Désalcoolisation

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La désalcoolisation est une action visant à réduire le taux d'alcool d'une boisson alcoolisée, notamment le vin, ou la bière.

Histoire[modifier | modifier le code]

Historiquement, sous l'ancien régime, certains vignerons et aubergistes « mouillent » leurs vins par un ajout d'eau, pour en augmenter le volume et donc leurs revenus. L'ajout d'eau dilue le vin et donc diminue la teneur en alcool. Les vignerons apprennent ensuite à régulariser le travail des levures en jouant sur la température de fermentation. Plus la température est basse, moins les levures produisent d'alcool, d'autant plus qu'à des températures élevées le vin acquiert des arômes de fruit cuit. Pour ce faire, la nuit ils laissent les portes de la cave grandes ouvertes afin d'y laisser entrer l'air frais, ou ajoutent dans la cuve en fermentation des pains de glace, cette technique étant aujourd'hui également interdite.

Entre le XIXe siècle et le XXe siècle, le vin est globalement considéré comme une boisson quotidienne, et souvent coupé à l’eau lors du repas.

Dans le courant du XXe siècle, la définition des AOC par l'INAO et les politiques européennes[N 1] favorisent les vins de qualité plutôt que la quantité. En viticulture, cela se traduit par des rendements maîtrisés, qui donnent des raisins plus mûrs et concentrés, donc avec un taux d'alcool potentiel plus élevé.

À partir des années 1970, s'ajoute le réchauffement du climat qui aboutit à gagner en moyenne un degré d'alcool tous les dix ans.

Les caves coopératives ont aussi longtemps rémunérés les vignerons au « degré-hecto », un prix de base multiplié par le volume (hectolitres) et par le taux d'alcool (degré). C'était à la fois un gage de quantité et de qualité, mais cela a orienté la filière viti-vinicole vers des clones de cépages ayant un meilleur rendement d'alcool. C'est-à-dire que pour le même rendement et la même maturité, les vignes produisent des raisins ayant un taux de sucre supérieur.

Aujourd'hui ces cépages sont toujours en place dans les vignobles alors que la demande se diversifie. Certains clients recherchent plutôt des vins moins alcoolisés et plus légers. Pour répondre à cette demande, les vinificateurs ont le choix entre différentes techniques de désalcoolisation.

Techniques[modifier | modifier le code]

Pré-fermentaire[modifier | modifier le code]

Mouillage[modifier | modifier le code]

Le mouillage est l'ajout d'eau au moût, qui augmente le volume total, donc diminue la concentration d'alcool dans le milieu.

Levures à faible rendement alcoolique[modifier | modifier le code]

L'utilisation de levures moins productrices d'alcool au moment de la fermentation est une méthode prometteuse, qui a fait l'objet d'études juridiques.

L'idée est de dévier le processus métabolique des sucres du moût vers une voie alternative, la voie des pentoses phosphate, au lieu de la voie de production d'alcool. Cette voie, naturellement présente chez les levures, est moins active pendant la fermentation alcoolique. En favorisant cette voie, il est possible d'éliminer une partie du carbone sous forme de CO2 et non de sucre fermentescible en alcool[1].

La levure Lachancea thermotolerans (ou Kluyveromyces thermotolerans), non-saccharomyces, a un métabolisme qui produit de l'acide lactique en lieu et place de l'éthanol[2]. Désormais sélectionnée et commercialisée pour cette spécificité, elle peut être à l'origine de vins naturellement peu alcoolisés avec une augmentation de leur acidité, ce qui répond d'autant plus à la problématique causée par le réchauffement climatique.

Filtration membranaire[modifier | modifier le code]

Filtration menant à une réduction du taux d'alcool final par extraction du sucre excédentaire à l'aide du couplage membranaire ultrafiltration / nanofiltration (UF-NF)[3].

Fermentaires[modifier | modifier le code]

Extraction au gaz[modifier | modifier le code]

L'entraînement au CO2, ou stripping, est une méthode où l'alcool est extrait du vin en cours de fermentation en utilisant du dioxyde de carbone (CO2) pour entraîner l'alcool hors du liquide. Cette méthode peut réduire la teneur en alcool du vin tout en préservant davantage les caractéristiques aromatiques et gustatives, comparé à la distillation traditionnelle[1].

Distillation sous vide[modifier | modifier le code]

La distillation sous vide est une méthode permettant d'extraire l'alcool pendant la fermentation. Une partie du lot en fermentation est soumise à un processus de distillation sous vide, ce qui réduit la pression et abaisse le point d'ébullition de l'alcool. Cela permet d'extraire une partie de l'alcool tout en minimisant les pertes aromatiques et sensorielles associées à la distillation traditionnelle.

Post-fermentaire[modifier | modifier le code]

Plusieurs méthodes d'extraction d'alcool après la fermentation sont examinées. Cela inclut des techniques comme la distillation sous vide, le stripping, ainsi que des approches basées sur des membranes, telles que l'osmose inverse et la Nanofiltration-contacteur à membrane (NF-CM).

Ces méthodes sont appliquées au vin fini pour réduire la teneur en alcool, tout en préservant au maximum les caractéristiques sensorielles et physicochimiques du vin[1]. Cependant, les processus de séparation par membrane ne peuvent pas assurer une séparation purement sélective, car des composants aromatiques de tailles moléculaires similaires sont également séparés. De plus, le blocage des membranes en raison des solutions protéiques peut être un problème[4].

Osmose inverse[modifier | modifier le code]

La technique est celle de l'osmose inverse - contacteur à membrane (OI-CM)[1]. L'osmose inverse implique l'utilisation de membranes semi-perméables en cellulose acetate ou en polyamides avec une pression pouvant atteindre 60 bars, ce qui est significativement plus élevé que dans d'autres méthodes de filtration. La pression transmembranaire est supérieure à la pression osmotique de la solution à séparer. Les membranes utilisées dans l'osmose inverse ne possèdent pas de propriétés sélectives spécifiques pour la séparation de l'alcool et de l'eau. Ainsi, dans le traitement des boissons alcoolisées, des mélanges variables d'alcool et d'eau sont obtenus en tant que perméat, où des arômes et du dioxyde de carbone sont également dissous[4].

Alternatives[modifier | modifier le code]

Plusieurs alternatives au vignoble existent pour obtenir des raisins avec un taux de sucre diminué.

Date de récolte[modifier | modifier le code]

Une récolte réalisée plus précocement permet d'avoir des raisins moins mûrs, et moins riches en sucre. Les maturités aromatique et phénolique peuvent cependant elles ne pas être encore atteintes. En revanche, une vendange plus précoce permet d'avoir un taux d'acidité plus important, qui balance une teneur en alcool plus élevée. Cette solution doit être mise en place en fonction du millésime, et n’a pas d'influence sur la conduite de la vigne.

Gestion des rendements[modifier | modifier le code]

La gestion des rendements peut permettre d'avoir des raisins moins riches en sucre, mais ils risquent également de voir leur concentration aromatique et phénolique diminuer, et produiront des vins peu concentrés. Cette solution peut être appliquée au vignoble en une à deux années.

Sélection variétale[modifier | modifier le code]

La sélection de vignes (cépage ou clone) moins productrices en sucres permet d'avoir des raisins atteignant leur maturité optimale et la concentration souhaité, tout en ayant un taux d'alcool potentiel moins élevé. Cela implique l’arrachage du vignoble et une nouvelle plantation, donc une solution contraignante et à long terme.

Modifications organoleptiques[modifier | modifier le code]

Le fait d'enlever de l'alcool au vin peut menacer son équilibre, dans les faits il semble qu'au-delà d'une baisse technique du taux d'alcool supérieure à un degré, le vin risque d'acquérir un goût plus sec et amer. L'acidification peut être une technique complémentaire pour ajuster l'équilibre du vin.

Réglementation[modifier | modifier le code]

France[modifier | modifier le code]

Monde[modifier | modifier le code]

Le coupage à l'eau est par exemple légal et commun en Californie[5].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La Commission Européenne de Dublin en 1984 décrète « Pour l’avenir, seuls les investissements ayant pour but l’amélioration de la qualité des vins, sans augmentation de la production feront l’objet d’une aide communautaire. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Institut Français de la Vigne et du Vin, « Maîtrise de la teneur en alcool des vins », Colloque Euroviti,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF])
  2. X-Media, « Deux nouvelles levures non-saccharomyces chez AEB », sur mon-ViTi, (consulté le )
  3. « La désalcoolisation, une réponse partielle à la hausse des degrés alcooliques | Réussir Vigne » Accès limité, sur www.reussir.fr (consulté le )
  4. a et b Magdalena Müller, Konstantin Bellut, Johannes Tippmann et Thomas Becker, « Physical Methods for Dealcoholization of Beverage Matrices and their Impact on Quality Attributes », ChemBioEng Reviews, vol. 4, no 5,‎ , p. 8 (ISSN 2196-9744, DOI 10.1002/cben.201700010, lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  5. Article Les vins californiens en quête d’une image territoriale sur le site de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]