Guillaume Dubois

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Guillaume Dubois
Image illustrative de l’article Guillaume Dubois
Hyacinthe Rigaud, Portrait du cardinal Guillaume Dubois (1723),
Cleveland Museum of Art.
Biographie
Naissance
à Brive-la-Gaillarde (France)
Ordre religieux Ordre de Saint-Benoît
Ordination sacerdotale
Décès (à 66 ans)
à Paris
Cardinal de l'Église catholique
Créé
cardinal

par Innocent XIII
Titre cardinalice Cardinal
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par le
card. Armand Gaston Maximilien de Rohan
Fonctions épiscopales Archevêque de Cambrai

Blason
(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Guillaume Dubois, appelé « l'abbé Dubois », puis « le cardinal Dubois », est un ecclésiastique et un homme politique français, né le à Brive-la-Gaillarde et mort le à Versailles. Il fut le principal ministre de l'État sous la Régence de Philippe d'Orléans.

Biographie

Très mal connue, en l'absence d'archives substantielles, la jeunesse du cardinal Dubois a fait l'objet d'innombrables anecdotes généralement malveillantes, telles que le fait qu’il aurait versé dans la marmite de la cantine une fiole d’antimoine, laxatif particulièrement puissant, subtilisée dans la boutique paternelle alors qu’il était encore élève du prieuré Saint-Martin, ou qu’il aurait mis enceinte, à l’âge de 13 ans, une servante chez le premier président du parlement de Bordeaux où il avait été engagé comme précepteur, qu’il l’aurait épousée et, qu’une fois la dot dilapidée en beuveries et escapades nocturnes, il aurait quitté précipitamment sa ville natale, à l’âge de 16 ans, sans même avoir communié pour monter dans la capitale[1], mais quelques-unes sont bien documentées. On sait que Dubois, abbé (clerc tonsuré, mais pas prêtre) depuis 1692, obtint « un très essentiel service », comme l'écrit le marquis d'Argenson dans ses Mémoires[2] de la part du marquis de Breteuil, alors intendant de Limoges, qui parvint « avec subtilité », à faire disparaître toutes traces d'un mariage contracté par le sieur Dubois, avant son entrée dans les ordres, en 1720, en vue d'être consacré cardinal. En contrepartie, Breteuil sera nommé ministre de la Guerre par le Régent sur proposition (fortement soutenue) de Dubois.

Né à Brive-la-Gaillarde (Limousin), le jeune Guillaume aurait été, selon ses ennemis, le fils d'un apothicaire[3]. Il est le fils de Jean Dubois et de Marie de Joyet de Chaumont. Issu d'un milieu d'édiles, son père est en réalité docteur en médecine. C'est son oncle et parrain, Guillaume, qui est maître apothicaire (baptême du  à Saint-Martin de Brive).

Il est le deuxième enfant du ménage. Son frère aîné est Joseph Dubois, né en 1650, mort en 1740, maire perpétuel de Brive et directeur général des ponts et chaussées de France entre 1723 et 1736. Un autre frère, Jean Dubois (1665-1727), a été abbé de Caunes. Une sœur, Jeanne, a été mariée le 1er mars 1685 à Saint-Martin de Brive avec Guillaume de Vielbans d'Aurussac[4].

Un élève remarquable

Éduqué par les frères de la doctrine chrétienne, il reçoit la tonsure et le « petit collet » à l'âge de treize ans. Avec Fleury et, plus tard, Bernis, il appartient à cette « lignée occitane de grands prélats semi-libéraux » (Emmanuel Le Roy Ladurie), typique du Midi des Lumières. Il devient l'abbé Dubois, titre de pure courtoisie pour cet abbé de cour et de salon[5].

En 1672, à 16 ans, il obtient une bourse et part, sans doute par la protection du lieutenant-général du Limousin, le marquis Jean de Pompadour, pour Paris, poursuivre sa formation au collège Saint-Michel, aujourd'hui disparu, mais dont il reste quelques vestiges rue de Bièvre (5e arrondissement).

Il est vite remarqué par l'abbé Antoine Faure, directeur de l'établissement, qui obtient pour son compatriote le poste envié de précepteur du neveu du roi, le jeune Philippe, duc de Chartres, futur duc d'Orléans, né en 1674. Aujourd'hui, au musée Carnavalet, un portrait en pied, sans doute apocryphe, le montre au côté de son élève.

Premiers pas à la cour

En 1692, sous l'insistance acharnée de Louis XIV, mais face à l'opposition irréductible de sa mère, la Princesse palatine, le duc de Chartres épouse Mademoiselle de Blois, fille naturelle légitimée que le roi avait eue de Madame de Montespan. Dubois est appelé à la rescousse pour vaincre les hésitations du jeune duc[6] et obtient par la suite l'abbaye de Saint Just en Picardie.

En 1698, au service de la maison d'Orléans en même temps que l'abbé de Saint-Pierre, Dubois effectue une mission diplomatique en Angleterre. Il y découvre une nation capitaliste et libérale en plein essor, visite Oxford, rencontre les exilés français tels Saint-Évremond et noue sans doute d'utiles relations dans l'entourage de la Cour de Saint-James.

De retour au Palais-Royal, Dubois devient — dans l'entourage des Orléans — un spécialiste de la diplomatie secrète. Il y croise l'abbé de Saint-Pierre, théoricien de la paix universelle.

Régence

Guillaume Coustou, Monument funéraire du cardinal Dubois, église Saint-Roch de Paris.

Le début de la Régence en 1715 marque le début d'un bref mais flamboyant apogée dans la carrière de Dubois.

Devenu conseiller du Régent, il exerce une influence croissante. Il oriente la France vers l'alliance britannique, aidé en cela des renseignements de sa maîtresse en titre, Madame de Tencin (il n'avait alors pas encore prononcé ses vœux), qui, par son fameux salon littéraire et politique, était au fait du dessous des cartes de la politique anglaise. Les Orléans et les Hanovre devant faire face à de vives oppositions intérieures, il s'efforce de maintenir la paix qui, seule, peut permettre de maintenir la stabilité du régime et l'économie française, bien malmenée par la longue guerre de Succession d'Espagne qui vient à peine de se terminer. Pour ce faire, l'Angleterre lui versait secrètement, ainsi que nous l'apprend Nocé, une pension annuelle de 960'000 livres (soit à peu près 10 millions d'euros actuels)[7]. Le retournement des alliances en faveur de l'Angleterre des Hanovre a pour conséquence l'éloignement des descendants de la dynastie catholique Stuart. C'est ainsi que Jacques Edouard Stuart se réfugie en Avignon, terre papale, au retour de la désastreuse expédition en Écosse de 1715 ("Fifteen" selon la terminologie anglaise). Gérard Valin a décrit les conséquences de cette évolution diplomatique radicale dans son ouvrage : Les Jacobites, la papauté et la Provence (L'Harmattan, 2019)

Face aux projets du cardinal Alberoni en Espagne, il négocie la Triple Alliance (1717) avec George Ier. En 1719, une guerre limitée contre l'Espagne force Philippe V à renvoyer Alberoni. Il obtient ensuite, après avoir reçu les ordres mineurs et le sous-diaconat le et annulé son mariage[8], l'archevêché de Cambrai (), un des plus riches du pays, qui lui fournit également le titre prestigieux de prince du Saint-Empire romain germanique. Le , après l'élection d'Innocent XIII, il reçoit enfin la pourpre cardinalice, alors qu'il ne sait pas célébrer une messe. Il n'ira jamais dans son diocèse, l'essentiel de ses préoccupations allant à la politique. Il devint abbé commendataire de l'abbaye de Cercamp, le [9].

Ses ennemis, faisant abstraction de ses qualités de diplomate et du bilan global positif de son action au gouvernement de la France, attribuent l'essentiel de son ascendant sur le Régent à sa capacité à lui trouver des maîtresses à son goût, d'où l'aphorisme rapporté par Roger Peyrefitte à propos de son élévation au cardinalat : « le pape est un fin cuisinier qui sait faire d'un maquereau un rouget[10]. »

La chanson de l'époque Il court, il court, le furet, constituée de contrepèteries[11], raille ses mœurs, prétendûment dissolues, du moins selon la morale de l'époque.

Ministre principal

Son ascension est parachevée par l'obtention du poste de principal ministre, que Mazarin avait été le dernier à obtenir, l'entrée à l'Académie française puis la présidence de l'assemblée du clergé.

Durant son bref ministère, il tente de relancer l'économie par la réduction des droits, de rétablir la situation des finances après les errements du système de Law et ralentit la persécution des protestants.

Doté de sept abbayes, il amasse, comme la plupart des cardinaux de l'époque, une certaine fortune (dix millions de livres) et tente de promouvoir sa famille. On lui prête une vie dissolue — peut-être à cause d'une maîtresse en titre, Mme de Tencin, qu'il a connue avant de prononcer ses voeux —, mais elle semble plutôt avoir été consacrée au travail et au relèvement de la France.

Il meurt à Versailles en 1723, suivi de près, 3 mois plus tard, par son ancien élève, le duc d'Orléans. Il fut inhumé dans la collégiale Saint-Honoré à Paris, mais celle-ci fut détruite en 1792 lors de la Révolution. La tombe du cardinal Dubois fut transportée quelque temps après dans l'église Saint-Roch à Paris où elle se trouve toujours.

Voir aussi

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Article connexe

Sources primaires

Les papiers personnels de Guillaume Dubois sont conservés aux Archives nationales sous la cote 145AP[12].

Sources primaires imprimées

  • Saint-Simon, Mémoires : une source essentielle mais postérieure et très hostile à Dubois.
  • Antoine Mongez, Vie privée du cardinal Dubois, 1789 : mémoires apocryphes d'un de ses secrétaires.
  • Charles-Louis de Sevelinges, Mémoires secrets et Correspondance inédite du cardinal Dubois, 1814-17 : également apocryphes.

Bibliographie

Ouvrages anciens

  • Jean-Baptiste Honoré Raymond Capefigue, Le Cardinal Dubois et la Régence de Philippe d'Orléans, Paris, Amyot, 1861.
  • Comte de Seilhac, L'Abbé Dubois, 1862.
  • Louis Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, 1891.

Études historiques

  • Arnaud de Maurepas, Antoine Boulant, Les Ministres et les ministères du siècle des Lumières (1715-1789). Étude et dictionnaire, Paris, Christian-JAS, 1996, 452 p.
  • Guillaume Lagane, L'Abbé Dubois : diplomate et premier ministre, DEA Paris I, 2000.
  • Guy Chaussinand-Nogaret, Le Cardinal Dubois : une certaine idée de l'Europe, 2001.
  • Alexandre Dupilet, « Le cardinal Dubois et la fonction de principal ministre : recherches et réflexions sur le ministériat au début du XVIIIe siècle », Revue du Nord, no 412,‎ , p. 729-745 (DOI 10.3917/rdn.412.0729).
  • Alexandre Dupilet, Le cardinal Dubois : le génie politique de la Régence, Paris, Tallandier, , 410 p. (ISBN 979-10-210-0761-1, présentation en ligne).
  • Gérard Valin, Les Jacobites, la papauté et la Provence, L'Harmattan, 2019 (ISBN 978-2-343-16994-1)


Iconographie

Filmographie

Au théâtre

Liens externes

Notes et références

  1. Alexandre Dupilet, Le Cardinal Dubois, Le génie politique de la Régence, Paris, Tallandier, 2015.
  2. Mémoires, p. 34, et note 1 en bas de page. Gallica. BnF.
  3. Jean-Joseph Julaud, L'Histoire de France Pour les Nuls, First, , p. 352.
  4. Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze : Brive-la-Gaillarde au XVIIIe siècle. Le temps des Lumières.
  5. Pierre-André Jamin, Guillaume Dubois, cardinal libertin. Que la fête commence, Artena, , p. 6.
  6. Saint-Simon s'étend longuement sur l'affaire du mariage du duc de Chartre. Saint-Simon, Mémoires, tome 1, chapitre 6.
  7. Jean Haechler, Promenade dans le XVIIIe siècle, éditions Nil, Paris, 2003, p. 58.
  8. Louis de Rouvroy de Saint-Simon, Mémoires de Saint-Simon, F. Laurent, , p. 224.
  9. Louis Wiesener, Le régent, l'abbé Dubois et les Anglais, Hachette, , p. 431.
  10. René Héron de Villefosse, L'anti Versailles ou, Le Palais-Royal de Philippe Égalité, J. Dullis, , p. 72.
  11. anagramme de Il fourre, il fourre, le curé etc..
  12. Voir la notice dans la salle des inventaires virtuelle des Archives nationales.
  13. Ann Tzeutschler Lurie, « Rigaud's Portrait of Cardinal Dubois » dans The Burlington Magazine, Vol. 116, No. 860 (novembre 1974), p. 667-669.