« Opus caementicium » : différence entre les versions

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[[Fichier:OpusCaementiciumViaAppiaAntica.jpg|vignette|300px|Noyau en ''opus caementicium'' d'une tombe de la [[voie Appienne]].]]
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L''''''opus caementicium''''' (du [[latin]] ''{{lang|la|caementum}}'' : moellon, pierre brute, agrégat) était une maçonnerie de blocage constituée par un mélange de [[mortier (matériau)|mortier]] et de pierres tout venant (appelées ''{{lang|la|caementa}}'', moellons, fragments de pierre, déchets de taille) coffré à la manière du [[pisé]] entre deux [[banche (maçonnerie)|banches]] ou entre deux parements dressés avec soin faisant office de [[coffrage perdu]].
L''''''opus caementicium''''' (du [[latin]] ''{{lang|la|caementum}}'' : moellon, pierre brute, agrégat), également appelé le béton romain, était utilisé dans la construction dans la Rome antique. Comme son équivalent moderne, le béton romain reposait sur un [[ciment]] à prise hydraulique ajouté à un granulat.


De nombreux bâtiments et ouvrages encore debout aujourd'hui, comme des ponts, des réservoirs et des aqueducs, ont été construits avec ce matériau, ce qui témoigne à la fois de sa polyvalence et de sa durabilité. Sa résistance était parfois renforcée par l'incorporation de de la [[pouzzolane]] lorsqu'elles étaient disponibles (en particulier dans la baie de Naples). Cet ajout a empêché les fissures de se propager. Des recherches récentes ont montré que l'incorporation de clastes de chaux permettait au béton d'auto-réparer les fissures<ref>{{Lien web |langue=en |prénom=David |nom=Ch |nom2=ler |titre=Riddle solved: Why was Roman concrete so durable? |url=https://techxplore.com/news/2023-01-riddle-roman-concrete-durable.html |site=techxplore.com |consulté le=2023-03-14}}</ref><ref>{{Lien web |langue=es |titre=Por esto el hormigón de los antiguos romanos era tan fuerte (y aún hoy podemos aprender de él) |url=https://www.infoterio.com/2023/01/Por-esto-el-hormigon-de-los-antiguos-romanos-era-tan-fuerte.html |site=Infoterio Noticias {{!}} Ciencia y Tecnología |consulté le=2023-03-14}}</ref>.[[Fichier:Intérieur Panthéon - Rome (IT62) - 2021-08-30 - 1.jpg|vignette|Le dôme du [[Panthéon (Rome)|Panthéon de Rome]], vu de l'intérieur.]]L'''opus caementicium'' est l'une des clés de la réussite de la construction romaine, qui s'est développée à la fin du {{-s-|III|e}} dans le [[Latium]] et en [[Campanie]] et s’est rapidement diffusée dans l'ensemble du monde romain<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Flavio Conti|titre=A Profile of Ancient Rome|passage=150|éditeur=Getty Publications|date=2003|isbn=|lire en ligne=}}.</ref><ref name=":0">{{Lien web |titre=National Pozzolan Association: The History of Natural Pozzolans |url=https://pozzolan.org/history-pozzolans.html |site=pozzolan.org |consulté le=2023-03-14}}</ref>. Le secret du béton romain durable (opus caementicium) a été perdu pour le monde avec l'effondrement de l' empire<ref name=":0" />.
Le mortier antique était dans le meilleur des cas de la [[Chaux (matière)|chaux grasse]] mêlée à de la [[pouzzolane]] (ou des tuileaux {{incise|fragments de terre cuite}} qui contribuaient à rendre le mortier hydraulique), auquel cas il pouvait prendre l'apparence du [[béton de ciment]] moderne. Toutefois, il était très souvent constitué d'argile (les Grecs nommaient cette maçonnerie ''[[emplekton]]''<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Carmelo G. Malacrino|titre=Constructing the Ancient World: Architectural Techniques of the Greeks and Romans|éditeur=Getty Publications|date=2010|passage=114|isbn=|lire en ligne=}}.</ref>) additionnée de chaux quand cela était possible. La définition fournie par l'archéologue [[Jean-Pierre Adam]] oscille dès lors entre celle d'une concrétion inébranlable fondée sur l'utilisation de la chaux {{incise|définition qu'a principalement retenu l'histoire}} et d'autre part celle de la structure tripartite « parements-noyau », dans lequel la partie centrale {{incise|le remplissage, le noyau, le blocage}} était constituée principalement par les ''caementa'' liés de manière solide par une bonne chaux ou, de manière sommaire, par une terre argileuse<ref>{{ouvrage | auteur = Jean-Pierre Adam | titre = La Construction romaine. Matériaux et techniques | numéro édition = 6 | éditeur = Grands manuels picards | année = 2011}}</ref>.

[[File:Pantheon_Rome-The_Dome.jpg|lien=https://en.wikipedia.org/wiki/File:Pantheon_Rome-The_Dome.jpg|vignette|Une vue du Panthéon à Rome, avec son dôme en ''opus caementicium'']]
Le béton romain était fréquemment utilisé en combinaison avec des revêtements et d'autres supports<ref name=":1">{{Lien web |titre=Aqua Clopedia, a picture dictionary on Roman aqueducts: Roman concrete / opus caementicium |url=http://www.romanaqueducts.info/picturedictionary/pd_onderwerpen/concrete2.htm |site=www.romanaqueducts.info |consulté le=2023-03-14}}</ref> et les intérieurs étaient en outre décorés de stuc, de fresques ou de marbre coloré. D'autres développements innovants dans le matériau - faisant partie de la 'révolution du béton' - ont contribué à des formes structurellement compliquées. L'exemple le plus frappant de ceux-ci est le dôme du [[Panthéon (Rome)|Panthéon]], le plus grand et le plus ancien dôme en béton non armé du monde.
[[Fichier:Intérieur Panthéon - Rome (IT62) - 2021-08-30 - 1.jpg|gauche|vignette|Le dôme du [[Panthéon (Rome)|Panthéon de Rome]], vu de l'intérieur.]]

L'''opus caementicium'' {{incise|maçonnerie liée au mortier de chaux}} est l'une des clés de la réussite de la construction romaine, qui s'est développée à la fin du {{-s-|III|e}} dans le [[Latium]] et en [[Campanie]] et s’est rapidement diffusée dans l'ensemble du monde romain<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Flavio Conti|titre=A Profile of Ancient Rome|éditeur=Getty Publications|date=2003|passage=150|isbn=|lire en ligne=}}.</ref>. Son succès s'explique par l'emploi de matériaux {{incise|les ''{{lang|la|caementa}}''}} dont la préparation n'exigeait pas de compétence particulière.{{Citation nécessaire}} Il pouvait dès lors être réalisé par une main-d’œuvre servile abondante. {{Citation nécessaire}} Beaucoup de constructions réalisées en bonne maçonnerie nous sont parvenues quasi intactes. De plus, le mélange a permis la réalisation de [[voûte]] monobloc (dite [[voûte concrète]]) d'une portée de plusieurs dizaines de mètres, comme pour la [[basilique de Maxence]] ou le [[Panthéon de Rome]].
== Références historiques ==
[[Vitruve]], écrivant vers 25 av. J.-C. dans son ''[[De architectura]]'', distingue les types de matériaux appropriés à la préparation des mortiers de chaux. Pour les mortiers structuraux, il a recommandé la pouzzolane (pulvis puteolanus en latin), le sable volcanique des lits de [[Pouzzoles|Pozzuoli]], de couleur brun-jaune-gris dans la région de Naples et brun rougeâtre près de Rome. Vitruve spécifie un rapport de 1 partie de chaux pour 3 parties de pouzzolane pour le mortier utilisé dans les bâtiments et un rapport de 1:2 pour les travaux sous-marins<ref>Vitruvius. ''[[De architectura|De Architectura]], Book II:v,1; Book V:xii2''</ref><ref name=":2">Lechtman & Hobbs, 1986.</ref>.

Les Romains ont d'abord utilisé le béton hydraulique dans les structures sous-marines côtières, probablement dans les ports autour de Baiae avant la fin du IIe siècle avant JC.[13] Le port de Césarée est un exemple (22-15 av. J.-C.) de l'utilisation à grande échelle de la technologie du béton sous-marin romain<ref name=":2" />.

Pour reconstruire Rome après l'incendie de 64 après JC qui a détruit de grandes parties de la ville, le nouveau code du bâtiment de Néron appelait en grande partie au béton à parement de brique.[citation nécessaire] Cela semble avoir encouragé le développement des industries de la brique et du béton.[11]Le béton romain diffère du béton moderne en ce que les agrégats comprenaient souvent des composants plus gros; par conséquent, il a été posé plutôt que coulé.[7] Les bétons romains, comme tout béton hydraulique, pouvaient généralement prendre sous l'eau, ce qui était utile pour les ponts et autres constructions au bord de l'eau.

== Propriétés matérielles: durabilité et auto-guérison ==
Le béton romain, comme tout béton, est constitué d'un [[granulat]] et d'un [[chaux hydraulique]], un liant mélangé à de l'eau qui durcit avec le temps. La composition de l'agrégat variait et comprenait des morceaux de roche, des carreaux de céramique, des clastes de chaux et des gravats de brique provenant des vestiges de bâtiments précédemment démolis. À Rome, le tuf (roche poreuse de faible densité) facilement disponible était souvent utilisé comme agrégat<ref>{{Lien web |langue=en-GB |titre=BBC One - Rome's Invisible City |url=https://www.bbc.co.uk/programmes/b05xxl4t |site=BBC |consulté le=2023-03-14}}</ref>.
[[Fichier:Closeup of Roman concrete from aqueduct displayed in Antibes, France.jpg|vignette|Gros plan du béton romain d'une tranche d'aqueduc romain exposé à Antibes, France]]
Le gypse et la chaux vive ont été utilisés comme liants<ref name=":0" />. Les poussières volcaniques, appelées pouzzolane ou "sable de fosse", étaient privilégiées là où elles pouvaient être obtenues. La pouzzolane rend le béton plus résistant à l'eau salée que le béton moderne.[15] Le mortier pouzzolanique avait une teneur élevée en alumine et en silice.

Des recherches de 2023 ont révélé que les clastes de chaux - auparavant considérés comme un signe de mauvaise technique d'agrégation - réagissent avec l'eau qui s'infiltre dans les fissures<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Linda M.|nom1=Seymour|prénom2=Janille|nom2=Maragh|prénom3=Paolo|nom3=Sabatini|prénom4=Michel|nom4=Di Tommaso|titre=Hot mixing: Mechanistic insights into the durability of ancient Roman concrete|périodique=Science Advances|volume=9|numéro=1|date=2023-01-06|issn=2375-2548|pmid=36608117|pmcid=PMC9821858|doi=10.1126/sciadv.add1602|lire en ligne=https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.add1602|consulté le=2023-03-14|pages=eadd1602}}</ref>. Cela produit du calcium réactif, qui permet à de nouveaux cristaux de carbonate de calcium de se former et de refermer les fissures.[16] Ces clastes de chaux ont une structure fragile qui a très probablement été créée dans une technique de "mélange à chaud" avec de la chaux vive plutôt que de la chaux éteinte traditionnelle, provoquant le déplacement préférentiel des fissures à travers les clastes de chaux, jouant ainsi potentiellement un rôle critique dans le mécanisme d'auto-guérison<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Riddle solved: Why was Roman concrete so durable? |url=https://news.mit.edu/2023/roman-concrete-durability-lime-casts-0106 |site=MIT News {{!}} Massachusetts Institute of Technology |consulté le=2023-03-14}}</ref>.

Le béton, et en particulier le chaux hydraulique responsable de sa cohésion, était un type de céramique structurale dont l'utilité découlait largement de sa plasticité rhéologique à l'état pâteux. La prise et le durcissement des ciments hydrauliques dérivés de l'hydratation des matériaux et l'interaction chimique et physique subséquente de ces produits d'hydratation. Cela différait de la prise des mortiers de [[Hydroxyde de calcium|chaux éteinte]], les ciments les plus courants du monde pré-romain. Une fois pris, le béton romain présentait peu de plasticité, même s'il conservait une certaine résistance aux contraintes de traction.

La prise des ciments pouzzolaniques a beaucoup en commun avec la prise de leur homologue moderne, le [[ciment Portland]]. La composition élevée en silice des ciments pouzzolanes romains est très proche de celle des ciments modernes auxquels ont été ajoutés du [[Laitier de haut-fourneau|laitier de haut fourneau]], des [[Cendre volante|cendres volante]]<nowiki/>s ou de la [[Fumée de silice|fumée de silic]]<nowiki/>e.

== Durabilité ==
[[Fichier:Tobermorite-t08-76a.jpg|vignette|Masse cristalline de tobermorite.]]
La longue durée de vie de certains ciments romains est due à la présence d'un minéral rare, issu de la réaction chimique entre la [[pouzzolane]] et la [[Chaux_(matière)|chaux]] [[Hydrate|hydratée]], la [[tobermorite]] d'aluminium. La durabilité de ces ciments était évidente depuis des siècles, mais sa cause n'est déterminée expérimentalement que depuis {{date-|juillet 2017}}.

Les figures de [[Cristallographie_aux_rayons_X|diffraction en rayons X]] réalisées en laboratoire, à l'aide d'[[Rayonnement_synchrotron|un synchrotron]]<ref>{{article|auteur=Marie D. Jackson, Sean R. Mulcahy, Heng Chen, Yao Li, Qinfei Li, Piergiulio Cappelletti et Hans-Rudolf Wenk|titre=Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete|périodique=American Mineralogist|volume=102|numéro=7|date=1er juillet 2017|doi=https://doi.org/10.2138/am-2017-5993CCBY|lire en ligne=https://pubs.geoscienceworld.org/ammin/article-lookup/102/7/1435|pages=1435-1450}}.</ref>, ont révélé la formation de cette [[tobermorite]] d'aluminium pour chacun des échantillons prélevés dans le ''Portus Cosanus'' ({{coord|42.4079N|11.2933E}}), dans le ''Baianus Sinus'' ({{coord|40.8228N|14.0885E}}), dans le ''Portus Neronis'' ({{coord|41.4432N|12.6314E}}) et dans le [[Portus_(port_romain)|''Portus Traianus'']] ({{coord|41.7785N|12.2520E}}), où ils ont subi l'action des vagues depuis leur
réalisation.


== Réalisations ==
Après le gâchage du mortier de chaux à la main, le mélange avec les ''caementa'' était réalisé à la montée de l'ouvrage, en alternant des pelletées de mortier et de caillasse. Cette manière de procéder est différente de celle pratiquée pour le [[béton de ciment]] moderne, dans lequel le mélange de mortier et de cailloux est préparé à l'avance. L'ensemble était éventuellement pilonné.
Après le gâchage du mortier de chaux à la main, le mélange avec les ''caementa'' était réalisé à la montée de l'ouvrage, en alternant des pelletées de mortier et de caillasse. Cette manière de procéder est différente de celle pratiquée pour le [[béton de ciment]] moderne, dans lequel le mélange de mortier et de cailloux est préparé à l'avance. L'ensemble était éventuellement pilonné.


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À mesure de la montée du mur, on pouvait ménager des [[Assise (construction)|assises]] de brique sur toute l’épaisseur du mur, qui permettaient de régulariser et de renforcer l'ensemble par l’effet de [[chaînage]].
À mesure de la montée du mur, on pouvait ménager des [[Assise (construction)|assises]] de brique sur toute l’épaisseur du mur, qui permettaient de régulariser et de renforcer l'ensemble par l’effet de [[chaînage]].


== Durabilité ==
== Réalisations ==
[[File:Pantheon_Rome-The_Dome.jpg|lien=https://en.wikipedia.org/wiki/File:Pantheon_Rome-The_Dome.jpg|vignette|Une vue du Panthéon à Rome, avec son dôme en ''opus caementicium'']]Le béton romain était fréquemment utilisé en combinaison avec des revêtements et d'autres supports<ref name=":1" /> et les intérieurs étaient en outre décorés de stuc, de fresques ou de marbre coloré. D'autres développements innovants dans le matériau - faisant partie de la 'révolution du béton' - ont contribué à des formes structurellement compliquées. L'exemple le plus frappant de ceux-ci est le dôme du [[Panthéon (Rome)|Panthéon]], le plus grand et le plus ancien dôme en béton non armé du monde.
[[Fichier:Tobermorite-t08-76a.jpg|gauche|vignette|Masse cristalline de tobermorite.]]
La longue durée de vie de certains ciments romains est due à la présence d'un minéral rare, issu de la réaction chimique entre la [[pouzzolane]] et la [[Chaux_(matière)|chaux]] [[Hydrate|hydratée]], la [[tobermorite]] d'aluminium. La durabilité de ces ciments était évidente depuis des siècles, mais sa cause n'est déterminée expérimentalement que depuis {{date-|juillet 2017}}.


La définition d'opus caementicium fournie par l'archéologue [[Jean-Pierre Adam]] oscille dès lors entre celle d'une concrétion inébranlable fondée sur l'utilisation de la chaux {{incise|définition qu'a principalement retenu l'histoire}} et d'autre part celle de la structure tripartite « parements-noyau », dans lequel la partie centrale {{incise|le remplissage, le noyau, le blocage}} était constituée principalement par les ''caementa'' liés de manière solide par une bonne chaux ou, de manière sommaire, par une terre argileuse<ref>{{ouvrage|auteur=Jean-Pierre Adam|titre=La Construction romaine. Matériaux et techniques|éditeur=Grands manuels picards|année=2011|numéro édition=6}}</ref>.
Les figures de [[Cristallographie_aux_rayons_X|diffraction en rayons X]] réalisées en laboratoire, à l'aide d'[[Rayonnement_synchrotron|un synchrotron]]<ref>{{article | auteur = Marie D. Jackson, Sean R. Mulcahy, Heng Chen, Yao Li, Qinfei Li, Piergiulio Cappelletti et Hans-Rudolf Wenk | titre = Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete | périodique = American Mineralogist | volume = 102 | numéro = 7 | pages = 1435-1450 | doi = https://doi.org/10.2138/am-2017-5993CCBY | date = 1er juillet 2017 | lire en ligne = https://pubs.geoscienceworld.org/ammin/article-lookup/102/7/1435}}.</ref>, ont révélé la formation de cette [[tobermorite]] d'aluminium pour chacun des échantillons prélevés dans le ''Portus Cosanus'' ({{coord|42.4079N|11.2933E}}), dans le ''Baianus Sinus'' ({{coord|40.8228N|14.0885E}}), dans le ''Portus Neronis'' ({{coord|41.4432N|12.6314E}}) et dans le [[Portus_(port_romain)|''Portus Traianus'']] ({{coord|41.7785N|12.2520E}}), où ils ont subi l'action des vagues depuis leur

réalisation.
Son succès s'explique par l'emploi de matériaux {{incise|les ''{{lang|la|caementa}}''}} dont la préparation n'exigeait pas de compétence particulière. Il pouvait dès lors être réalisé par une main-d’œuvre servile abondante. Beaucoup de constructions réalisées en bonne maçonnerie nous sont parvenues quasi intactes. De plus, le mélange a permis la réalisation de [[voûte]] monobloc (dite [[voûte concrète]]) d'une portée de plusieurs dizaines de mètres, comme pour la [[basilique de Maxence]] ou le [[Panthéon de Rome]].


== Travaux en mer ==
== Travaux en mer ==
[[Fichier:Caesarea Concrete Bath.jpg|vignette|Port de Césarée : un exemple de la technologie du béton sous-marin romain à grande échelle.]]
[[Fichier:Caesarea Concrete Bath.jpg|vignette|Port de Césarée : un exemple de la technologie du béton sous-marin romain à grande échelle.]]
On comprend que la résistance et la longévité du béton «marin» romain bénéficient d'une réaction de l'eau de mer avec un mélange de cendres volcaniques et de chaux vive pour créer un cristal rare appelé tobermorite, qui peut résister à la fracturation. Lorsque l'eau de mer s'est infiltrée dans les minuscules fissures du béton romain, elle a réagi avec la phillipsite naturellement présente dans la roche volcanique et a créé des cristaux de tobermorite alumineux. Le résultat est un candidat pour "le matériau de construction le plus durable de l'histoire de l'humanité". En revanche, le béton moderne exposé à l'eau salée se détériore en quelques décennies<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Marie D.|nom1=Jackson|prénom2=Sean R.|nom2=Mulcahy|prénom3=Heng|nom3=Chen|prénom4=Yao|nom4=Li|titre=Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete|périodique=American Mineralogist|volume=102|numéro=7|date=2017-07-01|issn=1945-3027|doi=10.2138/am-2017-5993CCBY|lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.2138/am-2017-5993CCBY/html|consulté le=2023-03-14|pages=1435–1450}}</ref>.
Les Romains ont d'abord utilisé le béton hydraulique dans les structures sous-marines côtières, probablement dans les ports autour de Baiae avant la fin du IIe siècle av.  Le port de Césarée est un exemple (22-15 av. J.-C.) de l'utilisation à grande échelle de la technologie du béton sous-marin romain<ref>Oleson et al., 2004, The ROMACONS Project: A Contribution to the Historican and Engineering Analysis of the Hydrauilc Concrete in Roman Maritime Structures, International Journal of Nautical Archaeology 33.2: 199-229</ref>.


Les Romains ont d'abord utilisé le béton hydraulique dans les structures sous-marines côtières, probablement dans les ports autour de Baiae avant la fin du IIe siècle av.  Le port de Césarée est un exemple (22-15 av. J.-C.) de l'utilisation à grande échelle de la technologie du béton sous-marin romain<ref>Oleson et al., 2004, The ROMACONS Project: A Contribution to the Historican and Engineering Analysis of the Hydrauilc Concrete in Roman Maritime Structures, International Journal of Nautical Archaeology 33.2: 199-229</ref>.
Ces ciments ont survécu à dix-neuf siècles d'érosion marine<ref>{{Lien web |titre=Unlocking the secrets of Al-tobermite in Roman seawater concrete |url=https://pubs.geoscienceworld.org/msa/ammin/article/98/10/1669/45726/Unlocking-the-secrets-of-Al-tobermorite-in-Roman |site=pubs.geoscienceworld.org |consulté le=2023-03-07}}</ref>. La résistance et la longévité du béton «marin» romain bénéficient d'une réaction de l'eau de mer avec un mélange de cendres volcaniques et de chaux vive pour créer un cristal rare appelé tobermorite, qui peut résister à la fracturation.  Lorsque l'eau de mer s'est infiltrée dans les minuscules fissures du béton romain, elle a réagi avec la phillipsite naturellement présente dans la roche volcanique et a créé des cristaux de tobermorite alumineuse<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Marie D.|nom1=Jackson|prénom2=Sean R.|nom2=Mulcahy|prénom3=Heng|nom3=Chen|prénom4=Yao|nom4=Li|titre=Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete|périodique=American Mineralogist|volume=102|numéro=7|date=2017-07-01|issn=1945-3027|doi=10.2138/am-2017-5993CCBY|lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.2138/am-2017-5993CCBY/html|consulté le=2023-03-07|pages=1435–1450}}</ref>.


Ces ciments ont survécu à dix-neuf siècles d'érosion marine<ref name=":3">{{Lien web |titre=Unlocking the secrets of Al-tobermite in Roman seawater concrete |url=https://pubs.geoscienceworld.org/msa/ammin/article/98/10/1669/45726/Unlocking-the-secrets-of-Al-tobermorite-in-Roman |site=pubs.geoscienceworld.org |consulté le=2023-03-07}}</ref>. La résistance et la longévité du béton «marin» romain bénéficient d'une réaction de l'eau de mer avec un mélange de cendres volcaniques et de chaux vive pour créer un cristal rare appelé tobermorite, qui peut résister à la fracturation.  Lorsque l'eau de mer s'est infiltrée dans les minuscules fissures du béton romain, elle a réagi avec la phillipsite naturellement présente dans la roche volcanique et a créé des cristaux de tobermorite alumineuse<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Marie D.|nom1=Jackson|prénom2=Sean R.|nom2=Mulcahy|prénom3=Heng|nom3=Chen|prénom4=Yao|nom4=Li|titre=Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete|périodique=American Mineralogist|volume=102|numéro=7|date=2017-07-01|issn=1945-3027|doi=10.2138/am-2017-5993CCBY|lire en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.2138/am-2017-5993CCBY/html|consulté le=2023-03-07|pages=1435–1450}}</ref>.
En revanche, le béton moderne exposé à l'eau salée se détériore en quelques décennies. Les tests de durabilité portant sur des bétons contemporains sont très jeunes : Ciment et & Architecture<ref>{{lien web | url = http://www.cimentetarchitecture.com/fr/Ciment-naturel-Prompt/Les-proprietes-de-base/Durabilite | titre = Les propriétés de base : durabilité | site = cimentetarchitecture.com | consulté le = 17 mars 2021}}.</ref> décrit des mesures effectuées dans le port de La Rochelle en 1930, qui ont permis de qualifier le [[ciment naturel prompt]], selon la norme NF P15-314 comme « ciments pour travaux à la mer ».

En revanche, le béton moderne exposé à l'eau salée se détériore en quelques décennies. Les tests de durabilité portant sur des bétons contemporains sont très jeunes : Ciment et & Architecture<ref>{{lien web | url = http://www.cimentetarchitecture.com/fr/Ciment-naturel-Prompt/Les-proprietes-de-base/Durabilite | titre = Les propriétés de base : durabilité | site = cimentetarchitecture.com | consulté le = 17 mars 2021}}.</ref> décrit des mesures effectuées dans le port de La Rochelle en 1930, qui ont permis de qualifier le [[ciment naturel prompt]], selon la norme NF P15-314 comme « ciments pour travaux à la mer »<ref name=":3" />.

== Utilisation moderne ==
Les études scientifiques sur le béton romain depuis 2010 ont attiré l'attention des médias et de l'industrie. En raison de sa durabilité et de sa longévité inhabituelles et de son empreinte environnementale réduite, les entreprises et les municipalités commencent à explorer l'utilisation du béton de style romain en Amérique du Nord. Il s'agit de remplacer les cendres volcaniques par des cendres volantes de charbon aux propriétés similaires. Les promoteurs affirment que le béton fabriqué avec des cendres volantes peut coûter jusqu'à 60 % moins cher car il nécessite moins de ciment. Il a également une empreinte environnementale réduite en raison de sa température de cuisson plus basse et de sa durée de vie beaucoup plus longue<ref>{{Lien web |langue=en |titre=By 25 BC, ancient Romans developed a recipe for concrete specifically used for underwater work which is essentially the same formula used today. |url=https://www.thevintagenews.com/2016/09/06/priority-25-bc-ancient-romans-developed-recipe-concrete-specifically-used-underwater-work-essentially-formula-used-today/ |site=thevintagenews |date=2016-09-06 |consulté le=2023-03-14}}</ref>. Des exemples utilisables de béton romain exposé à des environnements marins difficiles se sont avérés vieux de 2000 ans avec peu ou pas d'usure<ref>{{Lien web |url=https://pubs.geoscienceworld.org/msa/ammin/article/98/10/1669/45726/Unlocking-the-secrets-of-Al-tobermorite-in-Roman |site=pubs.geoscienceworld.org |consulté le=2023-03-14}}</ref>.

En 2013, l'Université de Californie à Berkeley a publié un article décrivant pour la première fois le mécanisme par lequel le composé suprastable de calcium-aluminium-silicate-hydrate lie le matériau.[27] Au cours de sa production, moins de dioxyde de carbone est rejeté dans l'atmosphère que n'importe quel processus de production de béton moderne.[28] Ses inconvénients incluent le temps de séchage plus long et une résistance quelque peu inférieure à celle du béton moderne, malgré sa plus grande durabilité. Ce n'est pas un hasard si les murs des édifices romains sont plus épais que ceux des édifices modernes. Cependant, le béton romain gagnait encore en force pendant plusieurs décennies après la fin de la construction, ce qui n'est pas le cas des bétons modernes.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
Bibliographie

* Adam, Jean-Pierre; Mathews, Anthony (2014). ''Roman Building''. Florence: Taylor & Francis. ISBN <bdi>9780203984369</bdi>.
* Lancaster, Lynne C. (2009). ''Concrete Vaulted Construction in Imperial Rome: innovations in context''. Cambridge University Press. ISBN <bdi>9780521842020</bdi>.
* Lechtman, Heather; Hobbs, Linn (1986). "Roman Concrete and the Roman Architectural Revolution". In W.D. Kingery (ed.). ''Ceramics and Civilization''. Vol. 3: High Technology Ceramics: Past, Present, Future. American Ceramics Society. ISBN <bdi>091609488X</bdi>.
* MacDonald, William Lloyd (1982). ''The Architecture of the Roman Empire, v.2, an Urban Appraisal''. New Haven: Yale University Press. ISBN <bdi>9780300034561</bdi>.

=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
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Version du 14 mars 2023 à 20:07

Noyau en opus caementicium d'une tombe de la voie Appienne.

L'opus caementicium (du latin caementum : moellon, pierre brute, agrégat), également appelé le béton romain, était utilisé dans la construction dans la Rome antique. Comme son équivalent moderne, le béton romain reposait sur un ciment à prise hydraulique ajouté à un granulat.

De nombreux bâtiments et ouvrages encore debout aujourd'hui, comme des ponts, des réservoirs et des aqueducs, ont été construits avec ce matériau, ce qui témoigne à la fois de sa polyvalence et de sa durabilité. Sa résistance était parfois renforcée par l'incorporation de de la pouzzolane lorsqu'elles étaient disponibles (en particulier dans la baie de Naples). Cet ajout a empêché les fissures de se propager. Des recherches récentes ont montré que l'incorporation de clastes de chaux permettait au béton d'auto-réparer les fissures[1][2].

Le dôme du Panthéon de Rome, vu de l'intérieur.

L'opus caementicium est l'une des clés de la réussite de la construction romaine, qui s'est développée à la fin du IIIe siècle av. J.-C. dans le Latium et en Campanie et s’est rapidement diffusée dans l'ensemble du monde romain[3][4]. Le secret du béton romain durable (opus caementicium) a été perdu pour le monde avec l'effondrement de l' empire[4].

Le béton romain était fréquemment utilisé en combinaison avec des revêtements et d'autres supports[5] et les intérieurs étaient en outre décorés de stuc, de fresques ou de marbre coloré. D'autres développements innovants dans le matériau - faisant partie de la 'révolution du béton' - ont contribué à des formes structurellement compliquées. L'exemple le plus frappant de ceux-ci est le dôme du Panthéon, le plus grand et le plus ancien dôme en béton non armé du monde.

Références historiques

Vitruve, écrivant vers 25 av. J.-C. dans son De architectura, distingue les types de matériaux appropriés à la préparation des mortiers de chaux. Pour les mortiers structuraux, il a recommandé la pouzzolane (pulvis puteolanus en latin), le sable volcanique des lits de Pozzuoli, de couleur brun-jaune-gris dans la région de Naples et brun rougeâtre près de Rome. Vitruve spécifie un rapport de 1 partie de chaux pour 3 parties de pouzzolane pour le mortier utilisé dans les bâtiments et un rapport de 1:2 pour les travaux sous-marins[6][7].

Les Romains ont d'abord utilisé le béton hydraulique dans les structures sous-marines côtières, probablement dans les ports autour de Baiae avant la fin du IIe siècle avant JC.[13] Le port de Césarée est un exemple (22-15 av. J.-C.) de l'utilisation à grande échelle de la technologie du béton sous-marin romain[7].

Pour reconstruire Rome après l'incendie de 64 après JC qui a détruit de grandes parties de la ville, le nouveau code du bâtiment de Néron appelait en grande partie au béton à parement de brique.[citation nécessaire] Cela semble avoir encouragé le développement des industries de la brique et du béton.[11]Le béton romain diffère du béton moderne en ce que les agrégats comprenaient souvent des composants plus gros; par conséquent, il a été posé plutôt que coulé.[7] Les bétons romains, comme tout béton hydraulique, pouvaient généralement prendre sous l'eau, ce qui était utile pour les ponts et autres constructions au bord de l'eau.

Propriétés matérielles: durabilité et auto-guérison

Le béton romain, comme tout béton, est constitué d'un granulat et d'un chaux hydraulique, un liant mélangé à de l'eau qui durcit avec le temps. La composition de l'agrégat variait et comprenait des morceaux de roche, des carreaux de céramique, des clastes de chaux et des gravats de brique provenant des vestiges de bâtiments précédemment démolis. À Rome, le tuf (roche poreuse de faible densité) facilement disponible était souvent utilisé comme agrégat[8].

Gros plan du béton romain d'une tranche d'aqueduc romain exposé à Antibes, France

Le gypse et la chaux vive ont été utilisés comme liants[4]. Les poussières volcaniques, appelées pouzzolane ou "sable de fosse", étaient privilégiées là où elles pouvaient être obtenues. La pouzzolane rend le béton plus résistant à l'eau salée que le béton moderne.[15] Le mortier pouzzolanique avait une teneur élevée en alumine et en silice.

Des recherches de 2023 ont révélé que les clastes de chaux - auparavant considérés comme un signe de mauvaise technique d'agrégation - réagissent avec l'eau qui s'infiltre dans les fissures[9]. Cela produit du calcium réactif, qui permet à de nouveaux cristaux de carbonate de calcium de se former et de refermer les fissures.[16] Ces clastes de chaux ont une structure fragile qui a très probablement été créée dans une technique de "mélange à chaud" avec de la chaux vive plutôt que de la chaux éteinte traditionnelle, provoquant le déplacement préférentiel des fissures à travers les clastes de chaux, jouant ainsi potentiellement un rôle critique dans le mécanisme d'auto-guérison[10].

Le béton, et en particulier le chaux hydraulique responsable de sa cohésion, était un type de céramique structurale dont l'utilité découlait largement de sa plasticité rhéologique à l'état pâteux. La prise et le durcissement des ciments hydrauliques dérivés de l'hydratation des matériaux et l'interaction chimique et physique subséquente de ces produits d'hydratation. Cela différait de la prise des mortiers de chaux éteinte, les ciments les plus courants du monde pré-romain. Une fois pris, le béton romain présentait peu de plasticité, même s'il conservait une certaine résistance aux contraintes de traction.

La prise des ciments pouzzolaniques a beaucoup en commun avec la prise de leur homologue moderne, le ciment Portland. La composition élevée en silice des ciments pouzzolanes romains est très proche de celle des ciments modernes auxquels ont été ajoutés du laitier de haut fourneau, des cendres volantes ou de la fumée de silice.

Durabilité

Masse cristalline de tobermorite.

La longue durée de vie de certains ciments romains est due à la présence d'un minéral rare, issu de la réaction chimique entre la pouzzolane et la chaux hydratée, la tobermorite d'aluminium. La durabilité de ces ciments était évidente depuis des siècles, mais sa cause n'est déterminée expérimentalement que depuis .

Les figures de diffraction en rayons X réalisées en laboratoire, à l'aide d'un synchrotron[11], ont révélé la formation de cette tobermorite d'aluminium pour chacun des échantillons prélevés dans le Portus Cosanus (42° 24′ 25″ N, 11° 17′ 35″ E), dans le Baianus Sinus (40° 49′ 19″ N, 14° 05′ 17″ E), dans le Portus Neronis (41° 26′ 35″ N, 12° 37′ 52″ E) et dans le Portus Traianus (41° 46′ 41″ N, 12° 15′ 07″ E), où ils ont subi l'action des vagues depuis leur réalisation.

Après le gâchage du mortier de chaux à la main, le mélange avec les caementa était réalisé à la montée de l'ouvrage, en alternant des pelletées de mortier et de caillasse. Cette manière de procéder est différente de celle pratiquée pour le béton de ciment moderne, dans lequel le mélange de mortier et de cailloux est préparé à l'avance. L'ensemble était éventuellement pilonné.

Le mélange avec les pierres provoquait le phénomène prise, consistant en la concrétion de l'ensemble (d'où le nom de maçonnerie concrète) avec la cristallisation d'une croûte de carbonate enveloppant les grains de pierre ou de tuileau[12].

Ce béton pouvait être utilisé seul (moulé dans des coffrages ou coulé dans des tranchées), ou former le remplissage et le noyau structurel des fondations, des murs, des dômes et des voûtes. Les parements constitués de moellons de taille et d'appareil divers (opus incertum, opus reticulatum, opus africanum, opus vittatum et opus mixtumetc.) servaient de coffrage perdu. On appelle aussi maçonnerie de blocage cette manière de faire.

À mesure de la montée du mur, on pouvait ménager des assises de brique sur toute l’épaisseur du mur, qui permettaient de régulariser et de renforcer l'ensemble par l’effet de chaînage.

Réalisations

Une vue du Panthéon à Rome, avec son dôme en opus caementicium

Le béton romain était fréquemment utilisé en combinaison avec des revêtements et d'autres supports[5] et les intérieurs étaient en outre décorés de stuc, de fresques ou de marbre coloré. D'autres développements innovants dans le matériau - faisant partie de la 'révolution du béton' - ont contribué à des formes structurellement compliquées. L'exemple le plus frappant de ceux-ci est le dôme du Panthéon, le plus grand et le plus ancien dôme en béton non armé du monde.

La définition d'opus caementicium fournie par l'archéologue Jean-Pierre Adam oscille dès lors entre celle d'une concrétion inébranlable fondée sur l'utilisation de la chaux — définition qu'a principalement retenu l'histoire — et d'autre part celle de la structure tripartite « parements-noyau », dans lequel la partie centrale — le remplissage, le noyau, le blocage — était constituée principalement par les caementa liés de manière solide par une bonne chaux ou, de manière sommaire, par une terre argileuse[13].

Son succès s'explique par l'emploi de matériaux — les caementa — dont la préparation n'exigeait pas de compétence particulière. Il pouvait dès lors être réalisé par une main-d’œuvre servile abondante. Beaucoup de constructions réalisées en bonne maçonnerie nous sont parvenues quasi intactes. De plus, le mélange a permis la réalisation de voûte monobloc (dite voûte concrète) d'une portée de plusieurs dizaines de mètres, comme pour la basilique de Maxence ou le Panthéon de Rome.

Travaux en mer

Port de Césarée : un exemple de la technologie du béton sous-marin romain à grande échelle.

On comprend que la résistance et la longévité du béton «marin» romain bénéficient d'une réaction de l'eau de mer avec un mélange de cendres volcaniques et de chaux vive pour créer un cristal rare appelé tobermorite, qui peut résister à la fracturation. Lorsque l'eau de mer s'est infiltrée dans les minuscules fissures du béton romain, elle a réagi avec la phillipsite naturellement présente dans la roche volcanique et a créé des cristaux de tobermorite alumineux. Le résultat est un candidat pour "le matériau de construction le plus durable de l'histoire de l'humanité". En revanche, le béton moderne exposé à l'eau salée se détériore en quelques décennies[14].

Les Romains ont d'abord utilisé le béton hydraulique dans les structures sous-marines côtières, probablement dans les ports autour de Baiae avant la fin du IIe siècle av.  Le port de Césarée est un exemple (22-15 av. J.-C.) de l'utilisation à grande échelle de la technologie du béton sous-marin romain[15].

Ces ciments ont survécu à dix-neuf siècles d'érosion marine[16]. La résistance et la longévité du béton «marin» romain bénéficient d'une réaction de l'eau de mer avec un mélange de cendres volcaniques et de chaux vive pour créer un cristal rare appelé tobermorite, qui peut résister à la fracturation.  Lorsque l'eau de mer s'est infiltrée dans les minuscules fissures du béton romain, elle a réagi avec la phillipsite naturellement présente dans la roche volcanique et a créé des cristaux de tobermorite alumineuse[17].

En revanche, le béton moderne exposé à l'eau salée se détériore en quelques décennies. Les tests de durabilité portant sur des bétons contemporains sont très jeunes : Ciment et & Architecture[18] décrit des mesures effectuées dans le port de La Rochelle en 1930, qui ont permis de qualifier le ciment naturel prompt, selon la norme NF P15-314 comme « ciments pour travaux à la mer »[16].

Utilisation moderne

Les études scientifiques sur le béton romain depuis 2010 ont attiré l'attention des médias et de l'industrie. En raison de sa durabilité et de sa longévité inhabituelles et de son empreinte environnementale réduite, les entreprises et les municipalités commencent à explorer l'utilisation du béton de style romain en Amérique du Nord. Il s'agit de remplacer les cendres volcaniques par des cendres volantes de charbon aux propriétés similaires. Les promoteurs affirment que le béton fabriqué avec des cendres volantes peut coûter jusqu'à 60 % moins cher car il nécessite moins de ciment. Il a également une empreinte environnementale réduite en raison de sa température de cuisson plus basse et de sa durée de vie beaucoup plus longue[19]. Des exemples utilisables de béton romain exposé à des environnements marins difficiles se sont avérés vieux de 2000 ans avec peu ou pas d'usure[20].

En 2013, l'Université de Californie à Berkeley a publié un article décrivant pour la première fois le mécanisme par lequel le composé suprastable de calcium-aluminium-silicate-hydrate lie le matériau.[27] Au cours de sa production, moins de dioxyde de carbone est rejeté dans l'atmosphère que n'importe quel processus de production de béton moderne.[28] Ses inconvénients incluent le temps de séchage plus long et une résistance quelque peu inférieure à celle du béton moderne, malgré sa plus grande durabilité. Ce n'est pas un hasard si les murs des édifices romains sont plus épais que ceux des édifices modernes. Cependant, le béton romain gagnait encore en force pendant plusieurs décennies après la fin de la construction, ce qui n'est pas le cas des bétons modernes.

Notes et références

  1. (en) David Ch et ler, « Riddle solved: Why was Roman concrete so durable? », sur techxplore.com (consulté le )
  2. (es) « Por esto el hormigón de los antiguos romanos era tan fuerte (y aún hoy podemos aprender de él) », sur Infoterio Noticias | Ciencia y Tecnología (consulté le )
  3. (en) Flavio Conti, A Profile of Ancient Rome, Getty Publications, , p. 150.
  4. a b et c « National Pozzolan Association: The History of Natural Pozzolans », sur pozzolan.org (consulté le )
  5. a et b « Aqua Clopedia, a picture dictionary on Roman aqueducts: Roman concrete / opus caementicium », sur www.romanaqueducts.info (consulté le )
  6. Vitruvius. De Architectura, Book II:v,1; Book V:xii2
  7. a et b Lechtman & Hobbs, 1986.
  8. (en-GB) « BBC One - Rome's Invisible City », sur BBC (consulté le )
  9. (en) Linda M. Seymour, Janille Maragh, Paolo Sabatini et Michel Di Tommaso, « Hot mixing: Mechanistic insights into the durability of ancient Roman concrete », Science Advances, vol. 9, no 1,‎ , eadd1602 (ISSN 2375-2548, PMID 36608117, PMCID PMC9821858, DOI 10.1126/sciadv.add1602, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) « Riddle solved: Why was Roman concrete so durable? », sur MIT News | Massachusetts Institute of Technology (consulté le )
  11. Marie D. Jackson, Sean R. Mulcahy, Heng Chen, Yao Li, Qinfei Li, Piergiulio Cappelletti et Hans-Rudolf Wenk, « Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete », American Mineralogist, vol. 102, no 7,‎ , p. 1435-1450 (DOI https://doi.org/10.2138/am-2017-5993CCBY, lire en ligne).
  12. René Vittone, Bâtir, PPUR Presses polytechniques, (lire en ligne), p. 123.
  13. Jean-Pierre Adam, La Construction romaine. Matériaux et techniques, Grands manuels picards, , 6e éd.
  14. (en) Marie D. Jackson, Sean R. Mulcahy, Heng Chen et Yao Li, « Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete », American Mineralogist, vol. 102, no 7,‎ , p. 1435–1450 (ISSN 1945-3027, DOI 10.2138/am-2017-5993CCBY, lire en ligne, consulté le )
  15. Oleson et al., 2004, The ROMACONS Project: A Contribution to the Historican and Engineering Analysis of the Hydrauilc Concrete in Roman Maritime Structures, International Journal of Nautical Archaeology 33.2: 199-229
  16. a et b « Unlocking the secrets of Al-tobermite in Roman seawater concrete », sur pubs.geoscienceworld.org (consulté le )
  17. (en) Marie D. Jackson, Sean R. Mulcahy, Heng Chen et Yao Li, « Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete », American Mineralogist, vol. 102, no 7,‎ , p. 1435–1450 (ISSN 1945-3027, DOI 10.2138/am-2017-5993CCBY, lire en ligne, consulté le )
  18. « Les propriétés de base : durabilité », sur cimentetarchitecture.com (consulté le ).
  19. (en) « By 25 BC, ancient Romans developed a recipe for concrete specifically used for underwater work which is essentially the same formula used today. », sur thevintagenews, (consulté le )
  20. Modèle {{Lien web}} : paramètre « titre » manquant. [1], sur pubs.geoscienceworld.org (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Adam, Jean-Pierre; Mathews, Anthony (2014). Roman Building. Florence: Taylor & Francis. ISBN 9780203984369.
  • Lancaster, Lynne C. (2009). Concrete Vaulted Construction in Imperial Rome: innovations in context. Cambridge University Press. ISBN 9780521842020.
  • Lechtman, Heather; Hobbs, Linn (1986). "Roman Concrete and the Roman Architectural Revolution". In W.D. Kingery (ed.). Ceramics and Civilization. Vol. 3: High Technology Ceramics: Past, Present, Future. American Ceramics Society. ISBN 091609488X.
  • MacDonald, William Lloyd (1982). The Architecture of the Roman Empire, v.2, an Urban Appraisal. New Haven: Yale University Press. ISBN 9780300034561.

Articles connexes