Hasard

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Les jeux de dés sont des jeux de hasard

Le hasard exprime l'incapacité de prévoir avec certitude un fait quelconque, c'est-à-dire prévoir ce qu'il va advenir. Ainsi, pour éclairer le sens du mot, il est souvent dit que hasard est synonyme d'« imprévisibilité », ou « imprédictibilité ».

L'emploi de « avec certitude » est important, car il est toujours possible de prévoir différentes éventualités, et même leur probabilité, mais on ne peut simplement pas dire laquelle adviendra. Par exemple, lors du lancer d'un dé à six faces, on sait que le résultat sera une des six possibilités, mais on ne sait pas laquelle.

Cette incapacité de prévoir peut naître de différentes causes, notamment la méconnaissance des paramètres nécessaires à la prévision, ou le manque de précision les concernant – c'est pourquoi il est aussi courant de dire que le hasard traduit notre ignorance. C'est l'une des raisons à l'origine de l'aspect fortuit de la plupart des phénomènes observés à échelle humaine, mais il existe plusieurs autres raisons[1].

L'utilisation du mot « hasard » dans le langage commun se rapporte indirectement à cette définition. Par exemple, on peut parler de hasard :

  • lorsqu'on se retrouve dans une situation imprévue, telle qu'une rencontre ; dans l'exemple « On s'est rencontrés par hasard », l'aspect fortuit naît de la méconnaissance des emplois du temps respectifs des personnes impliquées dans la rencontre, celui-ci disparaitrait pour toute intelligence qui aurait accès à ces informations ;
  • lorsqu'on ne sait pas ce qu'il va se passer ; dans « C'est le hasard qui décidera ! », l'emploi est évident, car il exprime directement l'absence de certitude.

Dans l'esprit populaire, le mot « hasard » a aussi d'autres connotations plus subjectives. Il est vu comme la négation d'une intention derrière les événements : « le hasard n'existe pas ». Une telle affirmation peut aussi naître du sentiment que « hasard » est synonyme d'« absence de cause », tout comme dans l'expression « c'est arrivé par hasard ».

Étymologie

On attribue l'origine du mot hasard à l'arabe « al-zahr » signifiant à l'origine « dés »[2] et ayant pris la signification de « chance », car il désigna jusqu'au XIIe siècle un jeu de dés, mais aussi par métaphore tous les domaines relevant de la « science de la Chance » (Averroès). Cependant, le CNRTL signale que le terme « al-zahr » dans le sens de « dé à jouer » est relativement moderne et propose l'étymologie « yasara » (« jouer aux dés ») dont l'existence est attestée en arabe classique[3].

Le mot se charge de nouvelles significations, et notamment de celle de « danger ». Déjà perceptible dans le mot « hasardeux », ce nouveau sens est devenu le noyau sémantique de l'anglais « hazard ».

Le hasard en sciences

Si on tient compte du point de vue déterministe des sciences (dans lequel ne rentre pas la mécanique quantique, intrinsèquement probabiliste...), tout phénomène a nécessairement une cause. Donc, on ne peut qualifier de « hasardeux » que les systèmes dynamiques dont le niveau de complexité est tel que l'esprit humain ne peut en déterminer le devenir – par exemple : le mouvement, ou la sortie des boules du Loto. On peut dire que le hasard s'applique aux systèmes obéissant à la théorie du chaos.

Le hasard dans différents domaines scientifiques

L'apparition de l'espèce humaine est-elle due au hasard ?

Selon Nicolas Gauvrit[4], les domaines qui, en mathématiques, peuvent nous apprendre quelque chose sur le hasard sont :

Les sciences exactes sont celles qui cherchent à réduire le plus l'effet de hasard.

  • En théorie des probabilités et en statistique, on parle de variables aléatoires, c'est-à-dire de distributions de probabilité.
  • En informatique, le terme « hasard » peut paraitre assez incongru, mais lorsque l'on parle de « hasard », on veut surtout parler de génération de nombres « pseudo-aléatoires » : la logique qui les sous-tend est supposée suffisamment éloignée du problème où on les injecte pour ne pas se distinguer d'une suite « réellement » aléatoire.
  • En mathématiques, les décimales de pi n'ont rien d'aléatoire, mais la distribution des chiffres ou des groupes consécutifs de N chiffres de ses décimales ont cependant les caractéristiques d'un phénomène aléatoire.

Les systèmes chaotiques et hasardeux régissent un grand nombre de phénomènes naturels.

Les sciences humaines et sociales comportent une forte part de hasard :

  • en économie, le manque de prévisions fiables montre que cela dépend du hasard ;
  • en sociologie, les sondages se font sur des personnes tirées au hasard ;
  • en psychologie, la théorie dite des « probabilités subjectives » étudie la manière dont nous percevons le hasard.

Comment appréhender le hasard ?

  • Plus on considère un grand nombre d'expériences ou des échantillons importants, plus on réduit l'effet de hasard. Par exemple, quand on lance une pièce équilibrée, plus on réalise de lancers, plus il est probable que le nombre (« relatif au nombre total de lancer ») de piles obtenus soit proche du nombre de faces (par exemple, pour 1000 lancers, la probabilité que la différence entre ces deux valeurs soit moins de 20 est 49 %[6] ; alors que pour 10 000 lancers, la probabilité que la différence entre ces deux valeurs soit moins de 200 (ce qui est équivalent à 20 pour 1000) est 96 %[7]). En termes mathématiques, ces résultats sont donnés par la loi des grands nombres, par exemple.

Tentative de définition

Voici la définition qu'Aristote donne du hasard : « il y a une foule de choses qui se produisent et qui sont par l’effet du hasard et spontanément », mais il affirme que « le hasard, ni rien de ce qui vient du hasard ne peut être la cause des choses qui sont nécessairement et toujours ou des choses qui arrivent dans la plupart des cas »[8].

En d'autres mots, pour Aristote, le hasard ne peut provenir que du hasard. Il est intéressant de mettre cette définition en parallèle avec celle que donne Cournot au XIXe siècle, qui dé­finissait le hasard, dans une proposition devenue célèbre, comme la « rencontre de deux séries causales indépendantes ». Les événements en eux-mêmes sont supposés tout à fait déterminés quant à leur cause et à leur effet ; c’est de leur rencontre imprévisible, de l’intrusion d’une nou­velle causalité indépendante dans le déroulement d’un processus que naît le hasard. Par exemple :

  • si la pluie a fait des dégâts au toit d'une maison, et que de fil en aiguille, de cause à effet, une tuile vient à s'en détacher, on se trouve dans une « série causale » ;
  • s’il se met à faire beau (« Après la pluie, le beau temps »), et que je décide de partir me promener, on se trouve dans une autre série, une autre « histoire » ;
  • si je prends la tuile sur le coin de la tête, c'est que le hasard a fait se rencontrer deux processus qui tout d'un coup concordent et dans le temps et dans l'espace.

Cette définition du hasard est à relier à la théorie du chaos qui traite de systèmes totalement déterministes mais qui ont néanmoins un comportement chaotique qui peut s'interpréter comme du hasard.

Mesure du hasard

Scientifiquement, l’acquisition des possibilités de traite­ment des grands nombres a permis d’étudier les conditions de l’appa­rition et du développement des formes de hasard :

On y trouve un écho de la philosophie de Démocrite, selon laquelle « Tout ce qui existe est le fruit du hasard et de la nécessité ».

Le hasard du mouvement et de la rencontre des atomes les uns avec les autres, déjà exposé chez Démocrite, sera revisité par la mécanique quantique, pour laquelle le hasard ne peut se définir que là où il y a un observateur (les fonctions d'onde sont en effet parfaitement déterminées ; seule leur « réalisation » est aléatoire).

  • Il importe de ne pas confondre le chaos et le hasard : le comportement erratique de systèmes résulte d’un enchevêtrement de séries causales engendrant des conflits d’actions, qui semblent indépendantes car trop complexes pour être analysées. Le hasard, lui, exprime simplement une absence d'information, que celle-ci puisse exister ou non. Néanmoins, les systèmes chaotiques sont couramment utilisés dans les générateurs de hasard.
  • La complexité n’intervient pas non plus en tant que telle : on peut créer nombre de modèles extrême­ment simples, et qui obéissent pourtant à un processus imprévisible, ou dont le comportement paraît déconcertant (voir Fourmi de Langton). Une fonction d’émergence se manifeste souvent dans les systèmes complexes observés, et a suggéré la notion d'auto-organisation.

Le hasard peut souvent être transcrit en lois probabi­listes. Probabilités et statistiques permettent une plus fine observation du monde et donc des projections plus rigoureuses dans l’avenir.

Mais une distinction fondamentale doit être faite quant aux différentes formes de hasard : comme le montre Mandelbrot dans Hasard, fractales et finance[9], il existe deux types de hasard, le hasard « bénin » et le hasard « sauvage ». Pour le hasard bénin, quand le nombre d'observations augmente, les fluctuations sont de moins en moins importantes (c'est la loi des grands nombres), la loi est gaussienne (c'est le théorème central limite) et le présent est indépendant du passé suffisamment éloigné[10]. Le hasard « sauvage » est très différent puisque qu'il correspond à des lois ou une simple observation peut changer une moyenne faite de plusieurs milliers d'observations, il rend compte des évènements « catastrophiques » ou « pathologiques ».

« [le hasard sauvage] est très vilain, car il ne permet pas de raisonner en termes de moyennes. Si vous prenez dix villes de France au hasard et si vous ratez Paris, Lyon et Marseille, vous allez faire chuter la taille moyenne dans votre échantillon. Si vous prenez dix villes, dont Paris et neuf villages, la moyenne n'autorise aucune conclusion sur les populations de villes tirées au hasard. » (B. Mandelbrot[11])

Cette différence montre que l'inférence statistique, c'est-à-dire le fait de déduire d'un échantillon de données de l'information sur le processus qui génère cet échantillon, est une opération éminemment complexe en statistique inférentielle.

Utilité et utilisation du hasard

On utilise le hasard afin de simplifier les analyses, mais pas seulement : de nombreux phénomènes réels étant imprévisibles, on a besoin de savoir utiliser le hasard si on veut les copier ; c'est notamment le cas pour les simulations.

Les théories des jeux prennent en compte le hasard. Celle des jeux « économiques », de John von Neumann et d'Oskar Morgenstern, montre que les stratégies optimales pour contrer un adversaire sont parfois des stratégies mixtes : il est difficile de prévoir vos mouvements si vous les tirez au hasard, mais encore faut-il effectuer ce tirage d'une façon optimale pour vous et le moins favorable possible pour votre adversaire. Voir Point selle.

La compréhension et la maîtrise des jeux de hasard nécessitent quant à elles une bonne modélisation du hasard.

Les méthodes de calculs numériques basées sur le hasard sont nommées « Méthodes de Monte-Carlo ».

Méthodes de Monte-Carlo

Ces méthodes utilisent des nombres aléatoires pour simuler des situations, calculer des intégrales ou résoudre des équations aux dérivées partielles.

Les méthodes de Monte-Carlo sont particulièrement utilisées en physique, où l'on calcule des algorithmes qui permettent ensuite d'analyser des résultats d'expériences.

Génération de hasard

Puisqu'on utilise le hasard, il serait plus pratique de pouvoir directement le produire, ceci à des fins d'efficacité. Pour cela, on peut par exemple utiliser :

  • des phénomènes imprévisibles : dés, roulette, loto ;
  • des opérations mathématiques imprévisibles à l'intérieur d'algorithmes : division euclidienne, congruence, carré ;
  • des processus physiques : radioactivité, lame semi-réfléchissante...

À l'exception des phénomènes basés sur des phénomènes quantiques, ces méthodes ne génèrent qu'un pseudo-hasard, presque indéterminable, ou seulement partiellement indéterminable.


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Notes et références

  1. Voir causes du hasard.
  2. Le Petit Robert. Dictionnaire de la langue française, 1987.
  3. Étymologie de hasard, CNRTL.
  4. Vous avez dit hasard ? Entre mathématiques et psychologie
  5. Cfr. Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité.
  6. [1]
  7. [2]
  8. Aristote, Leçons de Physique
  9. B. Mandelbrot, Hasard, fractales et finance, Champs Flammarion, 1997
  10. [3]Les modèles fractales en finance, bulletin de la banque de France, n°183.
  11. [4] Extrait d'interview de B. Mandelbrot publié dans Libération en 1998.

Bibliographie