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« Homme de Denisova » : différence entre les versions

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Les '''hommes de Denisova''', ou '''Dénisoviens''', sont une [[espèce]] éteinte du genre ''[[Homo]]'', identifiée par [[analyse génétique]] en mars 2010 à partir d'ossements d'une jeune fille ayant vécu il y a environ 41 000 ans, retrouvée dans la [[grotte de Denisova]] (qui fut également habitée par des [[Homme de Néandertal|Néandertaliens]] et des [[Homo sapiens|hommes modernes]]) dans les montagnes de l'[[Altaï]]. Cette espèce est parfois appelée '''''Homo denisovensis''''' en forme latine scientifique, mais son statut en tant qu'espèce à part entière ou sous-espèce n'a pas encore été déterminé. Par conséquent, '''''Homo'' sp. ''Altai'''''<ref>{{Article|langue=en|titre=Exploring taxonomy|périodique=EMBL-EBI Train online|date=2012-01-24|lire en ligne=https://www.ebi.ac.uk/training/online/course/nucleotide-sequence-data-resources-ebi/guided-examples-using-ena/exploring-taxonomy|consulté le=2017-12-08}}</ref> et '''''Homo sapiens'' ssp. ''Denisova'''''<ref>{{Lien web|nom1=taxonomy|titre=Taxonomy Browser|url=https://www.ncbi.nlm.nih.gov/Taxonomy/Browser/wwwtax.cgi?lvl=0&id=741158|site=www.ncbi.nlm.nih.gov|consulté le=2017-12-08}}</ref> sont également des noms utilisés. [[Jean-Jacques Hublin]] estime qu'elle aurait vécu durant le [[Paléolithique moyen]] en Asie orientale, de la Sibérie à l'Asie du Sud-Est. La présence de cette espèce en [[Extrême-Orient]] est à rechercher selon lui parmi des [[Préhistoire de la Chine#Les Dénisoviens pour les études futures ?|fossiles connus]]<ref>Jean-Jacques Hublin (chaire de Paléoanthropologie au Collège de France , ([https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/ Jean-Jacques Hublin au Collège de France] : sur France Culture {{Lien web|langue=fr |format=enregistrement sonore |auteur1=Jean-Jacques Hublin |url=https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/neandertals-et-denisoviens-66-jean-jacques-hublin-cognition#xtor=EPR-2-[LaLettre05122016] |titre=Néandertals et Dénisoviens (3/6) : Jean-Jacques Hublin : Dénisova, le groupe frère asiatique |série=[réécoute] • Les Cours du Collège de France |jour=30 |mois=11 |année=2016 |site=France Culture |consulté le=6 décembre 2016|id=Jean-Jacques Hublin, Collège de France, 30/11/2016 }}, à partir de 00 48 00</ref>. Les analyses de l'[[Génome mitochondrial|ADNmt]] du fragment de phalange retrouvé ont prouvé que les Dénisoviens étaient génétiquement distincts des Néandertaliens et des hommes modernes. Le génome nucléaire du spécimen retrouvé suggère que les Dénisoviens partagent cependant un ancêtre commun avec les Néandertaliens, qu'ils vivaient de la [[Sibérie]] à l'[[Asie du Sud-Est|Asie du sud-est]] et qu'ils vécurent et s'hybridèrent avec les ancêtres de certains hommes modernes<ref>{{Article|langue=en-US|prénom1=Carl|nom1=Zimmer|titre=Denisovans Were Neanderthals’ Cousins, DNA Analysis Reveals|périodique=The New York Times|date=2010-12-22|issn=0362-4331|lire en ligne=https://www.nytimes.com/2010/12/23/science/23ancestor.html|consulté le=2017-12-08}}</ref> (3 à 5% de l'ADN des [[Mélanésie|Mélanésiens]] et des [[Aborigènes d'Australie]] étant issu des Dénisoviens)<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Ewen|nom1=Callaway|titre=First Aboriginal genome sequenced|périodique=Nature News|date=2011-09-22|doi=10.1038/news.2011.551|lire en ligne=http://www.nature.com/news/2011/110922/full/news.2011.551.html|consulté le=2017-12-08}}</ref><sup>,</sup><ref>{{Article|prénom1=By Elizabeth Landau,|nom1=CNN|titre=Oldest human DNA found in Spain - CNN|périodique=CNN|lire en ligne=http://www.cnn.com/2013/12/09/health/oldest-human-dna/|consulté le=2017-12-08}}</ref><sup>,</sup><ref>{{Article|langue=en|prénom1=Katherine|nom1=Harmon|titre=New DNA Analysis Shows Ancient Humans Interbred with Denisovans|périodique=Scientific American|lire en ligne=http://www.scientificamerican.com/article/denisovan-genome/|consulté le=2017-12-08}}</ref>.
Les '''hommes de Denisova''', ou '''Dénisoviens''', sont une [[espèce]] éteinte du genre ''[[Homo]]'', identifiée par [[analyse génétique]] en mars 2010 à partir d'ossements d'une jeune fille ayant vécu il y a environ 41 000 ans, retrouvée dans la [[grotte de Denisova]] (qui fut également habitée par des [[Homme de Néandertal|Néandertaliens]] et des [[Homo sapiens|hommes modernes]]) dans les montagnes de l'[[Altaï]]. Cette espèce est parfois appelée '''''Homo denisovensis''''' en forme latine scientifique, mais son statut en tant qu'espèce à part entière ou sous-espèce n'a pas encore été déterminé. Par conséquent, '''''Homo'' sp. ''Altai'''''<ref>{{Article|langue=en|titre=Exploring taxonomy|périodique=EMBL-EBI Train online|date=2012-01-24|lire en ligne=https://www.ebi.ac.uk/training/online/course/nucleotide-sequence-data-resources-ebi/guided-examples-using-ena/exploring-taxonomy|consulté le=2017-12-08}}</ref> et '''''Homo sapiens'' ssp. ''Denisova'''''<ref>{{Lien web|nom1=taxonomy|titre=Taxonomy Browser|url=https://www.ncbi.nlm.nih.gov/Taxonomy/Browser/wwwtax.cgi?lvl=0&id=741158|site=www.ncbi.nlm.nih.gov|consulté le=2017-12-08}}</ref> sont également des noms utilisés. [[Jean-Jacques Hublin]] estime qu'elle aurait vécu durant le [[Paléolithique moyen]] en Asie orientale, de la Sibérie à l'Asie du Sud-Est. La présence de cette espèce en [[Extrême-Orient]] est à rechercher selon lui parmi des [[Préhistoire de la Chine#Les Dénisoviens pour les études futures ?|fossiles connus]]<ref>Jean-Jacques Hublin (chaire de Paléoanthropologie au Collège de France , ([https://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/ Jean-Jacques Hublin au Collège de France] : sur France Culture {{Lien web|langue=fr |format=enregistrement sonore |auteur1=Jean-Jacques Hublin |url=https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/neandertals-et-denisoviens-66-jean-jacques-hublin-cognition#xtor=EPR-2-[LaLettre05122016] |titre=Néandertals et Dénisoviens (3/6) : Jean-Jacques Hublin : Dénisova, le groupe frère asiatique |série=[réécoute] • Les Cours du Collège de France |jour=30 |mois=11 |année=2016 |site=France Culture |consulté le=6 décembre 2016|id=Jean-Jacques Hublin, Collège de France, 30/11/2016 }}, à partir de 00 48 00</ref>. Les analyses de l'[[Génome mitochondrial|ADNmt]] du fragment de phalange retrouvé ont prouvé que les Dénisoviens étaient génétiquement distincts des Néandertaliens et des hommes modernes. Le génome nucléaire du spécimen retrouvé suggère que les Dénisoviens partagent cependant un ancêtre commun avec les Néandertaliens, qu'ils vivaient de la [[Sibérie]] à l'[[Asie du Sud-Est|Asie du sud-est]] et qu'ils vécurent et s'hybridèrent avec les ancêtres de certains hommes modernes<ref>{{Article|langue=en-US|prénom1=Carl|nom1=Zimmer|titre=Denisovans Were Neanderthals’ Cousins, DNA Analysis Reveals|périodique=The New York Times|date=2010-12-22|issn=0362-4331|lire en ligne=https://www.nytimes.com/2010/12/23/science/23ancestor.html|consulté le=2017-12-08}}</ref> (3 à 5% de l'ADN des [[Mélanésie|Mélanésiens]] et des [[Aborigènes d'Australie]] étant issu des Dénisoviens)<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Ewen|nom1=Callaway|titre=First Aboriginal genome sequenced|périodique=Nature News|date=2011-09-22|doi=10.1038/news.2011.551|lire en ligne=http://www.nature.com/news/2011/110922/full/news.2011.551.html|consulté le=2017-12-08}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=By Elizabeth Landau,|nom1=CNN|titre=Oldest human DNA found in Spain - CNN|périodique=CNN|lire en ligne=http://www.cnn.com/2013/12/09/health/oldest-human-dna/|consulté le=2017-12-08}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Katherine|nom1=Harmon|titre=New DNA Analysis Shows Ancient Humans Interbred with Denisovans|périodique=Scientific American|lire en ligne=http://www.scientificamerican.com/article/denisovan-genome/|consulté le=2017-12-08}}</ref>.


Des [[analyses génétiques]] réalisées en 2013 comparant un Denisovien à un Néandertalien découvert au même endroit révélèrent une hybridation locale ayant fourni 17% du génome denisovien, ainsi que des preuves d'une hybridation avec une autre souche archaïque encore inconnue du genre humain<ref name=":0">{{Article|langue=en|prénom1=Elizabeth|nom1=Pennisi|titre=More Genomes From Denisova Cave Show Mixing of Early Human Groups|périodique=Science|volume=340|numéro=6134|date=2013-05-17|issn=0036-8075|issn2=1095-9203|pmid=23687020|doi=10.1126/science.340.6134.799|lire en ligne=http://science.sciencemag.org/content/340/6134/799|consulté le=2017-12-08|pages=799–799}}</ref>. L'analyse ADN de deux dents trouvées à un autre niveau que la phalange a révélé un degré inattendu de divergence de l'ADNmt des Dénisoviens<ref name=":0" />.
Des [[analyses génétiques]] réalisées en 2013 comparant un Denisovien à un Néandertalien découvert au même endroit révélèrent une hybridation locale ayant fourni 17% du génome denisovien, ainsi que des preuves d'une hybridation avec une autre souche archaïque encore inconnue du genre humain<ref name=":0">{{Article|langue=en|prénom1=Elizabeth|nom1=Pennisi|titre=More Genomes From Denisova Cave Show Mixing of Early Human Groups|périodique=Science|volume=340|numéro=6134|date=2013-05-17|issn=0036-8075|issn2=1095-9203|pmid=23687020|doi=10.1126/science.340.6134.799|lire en ligne=http://science.sciencemag.org/content/340/6134/799|consulté le=2017-12-08|pages=799–799}}</ref>. L'analyse ADN de deux dents trouvées à un autre niveau que la phalange a révélé un degré inattendu de divergence de l'ADNmt des Dénisoviens<ref name=":0" />.
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== Découverte ==
== Découverte ==


En 2008, Michael Shunkov de l'Académie Russe des Sciences, accompagné d'[[Archélogie|archéologues]] de l'Institut d'Archéologie et d'Ethnologie de [[Novosibirsk]], explorèrent et fouillèrent la [[grotte de Denisova]], dans les montagnes de l'[[Altaï]] au sud de la [[Sibérie]]. Ils trouvèrent la [[Phalange (os)|phalange]] d'[[auriculaire (anatomie)|auriculaire]] d'un [[Hominina|hominine]] juvénile, puis ultérieurement un os d'orteil de pied, et deux dents dont une [[molaire (dent)|molaire]]<ref name="L'homme d'Altaï">[http://www.hominides.com/html/actualites/nouvelle-espece-hominide-siberie-0288.php L'homme d'Altaï, une nouvelle espèce d'hominidé ?], www.hominides.com, 24 mars 2010</ref>. Des objets trouvés dans la grotte au même niveau que les fragments fossiles ont été datés par le [[Datation par le carbone 14|carbone 14]] entre {{formatnum:30000}} et {{unité|48000|ans}} [[avant le présent]]<ref name="LeMonde24.03.2010">{{article|auteur=avec AFP|titre=Un nouveau type d'hominidé découvert en Sibérie|journal=[[Le Monde]].fr|date=24.03.2010|url=http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/03/24/un-nouveau-type-d-hominide-decouvert-en-siberie_1324052_3244.html}}</ref>.
La grotte de Denisova se trouve dans le sud-ouest de la Sibérie, près de la frontière avec la [[Chine]] et la [[Mongolie]]. Elle fut nommée ainsi en raison d'un ermite russe, Denis, qui y vécut au XVIIIème siècle. La grotte fut explorée pour la première fois dans les années 1970, par le [[Paléontologie|paléontologue]] russe Nikolai Ovodov, qui cherchait des fossiles de canidés<ref>{{Article|prénom1=Nikolai D.|nom1=Ovodov|prénom2=Susan J.|nom2=Crockford|prénom3=Yaroslav V.|nom3=Kuzmin|prénom4=Thomas F. G.|nom4=Higham|titre=A 33,000-Year-Old Incipient Dog from the Altai Mountains of Siberia: Evidence of the Earliest Domestication Disrupted by the Last Glacial Maximum|périodique=PLOS ONE|volume=6|numéro=7|date=2011-07-28|issn=1932-6203|doi=10.1371/journal.pone.0022821|lire en ligne=http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0022821|consulté le=2017-12-08|pages=e22821}}</ref>. En 2008, Michael Shunkov de l'Académie Russe des Sciences, accompagné d'[[Archélogie|archéologues]] de l'Institut d'Archéologie et d'Ethnologie de [[Novosibirsk]], explorèrent et fouillèrent la grotte. Ils trouvèrent la [[Phalange (os)|phalange]] d'[[auriculaire (anatomie)|auriculaire]] d'un [[Hominina|hominine]] juvénile de sexe féminin (connue comme la "femme X", en référence à la transmission matrilinéaire de l'ADNmt), puis ultérieurement un os d'orteil de pied, et deux dents dont une [[molaire (dent)|molaire]]<ref name="L'homme d'Altaï">[http://www.hominides.com/html/actualites/nouvelle-espece-hominide-siberie-0288.php L'homme d'Altaï, une nouvelle espèce d'hominidé ?], www.hominides.com, 24 mars 2010</ref>. Des objets (dont un bracelet) trouvés dans la grotte au même niveau que les fragments fossiles ont été datés par le [[Datation par le carbone 14|carbone 14]] entre {{formatnum:30000}} et {{unité|48000|ans}} [[avant le présent]]<ref name="LeMonde24.03.2010">{{article|auteur=avec AFP|titre=Un nouveau type d'hominidé découvert en Sibérie|journal=[[Le Monde]].fr|date=24.03.2010|url=http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/03/24/un-nouveau-type-d-hominide-decouvert-en-siberie_1324052_3244.html}}</ref>. Des fouilles plus récentes ont mis au jour des preuves d'une occupation intermittente remontant aux alentours de 125 000 ans<ref>Marshall, Michael (April 2014), "Mystery Relations" in ''New Scientist'' (5, April 2014)</ref>.


Une équipe de scientifiques menée par Johannes Krause et Svantee Pääbo, de l'[[institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste]] à Leipzig, en Allemagne, a [[Séquençage de l'ADN|séquencé l'ADNmt]] extrait du fragment de phalange.Le climat froid de la grotte préserva l'ADN, de par sa température moyenne annuelle de 0°C. L'analyse a prouvé que le dernier ancêtre commun aux trois espèces ayant occupé la grotte (Néandertaliens, Dénisoviens, ''Homo sapiens'') remonte à 1 million d'années.
En mars 2010, une première étude publiée révèla que l'analyse de l'ADN mitochondrial extrait de la phalange de doigt conduisait à l'attribuer à une nouvelle espèce humaine, appelée dès lors ''Homme de Denisova''<ref>{{en}} Johannes Krause, Qiaomei Fu, Jeffrey M. Good, Bence Viola, Michael V. Shunkov, Anatoli P. Derevianko, Svante Pääbo (2010) « The complete mitochondrial DNA genome of an unknown hominin from Southern Siberia », ''[[Nature (revue)|Nature]]'', {{nobr|vol. 464}}, {{nobr|pp. 894-897}} (24 mars 2010) ([http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature08976.html résumé en anglais])</ref>{{,}}<ref>{{en}} [http://www.the-scientist.com/blog/display/57254/#ixzz0j820ioz1 New hominin found via mtDNA], ''[[The Scientist]]''</ref>.


== Morphologie ==
== Morphologie ==

Version du 8 décembre 2017 à 17:25

Molaire de l'Homme de Denisova
Fragment de phalange de l'Homme de Denisova, et sa position dans la main
Localisation de la zone de découverte Altaï au sud de la Sibérie[1]
Touristes devant la grotte de Denisova

Les hommes de Denisova, ou Dénisoviens, sont une espèce éteinte du genre Homo, identifiée par analyse génétique en mars 2010 à partir d'ossements d'une jeune fille ayant vécu il y a environ 41 000 ans, retrouvée dans la grotte de Denisova (qui fut également habitée par des Néandertaliens et des hommes modernes) dans les montagnes de l'Altaï. Cette espèce est parfois appelée Homo denisovensis en forme latine scientifique, mais son statut en tant qu'espèce à part entière ou sous-espèce n'a pas encore été déterminé. Par conséquent, Homo sp. Altai[2] et Homo sapiens ssp. Denisova[3] sont également des noms utilisés. Jean-Jacques Hublin estime qu'elle aurait vécu durant le Paléolithique moyen en Asie orientale, de la Sibérie à l'Asie du Sud-Est. La présence de cette espèce en Extrême-Orient est à rechercher selon lui parmi des fossiles connus[4]. Les analyses de l'ADNmt du fragment de phalange retrouvé ont prouvé que les Dénisoviens étaient génétiquement distincts des Néandertaliens et des hommes modernes. Le génome nucléaire du spécimen retrouvé suggère que les Dénisoviens partagent cependant un ancêtre commun avec les Néandertaliens, qu'ils vivaient de la Sibérie à l'Asie du sud-est et qu'ils vécurent et s'hybridèrent avec les ancêtres de certains hommes modernes[5] (3 à 5% de l'ADN des Mélanésiens et des Aborigènes d'Australie étant issu des Dénisoviens)[6],[7],[8].

Des analyses génétiques réalisées en 2013 comparant un Denisovien à un Néandertalien découvert au même endroit révélèrent une hybridation locale ayant fourni 17% du génome denisovien, ainsi que des preuves d'une hybridation avec une autre souche archaïque encore inconnue du genre humain[9]. L'analyse ADN de deux dents trouvées à un autre niveau que la phalange a révélé un degré inattendu de divergence de l'ADNmt des Dénisoviens[9].

Découverte

La grotte de Denisova se trouve dans le sud-ouest de la Sibérie, près de la frontière avec la Chine et la Mongolie. Elle fut nommée ainsi en raison d'un ermite russe, Denis, qui y vécut au XVIIIème siècle. La grotte fut explorée pour la première fois dans les années 1970, par le paléontologue russe Nikolai Ovodov, qui cherchait des fossiles de canidés[10]. En 2008, Michael Shunkov de l'Académie Russe des Sciences, accompagné d'archéologues de l'Institut d'Archéologie et d'Ethnologie de Novosibirsk, explorèrent et fouillèrent la grotte. Ils trouvèrent la phalange d'auriculaire d'un hominine juvénile de sexe féminin (connue comme la "femme X", en référence à la transmission matrilinéaire de l'ADNmt), puis ultérieurement un os d'orteil de pied, et deux dents dont une molaire[1]. Des objets (dont un bracelet) trouvés dans la grotte au même niveau que les fragments fossiles ont été datés par le carbone 14 entre 30 000 et 48 000 ans avant le présent[11]. Des fouilles plus récentes ont mis au jour des preuves d'une occupation intermittente remontant aux alentours de 125 000 ans[12].

Une équipe de scientifiques menée par Johannes Krause et Svantee Pääbo, de l'institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste à Leipzig, en Allemagne, a séquencé l'ADNmt extrait du fragment de phalange.Le climat froid de la grotte préserva l'ADN, de par sa température moyenne annuelle de 0°C. L'analyse a prouvé que le dernier ancêtre commun aux trois espèces ayant occupé la grotte (Néandertaliens, Dénisoviens, Homo sapiens) remonte à 1 million d'années.

Morphologie

On sait peu de choses sur les caractéristiques morphologiques des Dénisoviens, puisque les seuls vestiges découverts sont un os de doigt et deux dents, dont le matériel génétique a pu être recueilli, et un os d'orteil de pied. L'os de doigt est exceptionnellement large et robuste, bien en dehors de la variation observée chez les humains modernes. Il appartenait à une femme, ce qui indique que les Dénisoviens étaient extrêmement robustes, peut-être même de la constitution de l'homme de Néandertal.

Une molaire exhumée dans la grotte, appartenant à un autre individu, est très grosse et archaïque d'aspect, indiquant selon les auteurs que l'histoire évolutive des hommes de Denisova est distincte de celles des Néandertaliens et des Homo sapiens. Cette dent ne partage pas de caractéristiques morphologiques dérivées avec l'Homme de Néandertal ou les humains modernes[13].

Une caractérisation morphologique initiale de l'os de l'orteil a conduit à suggérer qu'il pourrait avoir appartenu à un hybride unique Néandertal-Dénisovien, bien qu'un porte-parole ait suggéré que la morphologie n'était pas concluante.

Cohabitation ou succession ?

La stratigraphie de la grotte de Denisova montre une occupation de la grotte par des Dénisoviens, des Néandertaliens, et des Homo sapiens à des époques proches, avec une succession probable de ces trois espèces dans l'ordre indiqué.

Parenté phylogénétique

En décodant à leur tour le génome de l'Homme de Denisova, et en le comparant avec celui de ses proches cousins, les Néandertaliens et l'Homo sapiens, des chercheurs, publiés en aout 2012 dans la revue américaine Science[14], révèlèrent notamment que la diversité génétique était assez importante chez les Dénisoviens.

L'analyse de l'ADN mitochondrial puis nucléaire de différents fossiles, menée de 2010 à 2016 par une équipe de scientifiques coordonnée par Svante Pääbo de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste à Leipzig en Allemagne, a montré que l'Homme de Denisova aurait un ancêtre commun avec l'Homme de Néandertal daté d'environ 450 000 ans[13]. Tous deux partageraient un ancêtre commun avec l'Homo sapiens remontant à environ 660 000 ans.

Ces résultats s'appuient notamment sur l'analyse en 2016 de l'ADN nucléaire de deux spécimens fossiles de la Sima de los Huesos (Espagne), datés de 430 000 ans, attribués à l'Homme de Néandertal, et jugés postérieurs à la séparation d'avec l'Homme de Denisova[15].

Hybridation

Ces analyses ont également montré que des Homo sapiens, des Néandertaliens, et des Dénisoviens avaient eu des relations sexuelles interfécondes et avaient produit des hybrides dont les gènes se sont ensuite diffusés dans les espèces voisines[16],[17].

L'Homme de Denisova aurait notamment contribué à hauteur de 4 à 6 % au génome des Papous et des aborigènes australiens actuels, et pour moins de 1 % au génome des populations d'Extrême-Orient. Les chercheurs en concluent que l'Homme de Denisova devait être relativement répandu en Asie orientale à la fin du Pléistocène[18].

Gènes dénisoviens sélectionnés chez Homo sapiens

Plusieurs études montrent qu'une partie du matériel génétique des Dénisoviens a été sélectionnée chez certaines populations d'Homo sapiens.

Le transfert de gènes dénisoviens vers les hommes modernes a laissé la plus forte fréquence d'une variante des gènes HLA (HLA-B) dans les populations d'Asie occidentale, endroit où des accouplements entre Homo sapiens et Dénisoviens se seraient produits.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, un gène dénisovien permettrait aux Papous de détecter des parfums très subtils.

Un gène dénisovien lié à l'hémoglobine permettrait aux populations himalayennes de vivre en altitude, où l'air est pauvre en oxygène[19]. Un variant du gène EPAS1 provenant des Dénisoviens améliore le transport d'oxygène et est présent seulement chez les Tibétains, et chez les Chinois Han dans une moindre proportion[20].

D'après une étude de l'université de Berkeley, les Inuits possèdent une variante très particulière du chromosome 1, portant deux gènes, TBX15 et WAR2. Le gène TBX15 joue un rôle dans le développement du corps et notamment dans celui du tissu graisseux brun, utilisé pour produire de la chaleur en cas de froid. Plus on remonte vers le Nord, plus cette variante génomique apparaît fréquente parmi les populations asiatiques, alors qu’elle est absente en Afrique, et rare en Europe. Ce gène ressemble bien plus à celui de l'homme de Denisova, qu'à celui des autres populations humaines modernes. Les chercheurs émettent donc l'hypothèse que l'homme de Denisova aurait transmis une partie de son génome à Homo sapiens en Asie. Puis, au gré des migrations humaines, elle se serait répandue un peu partout sur la planète - on retrouve en effet cette séquence dans d'autres populations humaines, mais avec une fréquence bien moindre - et aurait connu une sélection naturelle particulièrement forte chez les Inuits[21],[22].

Comme souvent quand ils proviennent d'hybrides interspécifiques, ces gènes auraient été transmis par les hybrides femelles, les progénitures mâles étant probablement infertiles ou soumis à une sélection sexuelle défavorable, et ces gènes sont absents du chromosome X[19],[23].

Principaux fossiles candidats Dénisoviens

Certaines découvertes antérieures de fossiles humains pourraient appartenir à l'Homme de Denisova. Ces fossiles étaient antérieurement considérés comme des Homo erectus tardifs ou des Homo sapiens archaïques, ou étaient en attente de dénomination. Il n'y a pas de consensus scientifique à ce jour pour fixer leur attribution.

  • Homme de Jinniushan (Chine, Liaoning)
    • Découverte : 1984 par Lu Zune
    • Capacité crânienne estimée : 1260-1400 cm3
    • Datation : entre -280 000 et -200 000 ans
  • Homme de Dali (Chine, Shaanxi)
    • Découverte : 1978 par Shuntang Liu
    • Capacité crânienne estimée : 1120 cm3
    • Datation : -210 000 ans

D'autres fossiles de Chine ou d'Asie déjà découverts et décrits pourraient allonger cette liste. En effet, l'Asie est encore très mal cernée en matière d'évolution humaine.

Notes et références

  1. a et b L'homme d'Altaï, une nouvelle espèce d'hominidé ?, www.hominides.com, 24 mars 2010
  2. (en) « Exploring taxonomy », EMBL-EBI Train online,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. taxonomy, « Taxonomy Browser », sur www.ncbi.nlm.nih.gov (consulté le )
  4. Jean-Jacques Hublin (chaire de Paléoanthropologie au Collège de France , (Jean-Jacques Hublin au Collège de France : sur France Culture Jean-Jacques Hublin, « Néandertals et Dénisoviens (3/6) : Jean-Jacques Hublin : Dénisova, le groupe frère asiatique » [enregistrement sonore], [réécoute] • Les Cours du Collège de France, sur France Culture, (consulté le ), à partir de 00 48 00
  5. (en-US) Carl Zimmer, « Denisovans Were Neanderthals’ Cousins, DNA Analysis Reveals », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Ewen Callaway, « First Aboriginal genome sequenced », Nature News,‎ (DOI 10.1038/news.2011.551, lire en ligne, consulté le )
  7. By Elizabeth Landau, CNN, « Oldest human DNA found in Spain - CNN », CNN, {{Article}} : paramètre « date » manquant (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Katherine Harmon, « New DNA Analysis Shows Ancient Humans Interbred with Denisovans », Scientific American, {{Article}} : paramètre « date » manquant (lire en ligne, consulté le )
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Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

  • Homme de Xuchang
  • Homme de Xujiayao
  • Homme de Maludong
  • Homme de l'Ordos
  • Homme de Narmada
  • Homme de Ryonggok