Chleuh (argot)

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En argot, le terme chleuh est un sobriquet appliqué successivement :

Étymologie[modifier | modifier le code]

Argot français[modifier | modifier le code]

D'après Gaston Esnault, le mot « chleuh » a été employé, pendant la Première Guerre mondiale, par les soldats combattant au Maroc, pour désigner un soldat de l'armée territoriale[1]. Cet emploi a été introduit en France métropolitaine, vers 1933, par des soldats ayant combattu au Maroc[1].

D'après Albert Dauzat[2], « chleuh » a été employé en France, vers 1936, pour désigner un frontalier parlant une autre langue que le français, telle que le (franc-)comtois ou l'alsacien[1].

Le mot est également employé, autour de la Seconde Guerre mondiale, pour désigner de manière péjorative les Allemands[3],[4]. L'humoriste et résistant Pierre Dac en fait ainsi usage dans sa chanson J'vais m'faire Chleuh ![5] :

« Si vous me voyez étreint d'une forte émotion,
C'est que je viens de prendre une grav' décision,
Je vais m'faire chleuh !
N'croyez pas que je plaisant', c'est extrêm'ment sérieux
Et mes chansons, ce soir, sont des chansons d'adieu
Je vais m'faire chleuh !
Ce n'est pas d'gaieté de cœur que j'vais abandonner
Comm'ça, d'un jour à l'autr', ma nationalité
Pour me fair' chleuh !
Mais c'est tout ce qui reste à ma disposition
Pour exprimer dignement ma réprobation
Je vais m'fair' chleuh ! »

— Pierre Dac, J'vais m'faire chleuh[5],[6].

Pierre Dac reprenait un usage de l'armée française qui avait dû affronter une vive résistance des combattants marocains (cette « pacification » ne s'est achevée qu'en 1934[7]).

Le mot est alors synonyme de Boches. L'origine en remonte à l'installation du protectorat français au Maroc en 1912, face à la rivalité allemande[8] :

« Pourquoi le mot servit-il à désigner l'occupant nazi, devenant le synonyme peu flatteur des Boches, des Frisés ou des Doryphores, autres sobriquets de Allemands ? La raison se trouve dans la résistance qu'opposèrent les guerriers berbères à l'armée française lors de la difficile conquête du Maroc et l'instauration du protectorat en 1912. Les combats furent âpres, et les combattants chleuhs se montrèrent particulièrement coriaces[5]. »

— Éric Fottorino, Berbères, Philippe Rey éditeur, 2012

Argot israélien[modifier | modifier le code]

D'après Daniel J. Schroeter, le mot « chleuh » a également été transmis en Israël par les immigrants juifs du Maroc et le terme signifie « simplet » en argot israélien[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Informations lexicographiques et étymologiques de « chleuh » (sens B) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 2 août 2015).
  2. Albert Dauzat, « “Chleuh”, surnom des Allemands », Le Français moderne, vol. 16, no 4,‎ (lire en ligne, consulté le ), p. 138-139 (consulté le 2 août 2015).
  3. Philippe Lhommet, Cauchois d'hier et d'autrefois, TheBookEdition, , 204 p. (ISBN 9791092559149), p. 153.
  4. « Chleuh (sens B) », Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  5. a b et c Éric Fottorino (photogr. Olivier Martel), Berbères, Paris, Philippe Rey, , 144 p., 19 × 24 cm (ISBN 978-2-84876-229-6, OCLC 816607995, BNF 42756949, présentation en ligne), p. 57 (lire en ligne [PDF], consulté le 2 août 2015).
  6. « 02/09/1939 : La Drôle de guerre », d'après Apocalypse, la Seconde Guerre mondiale : 2. L'écrasement (1939-1940) [html], sur apocalypse.france2.fr, France 2 (consulté le ).
  7. La « pacification ».
  8. Les rivalités entre puissances .
  9. Daniel J. Schroeter, « La découverte des juifs berbères », dans Michel Abitbol (dir.), Relations judéo-musulmanes au Maroc : Perceptions et Réalités. Actes du premier congrès du Centre international de recherche sur les juifs du Maroc (Marrakech et Paris, ), Paris, Stavit, , 367 p., 24 cm (ISBN 2-911671-35-X et 9782911671357, OCLC 421418396, BNF 37027091), p. 169-187 (lire en ligne [html], consulté le 11 décembre 2016).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]

  • Elsa Clairon (images Berangère Lallement), « Le mot : boche, chleu et Fritz », d'après Karambolage no 23 du [html], sur arte.tv, Arte, publié le 11 juin 2015, dernière mise à jour 6 juillet 2015 (consulté le )