Négritos

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Carte des populations de Négritos, avec une hypothèse sur leurs anciennes régions d'habitation.

Le terme Négritos désigne des populations de petite taille, à peau noire et aux cheveux crépus, vivant dans trois zones géographiques du sud-est asiatique : les îles Andaman, la péninsule Malaise (laquelle est partagée entre la Malaisie, la Thaïlande et la Birmanie) et les Philippines.

Ces populations descendent des premiers humains modernes arrivés dans la région voilà plus de 50 000 à 70 000 ans. Les analyses génétiques montrent qu'au-delà de leur ressemblance physique, les différents groupes ne sont apparentés que de façon très vague et ancienne, indice probable de vagues de migrations distinctes[1]. Cependant chaque groupe possède un ensemble génétique très homogène d'ADN mitochondrial (mtDNA), indice d'un isolement de longue date. Leur ADN mitochondrial sert donc de base pour l'étude des dérives génétiques[2].

Ces groupes, vivant initialement en chasseurs-cueilleurs, ont été en partie acculturés par les populations austronésiennes ou môn-khmer arrivées bien plus tardivement dans la région, certaines populations devenant agricultrices et adoptant les langues des nouveaux arrivants.

Description physique

Jeune femme ati des Philippines
Deux Andamanais en 1875

Le mot négrito est la forme diminutive de l'espagnol negro et signifie donc « petit Noir ». Les premiers visiteurs espagnols des Philippines ont appelé ainsi ces populations, pensant qu'elles venaient d'Afrique en raison de leur phénotype. Le phénotype des Négritos des Philippines a évolué en se spécialisant avec une petite taille, très probablement par adaptation à la forêt humide tropicale et peut-être aussi, dans les îles, par nanisme insulaire[3]. Comme les Pygmées, les Négritos sont parmi les peuples les plus petits de l'humanité, en nombre comme en taille, et les moins connus.

Origines

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Négritos malais en 1905

Les Négritos sont très probablement les premiers habitants indigènes homo sapiens[4]de l'Asie du Sud-Est. L'installation de ces groupes dans la région remonte en effet au moins à 50 000 ans, voire 60 ou 70 000 ans, dont la diversité génétique implique des migrations distinctes de divers groupes d'origine probablement africaine, mais à des moments différents de la préhistoire[1].

Cette diversité génétique se retrouve même chez des groupes géographiquement proches. Ainsi, dans un échantillon de plus de 1 000 personnes choisies parmi les Aetas de Luçon, les Mamanwas de Mindanao et 4 autres groupes de Négritos des Philippines, on a trouvé que si cinq des six groupes étudiés peuvent être considérés comme formant un même groupe génétique, ce n'est pas le cas des Mamanwas, nettement différents. L'absence chez les Aetas (et chez les groupes apparentés) de marqueurs génétiques présents chez les Mamanwas suggère que ces deux groupes, bien que classés « Négritos », proviennent de migrations différentes[5].

Cas des andamanais

Les andamanais semblent être la population humaine, résiduelle, la plus isolée génétiquement de toutes les autres vivant actuellement et possiblement issue d'une vague de migration antérieure à celle des négritos.

Néanmoins, « des études récentes de l'ADN mitochondrial [...] donnent à penser que les Andamanais sont plus étroitement liés à d'autres [populations] asiatiques qu'aux africains modernes[6] ». Cela pourrait s'expliquer par un changement de type physique chez les anciens Asiatiques, dont le phénotype initial, proche des Africains, aurait évolué par mutation vers les types physiques asiatiques actuels : si c'est bien le cas, le type physique Négrito est un caractère ancestral conservé (plésiomorphie) qui n'exprime pas d'apparentement récent aux populations africaines modernes. L'ADN maternel des Andamanais porte des caractères génétiques dérivés (apomorphie) qui montrent aussi qu'ils dérivent, comme les asiatiques modernes, non d'une parenté récente avec les Africains, mais d'une très ancienne vague d'immigrants africains.

Autres

Des conclusions similaires existent pour les Négritos philippins, génétiquement plus proches des autres populations d'Asie du Sud-Est que des Aborigènes d'Australie, des habitants de la Nouvelle-Guinée et a fortiori des africains modernes.

Certains anthropologues rangent les Négritos dans un ensemble plus vaste qu'ils appellent « veddoïde », une hypothèse aujourd'hui assez contestée. Ce qui est unanimement admis, c'est que le phénotype « à peau noire, nez épaté, lèvres charnues et cheveux crépus » était, il y a 50 000 à 70 000 ans, présent de l'Afrique à l'Australie tout autour de l'Océan Indien, et, au vu des études génétiques, que les asiatiques modernes descendent au moins en partie de ces populations anciennes, le changement de types physiques intervenant au fur et à mesure que la fin de la glaciation Würmienne ouvrait aux humains de nouveaux territoires au nord de la chaîne himalayenne.

Notes et références

  1. a et b « Phylogeography and Ethnogenesis of Aboriginal Southeast Asians », article publié en 2006 dans Molecular Biology and Evolution, par Catherine Hill, Pedro Soares, Maru Mormina, Vincent Macaulay, William Meehan, James Blackburn, Douglas Clarke, Joseph Maripa Raja, Patimah Ismail, David Bulbeck, Stephen Oppenheimer, Martin Richards.
  2. "DNA Study Yields Clues on Early Human's First Migration" New York Times, 13 mai 2005 p. A7
  3. Omoto, K., "The Negritos: genetic origins and microevolution" in Acta Anthropogenet, 1984, 8(1-2):137-47.
  4. Soit l'homme moderne, car l'homo erectus, dont pour exemple l'homme de Java a antérieurement atteint l'Asie du Sud-Est.
  5. Omoto, K., S. Ueda, K. Goriki, N. Takahashi, S. Misawa et I. G. Pagaran, "Population genetic studies of the Philippine Negritos. III. Identification of the carbonic anhydrase-1 variant with CA1 Guam" in American Journal of Human Genetics, Janvier 1981, 33(1): 105–111
  6. « Molecular Relatedness of The Aboriginal Groups of Andaman and Nicobar Islands with Similar Ethnic Populations », International journal of human genetics, mars 2003, volume 3, par V. K. Kashyap, T. Sitalaximi, B. N. Sarkar et R. Trivedi.

Populations

Négritos des Philippines, vers 1899.

Les populations référencées sont :

Mode de vie

Encore au milieu du XXe siècle, les Négritos étaient généralement des nomades chasseurs-cueilleurs. Cependant certains sont devenus des agriculteurs sous l'influence des populations qui les ont progressivement entourés, en particulier les austronésiens pour les deux zones des Philippines et de la péninsule Malaise. Les Semang de Malaisie se fabriquaient alors des vêtements à partir d'écorce d'arbres abattus et vivaient aussi bien dans des grottes que sous des abris de feuillage.

Les Andamanais, bien que connaissant le feu, ne savaient pas le produire avant l'arrivée de populations allochtones[1].

Au début du XXIe siècle, la plupart des Négritos sont sédentarisés, intégrés dans le processus de mondialisation et vivent de travail et d'échanges, comme les populations environnantes, même si les anciens connaissent encore, et parfois transmettent, les connaissances permettant la survie en milieu naturel hostile.

Langues

Les indigènes des îles Andaman (Andamanais) ont conservé des langues qui leur sont propres. Cela peut s'expliquer par le caractère assez récent de leur contact avec d'autres populations : il remonte pour l'essentiel au XIXe siècle.

Les Négritos des Philippines et de la péninsule Malaise ont généralement été acculturés par leur environnement de façon beaucoup plus ancienne, et parlent aujourd'hui des langues austronésiennes (Aeta et Ati des Philippines), ou des langues môn-khmer (Semang et Senoï de Malaisie). On trouve cependant dans ces langues certains termes sans étymologie austroasiatique ni austronésienne connue. Ils sont l'indice d'un substrat linguistique antérieur aux langues actuellement parlées[2].

Menaces

Les populations de Négritos sont aujourd'hui extrêmement menacées par l'acculturation, les maladies, et l'invasion de leurs terres traditionnelles par les populations avoisinantes.

Notes

  1. (en)George Weber, The Andamanese, chap.17. Pottery, Tools and Technology
  2. Concernant les Négritos philippins, voir par exemple « Possible non-Austronesian lexical elements in Philippine Negrito languages », par L A Reid, article paru dans Oceanic linguistics (ISSN 0029-8115) en 1994. Volume 33, no1, pp. 37-72.

Annexes

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Articles connexes

Liens externes