Affaire Bernard Preynat

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Affaire Bernard Preynat
Fait reproché Pédophilie
Chefs d'accusation Agression sexuelle sur mineur
Pays Drapeau de la France France
Ville Sainte-Foy-lès-Lyon
Date entre 1972 et 1991
Nombre de victimes + de 20
Jugement
Statut Affaire jugée : condamné à cinq ans de prison ferme
Tribunal Tribunal correctionnel de Lyon
Date du jugement janvier 2020
Recours Non

L'affaire Bernard Preynat est une affaire judiciaire mettant en cause le prêtre Bernard Preynat, condamné pour avoir agressé sexuellement des enfants entre 1972 et 1991, lors de l’organisation de camps scouts.

En juillet 2019, il est jugé coupable par un tribunal ecclésiastique et renvoyé de l’état clérical. Il est jugé en janvier 2020 par le tribunal correctionnel de Lyon pour agressions sexuelles de dix anciens scouts de Sainte-Foy-lès-Lyon. Il y reconnaît les accusations, estimant le nombre effectif de ses victimes à un, deux ou trois enfants par week-end et, pendant les camps, à quatre ou cinq enfants par semaine, et ce durant deux décennies. Le 16 mars 2020, il est condamné à cinq ans de prison ferme.

L'affaire Bernard Preynat est à l’origine du procès de Philippe Barbarin condamné en première instance, le 7 mars 2019, à 6 mois de prison avec sursis, pour ne pas avoir dénoncé ces abus sexuels, avant que la juge de la cour d’appel de Lyon n'annule sa condamnation en prononçant sa relaxe le 30 janvier 2020, puis que la Cour de cassation confirme cette décision.

Historique[modifier | modifier le code]

Bernard Preynat est né le . Ordonné prêtre le 10 octobre 1971, il est nommé vicaire dans la paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon située dans l’actuelle métropole de Lyon en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il crée le groupe scouts Saint-Luc en 1972[1]. Cette structure est indépendante des scouts de France, elle n’est rattachée à aucun mouvement. Bernard Preynat en est le seul responsable[2]. Le prêtre pédophile Jean-Marc Desperon était chef scout dans ce même Groupe Saint-Luc dans les années 1970, avant son ordination en 1983[3].

Traitement du dossier au sein de l'Église[modifier | modifier le code]

Quatre cardinaux sont informés successivement des crimes de Bernard Preynat : Albert Decourtray, Jean Balland, Louis-Marie Billé et enfin Philippe Barbarin[4].

En 1991, Bernard Preynat est dénoncé au cardinal Albert Decourtray, par les parents d’un ancien scout qui participait à des camps encadrés par le prêtre. Le cardinal évoque devant des parents ce dossier d'agression : « Il y a du diabolique dans cette affaire et le coupable n'est qu'une victime que je vais tenter de libérer ». Le prêtre est écarté quelque temps des mineurs, puis de nouvelles missions lui sont confiées toujours auprès d'enfants[5],[6],[7].

Au début des années 2000, Bernard Preynat aurait raconté son comportement au cardinal Louis-Marie Billé, mais celui-ci n’aurait rien dit. Il le nomme à Cours-la-Ville, dans le Rhône, puis au Coteau, dans la Loire[8],[9].

Arrivé à la tête de l’archidiocèse de Lyon en 2002, Philippe Barbarin prend connaissance de rumeurs en 2007. Il convoque Bernard Preynat, qui reconnaît les faits mais assure ne pas les avoir réitérés depuis 1990. Philippe Barbarin lui impose une courte quarantaine puis lui délègue l'animation de trois paroisses jusqu'en 2015[10], le nomme à la tête de l'un des 18 doyennés du diocèse en 2011 et lui confie un jumelage avec le Liban[11].

Le 5 juillet 2019, Bernard Preynat est renvoyé de l’état clérical par un tribunal ecclésiastique[1]. Le tribunal indique : « Au regard des faits et de leur récurrence, du grand nombre de victimes, du fait que l’abbé Bernard Preynat a abusé de l’autorité que lui conférait sa position au sein du groupe scout(…), le tribunal a décidé de lui appliquer la peine maximale prévue par le droit de l’Église dans un tel cas, à savoir le renvoi de l’état clérical »[12].

L’archidiocèse de Lyon décide d'indemniser 21 victimes du prêtre. En décembre 2020, une somme globale de 169 500  est donnée aux 14 premières « dont les faits étaient prescrits et qui ne pouvaient donc pas saisir le tribunal judiciaire ». Les sept autres doivent être indemnisés à la fin des procédures judiciaires[13].

Procédure judiciaire[modifier | modifier le code]

En janvier 2016 l’affaire Bernard Preynat éclate[14]. L’association La Parole libérée organise une conférence de presse pour rendre public le dossier. Elle essaie de rassembler les victimes de Bernard Preynat. Elle accuse les évêques successifs du diocèse de Lyon de ne pas avoir pris de mesure immédiate le concernant[1]. En mars 2016, Bernard Preynat est placé sous contrôle judiciaire après avoir été mis en examen pour agressions sexuelles sur plusieurs mineurs[6]. Il se réfugie à Fontaines-sur-Saône dans un appartement de la communauté des petites sœurs de Saint Joseph de Montgay[15].

Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, est cité à comparaître en 2018 devant la justice à la suite de la découverte; lors d'une perquisition à l'archevêché; d'une lettre adressée au cardinal Barbarin où il lui recommandait « les mesures disciplinaires adéquates [contre le père Bernard Preynat] tout en évitant le scandale public », ce qui constituait une complicité de non-dénonciation de crime. Le Saint-Siège refuse alors de donner suite à la citation le 17 septembre 2018 en invoquant l'immunité de Ladaria « dans l'exercice de fonctions souveraines »[16].

L'affaire Bernard Preynat est à l’origine du procès de l’archevêque Philippe Barbarin, condamné en première instance le 7 mars 2019 à 6 mois de prison avec sursis, pour ne pas avoir dénoncé ces abus sexuels[17],[1], mais relaxé le 30 janvier 2020 par la cour d'Appel de Lyon[18]. La Cour de cassation confirme cette dernière décision en avril 2021[19].

Le procès de l’ancien prêtre, jugé pour agressions sexuelles sur mineurs devant le tribunal correctionnel de Lyon, se tient du 14 au 17 janvier 2020. Bernard Preynat explique qu’il a été lui-même agressé sexuellement par un sacristain de sa paroisse, puis par un séminariste et un prêtre au petit séminaire[20]. Il reconnaît les accusations. Il estime le nombre de ses victimes de un à trois enfants par week-end et « pendant les camps, ce pouvait être quatre ou cinq enfants en une semaine » pendant deux décennies. Un avocat d’une victime précise : « Sur la période, ça fait entre 3 000 et 4 000 » agressions. Bernard Preynat affirme que ses responsables ne l’ont pas interrogé sur le détail de ses agressions. Il précise s’être confessé à plusieurs reprises[21],[22],[23]. À l’issue du procès la procureur réclame 8 ans de prison ferme[24].

Le 16 mars 2020, Bernard Preynat, âgé de 75 ans, est condamné à cinq ans de prison ferme, sans mandat de dépôt, pour des agressions sexuelles commises sur des jeunes scouts[25]. Il renonce à faire appel en novembre 2020[26]. Il n'est pas emprisonné compte tenu de son état de santé. Puis il est arrêté en novembre 2021 pour être présenté devant un tribunal et incarcéré dans le centre pénitentiaire de Saint-Étienne-La Talaudière[27].

En , il demande un « aménagement de peine sous forme d'une libération conditionnelle ou d'une détention à domicile sous surveillance électronique » pour raisons de santé[28].

Adaptation cinématographique[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Grâce à Dieu est un film de François Ozon, sorti en 2018, basé sur le parcours de l'association La Parole libérée[29] et inspiré du livre Grâce à Dieu, c'est prescrit : L'affaire Barbarin de la journaliste Marie-Christine Tabet évoquant l'affaire Bernard Preynat. Ces titres ont pour origine une phrase du cardinal Barbarin prononcée en mars 2016, lors d'une conférence de presse : « La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits, mais certains peut-être pas »[30],[31],[32],[33], le cardinal remerciant immédiatement après, un journaliste qui l'interroge sur « la violence » de son propos, et jugeant « maladroite » la formulation de celui-ci[34], car il voulait dire que la majorité des faits reprochés à Bernard Preynat étant prescrits, cela signifiait peut-être qu'heureusement aucun autre ne s’était produit depuis 1991[35].

Assignation en référé[modifier | modifier le code]

Avant la sortie en salle prévue le , François Ozon est assigné en référé[36] deux fois car la défense veut obtenir le report de la sortie du film ou le retrait de la bande sonore des noms de Régine Maire et Bernard Preynat en raison de la protection de la vie privée pour la première et de la présomption d'innocence pour le second[37],[38],[39]. François Ozon se défend d'avoir établi un portrait à charge contre Régine Maire[40] et estime que son film « n’invente ni ne dit rien qui n’ait déjà été porté à la connaissance du public par la presse, les livres ou les documentaires consacrés déjà à cette affaire »[41]. Le , le tribunal de grande instance de Paris se prononce pour la sortie du film à la date initialement prévue, en relevant que le procès de Bernard Preynat n’est ni fixé ni prévu à une date proche et qu'un report « pourrait à l’évidence conduire, compte tenu des divers recours possibles, à ne permettre la sortie du film que dans plusieurs années » dans des conditions qui « porteraient atteinte à la liberté d’expression et de création » et « créeraient des conditions d’exploitation économiques insupportables »[42]. La demande de Bernard Preynat de suspension de l’exploitation du film est rejetée par la cour d’appel de Paris en [43]. En janvier 2021, le pourvoi en cassation de Bernard Preynat est rejeté indiquant que le film s'inscrivait dans un « débat d'intérêt général »[44].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d « Affaire Preynat, synthèse », sur Site de l’Église catholique dans le Rhône et le Roannais,
  2. « Le procès Preynat va-t-il marquer une étape dans la prise de conscience par l’Église de la pédocriminalité ? », La Croix,‎ (lire en ligne)
  3. « Disparition d’un ancien prêtre accusé d’emprise sur mineurs dans le Tarn-et-Garonne », La Croix,‎ (lire en ligne)
  4. Pedotti 2019, p. 60
  5. « L'édifiant silence de l’Église pointé du doigt lors du procès Preynat », sur 20minutes.fr (consulté le )
  6. a et b Claire Lesegretain, « Que devient Bernard Preynat ? », La Croix,‎ (lire en ligne)
  7. Pedotti 2019, p. 40
  8. « L'ombre de l'affaire Preynat, curé présumé pédophile, a plané sur les célébrations au sanctuaire de Pontmain », France Bleu,‎ (lire en ligne)
  9. « Le cardinal Barbarin a-t-il couvert un prêtre pédophile ? Retour sur l'affaire Preynat », Marianne,‎ (lire en ligne)
  10. Emeline Cazi et Cécile Chambraud, « Pédophilie dans le diocèse de Lyon : l’Eglise de France mise en cause », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  11. Centre France, « Costellois et Libanais reçus par Monseigneur Barbarin », sur le-pays.fr (consulté le ).
  12. « Affaire Preynat: Accusé de pédophilie, le prêtre lyonnais réduit à l'état laïc », 20 minutes,‎ (lire en ligne)
  13. « Pédophilie dans l’Église : le diocèse de Lyon indemnise 14 victimes de l’ancien prêtre Preynat », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  14. Cécile Chambraud et Emeline Cazi, « Pédophilie : comment l’Église a tenté d’étouffer l’affaire Preynat à Lyon », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  15. « Réfugié chez les sœurs », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  16. « Affaire Barbarin : le Vatican rappelle l’immunité du cardinal Ladaria », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  17. « Affaire Preynat. Le procès de l’ex-prêtre reporté à demain », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  18. « Rhône. Pédophilie dans l’Église : le cardinal Barbarin relaxé devant la cour d'appel », Le Progrès,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. « Affaire Barbarin : la Cour de cassation encadre l’obligation de dénonciation d’atteintes sexuelles sur mineurs », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « Bernard Preynat révèle avoir été abusé par trois hommes d'Église étant enfant », HuffingtonPost,‎ (lire en ligne)
  21. Béatrice Bouniol et Céline Hoyeau, « Bernard Preynat, les leçons d’une affaire hors normes », La Croix,‎ (lire en ligne)
  22. « "Quatre ou cinq enfants par semaine" : les aveux glaçants de l'ex-prêtre Bernard Preynat », HuffingtonPost,‎ (lire en ligne)
  23. « Bernard Preynat, « mi-prêtre, mi-traître » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  24. « En direct - Procès Preynat : « Il fait acte de contrition mais il veut effacer les victimes » », La Croix,‎ (lire en ligne)
  25. « L’ex-prêtre Bernard Preynat condamné à cinq ans de prison ferme pour agressions sexuelles sur mineurs », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  26. « Affaire Preynat : l'ex-prêtre, condamné pour agressions pédophiles, renonce à faire appel », Franceinfo,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Le père Preynat arrêté dans la Loire et présenté devant un tribunal », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. Antoine Sillières, « Lyon : condamné pour pédophilie, le père Preynat demande sa libération après deux ans de prison », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. « Abus sexuels : l’emblématique association La Parole Libérée se dissout », La Croix,‎ (lire en ligne)
  30. « « Grâce à Dieu » ou la puissance de la fiction », La Croix,‎ (lire en ligne)
  31. « Pédophilie : le père Preynat va faire appel de la non-prescription des faits », Metronews,‎ (lire en ligne).
  32. « Mgr Barbarin, la prescription et la "grâce de Dieu" », Le Point,‎ (lire en ligne).
  33. « Barbarin : «La majorité des faits est prescrite, grâce à Dieu» », sur Le Figaro.
  34. « Cardinal Barbarin : « On s’est peut-être trompé » », La Croix,‎ (lire en ligne)
  35. « Affaire Barbarin, nous sommes témoins », La Croix,‎ (lire en ligne).
  36. Jacques Mandelbaum, « Cinéma : la sortie de « Grâce à Dieu », de François Ozon, menacée », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  37. « « Grâce à Dieu » : la présomption d’innocence au cœur du débat sur le report du film de François Ozon », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  38. « Ozon assigné pour le report de son film sur un prêtre accusé de pédophilie », sur 20 Minutes (consulté le )
  39. « VIDEO. Le film de François Ozon assigné une deuxième fois », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  40. « François Ozon : juste une mise au point », La Nouvelle République du Centre,‎ (lire en ligne).
  41. « François Ozon : « L’Église est en train de prendre conscience du problème » de la pédophilie », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  42. « Pédophilie dans l’Église : la justice refuse le report de la sortie du film de François Ozon, « Grâce à Dieu » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  43. « Pédophilie dans l’Église : le film « Grâce à Dieu » pourra être diffusé en VOD et à l’international », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  44. « Grâce à Dieu de François Ozon: le recours du père Preynat définitivement rejeté », Le Figaro,‎ (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]