Flotte des Indes

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Séville au XVIe siècle.

La Flotte des Indes (Flota de Indias en espagnol) était une flotte organisée en convoi par l'empire espagnol, entre 1566 et 1790. Cette flotte servait aux transports de l'empire espagnol des Indes vers l'Espagne de biens d'une grande variété. Ceux-ci étaient aussi bien des produits agricoles que du bois de construction, des minerais, des produits manufacturés ou des objets de luxe. Mais surtout, la flotte des Indes était réputée pour transporter des richesses fabuleuses : métaux précieux (argent et or), pierres précieuses, perles, épices, sucre, tabac, soie et autres biens exotiques. À son retour, la flotte des Indes transportait des produits manufacturés espagnols et des émigrants vers l'Amérique.

Elle est le pendant du Galion de Manille qui organisait le commerce sur le Pacifique entre Manille, aux Philippines espagnoles, et Acapulco au Mexique, principal port de la côte Pacifique de la Nouvelle-Espagne.

Histoire[modifier | modifier le code]

Organisation de la flotte des Indes[modifier | modifier le code]

Vue imaginaire de Nombre de Dios, sur la côte atlantique de Panama (1672)

Le prélèvement des richesses américaines commença dès la découverte de l'Amérique. Mais à partir des années 1520, à cause du développement de la course française et notamment de la prise, en 1523, par Jean Fleury du trésor aztèque envoyé par Cortés à Charles Quint, fut décidé l'organisation d'un système de convoi afin d'améliorer la sécurité des navires espagnols. L'idée était d'établir deux flottes distinctes, toutes deux composées de galions fortement armés de canons et de navires marchands (ou caraques) emportant les marchandises.

Les deux flottes quittaient chaque année l'Espagne, par le port de Séville - puis, à partir de 1717, celui de Cadix. La première flotte se rendait à Veracruz, en Nouvelle-Espagne, dans le golfe du Mexique. La seconde se dirigeait vers la Nouvelle-Grenade, à Carthagène des Indes, Nombre de Dios et Portobelo. Dans les ports, les flottes déchargeaient leurs marchandises espagnoles (produits manufacturés ou esclaves) et embarquaient les produits américains : métaux précieux (argent et or), pierres précieuses, perles, épices, sucre, tabac, soie et autres biens exotiques. Ensuite, les deux flottes se retrouvaient à La Havane, sur l'île de Cuba, pour faire le voyage de retour.

Gravure d'un galion espagnol, par Albrecht Dürer
Amaro Pargo, corsaire et marchand, était l'un des plus importants personnages historiques de ceux qui ont participé à la Flotte des Indes.

Une flotte similaire, connue comme le « galion de Manille », existait également entre le port d'Acapulco, en Nouvelle-Espagne, et celui de Manille, aux Philippines. Il transportait les biens d'origine asiatique, et plus spécifiquement chinoise, échangés contre l'argent mexicain. D'Acapulco, les produits rejoignaient ensuite par voie terrestre le port de Veracruz.

Le commerce avec les colonies espagnoles était étroitement surveillé par l'établissement de la Casa de Contratación dès 1503. La loi établissait qu'elles ne pouvaient commercer qu'avec le port espagnol de Séville (puis de Cadix). Les Anglais, les Français et les Hollandais essayèrent de faire abolir ce « commerce du monopole », qui persista cependant durant deux siècles. Grâce à ce monopole - il s'agit en fait d'une situation de monopsone - et au contrôle qu'elle exerçait sur le commerce, l'Espagne devint un des pays les plus riches d'Europe : la taille de la flotte des Indes passa de 17 navires en 1550 à plus de 100 dans les dernières années du XVIe siècle. Ces richesses servirent à supporter les longues guerres que connut la monarchie espagnole.

En même temps, la flotte prélevait le quinto real, un impôt de 20 % sur les métaux précieux et les envois des particuliers. Mais cet impôt, malgré ses profits fabuleux pour la monarchie, restait bien mal recouvré : les découvertes archéologiques montrent que les quantités de métaux étaient encore bien supérieures aux quantités déclarées[1] : les marchands recouraient à la contrebande et à la corruption pour éviter de payer.

Entre 1703-1705 commence la participation de Amaro Pargo aux Flotte des Indes. Dans cette période où il était propriétaire et capitaine de la frégate El Ave María y Las Ánimas avec lequel il a navigué du port de Santa Cruz de Tenerife à La Havane. Les bénéfices réinvestis commerce des Canaries-américains dans leurs champs, destinés principalement à la culture du raisin Malvasia et vidueño, dont la production (principalement de vidueño) a été envoyé en Amérique[2]. Amaro Pargo a été l'un des personnages historiques les plus importants de ceux qui ont participé cette route commerciale.

Du déclin à la disparition[modifier | modifier le code]

Au cours du XVIIe siècle, le rôle de la flotte des Indes commença à décliner pour diverses raisons :

Ces événements eurent des conséquences néfastes sur l'économie espagnole, déjà affaiblie par les guerres. Les transferts de richesses furent également la cause d'une forte inflation et d'une véritable « révolution des prix » qui affaiblit considérablement l'économie espagnole péninsulaire au XVIe siècle. La dernière grande flotte des Indes fut organisée en 1776. Dans les années suivantes, Charles III d'Espagne et ses successeurs réduisirent puis abolirent le monopole - la Casa de Contratación fut supprimée en 1790 - et ouvrirent les ports des colonies au commerce libre.

Le « Zilvervloot »[modifier | modifier le code]

Piet Hein, copie de 1629 d'après un original perdu de 1625 par le peintre Jan Daemen Cool.

« De Zilvervloot » (ce qui signifie la « Flotte de l'Argent » en néerlandais, nom qui désignait dans les Provinces-Unies la Flotte des Indes) est un chant populaire des Pays-Bas qui célèbre la victoire de Piet Hein en 1628. Il a été composé en 1844 par le médecin et musicien Joannes Josephus Viotta, sur des paroles du médecin et poète Jan Pieter Heije.

(couplet)
Heb je van de zilveren vloot wel gehoord
de zilveren vloot van Spanje?
Die had er veel Spaanse matten aan boord
En appeltjes van Oranje!

Sprak toen niet Piet Hein met een aalwaerig woord:
"Wel jongentjes van Oranje,
Kom, klim 'reis aan dit en dat Spaansche boord
En rol me de matten van Spanje"?

Klommen niet de jongens als katten in 't want
En vochten ze niet als leeuwen?
Ze maakten de Spanjers duchtig te schand
Tot in Spanje klonk hun schreeuwen!

(refrain)
Piet Hein!, Piet Hein!, Piet Hein zijn naam is klein,
Zijn daden bennen groot. (bis)
Hij heeft gewonnen de zilveren vloot,
Die heeft gewonnen, gewonnen de Zilvervloot. (bis)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Celles-ci nous sont connues grâce aux Archives des Indes, à Séville.
  2. (en) Manuel De Paz Sánchez et Daniel García Pulido (Francisco Javier Macías Martín (ed.)), El corsario de Dios. Documentos sobre Amaro Rodríguez Felipe (1678-1747), Canarias, Archivo Histórico Provincial de Santa Cruz de Tenerife, coll. « Documentos para la Historia de Canarias », , 415 p. (ISBN 978-84-7947-637-3, lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Source[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Blond, Georges, Histoire de la flibuste (1969), réédité en 2014 aux Éditions Tallandier (398 pages en format de poche) ; ouvrage très bien documenté et rédigé dans un style excellent : officier de marine de formation, l'auteur était devenu un spécialiste d'histoire maritime.
  • Chaunu, P., Séville et l'Atlantique, S.E.P.V.E.N, Paris, 1955-59.
  • Chaunu, P., Séville et l'Amérique aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, 1978.
  • (es) García-Baquero González A., La Carrera de Indias, Salamanque, 1992. Traduit par :
    • Bennassar, B., La carrera de Indias. Histoire du commerce hispano-américain (XVIeXVIIIe siècle), Desjonquères, Paris, 1993.
  • (es) Lucena Salmoral, M., La Flota de Indias, Barcelone, 1985.
  • Morineau, M., Incroyables gazettes et fabuleux métaux, Paris, 1985.
  • (es) Pérez Turrado, G., Armadas españolas de Indias, MAPFRE, Madrid, 1992.
  • Auguste Thomazi, Les Flottes de l'or, histoire des galions d'Espagne, Payot, Paris, 1956.
  • (en) Walker, G. J., Spanish Politics and Imperial Trade, 1700–1789, Londres, 1979.
  • (en) Zarin, C., « Green dreams. A mystery of rare, shipwrecked emeralds », The New Yorker, , p. 76-83.

Articles connexes[modifier | modifier le code]