) reste proche du poupetin angevin : le poupelin y est fait de fromage frais égoutté, d'œufs, de farine et de sel, cette pâte cuite en tourtière est ouverte en deux de sorte à faire deux tartes, chacune est beurrée avec un peu de citron confit, d'eau de fleur d'oranger et de sucre puis le poupelin reconstitué est mis à sécher et tenu au chaud jusqu'à consommation[20].

La recette suivie de nos jours est donnée par Urbain Dubois (1888) qui se rapproche beaucoup plus des gougères que les poupelins anciens : base de pâte à choux dans laquelle on incorpore parmesan et gruyère râpés puis le blanc d'œuf en neige. La pâte est cuite au four doux sur une tourtière, en couronne couverte de languettes de gruyère[21]. Cette recette est copiée et recopiée à l'identique par la suite[22],[23].

Alexandre Dumas donne les deux recettes, avec et sans fromage, mais n'hésite pas à piquer de lardons le poupelin au fromage (qui est un fromage à la crème bien égoutté)[24].

Poupetin, poupeton

[modifier | modifier le code]

Poupetin (mot non accepté en scrabble) est employé par Marcel Rouff dans son Dodin-Bouffant : « poupetin de tourterelle ». Il s'agit sans doute d'une référence au poupeton (ou poulpeton[25]) qui est un hachis de diverses viandes, de champignons et d'œuf cru employé dans la cuisine classique avec des pigeons, des tourterelles cuites dans une poupetonnière (ou poulpetonnière ou chaponnière[26],[27]), marmite à couvercle avec rebord pour y mettre des braises et faire une cuisson égale[28],[29],[30],[31],[32]. En effet, ce plat est un hors-d'œuvre dans le déjeuner du prince, servi à côté de perdreau, saucisson et brochet[33].

Références

[modifier | modifier le code]
  1. (en) Le Cordon Bleu Patisserie Foundations, Clifton Park, New York, Delmar, , 384 pages (ISBN 978-1-4390-5713-1).
  2. Pascal Brioist et Florent Quellier (dir.), La Table de la Renaissance. Le mythe italien, Rennes, Presses universitaires François Rabelais, 260 p. (ISBN 978-2-7535-7406-9), p. 83.
  3. « Pulpa », sur fr.wiktionary.org (consulté le ).
  4. « Pulposus », sur fr.wiktionary.org (consulté le ).
  5. Gilles Ménage, Dictionnaire etymologique ou origine de la langue françoise, Anisson, (lire en ligne).
  6. André Castelot, L'Histoire à table. Si la cuisine m'était contée…, (Perrin) réédition numérique FeniXX, (ISBN 978-2-262-08466-0, lire en ligne).
  7. Pierre de (1540?-1619) Auteur du texte Larivey, Les Comédies facécieuses de Pierre de Larivey, champenois. A l'imitation des anciens Grecs, Latins, & modernes Italiens. A sçavoir, le Laquais, la Veuve, les Esprits, le Morfondu, les Escolliers, (lire en ligne).
  8. François Rabelais, Les Oeuures de M. François Rabelais… Contenant cinq liures de la vie, faicts,&dits heroïques de Gargantua,&de son fils Pantagruel. Plus la Pronostication Pantagrueline, auec l'oracle de la diua Bacbuc,&le mot de la Bouteille. De nouueau veu&augmenté de ce qui s'ensuit, outre les autres impressions. Les nauigations&Isle sonnante. L'Isle des Apedefres, La cresme Philosophale, auec vne Epistre Limosine, etc, Francois Nierg, (lire en ligne).
  9. Antoine Furetière, Le Roman bourgeois, ouvrage comique. Suivi de Satyres et de Nouvelle allégorique, Le Club du meilleur livre, (lire en ligne).
  10. Fernand Lamy (i.e. Louis) Ferdinand), Revue de l'Agenais et des anciennes provinces du Sud-Ouest, Société académique d'Agen, (lire en ligne).
  11. Philibert (1569-1643) Auteur du texte Monet, Invantaire des deus langues françoise et latine, assorti des plus utiles curiositez de l'un et de l'autre idiome, par le P. Philibert Monet,…, (lire en ligne).
  12. Briand, Dictionnaire des alimens, vins et liqueurs, leurs qualités, leurs effets… avec la manière de les apprêter ancienne et moderne… Par M.C.D. Chef de Cuisine de M. le Prince de *** [i.e. Briand]…, chez Gissey, (lire en ligne).
  13. Les Dons de Comus ou l'art de la cuisine, Cellot, (lire en ligne).
  14. Marie-Antoine (1784-1833) Auteur du texte Carême et Charles-Frédéric-Alfred (1797-1861) Auteur du texte Fayot, Le Maître-d'hôtel français, ou Parallèle de la cuisine ancienne et moderne. Tome 1 / , considérée sous le rapport de l'ordonnance des menus selon les quatre saisons. Ouvrage contenant un traité des menus servis à Paris, à Saint-Pétersbourg, à Londres et à Vienne. Par M. A. Carême,…, (lire en ligne).
  15. Marie Antonin Carême, Le patissier royal parisien, ou, Traité élémentaire et pratique de la patisserie ancienne et moderne : suivi d'observations utiles aux progrès de cet art et d'une revue critique des grands bals de 1810 et 1811, J. Renouard, (lire en ligne).
  16. Ch. Joseph Barretta, Manuel complet théorique et pratique du chocolatier, limonadier… suivi d'un traité sur l'art de faire … les vins, etc, (lire en ligne).
  17. Fernand Lamy (i.e. Louis Ferdinand), Revue de l'Agenais et des anciennes provinces du Sud-Ouest, Société académique d'Agen, (lire en ligne).
  18. Jules Gouffé, « Le livre de pâtisserie », dans Le Livre de pâtisserie, (lire en ligne), p. 215-243.
  19. Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Par une société de gens de lettres. Mis en ordre et publié par m. Diderot, … & quant à la partie mathematique, par m. d'Alembert, … Tome premier [-dix-septieme]: POL-REG, (lire en ligne).
  20. Jean-François Bastien, La Nouvelle Maison rustique, ou économie rurale, pratique et générale de tous les biens de campagne : nouvelle édition, entièrement refondue, considérablement augmentée, et mise en ordre, d'après les expériences les plus sûres, les auteurs les plus estimés, les mémoires et les procédés de cultivateurs, amateurs et artistes, chacun dans les parties qui les concernent, Chez Deterville, libraire, rue du Battoir no 16, (lire en ligne).
  21. Urbain (1818-1901) Auteur du texte Dubois, Nouvelle cuisine bourgeoise pour la ville et pour la campagne (Huitième édition) / par Urbain Dubois,… ; [introduction par Tiimothée Trimm], (lire en ligne).
  22. « Le Radical », sur Gallica, (consulté le ).
  23. « Les Dimanches de la femme : supplément de la “Mode du jour” », sur Gallica, (consulté le ).
  24. Alexandre Dumas et Pierre Jean Varet, L'Étroit Mousquetaire en dessert. Les 200 recettes sucrées d'Alexandre Dumas, Éditions P.-J Varet, (ISBN 979-10-94736-16-6, lire en ligne).
  25. Prudence (1806-1885) Auteur du texte Boissière, Dictionnaire analogique de la langue française : répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots (10e édition, augmentée de nombreux mots nouveaux et d'un complément) / par P. Boissière,…, (lire en ligne).
  26. Prudence (1806-1885) Auteur du texte Boissière, Dictionnaire analogique de la langue française : répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots (10e édition, augmentée de nombreux mots nouveaux et d'un complément) / par P. Boissière,…, (lire en ligne).
  27. « Revue des arts décoratifs », sur Gallica, (consulté le ).
  28. « Poupetin », sur 1mot.net (consulté le ).
  29. Marcel Rouff, La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, gourmet, L'Âge d'homme, (ISBN 978-2-8251-0159-9, lire en ligne).
  30. M. C. D. (chef de cuisine de M. le Prince de ***.), Dictionnaire des alimens, vins et liqueurs, leurs qualités, leurs effets … avec la manière de les apprêter, ancienne et moderne … Par M. C. D., chef de cuisine de M. le Prince de *** [i.e. - Briand]., (lire en ligne).
  31. « "Polpeton, poulpeton, pourpeton, poupeton, poupetonnière", par Hervé This • Les Nouvelles Gastronomiques | Actualités », sur nouvellesgastronomiques.com, (consulté le ).
  32. François (1769-18?) Auteur du texte Raymond, Dictionnaire général de la langue française et vocabulaire universel des sciences, des arts et des métiers…. T. 2, M-Z / par F. Raymond,…, (lire en ligne).
  33. (en) Allen S. Weiss, Feast and Folly: Cuisine, Intoxication, and the Poetics of the Sublime, Suny Press, (ISBN 978-0-7914-8788-4, lire en ligne).